Chapter 2



— Et il t'a renvoyée ? Valencia, qu'est-ce que tu as encore fait ?

J'attrapai nos deux verres de vin et les ramenai jusqu'au canapé où ma tante était assise.

— Je me suis fait virer, répondis-je en lui tendant son verre.

Je m'installai ensuite à ses côtés, croisant les jambes avec nonchalance.

— Je ne sais pas quoi te dire. Peut-être que tu es allée trop vite... Comment tu vas faire maintenant ? Je croyais que tu voulais garder ton indépendance, même si, bon, on vit encore ensemble.

Elle prit une gorgée de vin, me fixant avec une inquiétude qui lui allait mal.

— J'ai des projets, si tu veux savoir, mais pour l'instant, je ne dirai rien de plus. Seulement que demain, je vais chercher mes dernières affaires au bureau, et après... je prendrai des vacances. Oui, des vacances. Ou alors, on pourrait déménager à Londres, lançai-je pour la prendre à l'usure.

— Tu as raison. Il faut que j'arrête d'avoir peur. Alors on le fait. On déménage à Londres !

— Oui, voilà qui est dit. On déménage à Londres ! répétai-je en levant mon verre pour trinquer.

— Je dois avouer que j'ai de la chance de t'avoir, tu sais. Avec Héléna qui est partie récemment, j'ai bien cru que toi aussi tu finirais par partir. Tu sais, je repense souvent à ta mère, et je suis certaine qu'elle serait fière de la femme que tu es devenue. Regarde-toi : tu es restée la même malgré ces dix années ensemble.

— Il faut dire que je n'ai pas vraiment le choix, tu sais. Tu es la seule famille qu'il me reste. Et je te l'ai dit, je partirai seulement quand tu trouveras un homme. Je ne vais pas rester éternellement ici, j'ai vingt-deux ans, il faudra bien que je vole de mes propres ailes.

— Sympa... À moins que ce soit toi qui trouves un homme, lança-t-elle en me bousculant légèrement.

— Attention, Laureen, pas de vin sur le canapé Rohe Knöll ! Tu te souviens combien il nous a coûté ? Si on renverse une goutte, ce serait la fin du monde, répondis-je en posant mon verre sur la table basse.

— Qu'est-ce qui nous prend de boire du vin sur ce canapé, sérieusement ?

— Qu'est-ce qui nous a pris de choisir un canapé blanc fait main, surtout ? dis-je en souriant légèrement.

— Tu te rappelles ? Au début, on n'osait même pas s'asseoir dessus parce qu'il était trop blanc !

— Et toi, tu criais dès que j'approchais de la nourriture à moins d'un mètre du canapé, répliquai-je en la regardant rire en tentant de se justifier.

Tante Laureen était la seule famille qu'il me restait. Ma mère était morte dans un accident de voiture quand j'avais dix ans. Elle n'avait pas survécu, et moi, j'étais restée deux semaines dans le coma. Ma garde avait été confiée à ma tante, puisque je ne connaissais pas mon père.

Au fil du temps, les souvenirs de cet accident s'étaient estompés. Était-ce une bonne chose ? Je n'en savais rien. Mais j'avais eu de la chance d'avoir ma tante. Sans elle, j'aurais sûrement fini dans des foyers d'accueil... ou pire.

Même si, il fallait le dire, Laureen n'était pas toujours facile à vivre. Et elle buvait beaucoup. Vraiment beaucoup.

La soirée se déroula sans encombre, jusqu'au lendemain, où je me retrouvai devant l'immeuble de mon ancien lieu de travail, un carton rempli de mes affaires personnelles posé à mes pieds. J'attendais impatiemment mon taxi.

Je me sentais enfin libérée. Oui, c'était le mot : libre.

Je sortis une cigarette, prête à m'en griller une, mais évidemment, mon briquet avait décidé de me trahir. Il fallait toujours qu'un détail gâche tout.

— Vous êtes toujours là, lança une voix dans mon dos.

Je me retournai, la cigarette coincée entre mes lèvres. Mon instinct m'ordonna de rouler des yeux et d'ignorer cette voix.

Carlos Lux se tenait devant moi, vêtu d'un costume noir impeccable. Toujours aussi soigné. Toujours aussi sexy. Pourquoi ça changerait, d'ailleurs ?

— Et vous aussi ? Deux jours sans me croiser, c'est un record, non ? dis-je en retirant ma cigarette pour la coincer entre mes doigts.

Il s'approcha, son parfum boisé envahissant mes narines. Et bien sûr, il sentait divinement bon. Il fouilla dans la poche intérieure de sa veste, en sortit un zippo et l'alluma.

Je le regardai avec méfiance avant d'approcher ma cigarette pour qu'il l'allume. Puis il rangea son briquet sans un mot.

— Qu'est-ce que vous faites ici ?

— Je suis venue chercher les affaires que je n'ai pas pu récupérer hier. Le grand patron m'a virée, vous vous souvenez ?

— On m'a rapporté que vous n'étiez plus satisfaite de votre poste, dit-il en mettant les mains dans ses poches.

— Ah oui ? Qui vous a dit ça ? demandai-je en le regardant brièvement.

Il baissa la tête et émit un rire moqueur. Génial, maintenant il se foutait de moi.

— Qu'est-ce qui vous fait rire comme ça ?

— Vous.

— Moi ? Heureuse de vous amuser, mais je dois vous laisser. Mon taxi vient d'arriver, lançai-je en écrasant mon mégot au sol.

Je ramassai mon carton et me dirigeai vers la voiture.

— Et maintenant, qu'est-ce que vous allez faire ? demanda-t-il.

— Ce ne sont pas vos affaires.

— Rappelez-moi votre nom ?

— Fox.

— Comme Paul Fox ?

— Exact. Et sur ce, bonne journée.

Je m'apprêtai à monter dans le taxi, mais il me tendit une carte de visite.

— Si jamais vous cherchez un travail, contactez-moi.

— Ça m'étonnerait, mais merci, dis-je en fermant la portière.

— Mercer Street, s'il vous plaît, indiquai-je au chauffeur.


Plus tard dans la soirée, je m'étais préparée pour le vernissage de mon amie Natasha Polinski. Natasha et moi nous étions rencontrées deux ans plus tôt, et ce que j'appréciais chez elle, c'était son côté à la fois simpliste et artistique. Bon, pour être honnête, je ne comprenais pas toujours son art, mais j'aimais son audace.

Elle m'avait invitée à son exposition, et c'était ma façon de la soutenir en y assistant. Ce soir-là, je portais une robe courte en dentelle blanche, à col montant. Simple mais élégante, ça ferait l'affaire. Une fois prête, je sortis de chez moi, direction l'exposition.

Une vingtaine de minutes plus tard, j'arrivais sur place.

— Ah, Valencia, te voilà ! Je te cherchais partout ! lança Natasha, rayonnante, alors que je présentais ma carte d'invitation à l'entrée.

— Et me voilà, répondis-je en souriant.

— Tu es canon, non mais sérieusement, regarde-toi un peu ! dit-elle en s'approchant pour m'examiner de la tête aux pieds.

— Je dois admettre que tu n'es pas mal non plus, répliquai-je en regardant son tailleur bleu ciel, qui lui allait à ravir.

— Un compliment de ta part ? Cette soirée s'annonce parfaite, je le sens ! Alors, raconte-moi tout, qu'est-ce qui est nouveau ? dit-elle en me prenant par le bras pour m'entraîner à travers la salle.

— Eh bien... Je me suis fait virer. Et je vais peut-être bientôt déménager à Londres. Mais peu importe, on aura tout le temps d'en reparler. Pour l'instant, je veux voir tes tableaux et essayer de leur trouver un sens.

— Oh, dans ce cas, il te faut ça !

Elle attrapa deux coupes de champagne sur un plateau qui passait à côté et m'en tendit une.

— À toi et à ton succès, lançai-je en levant mon verre pour trinquer.

À ce moment-là, une femme s'approcha d'elle et lui chuchota quelque chose à l'oreille. Natasha écarquilla les yeux, surprise.

— Tu ne vas pas y croire ! chuchota-t-elle en se tournant vers moi.

— Quoi ?

— J'ai déjà des acheteurs pour plusieurs de mes tableaux ! Je dois m'éclipser quelques instants. Profite-en pour faire le tour !

Elle s'éloigna, visiblement euphorique, et je me retrouvai seule au milieu de cette salle immaculée, un verre de champagne à la main. J'observai les invités autour de moi : des hommes en smoking noir, des femmes vêtues de robes aux couleurs neutres. Sans doute pour ne pas voler la vedette aux œuvres exposées.

Je m'approchai d'un tableau en particulier. Mon regard s'y attarda. C'était... étrange. Très étrange. Bordel, qu'est-ce que Natasha avait bien pu créer cette fois-ci ?

— Elle a sûrement fait tomber sa palette de couleurs sur la toile, intervint une voix masculine à mes côtés.

— Sûrement, répondis-je en plissant les yeux, toujours concentrée sur l'œuvre.

Je savais déjà qui était à mes côtés avant même de tourner la tête.

— Vous n'êtes pas surprise de me voir ? demanda Carlos Lux, un sourire en coin.

— Je vous ai vu entrer en arrivant. Je devrais l'être ?

— Vous êtes magnifique dans cette robe, dit-il simplement.

— Je sais.

Il esquissa un sourire amusé, mais je n'avais aucune envie de jouer à ce petit jeu. Pourquoi s'obstinait-il à vouloir me parler ?

— Alors...

— Je vous arrête tout de suite : je ne coucherai pas avec vous, dis-je sèchement en me tournant enfin vers lui.

Il était beau. Terriblement beau.

— Alors vous connaissez Natasha ? demanda-t-il avec un sourire.

— Depuis deux ans. Et pour que ce soit clair, je ne travaillerai pas pour vous non plus.

— J'ai une proposition à vous faire, Valencia, reprit-il, soudain plus sérieux.

— Peu importe ce que c'est, ce sera non. Et de toute façon, je quitte bientôt la ville.

— Laissez-moi au moins vous l'exposer.

— Ça ne m'intéresse pas, insistai-je, en croisant les bras.

Soudain, une alarme retentit dans la salle, coupant court à notre échange. Je regardai autour de moi, confuse, alors que les invités se dirigeaient vers la sortie.

— On ferait mieux de sortir aussi, dit Carlos en me tendant la main.

Je levai les yeux au ciel, ignorant son geste, et passai à côté de lui. Il sourit, rangea sa main et me suivit calmement.

— Tout va bien, c'était une fausse alerte ! annonça Natasha à l'entrée, visiblement soulagée. Elle se tourna ensuite vers Carlos. — Oh, Monsieur Lux ! Finalement, vous avez pu vous libérer ?

— Oui, et félicitations pour votre exposition, répondit-il avec courtoisie.

— Merci beaucoup ! Je vais prévenir tout le monde que tout peut reprendre. Je vous attends à l'intérieur, ajouta-t-elle avant de s'éclipser.

Je la regardai partir avant de me tourner vers Carlos.

— Je vais y aller, Natasha. Désolée, mais je suis fatiguée. Encore félicitations, lançai-je en la rejoignant pour lui faire une accolade.

— Oh, d'accord. Mais on s'appelle bientôt pour organiser une soirée avant ton départ à Londres, hein ?

— Promis.

Je la serrai une dernière fois dans mes bras avant de m'éloigner.

Carlos me regardait, les mains dans les poches, un sourire indéchiffrable sur le visage.

— Maintenant, à nous deux, Monsieur Lux, murmurai-je, déterminée.

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