𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 ⁰⁶ : « Le nouveau. »
Le weekend s'était terminé bien trop vite au goût des trois adolescents. Entre un samedi chargé pour la demoiselle et presque un dimanche entier passé au lit, les jeunes avaient eu peu de temps pour faire connaissance. Sans compter sur la jeune fille qui mettait tout en œuvre pour éviter les jumeaux et qui s'enfermait dans son studio de musique lorsqu'elle risquait d'avoir à faire au cadet. Ce dernier s'amusait de sa réaction, mais se sentait tout de même blessé de sentir qu'elle ne voulait rien n'avoir à faire avec lui et son frère. Ils rêvaient de vacances pour profiter un maximum de leur temps libre, mais ces dernières n'étaient pas prévues pour tout de suite. En revanche, ce qui était à faire dans l'immédiat était de se rendre à l'école pour suivre les cours du lundi. Presque dégagés de la maison à coup de balai de la part de Jeanne, Anastasia, Marcus et Martinus n'avaient eu guère le choix que de disparaître en vitesse, au risque de se faire emmener de force par les oreilles. C'est donc avec beaucoup de sommeil, même après une longue nuit, et lassitude qu'ils s'étaient rendus à leur établissement scolaire respectif, se séparant au milieu du chemin pour emprunter des trajets différents.
Chanceux pour un début de semaine, les Gunnarsen, s'attendant à faire le parcours seuls, avaient finalement croisé leur bande d'amis presque aux portes du bâtiment public. Le groupe de cinq avait terminé l'itinéraire ensemble, profitant du calme de la cour scolaire pour s'amuser et se moquer les uns des autres comme ils en avaient la fâcheuse habitude. Les adolescents qui se connaissaient depuis la maternelle prirent la bonne décision de pénétrer dans l'école où ils étudiaient, avant que la sonnerie ne résonne. Composé de deux filles, Ariel et Loren, ainsi que d'un autre garçon nommé Joey, ils prenaient absolument tout leur temps pour récupérer leurs affaires de cours et se préparer à partir en classe. Chacun racontait les évènements nouveaux de ces deux derniers jours de congé, divertissant les autres qui, à leur tour, faisaient de même. Les secrets étaient rares dans l'équipe, ils se racontaient presque tous, mais certains cachaient de nombreuses choses et tâchaient de les garder confidentiels aux oreilles de leurs frères de cœur.
Pendant que Marcus discutait gaiement avec Ariel, une belle brune âgée d'une année de plus que lui, Martinus de son côté conversait avec Joey. Les deux garçons s'informaient mutuellement des dernières nouvelles concernant leur équipe de football préférée. Très fans de ce sport là, les adolescents s'entendaient à merveille et ne parlaient presque que de ça lorsqu'ils étaient en compagnie de l'autre. C'était un de leurs nombreux points communs, une passion qu'ils partageaient avec amour. Mais la discussion se retrouvait sans cesse interrompue par Loren qui n'arrêtait pas de s'agripper au bras gauche du cadet, essayant d'attirer sa totale attention sur sa personne. Ce dernier tentait par tous les moyens de l'éloigner, en retirant ses mains de son corps. Seulement, la demoiselle du petit groupe revenait toujours à la charge et ne paraissait pas prête de laisser Tinus respirer.
Le jeune homme avait fait de son mieux pour supporter sa présence, ces derniers temps. Mais aujourd'hui, il saturait complètement et était près à le lui faire comprendre, quitte à être brusque dans ses propos et la blesser, même si telle n'était pas son intention. Pour dernier avertissement, Martinus lui lança un regard noir sévère, persuadé que cela allait fonctionner et la dissuader de continuer. Malheureusement, Loren Gray était très persévérante, peut-être un peu trop et s'amusait de la situation. Ne supportant plus les agissements de son amie et se sentant mal pour le jeune Thompson qui était secrètement amoureux d'elle, le norvégien demanda à l'étudiant de partir devant, espérant gronder la blonde sans témoins dans les parages. Lorsqu'il fut seul à seul avec elle, le chanteur se retourna, retenant la fille par les poignets pour l'empêcher de reposer ses mains baladeuses sur son torse.
— Loren, à quoi tu joues, bordel ? siffla-t-il rageusement, essayant de contenir la colère déjà bien présente dans son corps.
— Je ne comprends pas, Tinus, souffla la jeune femme d'une manière innocente avec un brin de malice.
— Qu'est-ce qui n'est pas clair pour toi, Lo ? Depuis tout à l'heure, j'essaye de t'éloigner pour que tu arrêtes avec ton cirque, mais tu reviens constamment à la charge !
— Ce n'est pas comme si tu ne réagissait pas, Titi. Tu viens de demander à Jo de partir pour rester seul avec moi, c'est un bon signe, je trouve.
— Un signe de quoi ? s'énerva définitivement Martinus. Que tu me plais ?
Le regard de la prénommée Loren Gray se mit soudainement à briller, comme si elle espérait qu'il lui fasse une déclaration amoureuse. Ce qui ne risquerait pas d'arriver, car dans sa tête il n'y avait qu'une seule femme et il s'agissait d'Anastasia. Le blondinet lâcha un rire amer.
— Détrompe-toi ce n'est pas et ne sera jamais le cas.
— Ne jamais dire jamais, mon cœur, ricana-t-elle d'une voix aiguë.
— J'espère avoir été assez clair dans mes propos et que tu arrêteras avec ce manège, parce que j'en ai ras le bol de tes agissements. Ouvre les yeux sur ce qui t'entoure, au lieu d'essayer de draguer ce qui t'es inaccessible.
— C'est justement pour ça que je te veux, Martinus.
— Eh bien mets-toi dans le crâne que ce n'est pas réciproque, Loren !
Sur ces mots, le fils d'Erik et Anne tourna les talons. Il se dirigea vers le reste de ses amis qui l'attendaient plus loin, laissant derrière lui une fille blessée par ses paroles, mais qui semblait encore plus déterminée qu'avant à le séduire.
— Je t'aurais, Titi. Tu ne me résisteras pas bien longtemps, soupira-t-elle de manière exagéré avec ses airs de garce hautaine.
✧
Son tout premier cours de la journée annulé à cause de l'absence du professeur de géographie, Anastasia Flor profitait de sa pause de quarante-cinq minutes pour se poser tranquillement dans sa prochaine classe. Assise seule dans la pièce vide de monde, la jeune fille comptait utiliser ce temps libre et ce calme si rare dans ces lieux pour écrire quelques mots dans son journal intime. Une technique donnée par sa psychologue pour l'aider à déverser sa tristesse sur autre chose qu'un sac de boxe. Cela faisait un bon moment qu'elle n'avait pas repris ce livre en main pour y annoter l'avancement de sa vie mouvementée et ornée d'horreurs. Et c'est aujourd'hui que l'occasion se présentait et elle avait bien l'intention de tacher les pages blanches lignées avec l'encre noir de son stylo à bille, même si elle n'avait que peu de chose à raconter de nouveau.
« Private School,
Classe de biologie,
4 Novembre 2019,
8h20.
Cher journal,
Ou plutôt,
Cher papa, comme je préfère t'appeler.
J'espère que là où tu es, tout aille bien. Que tu vives en paix et heureux, loin de cette sorcière maléfique. Ça fait un moment que je n'ais pas écrit quelques lignes que j'irai probablement te lire en passant au cimetière, mais je n'avais pas grand chose à te dire de nouveau. Tu sais, j'ai toujours cette vie merdique, ennuyante, où je vis constamment dans la peur de ma propre génitrice et de la vérité que je vais découvrir un jour ou l'autre. Rien de trop « whaou » pour être noter ou raconter devant une pierre tombale. Mais si tu es curieux et que tu veux absolument tout savoir dans les moindres détails, je vais t'expliquer :
Tout d'abord, commençant par la plus nulle des nouvelles, j'ai entendu dire que l'on accueillait un autre élève ici. Comme si une centaine de fils à papa ne suffisait pas déjà, il a fallu que le Directeur en accepte un autre. Probablement un petit riche, un idiot sans cervelle qui ne pense qu'à l'argent. C'est comme ça que je l'imagine. J'espère juste qu'il ne viendra pas me courir après et me soûler à longueur de journée, comme l'a fait Carl Hassen. Tu sais le gamin de l'avocat qui avait défendu ton rival au tribunal une fois. C'est lui-même qui s'est pris mon poing dans la gueule. Je sais ! La violence est une mauvaise chose ( maman, elle, ne s'en est pas privée pour l'utiliser contre moi ), mais il m'énervait et je n'arrivais plus à me contenir... Alors j'ai frappé. Il a encore un bleu sur la pommette, mais ne cherche plus à se moquer de moi. Faut croire que la leçon était suffisante. Ah et à ce qu'il paraît, ses parents ont voulu porter plainte contre moi. Ils espéraient certainement que l'école me punisse pour avoir presque casser la nez de leur fils, mais être ta fille contient de nombreux avantages. Comme par exemple : être totalement inaccessible. Personne ne peut rien te faire au risque d'avoir des problèmes. Et je suis sûre que maintenant, vraiment aucuns de mes chers camarades de classe tant adorés ne voudront se mesurer à moi.
Deuxièmement ( on se croirait dans un texte argumentatif que le prof nous fait faire chaque année ), à la maison, tout roule comme sur des roulettes. Kath est partie à l'étranger pour... Je dirais : deux semaines ! C'est toujours pareil. Son financé, Mario machin-chose ( je ne sais plus son nom de famille ) est passé l'autre jour pour me voir. Étrange, me diras-tu. Et j'en suis totalement d'accord, je l'ai trouvé très louche. Il cache quelque chose, mais je me suis promise de ne pas faire de recherche pour une fois et suivre mon instinct.
Finalement, il s'avère que les jumeaux sont plus attachants que prévu. Les quitter ce matin était presque une tâche impossible. Même si je les ignorais au maximum ce weekend, je n'ai pas pu m'empêcher de passer deux, trois minutes en leur compagnie. Décidément, ils ne sont pas ceux que j'imaginais ou que je voyais sur les écrans. Je voudrais tellement pouvoir devenir amie avec eux, voir ce que ça fait d'avoir des personnes proches sur qui compter et chez qui trouver du réconfort. Mais j'ai peur de tout gâcher, à un moment où à un autre, c'est ce qui finira par arriver. C'est une tendance habituelle chez moi, un mécanisme de défense pour tout éloigner de mon cœur déjà inexistant. Et j'ai peur aussi que Katherine s'en prenne à eux, parce que j'ai osé les laisser entrer dans ma zone de confort et que mon triste passé ne soit un frein à une amitié possible. Qu'est-ce que j'aurai aimé avoir cette facilité avec les gens, comme toi tu l'avais ! Tu te faisais des amis sans problèmes ! Tu es un exemple que je voudrais suivre, mais ça à l'air tellement difficile, quand on y pense... »
— Probablement un autre petit riche, un idiot sans cervelle qui ne pense qu'à l'argent, récita soudainement une voix masculine à son oreille. Si j'avais su que tu me verrais de cette manière, je me serais présenté plus tôt.
Ana sursauta violemment, ne s'attendant pas à avoir de la compagnie. Elle lâcha son stylo qui tomba au sol et referma en quatrième vitesse son carnet secret, empêchant cette personne, décidément, suicidaire de continuer sa lecture. Furieuse d'avoir été surprise d'une telle manière, mais surtout que quelqu'un n'ose lire ce qu'elle cachait, la portugaise se retourna vers le nouvel arrivant. Face à un jeune homme plutôt séduisant qui plairait certainement à n'importe quelle femme, la brunette chercha à savoir de qui il pouvait bien s'agir. Seulement, cette taille de géant, cette musculature impressionnante, ces cheveux bruns soyeux, ces yeux châtain qui tiraient vers le vert, ce sourire totalement craquant et sensuel et cette petite fossette sur la joue gauche accompagnée d'une petite cicatrice, ne lui disaient rien. S'il était étudiant dans cette école privée, la fille de Jace l'aurait probablement déjà remarqué. À moins que ce ne soit l'élève dont tout le monde parlait.
— Laisse-moi deviner : tu es le nouveau et tu t'es égaré dans les couloirs. Donc, tu es entré dans la première classe vide que tu as trouvé, qui s'avérait être occupée et tu t'es dit que ce serait bien de venir faire connaissance avec la fille assise seule entrain d'écrire, déclara-t-elle comme une évidence.
La garçon la relooka un instant, passant sa langue sur ses lèvres et se mordillant celle du bas.
— Tu es la première, en dehors des bimbos désespérées de cet établissement, à l'avoir compris, sourit-il malicieusement, avant de se présenter. Je suis Jack Holland.
— Jack, s'exclama la demi-roumaine avec un fort accent anglais et un sourire forcé. Quel non plaisir de faire ta connaissance.
Sur ces mots, elle se plaça face à sa table et sortit ses affaires de cours. Elle ignorait totalement l'intrus et cela amusait fortement ce dernier qui, sans se départir de son air malicieux, prit place sur l'autre chaise à proximité de l'adolescente. Il ne se gêna pas pour balancer son sac sur le bureau, faisant autant de bruit que possible pour la faire rager encore plus et s'approcha un maximum de la demoiselle, à tel point que ses genoux frôlèrent ses cuisses. Ana fit de son mieux pour ne rien laisser paraître, mais elle était presque intimidée par ce regard intense que le brun lui lançait. Pas autant que celui de Martinus, certes, mais suffisant pour la gêner à l'en faire quasiment rougir.
— Tu n'es pas contente de rencontrer le... Comment tu disais déjà ? Riche, idiot sans cervelle ? C'est ça, non ? ricana-t-il, les jambes maintenant croisés et une main tapant frénétiquement sur le bois.
L'étudiante observa du coin de l'œil ses doigts se mouvoir sur la table, avant de poser ses yeux bleu-vert sur lui.
— Non, je ne le suis pas.
— Ah non ? s'offusqua faussement le prénommé Jack.
— Non, répéta-t-elle avec sérieux, en même temps que la sonnerie du prochain cours. Maintenant si tu veux bien aller t'installer ailleurs pour que ma partenaire de table puisse prendre sa place, ce serait très aimable de ta part.
— Pourquoi ne ferons-nous pas équipe, dans ce cas ?
— Je te demande pardon ?
— Et je te pardonne, dit-il, en se redressant sur sa chaise. Tu n'as pas l'air d'être du genre à faire copain-copine avec les filles de cette école et pour tout t'avouer, je ne les aime pas non plus. Alors pourquoi ne pas travailler à deux ?
— Pour quelle raison j'accepterai ta proposition ? demanda Anastasia, peu certaine de résister longtemps.
Holland avait raison : elle détestait ses camarades de classe. Principalement les filles.
— Parce que tu m'apprécies bien et que tu commences vachement à me plaire, honey, répondit le brun, passant son pouce sur sa lèvre inférieure.
Ce geste aurait pu faire fonder n'importe quelle femme, mais Flora n'était pas n'importe qui. Et puis, sur Tinus ça aurait fait mille fois mieux. Arrête de penser à cet énergumène ! hurla-t-elle mentalement.
— C'est ok.
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𝐉'𝐞𝐬𝐩è𝐫𝐞 𝐪𝐮𝐞 𝐜𝐞 𝐜𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐯𝐨𝐮𝐬 𝐚𝐮𝐫𝐚 𝐩𝐥𝐮.
𝐍'𝐡é𝐬𝐢𝐭𝐞𝐳 𝐩𝐚𝐬 à 𝐦𝐞 𝐝𝐢𝐫𝐞 𝐬𝐢 𝐯𝐨𝐮𝐬 𝐭𝐫𝐨𝐮𝐯𝐞𝐳 𝐝𝐞𝐬 𝐟𝐚𝐮𝐭𝐞𝐬 𝐝'𝐨𝐫𝐭𝐡𝐨𝐠𝐫𝐚𝐩𝐡𝐞.
Claudia M.T.C
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