18° Toujours Là
Armin
Armin a essayé de toutes ses forces de lutter contre le sommeil, mais ses paupières n'ont fait que s'alourdir au fil des minutes. Sa dernière pensée a été qu'il devrait dormir un peu plus la nuit, puis il a fini par s'assoupir.
Son rêve commençait bien, pourtant. Il se revoyait, petit, en train de courir après Eren et Mikasa. Ils jouaient, comme ils en avaient si souvent l'habitude, en parcourant les différentes ruelles du district. Pour couronner le tout, il faisait un temps magnifique. Nul doute que le printemps semblait pointer le bout de son nez.
A un moment donné, Armin ne parvenait plus à suivre ses deux amis. Ils étaient beaucoup trop rapides pour lui. Il leur criait de l'attendre mais ces derniers ne faisaient que poursuivre leur route, et le petit blond a fini par perdre leur trace. Regardant autour de lui, il s'est rendu compte que tout le monde l'observait d'un œil mauvais et moqueur. En les observant mieux, Armin s'est rendu compte que c'étaient des personnes de tout âge.
-Vous avez vu?, a lancé un jeune garçon. Il est même pas capable de suivre la cadence.
-Pathétique!, réplique un autre garçon. Mettez-le seul sans ses amis, et il se fera bouffer tout cru.
Les nombreux rires qui ont accompagné cette réplique étaient grinçants. On aurait dit des portes dont les poulies auraient besoin d'un peu de lubrifiant. Le ciel a quant à lui viré à une couleur rougeâtre. Perdu au milieu de cette foule le pointant du doigt, Armin s'est enfui, mais les moqueries, loin de cesser, n'ont fait que monter en intensité.
-C'est vraiment à lui qu'on a confié le sort de l'Humanité?, s'est moquée une dame âgée. Je n'y crois pas une seconde.
-Un freluquet pareil ne fait jamais long feu, commente un homme moustachu. Surtout si ses amis ne viennent pas lui sauver les miches.
-J'ai hâte de voir comment il va se planter, ricane un autre homme lisant un journal.
-Alors comme ça c'est lui, le nouveau détenteur du Titan Colossal!, réplique une femme. Qu'est-ce qu'il a de colossal, si ce n'est ses nombreux échecs à venir?
Les yeux d'Armin se sont brouillés de larmes. Ses remarques lui ont fait plus mal que n'importe quelle violence physique. Autour de lui, tout le paysage a pris la teinte du sang. Les personnes autour de lui ont été réduites à des ombres, mais leurs railleries, elles, sont toujours aussi perceptibles. Il s'est ensuite retrouvé dans un cul-de-sac et, en se retournant vivement, il a vu que les ombres s'approchaient progressivement de lui. Ils continuaient à se moquer de lui et, petit à petit, leur voix à chacun a changé de tonalité. Leur timbre se rapprochaient peu à peu du sien, si bien qu'à un moment donné, Armin croirait s'entendre parler.
-Tu n'es qu'un bon à rien, Armin Arlert. La seule raison pour laquelle le Caporal Livaï s'intéresse à toi, c'est seulement parce que tu lui fais pitié.
-Ouais, c'est clair! Comment un détritus pareil a-t-il pu intégrer le Bataillon d'Exploration? Sérieux, je te toucherais même pas avec un bâton.
-Arrêtez! Arrêtez ça!, s'est écrié Armin en se recroquevillant contre le mur derrière lui.
Loin de s'arrêter, les ombres ont continué à s'avancer vers lui et bientôt, des corps ont pris forme. En regardant plus attentivement, Armin s'est rendu compte que ces corps en question n'étaient en réalité que d'autres versions de lui-même. Tous ces clones lui ressemblaient trait pour trait, à la différence que le blanc de leurs yeux étaient rouges, et qu'une expression de fausse pitié et de démence étaient imprimée sur leur visage.
-Oh, mais au contraire! On va pas se gêner!, réplique un des clones. Tu es une nullité absolue, Armin. Tu sers à rien, à part pleurnicher. Ah si, tu as un joli minois, tout le monde en convient. C'est peut-être pour ça que tu inspires la pitié, en fin de compte. La fragilité, ça attendrit que lorsqu'on est mignon.
-Ça suffit! Fermez-la!, a hurlé Armin en se bouchant les oreilles.
Ce n'était pas au goût d'un des clones qui l'a forcé à retirer une de ses mains de son oreille. Le sourire effrayant qu'il lui lançait montrait ses grandes dents pointues. Ses pupilles bleues, ainsi que celles des autres clones, ont pris une teinte jaunâtre.
-Qu'est-ce que tu crois, mon chou? Faisons durer un peu le plaisir! Tu crains que ta transformation en Titan Colossal ne fasse de toi un monstre, eh bien devine quoi? Tu as totalement raison! Erwin, lui, aurait accepté sans rechigner. Raison de plus pour laquelle il aurait dû être là à ta place.
Ce commentaire a atteint une cible plus profonde que toutes les autres, car c'était celle à laquelle il s'attendait le plus. Vaincu par la douleur que lui a causé cette révélation, Armin s'est laissé tomber au sol. Les clones, eux, ont continué de rire de façon stridente. L'un d'entre eux s'est saisi de ses épaules et s'est mis à le secouer.
-Tu crois que tu seras à la hauteur? Eh bien tu te trompes! Réveille-toi un peu! Tu ne vaux rien, t'entends? Tu vaux que dalle!
Les mots ont résonné dans sa tête, comme dans un écho.
-Réveille-toi, Armin! Tu ne sers à rien!
Sa vue s'est brouillée et la voix des clones s'est faite lointaine.
-Réveille-toi, Armin! Tu m'entends?, a fait le clone en face de lui avec une voix qui se rapprochait, cette fois, de celle du Caporal Livaï.
C'est à ce moment-là qu'il s'est réveillé.
***
Armin cligne des yeux en émergeant doucement de son sommeil agité. Le Caporal lui tient fermement les épaules et son regard est autoritaire, quoique légèrement inquiet en y regardant de près. Aussitôt, tout lui revient en tête: sa venue dans son Bureau et sa lutte désespérée pour ne pas tomber d'épuisement.
-Caporal, je... je suis désolé. Je n'aurais pas dû m'endormir, fait-il d'une voix penaude.
L'homme plus âgé ne dit rien et, dans le silence, sort un mouchoir de sa poche avant de le lui tendre.
-Tiens, prends ça.
En se saisissant de l'objet, Armin réalise que ses joues sont baignées de larmes. Alors qu'il les essuie à l'aide du mouchoir, son supérieur lui demande:
-Et je peux savoir pourquoi tu t'es endormi sur mon bureau? Tu pouvais pas attendre d'être dans ta chambre pour le faire?
Le jeune blond retient un soupir. La voix abrupte du Caporal est une chose habituelle chez lui, mais après le cauchemar horrible qu'il vient de faire, tout ce dont il a besoin dans l'immédiat, c'est de la présence d'Eren ou de Mikasa, ou encore de Jean, Connie et Sasha. Peu importe, du moment qu'il peut compter sur la compagnie de ses amis pour le réconforter. Enfin, s'il juge que ses problèmes méritent d'être pris en compte, ce qui, avec son estime de soi quasi-inexistante, est loin d'être le cas.
-J'ai accumulé de la fatigue ces derniers temps. Je n'arrête pas de penser à demain. Alors je me suis endormi sans m'en rendre compte...
Ça lui semble un peu minable comme explication, mais c'est la pure vérité.
-Et donc t'as eu un sommeil agité, continue le Caporal. Tellement agité que je t'entendais parler.
Alors le Caporal a été témoin de son cauchemar... Armin ne sait pas s'il doit en éprouver de la honte ou seulement s' auto-fustiger de s'être fait prendre de façon si idiote.
Son supérieur va chercher sa chaise derrière son bureau avant de s'installer devant lui. Il lui dit ensuite:
-Raconte-moi ton cauchemar.
Sa voix est ferme et son regard toujours impérieux et préoccupé, mais Armin devine qu'il n'attend qu'une chose: qu'il lui dise ce qui ne va pas. Et le jeune blond a tellement été éprouvé par son mauvais rêve qu'il ne se voit pas garder ça sur le cœur et la conscience.
C'est marrant quand même, se dit-il. On est passé de "Raconte-moi tes rêves" à "Raconte-moi ton cauchemar". Quel chemin parcouru, n'empêche.
Alors Armin lui raconte tout, sans rien omettre, tout en luttant pour ne pas de nouveau fondre en larmes. A lui seul, ce cauchemar a rassemblé ses pires craintes: celle de ne jamais être à la hauteur des attentes des autres, d'échouer tout ce qu'il entreprend et surtout d'être une charge pour ses camarades, celui qu'il faut constamment assister. Et c'est sans parler de la pression qu'il se donne pour être à la hauteur d'Erwin... Durant tout le temps de son récit, le Caporal ne bouge pas d'un pouce. Au contraire, il l'écoute avec autant d'attention que lorsqu'il lui parle du monde extérieur. Le jeune blond lui fait part de ses plus grandes inquiétudes, tout comme il lui fait part de ses plus grands rêves en temps normal. Pourtant, quand il mentionne Erwin, le puissant soldat fronce les sourcils.
-Voilà en gros ce qui s'est passé, termine Armin. Je sais que ce n'est rien d'autre qu'un stupide cauchemar mais... j'y ai vu toutes mes peurs, et ça me perturbe.
Ses yeux lui piquent de nouveau. Un mélange de fatigue, de désolation et de frustration.
-Ça arrive à tout le monde de faire des cauchemars, dit le Caporal. Faut en aucun cas que ça t'influence.
Le petit blond retient difficilement un soupir.
-Mais il y a aussi... vous savez? Toute cette histoire autour du Titan Colossal...
A sa grande surprise, il n'a pas besoin d'en révéler davantage car le Caporal semble comprendre immédiatement ce qu'il s'apprête à lui dire.
-Écoute Armin, lui dit-il en le regardant droit dans les yeux, j'ai aucune idée de comment ça va se passer, demain. Mais ce que je sais, c'est qu'on a tous commis des actes monstrueux, dans tout ce foutoir. Tous, sans aucune exception. C'est très souvent le cas quand on est en guerre, comme t'as pu t'en rendre compte.
Oh ça oui... Inutile de le lui rappeler.
-Et, si t'as aussi peur de devenir un monstre malgré tout ça, c'est bien la preuve que tu as réussi à conservé ton humanité après tout ce qui s'est passé, continue l'homme plus âgé. Crois-moi, ça constitue une grande force. Peu de personnes peuvent s'en vanter.
Ce qu'il lui dit lui rappelle ce qu'Eren lui a dit il y a quelques jours. Tu es tellement plus fort que ce que tu penses... Est-ce dans ce sens-là que le Caporal Livaï souhaite encourager Armin?
Malgré lui, ses épaules s'affaissent et son regard se baisse. Il n'arrive toujours pas à croire que c'est le Caporal Livaï, le soldat le plus puissant de l'Humanité qui lui dise tout cela. Mais en même temps, il lui aussi confié: Et t'oses dire que t'es faible... C'est donc à ce point qu'il le trouve aussi exceptionnel? Pour un peu, Armin croirait qu'il rêve encore. Peu importent les compliments et remarques positives qui sont faites à son sujet, il y a toujours une part de lui-même qui le fait se considérer comme un gros nul.
Le Caporal se lève en soupirant. Armin ignore à quoi s'attendre, mais dans tous les cas, son supérieur s'approche davantage de lui. Le jeune stratège sent ensuite une main fine et calleuse se poser fermement sur le bas de sa nuque. Ce contact le fait relever la tête avec surprise - surprise qui ne fait que s'accentuer lorsque son supérieur exerce sur le bas de sa nuque une pression réconfortante.
C'est bien la première fois qu'Armin voit que son supérieur si... affectueux. Il ne se souvient pas l'avoir vu ainsi avec qui que ce soit non plus, à part peut-être lorsqu'il les a remerciés, ses camarades et lui, alors qu'ils étaient au palais d'Historia. Sauf que cette fois, cette démonstration n'est pas collective, mais bien individuelle. Il y a dans cette attitude comme une volonté d'apaiser, mais également de protéger et de soutenir. Les épaules du garçon se détendent face à ce geste alors qu'il soupire, plus détendu.
Il lève les yeux vers le Caporal. Son visage est grave, mais en même temps soucieux, triste et fatigué. Cette vulnérabilité dans le regard tranche radicalement avec son attitude à la fois déterminée et protectrice. Ça encore, c'est quelque chose qu'Armin n'a jamais vu chez son Caporal. Pourtant, assis en contre-plongée, le petit blond est en mesure d'assister à ce qui se passe dans les yeux du soldat le plus puissant de l'Humanité. On croirait qu'il lutte contre une douleur profonde, tout en étant là à réconforter son jeune subordonné, comme s'il disait: Je bougerai pas de là tant qu'il se sentira mal, même si je souffre également et que je peux pas le montrer.
Cette constatation bouleverse Armin. Le Caporal doit encore souffrir de la mort d'Erwin, comme l'a montré son froncement de sourcils à l'évocation de son nom. Et malgré cela, il continue d'avancer sans fléchir. Il assiste au mieux Hansi dans ses nouvelles fonctions, et tout porte à croire qu'il fait passer les sentiments des autres avant les siens, quitte à avoir mal intérieurement. Il n'est pas le genre de personne à laisser les gens avoir accès à ses émotions, mais Armin devine bien que ce n'est que la partie émergée de l'iceberg. Comme tout être humain normalement constitué, il y a toujours plus que ce qu'on montre. Armin en a fait l'expérience de nombreuses fois, aussi bien dans sa vie de soldat que dans sa vie tous les jours.
Le Caporal a toujours veillé sur ses hommes. À sa manière, certes, mais il l'a toujours fait, allant même jusqu'à mettre ses propres sentiments de côté. Il est toujours là pour les membres de son escouade lorsqu'ils ont le moral au plus bas. Mais lorsque le Caporal a le moral au plus bas, qui est là pour lui?
-Caporal Livaï...
L'homme plus âgé tourne son regard bleu acier en sa direction. Armin est estomaqué. On aurait dit que le Caporal a pris dix ans d'un seul coup. A la façon dont il le regarde, il doit sûrement repenser à des choses de son passé. Des amis à lui qui sont morts, peut-être... Cette hypothèse ne fait que renforcer la compassion qu'il éprouve pour son supérieur. Aussitôt, il se questionne: est-ce que son Caporal voit en Armin des gens qu'il a connus? C'est fort probable vu la façon mélancolique qu'il a de le fixer. Les souvenirs qui doivent défiler dans sa tête lui donnent l'impression de vieillir instantanément.
-Tu devrais aller dormir, gamin, dit le Caporal en s'éloignant de lui. On parlera du monde extérieur une autre fois.
Ce serait la meilleure chose à faire, effectivement. Il devrait aller se reposer pour être au taquet le lendemain. Mais après avoir vu son supérieur à ce point vulnérable, Armin sent au fond de lui qu'il ne peut pas le laisser dans cet état. Il ne peut pas faire semblant de n'avoir rien vu. Il se lève pour mieux lui faire face.
-Caporal? Vous permettez que... je vous parle de quelque chose?
-Si tu crois que c'est utile.
Aussitôt, deux opinions contraires s'imposent à lui: celle de son esprit logique et celle de son intuition.
Laisse tomber, tu n'as pas à lui parler de ça, lui dit sa logique. S'il veut parler du Major Erwin, ça ne regarde que lui.
Tu vois bien qu'il souffre, lui souffle son intuition. Tu ne vas pas le laisser comme ça, si?
Ce ne sont pas tes oignons. Le Caporal n'a besoin de personne pour veiller sur lui, et il n'a certainement pas besoin que tu mettes le nez dans ses affaires.
Tu serais prêt à ignorer quelqu'un qui est dans la détresse? C'est donc ce que tu as retenu de ce que t'a dit Keith Shadis ? Tu as bien vu comment il est fatigué. Montre-lui au moins que tu es là pour lui!
Le jeune blond prend une longue inspiration pour se donner du courage, puis il se jette à l'eau.
-Caporal je... je vois que vous... enfin, que vous n'allez pas bien. Vous...
Wow. Très bon début, Armin. Vraiment. Plus convaincant, tu meurs. Le Caporal va te prendre pour un attardé, se dit-il.
-C'est pas tous les jours qu'on t'entend parler comme un attardé, Arlert, fait le puissant soldat. C'est ton cauchemar qui t'a flingué le cerveau?
Qu'est-ce que je disais...
C'est fou comme il arrive à prédire les remarques de son supérieur, maintenant. Et le plus fou dans tout ça, c'est que ça ne l'étonne même plus.
-Je... je vois bien que vous êtes affecté par la disparition d'Erwin et... je me disais que vous deviez en souffrir...
Une fois ce petit discours hésitant terminé, Armin attend une réaction de la part du Caporal, le cœur battant.
-Je suis juste fatigué, Armin. Rien de plus.
Le garçon retient un froncement de sourcil. Il voit bien que la marque de fatigue présente sur son visage n'est pas seulement dû à de la fatigue physique. On pourrait croire qu'il a eu une accumulation de tragédies et qu'il en porte soudainement le poids. Armin a toujours été observateur et intuitif, on lui a souvent dit que son jugement est très souvent correct. En plus, comme il s'entretient avec le Caporal presque tous les soirs, il est en mesure de voir de plus près ce qu'il en est concernant son état.
Malgré la remarque de son supérieur, Armin ne bouge pas de là où il est.
-Ce sera tout, gamin?
Armin est déjà bien conscient que le puissant soldat ne souhaite pas s'épancher sur son propre cas. Il doit sûrement juger qu'il ne doit laisser personne être au courant de ses problèmes. Peut-être ne veut-il pas attirer la pitié des autres, et ne pas être une charge en plus pour eux. C'est une attitude dans laquelle le petit blond se reconnait très bien.
Le Caporal est à présent en face de lui, comme s'il le mettait au défi de poser une nouvelle question. Il a son air habituellement ennuyé sur le visage, mais Armin voit bien la douleur s'attarder dans son regard. Son cœur se serre. Ça fait combien de temps que cet homme a souffert, et qu'il fait tout pour ne pas le montrer? Il se dit sûrement qu'il se doit d'être fort pour les autres, car c'est ce qu'on attend de lui. Mais qui est fort pour lui?
Dans un élan de sympathie, Armin s'avance vers son Caporal pour l'entourer de ses bras. C'est un geste tout à fait spontané qui le change de d'habitude. Car dans des moments comme ça, les actes pré-fabriqués ne comptent pas. Seuls les émotions et le sentiment de compréhension ont valeur de reconnaissance.
-Je comprends, Caporal, murmure-t-il en tremblant un peu malgré lui. Ça arrive à tout le monde d'être fatigué, même aux plus forts.
Il sent toutefois son supérieur se raidir. Et c'est là qu'Armin se dit qu'il est peut-être allé trop loin. Peut-être va-t-il être puni pour son insubordination. Mais au moins, il aura essayé de faire comprendre au Caporal qu'il a tout son soutien.
Armin commence à reculer et, avant qu'il ne puisse complètement se retirer, il sent deux mains s'agripper vigoureusement à son dos pour le ramener dans l'étreinte. La force avec laquelle son supérieur a effectué ce geste le prend de court et le fait lâcher un hoquet de surprise. Avant qu'il puisse dire quoi que ce soit, le Caporal lui souffle:
-Attends.
Le garçon est saisi par sa voix rauque, donnant l'impression qu'il essaie de maîtriser au mieux les émotions qui ont pris possession de lui. Il y a dans cette étreinte quelque chose qui ressemble à du désespoir et de la fureur, qui n'est pas sans rappeler la fois où Eren a pris Armin dans ses bras lorsqu'il s'est éveillé suite à son retour à la vie. On dirait qu'il se cramponnait à une bouée de sauvetage, et c'est exactement l'attitude qu'il retrouve chez son Caporal en ce moment-même. A la différence qu'il doit porter ce désespoir et cette fureur depuis beaucoup plus longtemps.
Armin repose alors doucement ses bras autour des épaules de son supérieur, chez qui la respiration devient de plus en plus irrégulière. On dirait qu'il essaie par tous les moyens de ne pas craquer devant lui. Envolée, l'image du soldat froid et impassible...
Il tourne alors légèrement la tête vers le Caporal, et ce qu'il voit du coin de l'œil l'afflige profondément. Son visage tout entier n'est que deuil et souffrance. Il a les yeux fermés, comme pour ne pas avoir à croiser son regard. C'est là que le petit blond remarque qu'une larme s'échappe de son œil droit, alors que ses yeux sont d'habitude distants et vides d'émotion. Non, ça, c'en est presque insupportable et pénible pour lui. Face à un tel spectacle, Armin renforce sa poigne alors que l'envie de pleurer le submerge à nouveau. En cet instant, le soldat le plus puissant de l'Humanité est réduit à un homme qui a été fort pendant trop longtemps et qui est à présent plus vulnérable que jamais, dans les bras de son soldat le plus sensible émotionnellement.
La respiration du Caporal s'apaise peu à peu. Puis, après de longues minutes dans cette position, il se détache de son subordonné et lui tourne le dos.
-Va dormir maintenant, Armin, lui dit-il d'une voix plus fatiguée que d'ordinaire.
Comprenant qu'il compte en rester là pour ce soir, le jeune blond obéit.
-A demain, Caporal, dit-il avant de quitter la pièce.
A peine a-t-il fermé la porte qu'il a la sensation qu'il va s'écrouler, comme si on venait de lui mettre un sac de briques sur les épaules. Ce qui s'est passé dans le Bureau du Caporal Livaï, du cauchemar à l'accolade entre les deux hommes, l'a marqué de façon viscérale. Il lui faudra sûrement des jours pour se remettre de cette rencontre, même s'il est conscient, au fond de lui, qu'elle ne restera pas sans suite.
Car ce à quoi il a assisté en compagnie de son supérieur marque un nouveau tournant dans leurs rapports l'un avec l'autre. De cela, Armin en a la conviction. Mais chaque chose en son temps.
Il doit d'abord se reposer pour espérer être en forme demain.
~~~
Alors alors... que pensez-vous de ce chapitre ? ^^
Bon, je vais pas vous mentir: c'est le chapitre que je préfère à titre personnel. Pour l'instant, en tout cas. On voit Livaï réconforter Armin, puis inversement. Tous ces événements bouleversent Armin, mais qu'en est-il de Livaï ?
En tout cas, ce chapitre marque un point de non-retour dans l'histoire - il en faut un dans toutes les histoires - c'est-à-dire que c'est le moment où on voit que plus rien ne sera jamais comme avant. A présent, reste à savoir comment nos deux protagonistes vont gérer tout ça.
A la prochaine pour le point de vue de Livaï !
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