37° D'Un Ami A Un Autre

Livaï

S'il était en pleine possession de sa forme, Livaï se serait rué vers Eren pour lui flanquer la raclée de sa vie.

Seulement, cet abruti de Yeager a bien évidemment choisi d'établir une distance raisonnable entre lui et le puissant soldat pour qu'il puisse lui expliquer pourquoi il a agit comme un crétin de première. Il a justifié absolument tous ses actes par sa volonté de faire passer les membres de l'Alliance pour les héros qui ont mis fin au Grand Terrassement. Ça permettrait alors à leurs ennemis de ne plus vouloir leur faire de mal étant donné qu'ils les auront sauvés.

-Crois-moi Yeager, si je pouvais, je te casserais la gueule comme au bon vieux temps.

En face de lui, le jeune homme le fixe avec cet air vide qu'il arbore à présent en permanence. A croire que les menaces du soldat le plus puissant de l'Humanité lui passaient par-dessus la tête.

-Pour être honnête, je me doutais que vous diriez un truc de ce genre-là, Caporal.

Il n'empêche que Livaï pense qu'Eren aurait pu choisir un autre endroit que ce cachot sombre où le jeune homme semble avoir élu domicile depuis le temps. Comme il est derrière les barreaux, on pourrait croire qu'il choisit de s'enfermer volontairement, ce qui n'est pas dépourvu d'ironie puisqu'il clame à qui veut l'entendre qu'il ne laissera personne lui prendre sa liberté.

-Je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais c'est ici qu'on s'est rencontrés pour la première fois. Vous m'aviez demandé quelles étaient mes motivations pour rejoindre le Bataillon d'Exploration.

Comment oublier ce jour-là ? C'était la première fois depuis un très long moment que l'Humanité triomphait des titans, et ceci grâce à un jeune garçon ayant lui-même la capacité de se transformer en titan. Bien évidemment, tout le monde s'en est immédiatement méfié, pensant qu'il était lui aussi un ennemi.

-C'était juste après que je vous ai annoncé que je comptais éliminer tous les titans de la surface de la Terre que vous aviez eu de l'intérêt pour moi, poursuit Eren. Quelque part, je partageais vos ambitions.

Il s'arrête brièvement avant de répondre:

-Rien n'a changé depuis ce jour-là. Je compte toujours éliminer toutes les menaces qui peuvent être faites à notre encontre. Et je ferai ce qu'il faut pour ça.

Le Caporal fronce les sourcils.

-Quitte à dézinguer le reste de la planète et passer pour un leader génocidaire, c'est ça que tu veux dire ?

-Ça devait se passer comme ça, de toute façon, réplique-t-il d'une voix lointaine. Autrement, mes souvenirs auraient été modifiés.

Livaï n'est pas sûr de tout comprendre, mais il choisit de rétorquer:

-T'es en train de me dire que tu peux rien faire pour changer le cours des choses ? Toi qui dis à qui veut l'entendre que tu ne laisseras rien ni personne influencer tes décisions, tu veux me faire croire que t'as choisi de subir ton destin ? Sans lutter ? Ça t'arrange vraiment de détruire toutes formes de vie imaginable sous prétexte que ça doit se passer comme ça et pas autrement ? C'est vraiment ce que tu veux ?

Eren ne donne pas l'impression de le regarder en face, comme s'il cherchait un autre point visuel qu'il pourrait fixer. Il reste un moment sans prendre la parole, et Livaï se demande s'il l'a entendu.

-Hé, tu pourrais me répondre au lieu de me foutre des vents, gamin de merde.

Tiens, ça fait un moment qu'il ne s'est plus adressé de la sorte à un de ses subordonnés...

-J'aimerais qu'on évite de s'attarder sur moi, répond finalement le détenteur du Titan Assaillant (et de deux autres Titans également, il ne faut pas l'oublier). Je voudrais vous parler d'autre chose.

Voilà qu'il change délibérément de sujet. Si seulement Livaï pouvait lui flanquer une raclée, là, tout de suite...

-Je vous ai beaucoup admiré, Caporal, affirme Eren en soutenant le regard de son supérieur à qui il manque un œil. Vous faîtes partie des personnes que j'admire le plus. Votre sang-froid et votre force m'ont beaucoup inspiré. Pour tout vous dire, il fût un temps où je souhaitais être comme vous, aussi fort et redoutable... J'aurais aimé être comme vous, ou Mikasa. Être un Ackerman ne m'aurait pas déplu.

Le jeune brun fronce les sourcils. Au-dessus de leur tête, Livaï aurait juré avoir aperçu de la lumière qui apparaissait.

-Ceci étant... je pense que la personne qui m'a le plus façonné, c'est...

Livaï n'a pas pu entendre la fin de sa phrase car il était trop occupé à observer le paysage changer.

Ils ne sont plus dans le cachot sombre et mal aéré, mais dans un grand espace avec de l'herbe autour d'eux et quelques arbres. Le ciel dégagé laisse penser qu'ils étaient en plein été. A moins que ce ne soit le printemps. Le soleil qui les éclaire laisse planer un doute là-dessus.

Sauf qu'en réalité, il ne s'agit pas d'un soleil. C'est en fait une sorte de vision semblable à une lumière forte, alors même qu'on est en plein jour. C'aurait pu les aveugler sauf que, curieusement, cette lumière attire irrésistiblement le regard.

Livaï lève les yeux et ce qu'il voit le fait se demander s'il n'est pas soumis à une série d'illusions.

Au creux de cette lumière, il distingue une silhouette courir en leur direction. Elle s'avance progressivement puis au bout d'un moment, Livaï croit reconnaître qui est la personne qui semble se diriger vers eux depuis le ciel. (Depuis le ciel, oui oui)

Mais surtout, il parvient à l'entendre très distinctement. D'une voix pleine d'enthousiasme, il appelle Eren.

Et alors, autre fait surprenant, Eren lui répond. Ou plutôt... une version plus jeune d'Eren lui répond. Une version d'Eren qui se trouve là où se trouve la source de lumière. Sauf qu'on ne le voit pas, contrairement à la silhouette qui est venue vers eux.

-Putain mais qu'est-ce que...

Livaï tourne alors la tête vers le Eren qui est resté en face de lui.

Et c'est là qu'il comprend ce qui se passe.

Avec le pouvoir du Titan Originel dont il a hérité, Eren a la capacité de montrer des événements qui se sont produits par le passé. Ce qu'ils ont juste au-dessus d'eux est un souvenir vécu par le jeune brun.

-Je ne faisais rien de spécial ce jour-là, comme tous les jours d'ailleurs, explique le Yeager. J'avais le nez en l'air et j'observais les nuages sans me poser plus de question que ça. Puis c'est là qu'Armin a débarqué avec un livre en main. Un livre interdit par les autorités. Et c'est là... qu'il a commencé à me parler de la mer. Au début, je n'y croyais pas une seconde. Et puis... il a parlé avec une telle voix. Je ne pouvais que l'écouter.

Son regard émeraude se perd dans le souvenir qu'il projette lui-même.

-Ouais... Armin m'en a déjà parlé, confirme Livaï. Vous en parliez dès que vous en aviez l'occasion.

-C'était souvent lui qui amenait le sujet. Et moi, transporté par ses mots, je ne pouvais que le suivre. Quand il pensait à ses rêves, il y avait en lui un sentiment de liberté qu'il dégageait en permanence. Un sentiment de liberté qui me faisait parfois envie. De nous deux... je crois que c'est lui qui s'est senti le plus libre.

Livaï remarque alors qu'il tient quelque chose entre ses mains. Un coquillage. Sauf qu'en y prêtant plus attention, il reconnaît que c'est celui qu'Armin avait souvent sur lui. Eren y passe le pouce, l'air songeur.

-Je pensais que ma liberté serait acquise dès lors que j'aurais exterminé les titans. J'ai longtemps pensé que c'était la raison qui me pousserait à me battre avec acharnement. Mais en fait je me rends compte que... sans Armin, j'aurais déjà été mort à plusieurs reprises. Mon rêve à moi était de rejoindre le Bataillon d'Exploration pour éliminer les titans une bonne fois pour toutes, mais... (Sa voix jusque-là dénuée de sentiment gagne en douceur) Mon rêve était aussi de faire en sorte que celui d'Armin devienne réalité. C'est dire à quel point il est important pour moi.

Dans le souvenir projeté par Eren, Livaï entend la voix d'Armin dire:

-Dis donc Eren... Ce serait bien qu'on aille voir la mer tous les deux, tu crois pas ?

Cette voix pleine d'espoir... C'était tout à fait lui, il n'y a aucun doute là-dessus.

-C'est à partir de ce jour que j'ai changé, poursuit le jeune Yeager. Mon attitude, ma personnalité... Je n'ai plus été la même personne. Armin m'a donné une raison de vivre, une raison de me battre. Le gamin mou et flegmatique que j'étais est devenu colérique et déterminé. Armin m'a ouvert les yeux sur l'enfermement dans lequel j'étais conditionné, dans lequel nous étions conditionné. C'est lui qui m'a réveillé de mon sommeil et qui m'a fait devenir celui qui sauverait Mikasa de ses agresseurs. Tout ça... c'est à lui que je le dois.

Il y a dans la voix d'Eren quelque chose qui ressemble à de l'émerveillement. On croirait qu'il revit tous les beaux moments qu'il a passés avec son meilleur ami. La façon dont il raconte ce qu'Armin lui a apporté ne laisse aucun doute sur son affection pour lui.

-T'es sûr que t'es pas un Ackerman, Eren ? Vu que c'est Armin qui t'a fait découvrir ta force ?

C'est à moitié une plaisanterie. Un Ackerman développe une loyauté sans faille envers une personne qui lui a un jour ouvert les yeux et qui a, de fait, changé sa vision des choses. Et d'après ce qu'Eren vient de raconter, il est passé par la même chose lorsqu'Armin est venu le voir avec le livre de son grand-père.

Le jeune brun le fixe à présent avec une lueur d'incrédulité dans le regard. Comme s'il ne parvenait pas à croire que le Caporal Livaï en personne vient de lâcher une vanne.

-C'aurait été un honneur, répond-il simplement.

-Tch... tu sais pas ce que tu dis, marmonne le puissant soldat pour lui-même.

Eren reporte son regard sur le coquillage entre ses mains.

-Ma fougue m'a causé beaucoup d'ennui... Mais j'ai bien vu dans le regard de quelques-uns de mes camarades et de certains supérieurs que ça les a inspirés. Le fait qu'on m'ait dit que c'était ce que j'ai dit sur l'importance de rejoindre le Bataillon d'Exploration qui en a convaincu certains de s'engager me le prouve. Mais tout ça, tout ce que j'ai pu faire de bien dans ma vie, c'est parce qu'Armin a un jour croisé mon chemin avec son livre en main. Parce que son regard animé d'une passion dénuée de violence m'a convaincu que le monde extérieur existait bel et bien.

Et on en revient encore à son regard et à ses yeux, pense Livaï. A croire que les yeux sont le reflet de l'âme.

-Il est le premier à dire que c'est moi qui booste sa confiance en lui, reprend Eren. Que c'est la confiance que j'ai en lui qui lui a longtemps servi de moteur... Mais il y a bien une chose dont je suis sûr et que personne ne me convaincra du contraire, c'est qu'il n'y aurait jamais eu d'Eren Yeager s'il n'y avait pas eu Armin Arlert.

Le timbre du jeune brun semble avoir gagné en intensité alors même qu'il n'a pas élevé la voix, et Livaï a l'impression d'avoir un aperçu du Eren Yeager fougueux d'avant.

-C'était notre promesse de voir un jour l'océan qui m'a sauvé à de nombreuses reprises. Mais... maintenant...

Il laisse sa phrase en suspens, mais le soldat le plus puissant de l'Humanité comprend où il veut en venir. A l'image de l'enchaînement entre le passage en prison de tout à l'heure à la venue dans cette plaine immense, l'arrivée d'Armin dans la vie d'Eren a fait passer ce dernier de l'ombre à la lumière. Et le vert de cette plaine se rapproche du vert qui habite les pupilles du jeune brun, comme si c'était Armin qui était à l'origine de leur éclat. En choisissant de s'éloigner de lui comme il l'a fait, Eren s'est lui-même privé de sa principale source d'éclaircissement.

Livaï n'a pas vraiment pris le temps de s'interroger sur l'amitié qui lie les deux meilleurs amis. En entendant Eren parler, le Caporal comprend à quel point les deux ont autant besoin de l'un que de l'autre. Ils sont tous les deux liés par quelque chose d'indéchiffrable. Ils sont si émotionnellement attachés l'un à l'autre qu'ils ne peuvent pas s'imaginer vivre l'un sans l'autre. Livaï en a eu un avant-goût lors de la scène de l'injection du sérum. Eren était catégorique sur le fait de ramener Armin, comme s'il ne pouvait pas concevoir le fait de le laisser mourir. C'était lui qui l'a fait devenir le garçon qu'il a été, et voir la mer sans lui aurait été inacceptable. Peut-être même qu'il en aurait perdu sa combativité.

Seulement voilà: l'immense bazar causé par Eren à cause du Grand Terrassement va amener l'Alliance à le tuer, chose qu'Armin supportera difficilement. Et le jeune brun a l'air de s'en rendre compte. Il semble même qu'il retient ses larmes, alors qu'il caresse son coquillage comme s'il avait affaire à un objet d'une grande valeur.

-Dire que je l'ai frappé, murmure-t-il avec des trémolos dans la voix. J'ai frappé mon meilleur ami alors que je l'aime tant... Et il m'en a même pas voulu. Tout ce qui l'importait, c'était que je présente mes excuses à Mikasa.

Livaï se demande s'il c'est à lui que s'adresse Eren ou s'il parle tout seul, jusqu'à ce qu'il enchaîne d'un ton larmoyant:

-Armin tient énormément à vous, Caporal. J'ai pu le voir quand il me parlait de vos rendez-vous. Et la façon dont il parlait de vous me laisse penser qu'il se sent aimé par vous, aussi.

Le changement d'attitude soudain du jeune homme est pour le moins déroutant. Toutefois, Livaï n'en laisse rien voir.

-Vous savez... j'ai toujours su que c'est lui qui sauverait l'Humanité. Et quelque chose me dit... que c'est également ce que vous pensez aussi.

Ses yeux plein de larmes croisent ceux du puissant soldat.

-Vous êtes l'une des seules personnes à voir Armin comme moi je le vois, alors... (Sa voix se brise dans un sanglot) Je sais que je ne suis pas en droit de vous demander des faveurs après toutes les atrocités que j'ai commises et tout le mal que j'ai fait, mais... veillez sur lui s'il vous plaît. Veillez sur lui pour moi.

On a déjà fait remarquer à Livaï qu'il entretenait un lien spécial avec Armin. Mais qu'Eren, le meilleur ami du jeune blond, celui qui le connaît mieux que quiconque, atteste ce fait... Livaï n'irait pas jusqu'à dire que c'est l'ultime reconnaissance, mais tout ça lui montre que le jeune brun n'en prend pas ombrage et qu'il est prêt à laisser son ami d'enfance dans les bons soins d'une personne qui connaît le jeune blond aussi bien que lui.

Toute cette affection pour une même personne... Et Armin ose encore penser qu'il est indigne d'être aimé. Il faudra lui remettre les points sur les i.

Eren est à présent en train de sécher les larmes qui ont coulé sur ses joues. Bon allons, il a peut-être encore conservé son côté chouineur, en fin de compte.

-Tch... t'as du culot de me demander de te rendre service après tout le bordel que t'as foutu, gamin, débite le Caporal.

Ce à quoi le jeune Yeager renifle bruyamment. Son visage marqué par la tristesse fait presque de la peine à Livaï. Presque. Si la conscience d'abandonner celui qui a toujours été à ses côtés le met dans un tel état, c'est peut-être la preuve qu'il n'a pas totalement renoncé à son humanité.

-Mais soit, poursuit le puissant soldat. Je veillerai sur ton Armin.

Au-dessus d'eux, un autre souvenir a suivi. Cette fois, on y voit Eren approcher son index du nez d'Armin pour y exercer une légère pression, suivi de l'expression attendrie du jeune blond.

-Si je peux me permettre Caporal, il est aussi devenu votre Armin.

Eren est lui aussi en train de regarder le souvenir qui est en train de se jouer. Son visage est plus serein, ses mains couvrent presque totalement son coquillage. Ou plutôt, le coquillage qui appartenait à Armin. Livaï ne l'a compris que maintenant.

Le puissant soldat plonge une main dans sa poche gauche, là où se trouve le coquillage gris qu'Armin lui a offert il y a quelques années. A croire que donner des mollusques marins est une façon de montrer son amitié.

En face de lui, le visage d'Eren contient à présent les marques de transformation en titan - preuve que leur discussion est sur le point de prendre fin. Pourtant, face à l'inexorable destin qui l'attend, le jeune brun semble apaisé. Dans son attitude, on peut y voir quelqu'un qui se dit qu'il a fait tout ce qu'il avait à faire et qu'il peut mourir avec la conscience tranquille. Comme pour Erwin, tiens... Tu parles d'une coïncidence, songe Livaï.

Mais surtout, c'est son regard tourné vers Armin-dans-ses-propres-souvenirs qui semble être la cause de son apaisement. Comme si le futur, leur futur était assuré.

Et Livaï est totalement d'accord avec lui.

"Mon" Armin... A croire que je l'ai adopté.

***

Livaï ne s'est rappelé de cette conversation que lorsque la bataille a pris fin.

Si les choses s'étaient passées normalement, il aurait eu ce rêve en tête en se réveillant de son énième sieste. A la place, il s'est immédiatement mis debout malgré ses nombreuses blessures, et a tenté de descendre les escaliers avec plus ou moins de succès. Tout ça pour être finalement réceptionné par Armin qui passait par là et qui lui a lancé avec inquiétude:

-Mais... Mais ça va pas ! Il faut que tu te reposes !

Pour Livaï, il était hors de question. Il était plus que déterminé à en finir une bonne fois pour toutes avec les frères Yeager.

Puis tout s'est enchaîné. La perte d'Hansi, l'intervention d'Eren via le Chemin, leur assaut pour arrêter le Grand Terrassement, tout ce qui en a découlé...

Et Livaï a enfin pu venger Erwin. A peine a-t-il aperçu Sieg qu'il en a profité pour lui trancher la tête. Ça n'en reste pas moins une victoire en demi-teinte puisque c'est le détenteur du Titan Bestial qui s'est livré lui-même pour mettre fin au Grand Terrassement.

Puis Armin a pris sa forme de Titan Colossal dans un coup de tonnerre foudroyant. Bien que l'armée d'Eren ait disparu, ça n'a pas suffi. Absolument tous les Eldiens se trouvant à proximité ont été transformés en titans inconscients, dont Jean et Connie qui ont accepté dignement leur sort. Eren est quant à lui apparu sous forme de Titan Colossal.

Les derniers en piste, à savoir les détenteurs de Titans Primordiaux ainsi que Livaï et Mikasa, étaient les seuls à pouvoir mettre fin à ce cauchemar. Mais pour cela, ils devaient éliminer Eren une bonne fois pour toutes, ce que Mikasa a eu bien évidemment des difficultés à accepter.

Finalement, en unissant chacun leurs forces, ils ont pu stopper le Grand Terrassement. Toutes traces de titan quelconque a disparu et surtout, la discussion qu'Eren a eue avec ses camarades individuellement s'est rappelée à leur souvenir.

Tch... Il nous aura fait morfler jusqu'au bout, songe Livaï alors qu'il est assis contre un rocher.

Savoir qu'un de ses subordonnés, celui qui était considéré autrefois comme l'espoir de l'Humanité, a terminé ainsi l'afflige un peu. Par amour pour sa propre liberté, il a choisi de se mettre le monde entier à dos. Mais dans un mélange assez tordu, il tenait également à ce que ses amis soient en sécurité, quitte à les mettre en danger et à devenir un monstre de la pire espèce. Et cela ne lui a pas plu, bien au contraire. Le regard chargé de souffrance qu'il arborait quand il lui parlait d'Armin était une preuve irréfutable.

C'est alors qu'une surprise de taille attend Livaï.

Juste à côté de lui, il voit les vestiges de ses camarades morts au combat rassemblés. Tous sont présents, Hansi, Erwin, Petra, Mike, Nanaba, Moblit, Oluo, Erd, Gunther... Ils le fixent avec une fierté mêlée de tristesse.

C'est là que le puissant soldat comprend que tout ça est enfin terminé. Ce pourquoi ils se sont battus avec tant d'acharnement a enfin payé et surtout, il a réussi à honorer le sacrifice de ses camarades.

Tout ça n'aura pas été vain.

-Hé, les gars, murmure-t-il à ses frères d'armes. Vous avez vu ? C'est terminé on dirait... Voilà l'aboutissement de votre sacrifice.

Le regard qu'ils lui adressent lui pince le cœur et un vague à l'âme s'empare de lui. C'est la seule et dernière fois qu'il les verra tous réunis. Toutes les personnes qui ont constitué le passé du Caporal Livaï ne seront ensuite que des souvenirs. Un grand pan de sa vie sera terminé, aussi. Le fait de revoir ses défunts camarades est l'unique occasion de leur dire au revoir définitivement. Il ne les oubliera jamais, mais en achevant leur combat à tous, le puissant soldat tire également un trait sur le passé qu'il a longtemps traîné avec lui.

Ses camarades et anciens membres du Bataillon d'Exploration effectuent pour la dernière fois le salut militaire qui les a fait s'unir face à l'adversité. Unis pour une même cause et pour un but commun. Un combat à présent achevé mais qui n'aurait jamais pu s'accomplir sans les efforts de chacun d'entre eux.

Livaï leur retourne leur salut, et ses camarades disparaissent à jamais le laissant à présent seul. Une larme roule sur sa joue, mais le puissant soldat ne cherche pas à l'essuyer. C'est la première fois qu'il a véritablement droit à un relâchement moral.

Jusqu'alors, le Caporal n'a pas prêté attention à l'agitation qui a suivi la fin du Grand Terrassement. Mais à présent, il entend très bien les éclats de voix de ceux qui ordonnent à ce que les Eldiens présents attestent qu'ils sont réellement des humains et non des titans.

Encore du grabuge, pense-t-il. C'était trop beau pour durer, visiblement.

Tout semble être compromis et cette fois, les Eldiens ne sont réduits qu'à des êtres humains ordinaires. Les anciens détenteurs de Titans Primordiaux ne pourront plus se régénérer en cas de blessure grave.

Ils commencent à être dans une mauvaise posture, lorsque soudain...

-Si on détenait encore les pouvoirs de titans, on s'en servirait pour se défendre.

La voix du jeune Major du Bataillon d'Exploration s'élève avec assurance.

-Le fait qu'on se tienne là, impuissants face aux canons de vos fusils constitue, il me semble, la meilleure des preuves.

Un silence suit cette déclaration jusqu'à ce qu'un homme prenne la parole:

-A qui ai-je l'honneur ?

-Mon nom est Armin Arlert, Eldien de l'île de Paradis, affirme le jeune blond d'une voix forte. C'est moi qui ai tué Eren Yeager, le Titan Assaillant !

Ça y est... Le jeune chef prend ses marques, songe Livaï alors qu'un sentiment de fierté émerge dans sa poitrine. Son protégé a fait bien du chemin.

Il expire ensuite profondément. Il ferme ensuite son unique œil pendant quelques instants pendant lesquels il entend les membres restants de l'Alliance féliciter Armin pour son courage et son sens de la diplomatie. Il les surprend en train de rire entre eux également. Le puissant soldat entend ensuite son jeune ami leur demander de l'attendre un moment. Lorsqu'il l'ouvre de nouveau son œil, Armin est debout en face de lui. Il a l'air épuisé lui aussi et ses yeux rougis sont gonflés, et pour cause : il a sans doute pleuré la mort de son meilleur ami. Son expression à la fois calme et attristée est assez explicite.

Le jeune blond s'assied à côté de Livaï et pose son dos contre le rocher.

-Alors ça y est, prononce le Caporal. Toute cette histoire est enfin terminée, et ce grâce aux efforts de chacun d'entre nous.

-Oui... Cette partie de notre combat est terminée. Mais tu sais, je ne crois pas que ça soit réellement terminé. Tout commence au contraire. Quatre-vingt pourcents de l'Humanité est anéanti, le monde est détruit, la nature est ravagée, les habitants de notre île en ont après nous et notre intégration parmi le peuple Mahr sera remplie d'enjeux... Mais nous aurons le temps d'y penser après. Pour cette fois, nous pouvons réellement nous permettre de souffler un peu.

Le regard d'Armin se fait lointain, comme s'il entrevoyait déjà leur avenir.

Quant à Livaï, la fin de ce combat marque un tournant majeur dans sa vie. Maintenant, il est libre de se décharger de son passé pour avancer véritablement. Il peut commencer à vivre une vie, non pas pour se battre, mais pour vivre au sens littéral du terme. Il peut profiter de ce que la vie a à lui offrir. Et tout ça, il a l'intuition qu'il est sur le point de l'obtenir grâce au gamin qui le tient à ses côtés. Ce gamin à qui le futur, leur futur a été confié.

-Nous avons fait un long chemin pour en arriver là, dit le puissant soldat. Un chemin long et douloureux. Chacun a apporté sa pierre à l'édifice et beaucoup y ont laissé la vie.

Il tourne le visage vers Armin avant de poursuivre.

-Le fait que tu sois là en cet instant ne fait que me confirmer que je ne me suis pas trompé dans mon choix. Tu vas pouvoir penser au futur comme tu l'as toujours voulu, et faire en sorte que ce futur soit possible. Un futur pour chacun d'entre nous.

Une boule apparaît dans sa gorge, et Livaï se fait violence pour conserver sa neutralité faciale.

-Car finalement, l'aboutissement de tous ces combats, de mes combats à moi... c'est toi, Armin.

Ému, le jeune blond fronce le nez.

-Je n'aurais jamais pu y arriver sans toi, Livaï. Tout ça, c'est parce que tu m'as encouragé, tu as cru en moi alors même que je ne me voyais comme un bon à rien et tu m'as soutenu envers et contre tout...

Un sanglot l'empêche de continuer. Il pince fortement les lèvres, sûrement pour ne pas se mettre à pleurer pour de bon. L'homme plus âgé se sent alors pris d'une grande tendresse pour ce jeune homme qui vient de perdre son meilleur ami, celui pour qui la présence était indispensable. L'absence d'Eren va sans doute lui peser, mais Livaï se fait le serment de toujours être là pour lui. D'autant plus que lui-même a perdu la quasi-totalité de ses amis, dont Hansi plus récemment. Il ne lui reste qu'Armin. Il n'a plus que lui à présent.

Le puissant soldat pose une main sur la sienne. Ils sont encore en service et leurs subordonnés risquent de les voir, mais il s'en moque complètement. Le bien-être d'Armin passe avant beaucoup de choses pour lui. Tant pis si l'on pense que le soldat le plus puissant de l'Humanité s'est ramolli avec le temps.

-Je serai toujours à tes côtés, gamin. Ça, je peux te le garantir.

Il lui donne alors un léger coup de poing sur le bras. Ce à quoi Armin le fixe, intrigué.

-Ça, c'était pour m'avoir fait flipper, tout à l'heure. Si je te revois encore dans la gueule d'un Titan, je te jure que...

Le jeune Major éclate de rire, et les épaules de Livaï se détendent.

Armin pose ensuite la tête sur l'épaule du Caporal avant de l'entourer de ses bras. L'homme plus âgé fait de même.

-Je suis chanceux de t'avoir à mes côtés, Livaï.

Ce dernier fait passer ses doigts parmi les mèches blondes de son jeune ami, profitant de la fin de l'euphorie intense qui les a tenus en haleine pendant plusieurs heures pour plonger dans une immense tranquillité.

-Moi aussi, Armin, dit-il dans un murmure.

~~~

Pfiou, qu'est-ce que c'était intense, dis donc.

Au chapitre précédent, Armin disait à Sieg ce que Livaï lui a apporté. Deux chapitres plus tôt, Livaï repense aux personnes de son passé tout en ayant conscience de l'importance d'Armin dans son futur.

Là, c'est le chapitre où tout se regroupe, où ces deux thématiques se rejoignent. Et en plus, on a eu une scène avec Eren qui fait écho à un autre chapitre, quand Hansi demande à Armin de prendre soin de Livaï pour elle, peu avant qu'elle se sacrifie. Cette fois, c'est Eren qui demande à Livaï de prendre soin d'Armin pour lui peu avant qu'il meure. La boucle est bouclée.

Mais ce n'est pas encore fini ! Pour l'instant en tout cas. Il y a encore deux trois petites choses à mettre en évidence et le compte sera bon.

Waouh... on a déjà bientôt fini. Je me sens tellement pas prête.

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