𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟐𝟑
















— U  L  T  I  M  E    S  O  U  H  A  I  T —


























— JE NE COMPRENDS toujours pas pourquoi tu tenais à ce que je revienne ici.

             Mes muscles sont raidis et ma mâchoire, contractée. Les moindres membres de mon corps sont contractés, je me refuse à faire le moindre mouvement trop brusque. Comme si à chaque geste, je risquais de créer un raz-de-marée sur lequel je n’aurais aucun contrôle.

             Le studio de Chad est large. Le point de vue que j’ai quand j’entre dans la salle me prend de cours, ayant été habituée à n’en voir qu’un mur depuis toutes ses vidéos. Mais la porte jouxtant un large logo illuminé de néons se situe face à un bureau enseveli sous une montagne de déchets et une caméra posée sur un trépied. La nausée me prend face à ce qui semble être un plat de lasagne couvert de moisissure abandonné au sol.

             Dans mon dos, le blond m’invite à entrer sans sembler particulièrement gêné par l’état de son studio. Il se permet même un large sourire.

Ecoute, on va pas passer par quatre chemins. Même si ça peut être tendu entre nous parce que je t’ai remballé, j’ai pas envie de passer à côté d’une opportunité professionnelle et d’un joli pactole donc comportons-nous en adulte, lance-t-il dans un sourire.

— Je rêve où un garçon qui a branché trois multiprises sur une autre me demande d’agir en adulte ?

— J’optimise ma place. Y’a pas plus adulte ! s’exclame-t-il.

— Tu augmentes les risques d’incendie parce que t’as pas deux sous de jugeotte !

             Aussitôt, il me lance un regard noir et sa mâchoire se contracte. L’air s’est brutalement épaissi et la chaleur a grimpé de quelques iotas. Je déglutis péniblement. Chad n’est pas comme Ace, personne ne l’est et je l’avais oublié. Là où le noiraud se serait contenté d’éclater de rire, lui peine difficilement à accepter la blessure implantée à son égo.

             Tournant le regard vers la prise puis le reposant sur moi avant de répéter l’action successivement quelques fois pour marquer sa colère, il lève les yeux au ciel et lâche simplement d’une voix cassante :

— Je suis pas comme Ace qui laisse les filles lui marcher dessus pour faire comme les cheveux bleus, d’accord ? Moi, je suis un vrai homme, pas un féministe ! Je vais pas te laisser m’insulter juste pour que tu…

— Le rapport avec le féminisme ? je le coupe aussitôt, atterrée.

             Chad est juste un abruti. Et un très gros.

             Mais je n’aurais jamais cru qu’il était aussi du genre à s’imaginer que féminisme ne signifiait pas l’égalité homme-femme et que les femmes se réclamant de ce mouvement était forcément des personnes voulant atteindre sa personnalité. Je n’aurais pas non plus imaginé qu’il était du genre à rabaisser ses proches pour se mettre en avant.

             Enfin, il l’a déjà fait hier, au restaurant. La fin de notre diner est d’ailleurs survenue quand je lui ai répondu de façon détournée que ce n’était pas vraiment à mon goût. Puis Ace m’a invité à dormir chez lui et quand je suis partie ce matin en claquant la porte, il s’en était déjà allé durant mon sommeil en me laissant un post-it pour me dire qu’il ne pouvait pas m’attendre mais me souhaitais tout de même une agréable journée.

             Etant donné que nous sommes samedi, je me suis simplement dit que j’allais me détendre aujourd’hui devant un bon film dans mon appartement ou même parmi quelques boutiques, afin d’oublier le diner chaotique avec Chad et de mettre de l’ordre dans mes idées.

             Hier, Ace et moi nous sommes excusés l’un à l’autre mais je ne sais pas du tout où reprendre avec lui. Dois-je agir de la même façon que sur Grand Line ? Ou une distance est-elle a préserver compte tenu du fait que nous avons passé une période compliquée depuis ?

             Le blond entreprend de ramener mon esprit à la réalité quand, me pointant d’un doigt furieux, il tonne simplement :

— Ne me coupe plus jamais la parole.

             Saisie, je hausse les sourcils. Il n’y a pas à dire, depuis que j’ai rencontré ce youtubeur en chair et en os, il ne cesse de me décevoir. Ace m’avait pourtant prévenu mais je n’aurais jamais imaginé qu’un homme réputé pour être un « unproblematic king », faisant des vlogs au sein d’associations caritatives, prêtant ses réseaux sociaux à des individus pour leur permettre de partager leur histoire et sensibiliser les autres à des causes diverses, défilant chaque année lors de la pride et prenant part à de multiples manifestations contre les féminicides s’avèrerait être un authentique connard.

             Bien sûr, j’ai toujours été convaincue qu’internet ne reflétait rien de la réalité. Les corps sont photoshopés, les commentaires semblant anodins sont travaillés durant des dizaines de minutes pour plaire, les concepts de vidéos sont élaborés avec soin… La plupart du temps seulement, le manque de spontanéité ne me dérange pas.

             Lorsque Ace choisit de baser ses lives twitch sur One Piece en ayant en tête qu’il connait l’œuvre mieux que quiconque, ce choix ne me dérange pas. Quand un créateur prend l’initiative de tourner des vidéos en suivant une tendance du moment pour être mis en avant, je trouve cela plutôt logique.

             Mais Chad me déçoit. Car après tant de militantisme, je le trouve à invoquer quelques stéréotypes sur le féminisme sous prétexte que je l’ai chambré.

— Putain, ça doit être dur à vivre, un égo pareil, je commente.

— Dur à vivre ? répète-t-il. Mais tu veux parler de ton égo, à toi ? Parce que je crois que t’as besoin qu’on te remette en place !

             Ne me laissant pas le temps de répliquer, il dégaine son téléphone et ouvre instagram. En quelques mouvements, il se retrouve sur sa story privé et me montre quelques images datant d’hier. Mon sang ne fait qu’un tour. L’heure à laquelle elles ont été posté correspond à notre diner.

             Ace m’a averti. Elles ne sont pas du tout plaisantes à voir.

             Pourtant, je n’hésite pas et regarde ce qui est une photographie prise à mon insu accompagné d’un sondage pour savoir s’il devait coucher avec moi. La majorité a voté pour oui mais les images d’après montre des captures d’écran de réponse à la story se moquant de mon physique mais précisant que « vas-y quand même, un trou est un trou ».

             Puis, un sticker de curseur est posé sur des photos en gros plan de ma poitrine, mes fesses et ma taille afin de noter les parties de mon corps. Ma gorge se serre et je clique sur l’icône en bas à gauche.

             180 personnes.

             Chad a 180 amis proches qui ont regardé cette story. Tant de personnes qui l’ont vu se moquer de moi à une période où je ne savais rien de tout cela. Mes yeux s’humidifient mais je fais de mon mieux pour ne pas le laisser voir.

             Il est hors de question que je lui fasse le plaisir de pleurer devant lui. Et ce, même si j’ai honte en songeant au fait que des inconnus mais aussi Ace ont vu tout cela.

— Tout le monde a été d’accord pour dire que t’es moins bien que toutes les autres meufs que je mets dans mes storys, crache-t-il.

             Mes épaules tremblent. Même s’il n’a pas pris part aux votes, Ace a-t-il aussi songé cela ?

—Putain, un vrai laideron et elle se permet de se la jouer femme du monde. C’est toujours la même chose avec les moches, commente-t-il dans un éclat de rire en se retournant pour faire face à son bureau.

             Il s’empare d’un paquet de chips déjà ouvert et pioche dedans. Tremblante de rage et de honte, je pianote quelques instants sur son téléphone. Mon cœur bat à tout rompre et je fais aussi vite que je le peux, craignant qu’il me voie faire.

             A plusieurs reprises, je fais des fautes d’orthographe mais, à l’instant où il se retourne, je retourne au menu d’accueil et verrouille son téléphone. Aussitôt, il attrape le cellulaire qu’il balance sur son bureau.

             Posant les mains sur ses hanches, il hausse un sourcil :

— Qu’on soit clair. Ace est connu grâce à toi mais personne sait qui t’es. Depuis qu’il est arrivé, la communauté anime s’est détourné de mes vidéos pour se concentrer sur ses lives. Et même quand il live pas, ils regardent des rediffusions. Mes vues sont en chute libre sauf quand il est sur une de mes vidéos alors je voulais juste me servir de toi pour récupérer ce qu’il m’appartient.

             Mes dents se serrent mais je ne parviens en réalité pas à réellement me concentrer sur ses paroles. Le stress de mon geste me fait frissonner, d’autant plus quand son téléphone se met à vibrer avec intensité.

             Mais il n’y prête même pas attention, sans doute habitué aux multitudes de notifications.

— Comme t’es pas en bons termes avec lui, je m’imaginais qu’un petit restau et je pourrais même le faire cancel. Me mettre d’accord avec toi pour parler d’un truc sordide sur lui et que tu sois mon témoin mais tu te prends trop au sérieux.

             Je sers les poings.

— Qu’on soit clair, t’es un laideron et j’ai jamais voulu coucher avec toi. Alors redescends. Même aujourd’hui, je t’ai fait venir en espérant aplanir la situation, ok !?

— Ok.

             Ma réponse est froide et ferme. Je ne perds pas un instant et tourne les talons pour sortir de son bureau. Il croit sûrement que je veux m’empresser d’aller pleurer, loin de lui. Mais la vérité est que j’espère être le plus loin possible de lui quand il découvrira quelle story j’ai posté avec son téléphone pendant qu’il ne me regardait pas.

             Une fois dans le couloir cependant, j’ai à peine le temps de faire un pas. Une main brutale se referme sur mon épaule et une force violente me projette contre le mur. Un cri franchit mes lèvres quand mon corps percute la surface. Je n’ai même pas le temps de tomber au sol que la poigne saisit mon tee-shirt pour me redresser.

             Mon dos percute le mur quand il me plaque dessus. Juste en face de moi, Chad se tient. Sa figure rougeâtre me dévisage tandis que ses dents serrées laissent voir des filets de baves entre ses lèvres. Il ne prend même plus la peine de déglutir.

             Ses veines ressortent sur son visage.

— TU TE CROIS DRÔLE, SALE PUTE !?

             Je ne peux faire le moindre geste pour m’en sortir, terrifiée. J’ai la sensation que, si j’essaye de courir, il va se mettre à me frapper. Or le couloir est vide et nul ne viendra m’aider, à ce moment-là. Je n’ai plus qu’à prier qu’il se contienne et ne lève pas la main sur moi, se contentant de me passer un savon.

— TU CROYAIS QUE J’ALLAIS PAS LE VOIR !?

             L’une de ses mains se ferme sur ma gorge tandis que l’autre tient son portable éteint. Il a du supprimé la story, ne voulant la laisser davantage en ligne. Même si je me doute qu’il est déjà en tendance twitter après le message posté.

             Il ne s’agit que d’un écran noir sur lequel j’ai écrit quelques lignes.

« Yo les reufs, vous savez que ma chaine est sans tabou et j’en suis très fier. Je pense qu’on peut passer un cap et parler d’un tabou dont j’ai moi-même souffert depuis des années et qui est le complexe d’Œdipe. Dans une prochaine vidéo, ma mère et moi on vous parlera de notre relation spéciale et de la raison pour laquelle je suis toujours célibataire »

             Sa main sur ma gorge se referme.

— JE VAIS TE FUMER, SAL…

             Brutalement, il est tiré en arrière. J’ai tout juste le temps d’apercevoir les dreadlocks de Momo et de réaliser qu’il nous a séparé que celui-ci lâche :

— Mais t’es malade de t’en prendre à une femme !?

             Il ne cherche même pas à comprendre le contexte et je suis assez rassurée de voir qu’au moins un des deux semblent similaire à ce qu’il montre en vidéo.

— M… Mais… Ma story ! s’exclame Chad, toute colère retombée face aux épaules imposantes du jeune homme.

— Et c’est une raison pour la frapper ? Tu ferais ça à ta mère ? lance l’autre d’une voix étonnamment douce.

             Levant les yeux vers moi, il me fait un rapide signe de tête. Je ne perds pas un instant et, comprenant sa demande silencieuse, file à toute vitesse. Chad ne cherche pas à me rattraper, visiblement impressionné par l’imposante musculature de Momo et craignant de se faire plus fermement rappeler à l’ordre.

             Encore sous le choc de la brutalité avec laquelle il m’a plaquée contre le mur, je tremble légèrement lorsque j’entre dans l’ascenseur. Mais un sentiment de réconfort me prend lorsque, ouvrant twitter, je vois certains mots en tendance.














« #Chad #Oedipe #1nc3ste #wtf #Celibataireatrenteans #MILF »























2138 mots

petite vengeance hehe

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top