𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟐𝟕

















— U  L  T  I  M  E    S  O  U  H  A  I  T —

































             JAMAIS JE N’AI NAGE DANS un bonheur aussi profond.

             Autour de moi, les bras d’Ace sont fermes. Il me maintient avec force contre lui tandis que quelques grognements franchissent ses lèvres. Il dort à poings fermés. Cette journée a vraiment été paisible et plaisante.

             J’aime quand les problèmes se règlent, que je perçois la lumière au bout du tunnel. Et après des mois à me demander s’il survivrait, me pardonnerait, il vient de me proposer d’emménager avec moi, m’a assuré qu’il comptait vieillir à mes côtés et sa carrière est sauvée.

             Un soupir franchit mes lèvres et mes muscles se détendent. Je suis heureuse.

             Seulement, quelque chose me chiffonne. Je suis incertaine, apeurée. Soit, je semble toucher au bonheur. Mais tout est allé si vite que je crains que tout cela ne soit trop fragile et m’explose bientôt à la figure. Alors je n’arrive pas à dormir.

             Soudain, je me redresse. Un bruit de verre brisé a retenti, dans la cuisine. Cela ne semble pas gêné le noiraud qui, s’il remue légèrement, me garde coincé dans ses bras. Je caresse doucement ceux-ci, mon cœur battant pourtant avec plus de fermeté.

             Il y a quelqu’un. J’en suis sûre.

             Quelques minutes me sont nécessaires afin de me défaire de cette étreinte mais, bientôt, je me trouve debout sur le seuil de la chambre. Par mesure de précaution, je me suis emparée de la lampe de chevet.

             Pénétrant le couloir, je prends une profonde inspiration et repère bientôt de la lumière depuis la salle à manger. Mon souffle se bloque dans ma poitrine quand une silhouette jaillit de derrière l’ilot centrale, se redressant brusquement.

             Dans un hurlement, je projette mon arme en direction de l’inconnu qui glisse immédiatement sur le côté. L’objet s’écrase contre le réfrigérateur et, la seconde qui suit, une main se pose sur ma hanche.

             Ace, qui vient de se réveiller, me glisse derrière lui tout en laissant une lueur orangée habillée son corps, signe qu’il s’apprête à utiliser ses pouvoirs. Cachée derrière lui, j’observe tout de même la silhouette à présent cachée derrière le plan de travail.

— Montre-toi ! tonne Ace.

— Putain, mais c’est quoi ton problème ?

             Aussitôt, je me détends quand le visage d’Edward apparait. A ses pieds, je distingue une flaque s’étendant autour de débris bruns. Une puissante odeur d’alcool émane de ce que je suppose être l’origine du bruit que j’ai entendu tout à l’heure. Un paque de bières brisé.

             Devant moi, Ace abandonne son enveloppe de feu.

— Edward, je rêve où tu t’es infiltré chez moi en pleine nuit pour voler de la bière ?

— Euh…ouais.

             Soupirant, le noiraud avance de plusieurs pas et secoue la tête en s’asseyant au bar. Aussitôt, le regard d’Edward se pose sur moi puis sur lui. Il ne se préoccupe même pas du carnage qu’il a fait sur le sol de la cuisine.

— Alors comme ça… Vous deux ? lâche-t-il dans un sourire complice.

— On est coloc.

— On est ensemble.

             Je fusille Ace du regard, me raidissant. Lui qui m’a léchée dans cette même cuisine après m’avoir demandé d’emménager avec lui, cet abruti qui m’a assuré vouloir vieillir à mes côtés vient-il réellement de me présenter comme sa…colocataire ?

             Les lèvres d’Edward se réduisent à l’état de « o » et il écarquille les yeux :

— Face au malaise évident, je vais prendre ces bières et m’en aller.

             Nous n’avons pas le temps de faire le moindre geste. Ouvrant le réfrigérateur, il saisit un paque de bières et s’évanouit aussitôt dans un nuage de fumées, laissant un beau merdier sur le sol. Mais je ne prête même pas attention aux dégâts.

             Les bras croisés, j’interroge Ace du regard en haussant un sourcil. Celui-ci, tourné vers moi, se pince les lèvres.

— Ta…colocataire ?

             Embarrassé, il demeure silencieux quelques secondes. Et même si je sais qu’il cherche juste à mettre de l’ordre dans ses idées, qu’il ne compte pas m’ignorer mais veut juste réfléchir, je pousse un soupir en secouant la tête :

— Tu vois ? C’est ça, ton problème. Laisse tomber.

             Tournant les talons, je m’enfonce dans le couloir. Mais aussitôt, je le sens courir derrière moi.

— Comment ça, « mon problème » ? Tu n’as jamais sous-entendu avoir quoi que ce soit à me reprocher mais je t’en prie, exprime-toi.

             M’arrêtant sur le seuil de la chambre, je me tourne vers lui.

— On s’est à peine connu avant que tu décides de m’en vouloir et on s’est à peine réconcilié avant que tu me demandes de vivre avec toi. Tu n’as pas pris le temps de réfléchir à ce que tu voulais.

— Ce que je veux ? s’exclame-t-il.

— Si tu voulais vraiment vieillir à mes côtés, je crois que tu ne me présenterais pas comme ta colocataire.

             Croisant les bras sur sa poitrine, il fronce les sourcils.

— Tu insinues que je t’ai menti sur mes sentiments ?

— Non, je pense que tu te croyais sincère. Mais tu n’es juste pas habitué à vivre seul. Alors tu tentes de t’émanciper d’Edward mais tu cours aussitôt vers de nouveaux collègues puis quand tu t’aperçois qu’ils ne sont pas aussi tendres que ce que tu croyais, tu me demandes d’emménager à tes côtés.

             Ses yeux se posent sur le sol. Il évite mon regard. Il sait que j’ai raison. Il n’a jamais pris le temps de me connaitre. Il est dur de penser qu’il m’aime et qu’il veut vraiment vieillir avec moi. En revanche, l’idée qu’il craigne simplement la solitude est plus probable.

             Je me déteste, en cet instant précis. Car j’étais heureuse et que, si je n’avais rien dit, il n’aurait sûrement jamais évoqué ses véritables sentiments. Nous aurions été heureux ensemble et peut-être qu’il aurait fini par m’aimer réellement.

             Mais là est le problème. Je ne veux pas d’un amour factice.

— Je crois que tu devrais dormir sur le canapé.

             Sa voix est cassante. Il ne me regarde toujours pas. Ma gorge se serre et j’acquiesce. Implicitement, il vient de confirmer mes pensées.

             Et c’est encore plus douloureux car je l’aime, moi.









— Je le crois aussi.


































1018 mots

de l'eau dans le gaz...

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