33° Décuvage Émotionnel
Livaï
Livaï sait qu'il ne devrait pas s'énerver contre Armin. Mais entendre qu'il voulait se livrer à la mère de Connie transformée en titan, c'était la goutte qui a fait déborder le vase. Dire que pendant ce temps, il craignait que son jeune ami ne soit la proie de Sieg...
Suite à ce qu'Armin vient de lui raconter, le puissant soldat n'a pas pu s'empêcher de lâcher un "Foutu merdeux" amer. Comment la personne la plus sensée à ses yeux a-t-elle pu commettre une telle imprudence ? Bien sûr, il fallait que Connie se reprenne pour l'empêcher de faire dévorer Falco à sa mère, et Armin n'avait peut-être pas trouvé d'autre solution. Mais cet argument comme quoi il ne se sentait pas à la hauteur d'Erwin ? Livaï le comprend très bien pour la simple et bonne raison que lui non plus ne sent pas à la hauteur de l'ancien Major. Il a failli à sa promesse une fois de plus, tous ses hommes y sont passés et pour couronner le tout, il ne sera peut-être plus en état de se battre.
La tempête gronde de nouveau dans le cœur du soldat le plus puissant de l'Humanité alors qu'il repense au presque-sacrifice d'Armin.
-Bordel Armin, pourquoi tu tiens autant à passer pour une putain de figure sacrificielle ? Pourquoi t'arrêtes pas de te voir comme une sous-merde, hein ? Tu comprends pas que t'as de la valeur pour les autres ? Tu comprends pas qu'il y a des gens qui t'aiment et qui tiennent à toi ?
-Euh... Livaï ? Tu me broies la main, là.
L'homme plus âgé retire sa main du poing de son jeune ami, qu'il serre de façon disproportionnée. Quand il regarde au fond de lui-même, Livaï se rend compte qu'il n'est vraiment pas fâché contre Armin. Ce dernier n'a fait que faire ce qu'il a pu durant cette période si chaotique. C'était la confusion la plus totale et rien n'allait plus. Il a porté le poids de beaucoup de choses à lui seul sur ses épaules. C'aurait pu faire lâcher les nerfs de n'importe qui.
Le jeune blond a baissé le regard, se sentant certainement honteux. Le puissant soldat approche ses mains du visage du jeune blond pour les placer chacune sur ses joues pour l'obliger à le regarder dans les yeux. D'abord surpris par ce geste, Armin se laisse finalement faire.
-Rien de tout ceci n'est de ta faute, gamin, dit-il d'une voix calme mais ferme. Tu as fait ce que tu as pu.
-Je crains que ça n'ait pas suffi, soupire le jeune stratège.
-De toute façon, en l'état actuel des choses, t'aurais pas pu faire plus. Avec le foutoir sans nom de tout à l'heure, personne n'aurait pu anticiper quoi que ce soit.
Armin plonge son regard bleu azur dans le sien, un regard affligé mais en même temps d'une douceur infinie. On pourrait croire que c'est devenu son mode par défaut. Pourtant, Livaï sait que son jeune subordonné possède lui aussi toute une palette d'émotions. Seulement, l'océan de douceur présent dans son regard contraste avec la mer enflammée qui habite d'ordinaire ses iris à lui, le soldat le plus puissant de l'Humanité. Le regard de Livaï donne l'impression qu'il a vécu longtemps alors qu'il est encore dans sa trentaine, tandis que celui d'Armin conserve comme une éternelle jeunesse tournée vers l'avenir. Aussi, le regard de Livaï est semblable à un ciel orageux, alors que celui d'Armin ressemble à un ciel sans nuage.
Il y a aussi ce qu'a dit Hansi à leur sujet: une brutalité cachant une douceur inattendue et une délicatesse dissimulant une force insoupçonnable. C'est ainsi que Livaï et Armin ont toujours fonctionné. Un duo improbable mais complémentaire. Deux pôles opposés sur la même longueur d'onde.
Des doubles inversés, tout simplement. Le soldat le plus puissant de l'Humanité trouve agaçant le fait qu'Hansi les appelle constamment ainsi, mais il doit reconnaître que ce n'est là que la vérité.
Les yeux d'Armin sont à présent remplis de larmes, et son front plissé indique qu'il fait tout son possible pour ne pas les laisser couler. Certainement que repenser à tout ça doit le faire se sentir à bout de force. Ses larmes ont à peine le temps de quitter ses yeux que Livaï les réceptionne avec ses pouces. Le jeune homme effectue un petit sourire triste.
-Quand on était à Shiganshina et que c'était la pagaille, dit le détenteur du Titan Colossal, c'est ce que tu m'as dit sur le fait de ne pas regretter ses choix qui m'a fait sortir de ma crise d'angoisse. J'étais perdu comme jamais... Mais quand il fallait prendre des décisions, je pensais à ce que tu aurais fait à ma place. Même si tu n'étais pas là, tu m'as quand même guidé, d'une certaine façon.
Ça fait plaisir à Livaï de savoir qu'il n'est pas un vieux crouton bon pour la casse et que quelque part, il arrive à inspirer les autres même lorsqu'il est absent. Et puis, être le modèle de quelqu'un comme Armin Arlert ? Si ça peut compenser ses nombreux tracas au quotidien, franchement, il est prêt à fournir tous les efforts qu'il faut.
Le jeune blond en face de lui pose une main sur la sienne - celle qui est sévèrement endommagée. Livaï peut sentir le contact de ses doigts sur la partie où il n'y a pas de sparadrap. Il est toujours stupéfait de voir que même les mains d'Armin sont d'une douceur étonnante. C'est à se demander quelle sorte de crème il utilise pour les conserver ainsi. Des mains certes affermies par ses années d'entraînement en plus de ces temps de guerre, mais dont la douceur a réussi à rester intacte. Comme quoi, la douceur et la fermeté peuvent faire bon ménage, Livaï en a la preuve juste devant lui.
-Quand je pense que j'aurais pu te perdre, toi aussi...
Cette parole murmurée par Armin donne l'impression à Livaï d'avoir pris un coup sur la tête. Le soldat le plus puissant de l'Humanité a longtemps été habitué à la perte d'êtres chers. Depuis son plus jeune âge, il a le malheur de voir mourir ses proches les uns après les autres, et c'est sans compter tous ses subordonnés, camarades et compagnons d'armes. Par contre, il n'a jamais vraiment été dans une situation de mort imminente. Ou plutôt, la dernière fois qu'une telle chose a eu lieu, c'était lorsqu'il était jeune à cause de sa malnutrition sévère, avant que Kenny ne le fasse sortir de la maison de prostitution où travaillait sa mère avant de mourir. C'était la seule et unique fois... jusqu'à hier, à cause de cet enfoiré de Sieg Yeager.
D'habitude, c'est Livaï qui perd les autres. Là, ce sont les autres qui ont failli le perdre.
Hansi et Armin ont failli le perdre.
L'expression de leur visage, à chacun d'entre eux, lorsqu'ils ont vu l'état déplorable du soldat imbattable par excellence, lui a fait l'effet d'une tronçonneuse plantée en plein cœur. Ces deux-là sont les dernières personnes qui lui restent et qu'ils considèrent comme ses amis proches. Les voir à ce point accablés le fait se sentir terriblement mal.
Livaï retire précipitamment ses mains du visage d'Armin alors que le ressentiment monte violemment dans sa poitrine.
-C'est de ma faute, tout ça.
Les battements de son cœur augmentent en même temps qu'il fronce fortement les sourcils.
-Si j'avais eu au moins deux sous de jugeote, j'aurais pas laissé mes hommes boire ce foutu sérum à la con.
Il passe une main sur son visage en baissant le regard. C'est la première fois qu'il a l'opportunité de mettre des mots sur les sentiments qui le minent depuis quelques heures. Livaï a pourtant fait comprendre à Armin qu'il n'avait pas à culpabiliser pour les décisions qu'il a pu prendre, et le voilà en train de se jeter lui-même la pierre pour ce qui s'est passé tout à l'heure. Si ça, ce n'est pas avoir l'esprit de contradiction...
En même temps, tout est tellement imbriqué que c'est à se demander comment il a fait pour ne pas sombrer dans l'obscurité jusqu'à présent.
-J'aurais dû percuter que c'était pas normal qu'on ait du vin à notre disposition. Toi au moins tu l'aurais compris, Armin, toi qui es si intelligent.
A présent, Livaï ne peut plus s'arrêter. Les images des soldats transformés en titans qu'il a dû tuer de ses propres mains s'entremêlent avec celles où il a déchiqueté le titan qui a tué Farlan et Isabel. Sa vie n'est qu'un éternel recommencement dans lequel le deuil et la souffrance règnent en souverains absolus.
-J'ai même pas été foutu d'arrêter Sieg. Franchement, je suis bien content qu'Erwin ne soit plus là pour voir que j'arrive pas à tenir mes promesses.
-Livaï...
Le puissant soldat entend à peine son jeune ami, alors que ce dernier pose ses mains sur ses épaules. A la place, seuls les battements de cœur de Livaï résonnent jusqu'à ses oreilles.
-Quand j'ai dû achever mes hommes, j'ai revécu le moment où Farlan et Isabel sont morts. Ma putain de vie se résume à ça: des pertes, des pertes et encore des pertes. Des personnes qui comptent sur moi pour faire en sorte que leur combat et leur sacrifice ne soient pas vain, et je suis pas foutu d'être à la hauteur. Je sais que je peux pas empêcher toutes les tueries qui ont lieu, mais...
Sa gorge est de nouveau nouée par l'amertume.
-Quand je pense aux guignols qui tentent de me trouver des excuses juste parce que je suis "le plus fort de tous". Ils sont prêts à fermer les yeux sur mes échecs pour m'aduler tel un dieu vivant. Parce que je ne représente que ça pour eux: une foutue bête de foire qu'on peut exposer au monde entier pour dire qu'ils ont une arme imbattable à leur disposition. Je te parie qu'ils seraient bien déçus de voir à quoi est réduite leur machine de guerre de prédilection...
Il fait tout son possible pour ne pas faire sortir le sanglot qui s'est emparé de sa gorge. Sentant qu'il va craquer, Livaï s'agrippe aux bras d'Armin, comme s'il allait s'écrouler. C'est le moment que choisit le jeune blond pour le prendre fermement dans ses bras. Le Caporal, lui, retient difficilement ses tremblements, et encore moins la larme qui vient se frayer un chemin sur sa joue.
-Fait chier, dit Livaï en laissant s'échapper cette saleté de sanglot.
La main d'Armin vient se poser derrière la tête du puissant soldat. Il commence à lui caresser doucement les cheveux.
-Tu as le droit de lâcher prise, Livaï, dit Armin avec cette douceur qui lui est familière mais qui fait toujours autant de bien à l'homme plus âgé. Pour cette fois, tu as le droit de te lâcher.
Le soldat le plus puissant de l'Humanité n'est pas accoutumé à ce qu'on lui donne des ordres, et encore moins à ce qu'il y obéisse. Les seules personnes à qui il a accepté d'obéir sont Erwin et Hansi, quand cette dernière est devenue Major, parce qu'ils avaient sa confiance totale. Et voilà qu'Armin, contre tout protocole encore une fois, lui donne l'autorisation de se comporter sans retenue.
Et franchement, qu'est-ce qu'il avait besoin d'entendre ça.
Livaï entoure le jeune blond de ses bras à son tour alors qu'il plonge le nez sur la chemise d'Armin. Il n'en faut pas plus pour que les sanglots l'envahissent - des sanglots d'abord très bas, semblables à des murmures, puis progressivement intenses. Finalement, il arrive à un point où il aurait voulu carrément hurler sa douleur et sa peine accumulées au fil des années. Son visage collé au torse de son ami empêche ses pleurs d'être entendus du reste des personnes présentes sur le bateau. Peut-être même qu'elles l'entendent, mais Livaï n'en a franchement rien à faire. Au vu de ses larmes qui se déversent, la chemise d'Armin sera sûrement trempée. Mais ce dernier n'a pas l'air de s'en soucier outre mesure. Au contraire, durant tout le temps du décuvage émotionnel du puissant soldat, Armin ne cesse de faire des cercles apaisants dans son dos alors que son autre main est toujours derrière sa tête. Ces simples contacts suffisent pour que Livaï retrouve cette sensation de sécurité qui était déjà présente quand Armin l'a pris dans ses bras, la première fois.
Mais cette fois, c'est différent. C'est encore plus chargé en émotions et aussi, Armin a grandi. Il a pris six centimètres en quatre ans, ce qui fait que même ses étreintes sont plus chaleureuses et protectrices. Livaï a l'impression d'être dissimulé dans les bras de son jeune subordonné, comme s'il cherchait à combler l'espace possible entre eux, de sorte qu'il se sente enveloppé comme il ne l'a jamais été.
A ce moment-là, le puissant soldat comprend ce qu'Armin représente pour lui. Il a remarqué qu'il est la seule personne avec qui il se sent le droit de montrer sa vulnérabilité. C'est bien simple : quand il est en présence du jeune blond, c'est comme si toutes les barrières de froideur et d'impassibilité qu'il arbore en permanence tombaient. Son regard bleu azur est comme une invitation à se montrer tel qu'il ne peut pas se permettre de se montrer à la vue de tous. La plupart des fois où Livaï n'a pas à se comporter en soldat, c'est lorsqu'il est avec Armin. La simplicité et l'humilité que lui inspirent le jeune Arlert y sont grandement pour quelque chose.
Et aussi, Armin a toujours eu le pouvoir d'apaiser Livaï. Il réussit toujours à le calmer lorsqu'il est sujet aux ruminements et aux sentiments négatifs. Il est comme une douce lumière qui chasse son obscurité glaciale, que ce soit de près ou de loin. Les preuves qui lui viennent immédiatement en tête sont lorsqu'Hansi l'a retrouvé gravement blessé, et quand il s'est réveillé dans le char qui menait au port. Quand l'amertume est montée en lui, il lui a juste suffi de regarder Armin dans les yeux, ou de penser aux fois où il parlait du monde extérieur pour que ce sentiment disparaisse.
Au cours de ces derniers jours, Livaï a également réalisé qu'Armin Arlert fait à présent partie de lui. Maintenant qu'il a appris à le connaître et que tous deux sont devenus proches, il ne peut pas imaginer un monde où il n'est pas là. Et s'il venait à disparaître, plus rien ne serait jamais pareil. Le jeune blond qui le tient dans ses bras a laissé une trace indélébile en lui, aussi bien sur sa personne que sur son existence entière. Le puissant soldat est reconnaissant à la vie de l'avoir mis sur son chemin, et il est prêt à tous les sacrifices pour lui.
Les sanglots de Livaï se calment petit à petit, mais la poigne d'Armin est toujours aussi ferme.
-Tu as le droit de te sentir impuissant et vulnérable, Livaï, dit le jeune blond. Tu es un être humain, et tu as le droit de ressentir toutes ces choses. Et tu n'es pas seul. A chaque sacrifice, c'est le Bataillon d'Exploration dans son ensemble qui subit une perte. Nous n'avons pas tous le même rang, mais chaque vie est précieuse. Donc la douleur que tu ressens face à la perte de tes hommes est aussi la nôtre.
Et voilà que c'est lui qui le réconforte. Leurs rôles ont été échangés en quelques minutes. Livaï se rend compte qu'Armin et lui se ressemblent dans la mesure où ils font passer les besoins des autres avant les leurs. Dans leur cas, c'est l'un des deux qui fait passer le besoin de l'autre avant le sien, comblant chacun le problème de l'autre. C'est aussi pour ça qu'ils se complètent et que leur duo fonctionne si bien.
Livaï prend une profonde inspiration.
-J'ai flippé quand j'ai appris que Sieg se dirigeait vers Shiganshina, avoue-t-il. J'ai cru qu'il allait s'en prendre à toi.
-Ah ? Qu'est-ce qui t'as fait pensé ça ?
-Il a compris qu'on était proches, toi et moi. J'ai pensé qu'il chercherait à me blesser en te livrant en pâture aux titans inconscients qui ravageaient le district. Venant d'une raclure comme lui, ça ne m'aurait pas étonné.
Armin pose doucement sa joue contre le sommet du crâne du puissant soldat, alors que ce dernier resserre son étreinte en fermant son unique œil valide. La force de leurs retrouvailles est telle qu'ils parviennent à transmettre, sans un mot, les sentiments qui ont pris possession d'eux : le soulagement, l'apaisement, ainsi que l'immense affection qu'ils ressentent l'un pour l'autre. Tous deux ont cru ne plus jamais revoir l'autre pendant cette période plus que mouvementée. Le message que fait passer Livaï à travers cette embrassade, et qu'Armin a l'air de vouloir faire passer également, pourrait ressembler à ceci: Je ne laisserai plus personne te faire du mal.
Le jeune blond finit par prendre la parole après un silence réconfortant.
-Tu sais, j'ai l'impression que le fait qu'on n'arrive à rien en ce moment... En fait, ça me fait penser à un jeu qu'on faisait avec Eren et Mikasa quand nous étions gamins. Il fallait que chacun attache sa jambe à celle de son partenaire, et que les deux avancent.
-Comme une course à trois jambes ?
-Oui, exactement. J'ai l'impression qu'on fonctionne comme ça, toi et moi. On avance la jambe liée, et si l'un de nous tombe, l'autre tombe également. Et quand on se relève, on devine quelles sont nos forces et nos faiblesses, et on devient plus forts.
-Toujours aussi doué pour les métaphores.
Le soldat le plus puissant de l'Humanité sent alors la fatigue l'envahir. Évacuer toutes ces émotions l'a complètement vidé de son énergie, et l'étreinte d'Armin est reposante.
-Tu devrais te reposer, lui recommande le jeune blond, comme s'il avait lu dans ses pensées.
-Je me suis levé il y a pas longtemps, je te rappelle.
-Non mais... tu vois ce que je veux dire.
Bon. Visiblement, il a compris l'épuisement qui s'est emparé de Livaï, et il a deviné sa nature exacte.
-Foutu mioche... On peut vraiment rien te cacher, hein ?
Il entend un rire léger s'échapper d'Armin.
-C'est marrant. Il fût un temps où c'était toi qui me disais d'aller me coucher, et qui restais à mon chevet.
-Ouais, on dirait bien que les rôles sont inversés.
Livaï pousse un soupir en mettant fin à l'étreinte. Il ajoute ensuite:
-Je retourne piquer un roupillon, mais ça veut pas dire que je compte rester sur le banc de touche. J'ai des comptes à régler avec l'autre barbu. Il me doit un œil, une jambe et même deux doigts, ce salaud.
Le temps qu'il finisse de rouspéter, Armin le force à se rallonger. S'il faut qu'il commence à se faire materner de la sorte, le soldat le plus puissant de l'Humanité sera vraiment réduit à l'état d'un nourrisson en bas âge. C'est quand même étonnant. D'un côté, il a longtemps souhaité qu'on le traite comme un humain lambda et maintenant que c'est le cas, il est mécontent de cette sur-attention.
-On tient seulement à toi, tu sais. Si tu as l'impression qu'on te couvre à outrance, Hansi et moi, c'est seulement parce qu'on veut que tu te sentes bien.
-J'avais compris.
Après, ce n'est pas lui qui va s'en plaindre.
Le jeune blond prend la peine de couvrir Livaï de ses draps. Il se lève ensuite et, avant qu'il ne puisse partir, Livaï réussit à l'attraper par la main. Encore une fois. Mais pour le retenir, cette fois.
Armin lui lance un regard intrigué, comme pour lui demander s'il compte lui broyer à nouveau la main.
-Merci, Armin.
Seulement deux mots, deux mots dans lesquels Livaï a fait passer toute sa gratitude et tout son attachement envers Armin, qui est une des personnes qu'il aime le plus au monde - le tout en restant impassible, bien sûr. Avec ces deux mots, il veut également lui faire comprendre à quel point sa présence lui est précieuse. A quel point il lui est précieux. Le puissant soldat a toujours du mal à exprimer de tels sentiments, contrairement à Armin. Heureusement, ce dernier a rapidement saisi le sens de ces deux mots. Il lui sourit, l'air touché, avant d'effectuer une pression rapide sur son épaule.
Une fois que le jeune blond a quitté sa cabine, l'homme plus âgé ne tarde pas à trouver le sommeil - ce qui est une grande première dans sa vie.
***
-C'est bon. Je peux gérer même avec deux doigts en moins, annonce Livaï après avoir testé une partie de son équipement tridimensionnel avec sa main endommagée.
Réussir à manipuler ces appareils sous les yeux de ses camarades le tout avec le côté droit estropié, ça relève de l'exploit. De toute façon, le puissant soldat a bien fait comprendre qu'il comptait participer à la croisade visant à arrêter le Grand Terrassement. Il ne sera peut-être plus en état de prendre activement part à tout ce qui se rapporte à l'armée. Mais si c'est son dernier combat au sein du Bataillon d'Exploration, il n'a pas l'intention de se défiler.
Et surtout, il a une promesse à tenir envers un ami disparu. Alors sa main endommagée n'a qu'à se débrouiller pour suivre la cadence.
Toi, t'as intérêt à être coopérative, pense Livaï en s'adressant à sa main droite. Je m'en fous que tu sois à moitié déglinguée.
Assis sur une caisse, il parvient à voir Annie faire ses adieux à Reiner et à Pieck. La jeune blonde se tourne ensuite vers eux pour leur dire au revoir avec un signe de la main. Hansi et Connie y répondent joyeusement, tandis que Jean se contente d'un signe de la main également. Armin y répond également, et le regard qu'échangent les deux tourtereaux n'échappe pas à Livaï. En pleine fin du monde, il ne pensait pas qu'il aurait eu à assister à une scène de divorce entre un subordonné et sa presque-copine.
Armin aurait certainement aimé qu'elle se joigne à eux pour arrêter le Grand Terrassement. Mais bon... Annie a fait le choix de se retirer. Il ne tient plus qu'à elle de ne pas le regretter.
Le puissant soldat surprend alors une discussion entre Hansi et Pieck. Ou plus précisément, il entend très distinctement la réponse négative de Pieck alors que l'autre folle furieuse à lunettes lui fait la proposition louche de chevaucher sur son dos dans sa forme de Titan Charrette.
Et elle s'étonne encore que les gens l'évitent comme si elle était contagieuse.
-Décidément, ta fascination pour les titans est toujours à sens unique, la binoclarde, raille-t-il alors que Pieck s'éloigne d'eux.
-On finira vite par s'entendre, tu verras.
Elle a le dos tourné et pourtant, Livaï est en mesure de sentir l'atmosphère s'alourdir.
-Dis-moi Livaï... tu crois que nos camarades qui sont tombés au combat nous observent ? Tu crois qu'ils sont fiers de nous ?
-Arrête ça, l'interrompt-il. Tu te mets à parler comme lui.
Livaï n'a aucune envie de revivre le moment où Erwin se sent soudainement écrasé par le poids de ses responsabilités. Repenser à son visage abattu le fait assez se sentir mal comme ça, il est inutile qu'Hansi rajoute une couche en reprenant ses phrases et ses réflexions.
Depuis qu'il a intégré le Bataillon d'Exploration, le Caporal Livaï a toujours fait du sacrifice de ses camarades son principal moteur pour avancer dans leur combat. Ce qu'ils s'apprêtent tous à faire pour mettre fin au Grand Terrassement est l'occasion ultime pour faire en sorte que toutes ces pertes aient un sens.
Hansi doit s'en douter, elle aussi. Ça expliquerait ces interrogations soudaines.
La preuve qu'elle est capable de réfléchir correctement quand elle le veut, songe Livaï. Erwin a peut-être bien choisi son successeur en fin de compte. Je me demande si elle a aussi réfléchi à la personne qui pourra la succéder, ou bien...
Une succession de tirs l'empêche d'achever sa pensée.
Il s'agit de Frock, qui a mystérieusement survécu à l'attaque qui a eu lieu au port.
En deux temps trois mouvements, Mikasa parvient à l'arrêter en portant un coup au pro-Yeager au niveau de la poitrine. Ce dernier commence à saigner abondamment, alors qu'il est fatalement blessé.
Aussitôt, c'est l'agitation générale. Hansi et Jean se précipitent vers Frock, qui ne tarde pas à rendre l'âme, alors qu'Onyankopon constate que les tirs du jeune roux ont percé le réservoir de leur hydravion. Et enfin, parce qu'un malheur n'arrive jamais tout seul, un bruit inimitable se fait entendre. Il se rapproche considérablement, ne faisant aucun doute sur sa nature, alors que le sol se met à trembler.
Une armée de Titans Colossaux s'approche vers eux, indiquant que le Grand Terrassement a commencé. A croire qu'on reconnaît le malheur au bruit qu'il fait quand il débarque.
Super... tout juste ce qu'il nous fallait. Tch...
Livaï est à présent bien loin du reste de l'Alliance, mais il devine qu'ils sont en train de se concerter pour décider de ce qu'ils feront pour gagner du temps. L'armée qu'a conçue Eren s'approche dangereusement d'eux, et l'hydravion a besoin de réparations express pour qu'ils puissent embarquer.
Là, Hansi se détache du groupe, tout en donnant des instructions. Aussitôt, Livaï a un mauvais pressentiment. Elle a l'air décidée et en même temps, c'était comme si elle donnait ses dernières directives. Le regard affolé du reste de l'Alliance, et plus particulièrement celui d'Armin, ne lui dit absolument rien de bon.
-Hé ! A quoi tu joues, Quatre Z'Yeux?, lance-t-il alors que son amie s'approche de lui.
-Tu le sais très bien Livaï. L'heure est arrivée, c'est mon tour. J'ai envie de partir avec panache, alors ne gâche pas mes effets !
Le puissant soldat a l'impression de s'être pris un violent coup de poing dans le ventre. Hansi a décidé de se sacrifier à son tour. Elle a voulu paraître courageuse devant ses soldats, mais Livaï perçoit une certaine peur dans son regard face à sa mort imminente.
On a souvent reproché à Livaï d'être trop insensible et de ne pas avoir de cœur, et il n'a jamais porté attention à ces remarques. A présent, il souhaiterait plus que jamais de pas avoir de cœur, ni de sentiments. Au moins, il ne souffrirait plus à cause d'une énième perte d'un être cher.
Pourquoi faut-il toujours qu'il réalise l'importance des personnes présentes dans sa vie lorsque ces dernières sont sur le point de mourir ? Hansi a beau être la personne la plus agaçante qu'il connaisse, il sait toutefois que la vie sans elle serait insupportable. Et c'est seulement maintenant qu'il s'en rend pleinement compte.
Hansi Zoe, l'autre personne qu'il aime le plus au monde, va lui manquer de façon intolérable.
S'il faut qu'elle s'en aille de façon héroïque, le puissant soldat aimerait toutefois lui prouver qu'il ne la déteste pas autant qu'il a l'air de le montrer, tout en lui indiquant que son sacrifice ne restera pas vain. Alors, il approche son poing gauche vers sa poitrine à elle, et prononce la devise du Bataillon d'Exploration - la devise qui était à l'origine celle d'Erwin. Plus qu'une devise, cette phrase représente à elle seule tout le dévouement de leur corps d'armée - ce corps d'armée grâce auquel les trois amis, Erwin, Hansi et Livaï, ont fait le serment de servir la cause de l'Humanité.
Le fait de prononcer cette devise fait également comprendre à Livaï qu'avec la mort de son amie de longue date, il sera le dernier vétéran de l'armée de l'île Paradis à être encore en vie. Il ne fera pas seulement partie des anciens du Bataillon d'Exploration, il en sera aussi le plus ancien membre.
En face de lui, le visage d'Hansi est marqué par la surprise. Elle se met ensuite à sourire, comme si elle avait compris le double message que lui a donné Livaï.
-C'est bien la première fois que je t'entends dire ça !, dit-elle en riant.
Là-dessus, elle s'élance pour accomplir son ultime mission, laissant le soldat le plus puissant de l'Humanité le cœur de nouveau brisé.
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Bon eh bien... je vous avais dit de prendre quelque mouchoirs avec vous. Entre le craquage de Livaï et la mort d'Hansi juste après, on est bien servis.
J'espère que ce chapitre vous a quand même plu.
J'ai bien aimé écrire à quel point Livaï et Armin sont attachés émotionnellement l'un à l'autre. La première partie devait être plus courte à la base, mais j'ai été littéralement transportée. C'est tellement satisfaisant de voir comment leur relation a évolué.
Ça va aussi me faire vraiment bizarre de ne plus faire apparaître Hansi. Quand on y pense, c'est le personnage qu'on a vu intervenir le plus souvent dans les deux points de vue réunis. J'ai l'impression que c'est le personnage secondaire qui a eu le plus de temps de parole. Elle a quand même été un personnage clé qui a permis de faire évoluer la relation de Livaï et Armin, et ce qu'elle confie à Armin dans le chapitre précédant atteste bien le fait qu'elle ait compris, peut-être mieux que personne (ou pas), le lien qui les unit. Elle aura laissé une belle marque sur nos deux protagonistes.
J'allais me lancer dans un discours à la gloire d'Hansi Zoe, je vais peut-être m'en abstenir. Si vous vous sentez chauds pour le faire, alors allez-y. Faîtes vous plaiz'.
En attendant, je vous dis à bientôt pour la suite.
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