𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟏𝟐




















— U  L  T  I  M  E    S  O  U  H  A  I  T —



























             CALME ET DETENDUE, je respire péniblement.

             A mes oreilles, de lointains chants d’oiseaux résonnent, apaisants. Je sourie quand ce délicat son empli mon ouïe, les paupières closes pour mieux le savourer. Je me sens bien, reposée. Ce réveil est extrêmement plaisant.

             Sous mon corps s’étend une matière large, inhabituelle mais confortable. A un rythme régulier, elle se soulève, me berçant lentement. Une douce chaleur m’enveloppe et je soupire de satisfaction contre ce socle.

— Bien dormi ? vibre soudain une voix grave.

             Un sursaut me prend et j’écarquille violemment les yeux. Aussitôt, mes pupilles tombent sur le parterre de verdure s’étendant sous nous et mes narines prennent conscience de la puissante odeur de terre humide embaumant les lieux. La réalité me percute comme une claque.

             Je suis allongée sur le torse d’Ace. Hier, il m’a proposée de m’y installer afin de minimiser ma gêne et augmenter mon confort et j’ai refusé, mal à l’aise. Mais après plusieurs minutes passées à me retourner dans tous les sens en espérant trouvé Morphée, j’ai finalement cédé.

             Ignorant le sourire moqueur du noiraud, je me suis positionnée entre ses jambes pour me lover contre lui. Aussitôt, sa température corporelle m’a détendue. Et quand il a refermé ses bras sur moi, je n’ai pas mis bien longtemps avant de céder et m’endormir.

– Je… Oui, je lâche d’une voix enrouée en me redressant, mal à l’aise.

             Me plaçant à genoux à côté de lui, je détourne les yeux aussitôt. Embarrassée par ma précédente position — ma joue était tout de même pressée à son pectoral dénudé — je toussote tout en frottant mes yeux.

             Il me regarde faire, son chapeau à nouveau vissé sur sa tête et un sourire en coin étirant ses lèvres :

— Me dis pas que t’es gênée ?

             Je ne prends même pas la peine de relever sa provocation. Il sait très bien que je le suis. Cela se voit et n’importe qui serait dans le même état, à ma place. Mais il feint de ne rien en savoir pour le simple plaisir d’observer mon air embarrassé.

             Cela semble le faire énormément rire, d’ailleurs.

— Pas du tout, je réponds donc pour le contrarier.

— Oh mais je crois que si, sourit-il. Après tout, t’avais l’air d’être très à l’aise.

— Si tu veux tout savoir, j’ai passé une très mauvaise nuit, je mens sans même le regarder, faisant mine d’être occupée à lisser mes vêtements.

             Il éclate d’un rire sonore, visiblement amusé.

— Oui, très désagréable, j’en sui sûr… C’est pour ça que tu as bavé sur mon torse et m’a agrippé tellement fort que j’ai même pas réussi à te poser à côté de moi pour partir me dégourdir les jambes.

             Mes joues s’embrasent brutalement. J’ai fait quoi ?

— Menteur.

— Tu sais très bien que non.

             En effet, mais je suis si mal à l’aise que je n’ai absolument aucune idée de quoi lui répondre. Alors, poursuivant sur ma lancer, je ne le regarde pas. Fidèle au comportement que j’ai adopté depuis le début de cette embarrassante conversation.

— Tu sais, t’as pas à être gênée. Je te trouve pas mal même quand tu roupilles, lance-t-il avec un clin d’œil faussement charmeur.

             Là enfin, je le regarde. Ou plutôt, je le foudroie de mes yeux intenses avant de les rouler dans leurs orbites. Ce mec est décidément un charmeur de première catégorie qui sait s’y prendre avec les femmes.

             Cela ne me pousse que davantage à rester sur mes gardes en sa présence.

— Pas de merci ? lâche-t-il d’une voix faussement déçue en faisant ressortir sa lèvre inférieure.

             Malgré moi, un rire me prend quand je remarque la tête absolument ridicule qu’une telle expression lui confère. Il ressemble à un poisson paré de taches de rousseur. Celles-ci se plissent d’ailleurs sur son nez quand, me voyant rire, il le fait à son tour.

— T’as vraiment une tête de cul, Ace ! je lâche, des larmes perlant au coin de mes yeux tant je peine à reprendre me respiration.

— Arrêtes, je sais que tu m’aime, rétorque-t-il dans un énième clin d ‘œil.

— Oh, le ringard…

             Il hausse les sourcils.

— Ringard ? répète-t-il, atterré.

             J’acquiesce, traversée par un rire nerveux. Car je devine au simple sourire machiavélique qu’il affiche que mon insulte ne sera pas sans conséquences. Et, en effet, il se redresse bientôt.

             Le temps d’un battement de cil, à peine. Je cligne une fois des yeux avant que mon corps ne bascule en arrière, emprisonné sous celui du noiraud. Chacune de ses paumes posées de part et d’autre de mon visage. Je les observe successivement avant de reporter mon attention sur Ace.

             Il est au-dessus de moi. Son visage rieur parsemé d’une pluie de taches de rousseur s’étend, juste-là. Ses yeux sombres me fixent au-dessus de son nez en trompette, accrochant mon regard avec tant de fermeté que je déglutis péniblement. Sa chaleur m’assaille à un point tel que ma gorge se fait sèche. Quelques instants durant, j’oublie comment respirer. Et les battements de mon cœur s’affolent.

             Je ne parviens pas à le cerner. Parfois, j’ai la sensation qu’il a pleinement conscience de son effet sur la gent féminine. D’autres, il me semble tout à fait ingénu.

             Mais à présent, son sourire en coin le trahit.

— Et ça, c’est ringard ? lance-t-il.

— Pour tout te dire, totalement, je rétorque en forçant un rire moqueur pour ne rien laisser voir de mon véritable état.

             Son sourire s’accentue et il penche la tête sur le côté. Se faisant, ses yeux se posent sur mes lèvres. Celles-ci me brûlent aussitôt, comme embrasée par ce simple contact visuel.

— C’est ringard mais ça te met dans tous tes états, commente-t-il.

             Mes poings se serrent ainsi que mes dents. Il ne rate rien de cette réaction agacée. Un rire moqueur le prend et il m’adresse un clin d’œil.

— C’est tellement facile et plaisant de te mettre en colère.

             Là-dessus et sans un mot de plus, il saute sur ses pieds. En un battement de cils, il se retrouve à nouveau à une distance raisonnable de moi, cessant ses petits manèges et jeux tordus. Un long soupir de soulagement franchit mes lèvres.

             Cependant une partie de moi ne peut s’empêcher d’être frustrée qu’il soit parti si vite.

— Donc, problème de la journée, lance Ace comme si rien ne s’était passé. On va faire comme hier donc pas besoin d’étayer.

             Mes sourcils se froncent.

— Les bains publiques et le marché ? j’interroge, déboussolée par ce choix d’activité.

— Quoi ? Mais bien sûr que non ! L’alcool et la viande.

             J’aurais été étonnée d’apprendre qu’il consommait autre chose, de toute façon. Cet homme ne semble vivre que pour trois choses : l’alcool, la viande et ses proches. Sa croisière en solitaire est d’ailleurs liée à ce dernier point puisqu’il souhaite retrouver un traitre qui a tué un de ses frères pour le faire payer.

             Nous deux savons que lorsque leur route se croiseront, la vie d’Ace touchera à sa fin. Mais l’accord que nous avons passé est limpide.

             Dès qu’Ace croisera la route de son vieil ennemi, je devrais m’en aller.

— J’ai une idée ! je lance soudain.

             Toutes ces pensées négatives m’ont rappelée les paroles d’Olympe.

— Quelle idée ? demande Ace en se tournant vers moi.

— M’entrainer ! je lance. Je dois manier mes pouvoirs et c’est toujours mieux si tu perfectionne les tiens ! Je suis une véritable novice dans le milieu, autant me servir de ce temps libre pour me perfectionner !

             Il n’a aucune idée du fait que je ne me penche sur cette technique que par intérêt pour les paroles d’Olympe. Quand bien même Ace m’a ordonné de laisser tomber, je ne suis pas entièrement d’accord avec sa demande.

             La jeune femme a laissé sous-entendre qu’il existait un moyen de le sauver sans être blessée mais que cette technique impliquait une grande puissance. Je débute à peine dans ce milieu là mais je n’ai aucune idée du temps me séparant de leur fatale rencontre et peut tenter d’utiliser les jours nous séparant à bon escient.

             Aussitôt, la réalité me frappe. A nouveau, je me montre égoïste. Je veux le sauver pour ne pas avoir sa mort sur la conscience et me préoccupe guère du fait qu’il m’ait explicitement demandé, arguments à l’appui, de ne rien tenter pour lui sauver la vie.

             Mon cœur se serre. C’est plus fort que moi. Chaque instant où mes yeux se posent sur lui, je me demande s’il ne reste pas une infime chance de le défaire du destin lui étant réservé.

             Il semble comprendre les pensées qui me rongent car, doucement, sa large main chaude se presse sur mon épaule :

— C’est normal que ce soit dur. Je ne te demande pas n’importe quel sacrifice alors ne soit pas trop dure avec toi-même.

             Ma gorge se fait sèche. Je m’efforce de déglutir.

— Et s’il existait un autre moyen ? je demande, hésitante.

             La peur de lui donner de faux espoirs me dévore. Ôtant la main de mon épaule, il recule d’un pas en fronçant les sourcils.

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

             Mal à l’aise, je triture mes manches avant de regarder au loin, parmi les arbres se confondant les uns en les autres. Je crains d’établir un contact visuel avec lui.

— Quand tu es parti, j’ai discuté avec Olympe. Elle m’a dit que si j’étais assez puissante, je pourrais peut-être…

— Il est en tout à fait hors de question, tonne-t-il d’une voix ferme.

— Tu ne m’as même pas laissé finir ! je m’exclame en me redressant brutalement.

             Il ne me regarde même pas, commençant à marcher, s’enfonçant dans la forêt, lorsqu’il répond :

— La fin approche, je le sens. Tu n’auras pas le temps de développer assez tes pouvoirs d’ici là.

— T’en sais rien du tout, tu connais rien aux Voyageurs ! je me défends aussitôt en lui emboîtant le pas.

— Inutile de savoir quoi que ce soit pour deviner que tu proposes encore de mettre ta vie en jeu pour moi et il me semblait avoir été assez claire sur le fait que je refusais cela.

— Mais si nous survivons tous les deux…

— Et si ce n’est pas le cas !? me coupe brutalement sa voix sèche tandis qu’il s’arrête juste à côté de moi.

             Je me tourne vers lui, saisie par la brutalité de son ton. Ses yeux sombres me fixent avec ardeur, toute trace de moquerie les ayant désertés. Je comprends sa colère. Il croyait avoir réussi à me faire accepter ses termes.

             Mais il ne s’agit pas là d’un contrat anodin. Une vie est en jeu.

— Je peux tenter de m’entrainer à bouger des petits objets et…

— Ah parce que tu ne sais même pas bouger des feuilles mortes et tu te proposes de faire évoluer un corps entier et blessés entre différents univers ? crache-t-il avec d’ajouter d’un air moqueur. Laisse-moi rire.

             Je ne réponds pas, abasourdie par sa méchanceté. Sans aucune once de considération pour mes émotions, il me dépasse et se remet en route. Je fronce les sourcils, vexée. Mon cœur est serré malgré le fait que je sois consciente qu’il n’a pas été odieux par simple plaisir de l’être.

             Il veut m’inciter à renoncer et ce, même s’il doit briser mon égo en me rappelant ma médiocrité pour que je le fasse.

             Mes yeux se posent sur sa silhouette s’éloignant. Et je ne sais trop ce qui m’anime quand, fixant le tatouage s’étendant sur son dos, je lâche d’une voix forte :

— Je refuse les termes de ton contrat de merde.

             Aussitôt, il s’arrête dans ses pas. Bien qu’il ne se retourne pas, je sais que j’ai toute son attention.

— Je suis nulle pour l’instant mais je peux m’améliorer et je vais sûrement pas éviter de le faire à cause de ton complexe d’enfant non-désiré à la con. J’en ai rien à secouer que tu saches pas si on mérite de se sacrifier pour toi ou tout simplement de faire des efforts.

             Marchant d’un pas décidé, je franchis les quelques mètres nous séparant avant de le dépasser sans même lui adresser un regard.
















— Je vais tout faire pour te sauver et si ça te plait pas, tu fermes ta gueule.



































2039 mots

changement de plan

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