𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟐𝟓
— U L T I M E S O U H A I T —
EPUISE, ACE S’AFFALE de tout son long sur le canapé. Sa tête tombe contre les coussins, s’enfonçant dedans et je l’entends pester. Bien que les bruits de sa voix soient étouffés, ils me parviennent. Je fais mine de ne rien entendre, refermant la porte de son appartement derrière moi.
Il s’agit de la deuxième fois que j’entre chez lui. La première était plaisante, nous venions tout juste de nous rabibocher. Aujourd’hui, l’heure n’est plus aux sourires et accolades. Le noiraud vient tout juste de perdre son emploi.
Ou plutôt, il exerce toujours son métier qui ne prendra fin que si le public décide de se retirer. Mais la collaboration qu’il a intégrée l’a éjecté après son altercation avec Chad. La bagarre filmée a fini sur les réseaux sociaux et ceux-là sont en ébullition.
Ace s’est fait connaitre en balançant des mangas dans une Fnac tandis que le blond, lui, est réputé pour être un visage souriant et à l’écoute des autres. Je sais déjà vers qui les têtes vont se tourner. Et je me sens mal à l’idée que le noiraud perde ses abonnés à cause de moi.
Il souhaitait simplement me défendre, je l’ai entendu. Mais Youtube et Twitch sont devenus ses seules raisons de vivre.
L’idée qu’il puisse en être privé par ma faute me fait frissonner.
— Tu as besoin de quelque chose ? je demande, embarrassée.
Mais il ne répond pas, gardant la tête enfoncée dans les oreillers. Je déglutis péniblement, mal à l’aise.
Les épreuves que nous avons déjà endurées ont été bien plus rudes. Mais je ne peux m’empêcher de me dire que celle-ci est le coup de grâce. Ici, Ace se repose avant de retrouver son ancien monde — et je ne sais même pas s’il pourra définitivement revenir sur Grand Line après l’arc Wano. Mais il peine à trouver des raisons de vivre, loin des siens.
Je ne me pardonnerai pas si le public se retirait en guise de punition, privant mon ami d’une communauté qui, sans même le savoir, l’aide à endurer une terrible épreuve.
Face à son mutisme, ma gorge se serre. Non. Je ne peux définitivement pas laisser tout cela se produire.
— Je vais devoir regarder quelque chose sur ton téléphone, ça ne te dérange pas ? je demande.
Le visage enfoncé dans les coussins, il se contente de lever un bras pour me faire un signe du pouce, épuisé. Ma poitrine se comprime à cette vision. Jamais je ne l’ai vu aussi abattu, pas même au retour de Marineford. Je crois que j’aurais préféré qu’il frappe les murs et me hurle dessus.
L’idée qu’il me haïsse est plus supportable que celle qu’il soit trop brisé pour le faire.
M’approchant, j’attrape son téléphone posé sur la table basse. Sans surprise, je n’y rencontre aucun code de sécurité — Ace a encore du mal avec ma technologie et préfère limiter les barrières. Le déverrouillant donc d’un geste de la main, j’ouvre l’application instagram.
Démarrant un enregistrement d’écran, j’actionne la story privée de Chad, gardant un œil sur Ace de peur qu’il ne revienne à lui et m’empêche d’aller au bout de mon geste. Ignorant les vibrations incessantes de son téléphone liée aux notifications multiples qu’il reçoit, j’observe avec une grimace de dégoût les images se succéder.
Les photos que Chad m’a déjà montrées laisse place à une vidéo prise à mon insu. Là-dessus, j’y bois un verre d’eau d’une traite. Une nausée brûle ma gorge face à la description.
« bonne descente, elle a intérêt à avaler mon sperme avec autant d’enthousiasme »
Une autre vidéo me montre en train d’avaler une bouchée de mon plat, regardant ailleurs. Je me sens bête de l’avoir laissé me filmer au cours de la soirée. Il m’assurait alors qu’il s’agissait de photographies de notre rencontre « professionnelle » qu’il mettrait sur Instagram pour « teaser » notre « interview ».
« elle bouffera mon chibre comme ça ce soir »
Malgré moi, je lève les yeux sur Ace. Ses cheveux noirs dépassent des oreillers. La honte me cuit à l’idée qu’il ait vu tout cela.
Une image d’une autre fille apparait. Mon cœur se fige. Il s’agit de l’adolescente qui a interrompu notre repas. Elle sourit à la caméra, heureuse d’être prise en selfie avec son idole. Mais la légende est bien moins innocente que son regard brillant.
« pète couilles de féministes si elles faisaient pas chier avec metoo et les mineurs je lui aurais fait du sale, adolescente ou pas »
Mes yeux s’écarquillent. Avec un soupir de soulagement, la story rebascule en public et se fait plus récente, je comprends que les images de cette soirée sont terminées. Alors, envoyant rapidement la vidéo à mon propre téléphone, je repose celui d’Ace sur la table.
Il ne réagit pas. Et il demeure tout aussi hagard lorsque je lance :
— Je dois faire un truc vite fait.
Là-dessus, j’empreinte une porte et me rend dans la pièce de la dernière fois, celle où j’ai passé la nuit.
Tous les murs sont lisses et anthracites à l’exception de deux. Le premier, bordant la tête de lit en bois, semble avoir été taillé dans de la roche tandis que le deuxième n’est qu’une large baie vitrée laissant voir la ville. Epousant les formes du plafond, un ruban de lumière LED s’allume quand je pose un pied dans la salle.
Les néons projettent une aura rouge sur le lit double aux draps noirs. Je saisis la télécommande et change la colorimétrie afin de ne pas affecter le professionnalisme de la vidéo que je vais faire.
Ouvrant la caméra de mon téléphone, il me faut quelques instants avant de trouver le courage et l’angle qu’il me faudra. Je m’assoie sur le lit pour être plus confortable. Puis, je réalise que je vais de toute façon devoir y passer donc j’appuie sur l’icône rouge.
— Bonjour, je suis une amie d’Ace que vous avez déjà vu. Il vous a parlé de moi, du fait que j’avais jeté les téléphones à la Fnac pour le préserver et c’est exactement ce que je veux faire aujourd’hui. Car la vidéo qui tourne où vous le voyez se battre avec Chad a été prise dans un contexte particulier où il souhaitait simplement me protéger.
Je déglutis péniblement.
— Chad a pisté Ace et a appris qui j’étais. Il m’a proposé une interview sur Instagram et j’ai une capture d’écran pour le prouver. Il voulait m’interviewer et me proposait comme ça de calmer l’acharnement qu’il y avait autour de moi et qui amplifierait si les gens devinaient qui est sur cette vidéo.
Mes mains tremblent mais elles ne sont pas dans le champ de la caméra.
— Il m’a emmenée dans un restaurant en dehors de la ville et a fait des storys privées dégradantes sur moi toute la soirée. Après une dispute parce qu’il critiquait Ace et que j’ai trouvé ça hypocrite, il m’a jetée. Pendant que j’étais absente, il est resté avec une fan et j’ai découvert plus tard les propos très déplacés qu’il a tenu sur elle.
J’essuie mes paumes moites et prend une profonde inspiration.
— Ace n’était pas dans sa story privée depuis longtemps mais il avait appris comment il traitait les femmes alors il est venu me chercher en voiture et m’a expliqué ce qu’il y avait dans sa story privée. Le lendemain, Chad a demandé à me voir. Comme je voulais mettre les points sur les « I », j’y suis allée. Là-bas, il m’a montré fièrement l’étendue de l’humiliation qu’il m’a fait subir en story et c’est là que, dans un accès d’immaturité, j’ai fait une story sur Œdipe pour me venger.
J’ai affreusement chaud et ma gorge est sèche.
— Quand il a vu cela, il a essayé de m’étrangler mais Momo est arrivé à ce moment-là et s’est interposé. Le lendemain, j’ai voulu aller voir Ace à son studio pour lui parler mais je l’ai surpris en train de se battre avec Chad. La raison de cette bagarre est qu’il a appris que Chad avait levé la main sur moi.
Je respire difficilement.
— Ecoutez, je suis pas une personnalité publique donc vous pouvez me haïr. Mais Ace vit une période compliquée et vous l’aidez vraiment à se lever chaque matin donc…
Ma voix meurt dans ma gorge et je réalise que mes yeux sont humides.
— …le punissez pas, s’il-vous-plaît. Il a juste agi en ami. Il n’a jamais voulu vous choquer.
J’avance la main pour couper l’enregistrement mais, juste avant, laisse filer d’une voix étranglée un simple :
— Merci.
Quelques manipulations me suffisent à publier toutes les preuves sur twitter. Je ne suis pas suivie par beaucoup de monde mais les hashtags suffiront, je pense, à me mettre en avant. Seulement je n’ai pas le temps de vérifier qu’elle est belle et bien ligne.
— Qu’est-ce que tu fais ? résonne une voix dans mon dos.
Dans un sursaut, je me retourne. Ace me fixe depuis l’encadrement de la porte, vêtu de son habituel sweatshirt noir. Ses sourcils sont froncés et mon cœur bat avec ardeur lorsque je vois ce que regardent ses yeux.
Le téléphone sur la table de nuit.
— Ecoute, Ace, je commence d’une voix rendue aigüe par les larmes qui me sont montées quand j’ai filmé la vidéo, je voulais juste… Je t’ai tout pris, je peux pas en plus être la raison pour laquelle tu perds…
Mais il ne semble même pas m’écouter. Fondant sur moi, il franchit la distance nous séparant avant d’attraper brutalement de ses larges mains mes joues mouillées. Il me ramène vers lui d’un geste sec.
Puis, ses lèvres se posent sur les miennes.
La surprise me fait d’abord écarquiller les yeux. Mais mon corps rompt soudain. Mes paupières se ferment, mes bras s’enroulent autour de son cou tandis que ses mains attrapent mes hanches. Je gémis contre sa bouche lorsqu’une de ses paumes, appuyant sur la chute du creux de mes reins, me plaque plus fermement contre lui.
Sa chaleur m’enlise.
Ses lèvres s’ouvrent, laissant filer sa langue qui trouve la mienne. Le contact de nos muscles me fait tressaillir avec une telle force que je bascule en arrière, l’emportant dans ma chute. Ace se laisse guider et nous tombons sur le matelas. Aussitôt, je me redresse pour approfondir encore davantage le baiser.
Jamais mon cœur n’a battu aussi fort. Le lien entre nous s’est à nouveau éveillés. Invisible. Mais ferme. Nos torses se plaquent l’un à l’autre et je soupir d’aise. Le bruit de nos lèvres et langues envahit la pièce.
La chaleur est trop forte, étouffante, je peine à respirer et mes mouvements sont ralentis. Alors je ne réfléchis pas vraiment quand je retire mon haut. Aussitôt, les larges mains du noiraud viennent caresser ma peau dénudée. Je frissonne que ses paumes retracent mes hanches ainsi que ma taille.
Ses lèvres descendent sur mon menton avant de retracer ma mâchoire. Mon ventre tremble sous son toucher.
— Ace…
Sa langue caresse mon cou, sous mon oreille, avant d’atteindre mon épaule. Il y dépose quelques baisers et descends le long de ma clavicule. Je soupire d’aise à cette sensation et bascule la tête en arrière. Mon dos se cambre contre lui.
— Chut…, soupire-t-il.
J’obtempère, sentant un fourmillement dans mon entrejambe. Mes cuisses se resserrent autour du corps d’Ace. Il retire son sweatshirt en toute hâte et je caresse aussitôt son corps, me délectant du volume de son torse.
Sa chaleur m’embaume.
— J’ai eu envie de t’embrasser dès la première fois que je t’ai vue, à Alabasta.
Mon cœur bat avec ferveur dans ma poitrine. Je ne parviens même pas à garder l’esprit clair ni à songer à quoi que ce soit. Tout n’est plus que ses mains, son souffle, sa chaleur, sa poigne…
— Tu étais si belle, assise dans le sable, murmure-t-il contre la naissance de mes seins.
Un gémissement me secoue.
— Et dans ce bar…
Ses lèvres descendent jusqu’à mon ventre. Mon dos se cambre quand il embrasse la zone au-dessus de mon nombril.
— Et dans ces eaux thermales…
Mes mains se referment sur son crâne.
— Partout, en fait.
Il remonte jusqu’à mon visage, rampant et embrassant mes lèvres avec ferveur. Nos langues se touchent et sa main attrape avec virulence ma cuisse. Doucement, il se penche à mon oreille avant de murmurer :
— Où que tu sois, je te veux.
2065 mots
j'espère que ça vous aura
plu
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