𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 ²⁵ : « Rendez-vous. »
Assis à la table d'un café du coin, un homme patientait l'arrivée de son prochain rendez-vous. À première vue, le quarantenaire paraissait nerveux, comme s'il s'apprêtait à rencontrer le Diable en personne, alors qu'il allait seulement s'entrevoir avec une adolescente de seize années. Pas de quoi stresser autant. Pourtant, il ne pouvait s'empêcher d'avoir peur de la suite des événements, car la trahison qu'il avait commise avait probablement dû briser leur accord et donc, la demoiselle était libre de détruire toute sa réputation, ainsi que sa carrière professionnelle. Perdre sa maison de musique, celle que son père lui avait légué à sa triste mort, serait un déshonneur pour sa famille et finir en prison pour violences conjugales mettrait en péril toute sa vie. Ce n'était pas uniquement sa famille que Carl Holland perdrait, mais absolument tout ce pour quoi il s'était battu à construire. Et l'amant de Katherine ne pouvait se permettre une telle chose, alors avouer ce que la femme d'affaires lui avait révélé était peut-être sa seule chance de garder son château protégé des troupes ennemies. Mais si elle venait à apprendre que cette entrevue avait eu lieu et qu'Anastasia connaissait son projet, il risquerait d'en payer cher. Trop coûteux pour lui.
Autour de son verre de Bourbon, ses doigts tremblaient légèrement et ses lèvres frémissaient d'appréhension. L'alcool n'arrivait plus à calmer ses nerfs, ce qui était étrangement inhabituel. Ses yeux fouillaient sans cesse les alentours à la recherche d'une quelconque menace potentielle qui puisse mettre des bâtons dans les roues à sa relation intime avec Kath. Ou peut-être s'attendait-il à voir débarquer la fille de cette dernière, accompagnée d'une horde d'agents de sécurité et la police juste derrière pour l'arrêter. Mais rien ne venait, cette partie là du village norvégien était calme, voire peut-être trop pour lui qui prenait peur à la moindre occasion. Même la voiture noire garée devant la banque, de l'autre côté de la rue, arrivait à faire naître un tas d'interrogations dans son esprit. Il se demandait si ce n'était pas un agent de son amante, envoyé pour le tuer juste après ou si ce n'était pas un sous les ordres de la gamine. Des idées plus farfelues les unes que les autres envahissaient sa tête, alors qu'il s'agissait très certainement d'un ordinaire citoyen qui venait retirer de l'argent. Décidément, le père de Jack devenait complètement paranoïaque.
Traversant le passage piéton sous le soleil lumineux de ce mardi 26 novembre, Anastasia marchait vite, en direction du même café où attendait Carl. Ses lunettes noires sur son nez et sa casquette rouge visée sur sa tête, la jeune femme veillait à ce que personne ne la reconnaisse. Elle restait attentive aux environs, histoire de fuir avant que le danger ne puisse lui tomber dessus. Mais pour l'instant, rien de suspect n'était à signaler ou à retenir, tout semblait aller pour le mieux. Toujours avec empressement, la brunette rejoignit le lieu de rendez-vous, où sa prochaine victime l'attendait certainement déjà. Bien qu'en retard dix minutes à cause de Martinus Gunnarsen qui avait insisté pour savoir ce qu'elle comptait faire du reste de son après-midi libre, elle ne se dépêcha pas d'arriver le plus vite possible. Non, faire attendre le père de son ancien camarade de classe qui mystérieusement se retrouvait également dans sa nouvelle école était un bon avant-goût de ce qu'il risquerait de subir. La trahison de cet abruti ne lui était pas seulement restée au travers de la gorge, mais également sur son corps, car sa génitrice ne s'était pas retenue pour se défouler alors que cela faisait plus de deux mois qu'elle n'avait rien tenté sur sa progéniture. La portugaise ne se priverait pas d'être la plus impitoyable possible. S'il y avait bien une seule chose qu'elle avait hérité de sa mère, c'était bien ça et uniquement cela. Le reste venait de Jace, pour son plus grand plaisir.
Finalement, après une attente interminable pour l'homme, l'étudiante finit par prendre place sur la chaise vide, sans même une salutation. À peine installée qu'un serveur vint aussitôt à sa rencontre pour lui proposer de prendre quelque à boire. Elle lui répondit poliment par la négative, sans lâcher des yeux Holland qui déglutit face à l'intensité de son regard, même à travers les vitres teintées. Quand l'employé du café disparut, le laissant seul et livré à la fille de son amante, la brunette retira ses lunettes de soleil avec élégance. Face à son nouvel ennemi, Ana abordait une expression neutre, mais le petit sourire en coin qui se formait sur ses lèvres rosées la trahissait. Cette situation avait quelque chose de drôle pour elle, mais la demi-roumaine ne saurait dire quoi.
— Carl, salua-t-elle. Ça fait quoi, moins d'une semaine que l'on ne s'est pas vu ?
— Cinq jours, pour être précis, grommela l'adulte, en se redressant sur son siège.
— Oui, quand on risque de tout perdre, il est préférable de savoir combien de temps il nous reste à profiter avant l'effondrement, ricana la jeune fille, moqueuse. Dites-moi, Carl, pourquoi avoir trahi notre accord ? Je pensais avoir été claire la dernière fois, mais à ce que je constate que ce n'est malheureusement pas le cas. Pourtant, je vous avais demandé si ma demande était explicite et vous avez répondu par un « oui ». Alors qu'est-ce qui n'était pas passé ? Avait-il quelque chose qui n'était pas suffisamment compréhensible dans mes dires ? Parce que je peux toujours me répéter, j'ai une excellente mémoire et pourrais reproduire la scène dans ses moindres détails.
— Ce ne serait pas nécessaire, Anastasia. Je -
— Mademoiselle Ioans, le corrigea-t-elle. Pour vous, c'est Mademoiselle, pas Anastasia.
Gêné, le père de Jack se racla la gorge, en se positionnant droit sur sa chaise, puis reprit :
— Bien, Mademoiselle. Comme je le disais, ce ne sera pas nécessaire de reproduire notre entrevue d'il y a cinq jours, je m'en souviens comme si c'était hier. Et pour répondre à votre question, si je n'avais pas dévoilé cela à Katherine, elle aurait fouiller par elle-même. Les conséquences auraient pu être pires.
— Donc, elle se doutait de quelque chose.
Décidément, la discrétion dans cette famille n'existe pas, pensa Flor, en se retenant de sauter à la gorge de cet abruti qui ne sait pas tenir sa langue. L'étudiante décida de laisser passer les derniers mots de l'homme, tentant d'éloigner les souvenirs brutaux de cette maudite nuit de souffrance.
— Probablement, oui. Vous m'avez demandé de... Trahir la femme que j'aime, ce n'est pas rien comme même.
— La femme que vous aimez ? s'indigna l'adolescente. Et vous croyez que c'est réciproque, Carl ?
Devant l'absence de réponse de l'amant de sa génitrice, la portugaise continua sur sa lancée, quitte à le blesser, mais cherchant à lui faire entendre raison.
— Katherine n'a jamais aimé personne, à part elle-même. Elle avait dix-neuf ans quand elle a épousé mon père qui lui en avait vingt-et-un. Un an plus tard, je naissais et ça ne l'a pas empêché de tuer son propre mari, ainsi sa fille. Par miracle ou malheur, cela dépend du point de vue, je suis toujours là. Et elle disait l'aimer plus que tout. Voyez où l'amour la mène : à la destruction.
— Avec moi, elle est différente, souffla faiblement Holland, la tristesse faisant trembler sa voix.
— Tous ses amants avaient eu la même impression, avant de disparaître mystérieusement. Ce n'est qu'une question de temps, avant que vous y passiez aussi et je suis persuadée que lui dire que vous l'aimez ne vous sauvera pas d'une mort certaine. Katherine élimine tout, mais absolument tout ce qui s'attache trop à elle.
— Peu importe, soupira-t-il. Je sais ce que je fais et je prends le risque de continuer cette liaison.
— Vous ne pourrez pas dire que je ne vous ai pas prévenu, Monsieur Holland.
— Ce n'est plus « Carl » ? pouffa le quarantenaire avec amusement.
— Si j'étais vous, je ne prendrais pas trop la confiance à ce point, le prévint-elle. Je suis encore en droit de vous retirer tous ce que vous possédez de précieux et de vous envoyer en prison.
Un silence vint planer aux dessus de leur tête. Aucun ne parlait, se jaugeant du regard pour voir celui qui céderait en premier. Seulement, Anastasia était une adversaire de taille, malgré son jeune âge et cela, le norvégien l'avait comprit. Il ne faisait donc pas le poids contre elle, comme il ne l'avait pas fait contre son père, Jace Ribeiro Ioans. C'était décidément une farouche détermination que la famille léguait à ses descendants.
— Vous allez continuer à faire ce que je vous ai demandé, ordonna la brunette d'une voix sans appel. C'est votre dernière chance, Carl. Malgré toutes les conneries que vous faites dans votre vie, la détruire serait une bien douce punition que je vous offrirais. Un peu comme la mort.
— Gamine, ta mère me tuerait, si elle apprenait ce que je fais pour toi, dit-il, en passant outre le vouvoiement et glissant sa main dans ses cheveux.
Se penchant légèrement en avant sur la table, les deux mains à plat dessus et avec le même ton que lui, la portugaise déclara :
— Abruti, ça je le sais et c'est la raison pour laquelle tu vas continuer à le faire.
Remettant ses lunettes de soleil sur son nez et replaçant sa casquette à l'endroit sur son crâne, Flora sourit malicieusement, une dernière fois.
— J'espère avoir été claire, cette fois-ci et qu'une telle chose ne se reproduira plus, car, vois-tu, tes bêtises ont un impact sur moi. La prochaine erreur de ta part, ce sera sur moi que Katherine va se défouler, mais ce sera toi, ma première vraie victime. Et Dieu n'est pas le seul à savoir à quel point je peux être impitoyable et sadique. Alors si j'étais toi, je ferais très attention à ce qui sort de ma bouche.
Sur ces paroles, la jeune femme se leva, prête à partir. Mais avant même d'avoir effectué un seul pas, la main de Carl vint attraper son poignet qu'elle dégagea aussitôt. Avec un regard suppliant de l'écouter, elle l'interrogea silencieusement.
— Je voudrais te prouver ma loyauté, Anastasia.
— C'est un peu tard pour cela, Carl, souffla-t-elle, en observant les alentours à nouveau.
— J'ai une information qui devrait te mettre sur une piste, déclara l'adulte à toute vitesse. Katherine me l'a dit, hier soir et elle ne sait pas que je m'en souviens.
Devant le haussement de sourcils curieux de l'adolescente, Holland bafouilla un « on avait légèrement bu ». Peu convaincue par sa réponse, elle croisa les bras sur sa poitrine, attendant la suite
— Bon ok, on était complètement bourrés.
— Alors c'est cela ta technique de bon psychologue, rigola-t-elle, en se rasseyant sur la chaise. Tu fais boire ta patiente pour qu'elle te dévoile ses plus sombres secrets. Continue comme ça, Carl, tu fais du bon boulot.
— Katherine m'a dit qu'une équipe de ses agents de sécurité devait fouiller un entrepôt abandonné aujourd'hui.
— Pourquoi ? demanda la brunette, certaine qu'il connaissait la réponse à sa question. Oh allez, Carl, je suis persuadée que tu connais les moindres détails de cette mission secrète.
— Elle pense que...
— Qu'est-ce que Katherine pense, Carl ? s'emporta Ioans. Ne me fais pas perdre patience, c'est un conseil.
— Elle pense que ton père est toujours vivant et elle est certaine qu'il se cache là-bas, parce que c'était l'ancien lieu -
— L'ancien lieu d'entraînement de l'armée norvégienne, devina-t-elle. Et mon père faisait parti de ceux qui se sont entraînés dans cet endroit. Alors elle pense que c'est là-bas qu'il se cache.
Pour y avoir déjà posé les pieds durant son enfance, Flor connaissait bien les lieux. Ce ne serait pas compliquer pour la demoiselle de trouver le chemin et de se repérer à l'intérieur. Mais ce qu'il lui fallait, c'était un moyen de se défendre contre les hommes de mains de sa génitrice, si jamais elle se retrouvait face à l'un d'eux. La dernière fois l'avait conduite à l'hôpital et elle ne souhaitait pas reproduire cette journée là pour rien au monde. Elle était déjà assez traumatisée comme cela pour recommencer.
— Finalement, tu m'as été plus utile que je ne le pensais.
— Merci de m'avoir écouté et de m'avoir donné une deuxième chance.
— Tu sais à quoi t'en tenir, maintenant, dit-elle avec un haussement d'épaules. Tâche de rester en vie, ce serait bête que je doive menacer quelqu'un d'autre pour faire ton service.
Et la brunette disparut dans la foule, déterminée à retrouver celui que l'on lui avait prit, il y a de cela dix bonnes années.
✧°•:**:•°✧
Bonjour, bonjour !
Je sais que ça fait plusieurs jours que je n'ai pas posté, mais me voici de retour !
𝐉'𝐞𝐬𝐩è𝐫𝐞 𝐪𝐮𝐞 𝐜𝐞 𝐜𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐯𝐨𝐮𝐬 𝐚𝐮𝐫𝐚 𝐩𝐥𝐮.
𝐍'𝐡é𝐬𝐢𝐭𝐞𝐳 𝐩𝐚𝐬 à 𝐦𝐞 𝐝𝐢𝐫𝐞 𝐬𝐢 𝐯𝐨𝐮𝐬 𝐭𝐫𝐨𝐮𝐯𝐞𝐳 𝐝𝐞𝐬 𝐟𝐚𝐮𝐭𝐞𝐬 𝐝'𝐨𝐫𝐭𝐡𝐨𝐠𝐫𝐚𝐩𝐡𝐞.
❤️
Claudia M.T.C
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