𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐎𝟏
— U L T I M E S O U H A I T —
cw — spoil episode 483 / arc marineford
井の中の蛙、大海を知らず
• A R C A L A B A S T A •
LA JOURNEE S'ANNONCE LONGUE et fastidieuse. Après une nuit très courte où je n'ai pas pu vraiment me reposer, il a fallu que je me tire de mon lit à six heures du matin pour me présenter à la bibliothèque à laquelle je travaille. Autant dire que je ne pense qu'à une seule chose maintenant : mon lit et ses draps encore défaits.
Assise devant mon café noisette posé directement sur l'une des tables de bois verni de ce vaste lieu, je ne songe pas un instant à l'engueulade que je risque de me prendre si ma supérieure surprend le gobelet blanc posé sans dessous-de-verre sur la matière.
Le bâtiment et le mobilier sont anciens, ici, alors nous essayons tous de le préserver du mieux que nous pouvons. Mais j'avoue qu'après la nuit que j'ai passée, mes pensées sont très loin du verni que je pourrais gâter avec le liquide noir.
Je ne cesse de resasser ce qu'il s'est passé, peinant à y croire.
Ce n'est pas le fait que je me sois réveillée en pleine nuit. Non, cela m'arrive tous les soirs. Ce n'est pas non plus parce que j'ai failli me noyer sous mon robinet. Non, cela est quelque chose qui aurait pu arriver à quelqu'un de particulièrement fatigué. Ce n'est pas lié à la lettre que j'ai trouvé au fond de ma gorge. Non, n'importe qui aurait pu faire cet étrange cauchemar. Ce n'est même pas dû à la signature qui se trouvait en fin de cette lettre. Non, il ne s'agirait pas du premier fan de One Piece qui écrirait des missives au nom d'un personnage.
Alors pourquoi suis-je autant figée sur cet évènement ? Pourquoi l'ai-je ressassé pendant que je marchais jusqu'à la bibliothèque ? Pourquoi ai-je abandonné Shanti aux archives pour m'assoir devant ce café et ne même pas le boire, faisant redéfiler les images de la dernière nuit dans ma tête ?
Sans doute parce qu'en me réveillant, ce matin, la lettre était encore dans ma main, comme lors de mon rêve. Sans doute parce qu'en allant me doucher, j'ai trouvé une flaque d'eau et des traces de crachats sur le sol, comme lorsque j'avais toussé de toute mes forces pour reprendre ma respiration.
Sans doute parce que, finalement, je me doutais — non, j'étais sûre — qu'il ne s'agissait en aucune façon d'un rêve.
Pour la énième fois de la matinée, j'extirpe le bout de parchemin de ma poche. Répétant de nouveau l'action de le déplier, je ne m'arrête pas sur l'aspect froissé du bout de papier usé par mes manipulations. Et, le posant à côté de mon café, je parcours de nouveau ces mots des yeux, tentant d'y trouver le moindre sens.
« Voyageur, si cette lettre te trouve, l'univers m'a entendu.
Le temps m'est compté et je ne peux donc me permettre de tout t'expliquer en détail. Je te dirais donc simplement que mes allers et retours sur les océans m'ont amené à faire de nombreuses rencontres. Parmi celles-ci se trouvaient quelques représentants de ton espèce, de ton monde.
L'un d'entre eux m'a confié, la veille de mon arrestation, que le destin réservait un sort cruel à mon fils. Bien sûr, je ne suis pas sans savoir que vous n'avez pas le droit, vous autres, les habitants du monde des lumières, d'influer sur notre futur même si vous le connaissez. Mais j'ai ferme espoir que, si cette lettre te parvient, cela signifie que l'univers lui-même t'accorde sa bénédiction.
Je n'ai pas été le meilleur des pères, loin de là. Alors le dernier geste que je peux esquisser pour ma progéniture est d'en appeler aux créatures les plus faibles mais aussi les plus fortes qui soient. Les voyageurs.
Car seuls vous pouvez changer le sombre dessein attendant mon enfant.
Voyageur, accorde à aussi un irrespectable père que respecté pirate cet ultime souhait et sauve mon fils.
Sincèrement,
Gol D. Rogers. »
Abasourdie, je fixe le papier de longues minutes durant. Tout cela ne fait pas le moindre sens.
D'ordinaire, je ne me serais pas attardée longuement sur cette missive. J'aurais sans doute laissé filer un rire, fière de savoir à quoi elle faisait allusion puis je l'aurais mise à la poubelle. Ou alors je l'aurais gardée sur mon étagère ou quelques pauvres mangas que j'ai réussi à me payer se battent en duel.
Mais cette lettre se trouvait au fond de ma gorge. J'ai littéralement failli mourir en la découvrant. Comment ignorer une telle chose ?
Posant mes coudes sur la table, de part et d'autre du papier, je prends la tête entre mes mains et ferme les yeux, essayant de comprendre ou même simplement de trouver une théorie justifiant tout ce cirque. Car là, maintenant, je ne saisis pas ce qui a bien pu se passer pour qu'un rouleau de parchemin gorgé d'encre finisse dans ma trachée.
Mes sourcils se froncent. Le fils de Gold D. Rogers, je n'en connais qu'un. Et, corroborant le sujet de cet écrit, il est bel et bien décédé durant le récit qu'est One Piece.
Portgas D. Ace.
Je l'appréciais. J'ai versé une larme devant l'épisode où il décède. Et je comprends que certains aient même arrêté momentanément de regarder l'anime ou lire le manga pour s'en remettre. Mais de là à écrire une lettre en se faisant passer pour son défunt père, parlant d'une espèce jamais évoquée par Eiichiro Oda, l'auteur, afin de sauver le personnage ? Tout cela est beaucoup trop extrême.
Et, quand bien même quelqu'un tomberait sur cette lettre d'imposteur — ce qui a été le cas — je ne vois pas ce que cela peut bien changer à l'histoire de One Piece. L'issue de l'épisode 383 reste le même, quoi qu'il en soit.
Je soupire, mes yeux toujours clos. Il y a encore un élément sur lequel je ne m'attarde pas car je crains légèrement de le faire.
Comment diable ce foutu bout de papier a-t-il fini coincé dans ma gorge !? Je ne vois qu'une explication et elle me terrifie. Je n'ai pas envie d'y penser. Seulement, malgré moi, elle m'obnubile, reviens dans ma tête et me taraude.
Quelqu'un a dû l'y glisser. Et, pour que je ne m'en rende pas compte, il a dû le faire pendant que je dormais.
Cela signifie qu'une personne s'est introduite chez moi durant mon sommeil, a plié ce parchemin de faussaire et l'a fourré au fond de ma gorge. Mais pourquoi ?
Pourquoi faire une chose pareille ? Pourquoi s'introduire chez moi ? Pourquoi me faire parvenir un message si peu important ? Pourquoi ne pas l'avoir tout simplement posé sur ma table de chevet ?
Et, surtout, par tous les saints... Pourquoi moi ?
Je tremble, terrifiée à l'idée de rentrer chez moi après le travail. Et si il recommençait ? Peut-être que je pourrais demander à Shanti de m'héberger quelques jours. Ou alors à Dan. Il a toujours été profondément gentil avec moi depuis que j'ai pris mon poste ici et m'a fait savoir à maintes reprises que je pouvais compter sur lui en cas de besoin.
Seulement, demander à un homme de mon âge de passer la nuit avec moi pour me protéger... Même s'il n'est pas du genre dragueur — ou du moins, pas avec ses collègues — j'avoue que je crains de lui laisser sous-entendre une proposition à laquelle je ne pense pas le moins du monde.
Je veux juste me sentir en sécurité. Tout simplement.
Les mains toujours posées sur ma tête se faisant lourde, j'ouvre enfin les yeux. Je suis fatiguée mais la vision du liquide noir sous mes yeux, juste à côté du parchemin, me donne un peu d'énergie.
Me redressant, j'attrape mon gobelet d'une main et me lève, saisissant le parchemin de mes doigts libres. Il faut que je rejoigne Shanti au rez-de-chaussée. Même si elle m'a gentiment laissée me poser jusqu'à l'arrivée de notre supérieure à dix heures, la laisser s'occuper d'étiqueter l'intégralité de l'arrivage des nouveaux livres ne serait vraiment pas sympa.
Debout, je jette un bref coup d'œil à ma droite, regardant rapidement le ciel au travers de cette haute fenêtre se finissant en demi-lune. Ses bords ouvragés ébène ressortent légèrement à côté des murs de bois noisette. Et, partant de chaque côté de la vitre, deux longues étagères ligneuses garnies de livres forment les murs du couloir dans lequel je me trouve. Entre elles, la table de bois large à laquelle je me suis assise est légèrement illuminée par le lustre doré se balançant au-dessus de ma tête.
Tout respire l'ancienneté ici. Et c'est plaisant.
Je bois une gorgée de mon café avant de ranger la chaise que j'ai tirée et de m'engager en direction du bout du couloir. Hâtivement afin de ne pas songer au fait que je ne sais pas quelle heure il est et que ma supérieure risque de me tuer si elle me surprend au premier étage en plein matinée — elle sait très bien que je n'y vais que pour me détendre —, je marche.
Une fois sortie de ce couloir, je débouche sur un autre, perpendiculaire au premier. Celui-ci est un perchoir idéal pour observer mes collègues.
Le premier étage donne directement sur la Grande Salle qui est la pièce principale constituant le rez-de-chaussée. L'allée principale — qui est le couloir dans lequel je viens d'arriver — est en réalité un balcon depuis lequel nous pouvons regarder la Grande Salle. De cette allée principale jaillit des dizaines de couloir comme celui que je viens de quitter.
Je profite donc de ma position pour observer mes collègues en contrebas. J'aimerai savoir combien sont avec Shanti aux archives, histoire de ne pas les gêner s'ils sont déjà beaucoup dans la petite salle.
Seulement je n'ai pas le temps de m'arrêter très longtemps sur eux que mon regard se voit attiré par un détail devant moi. Là, en face de moi sur l'allée principale, de l'autre côté du grand espace laissant voir la Grande Salle, un objet non-identifié au sol m'intrigue.
Un visiteur a dû l'oublier.
M'éloignant des escaliers à ma gauche, je m'enfonce dans l'allée principale et fait le tour de celle-ci jusqu'à arriver devant les autres escaliers, à savoir en face de ma précédente position. Là, je parviens enfin à voir nettement l'étrange objet qui m'a poussée à me déplacer. Et mes sourcils se froncent.
M'accroupissant à hauteur de ce qui ressemble à un masque, je laisse mes yeux détailler celui-ci. Noir, en forme de bec de corbeaux et planté de ce qui ressemble à deux billes blanches à hauteur des yeux, il me rappelle étrangement ce que portaient les médecins durant la Peste Noire. Je frissonne en songeant à cette maladie.
Mais qu'est-ce que cette chose fait ici ?
Appréhensive, je penche la tête sur le côté. La surface est sombre, lustrée. Il est facile d'en conclure que son propriétaire en prend grand soin. Néanmoins, ce masque me met dans une position particulièrement inconfortable. Sans doute parce qu'il me rappelle la sombre bactérie ayant touché l'Europe, il ne m'inspire pas confiance.
Qu'importe, il s'agit sûrement d'un déguisement et son propriétaire va le chercher. Mieux vaut le rapporter à l'accueil.
Je le saisis précautionneusement, mes yeux ne quittant pas une seule seconde le masque, comme aimantés par celui-ci. L'objet dégage une force sombre et lumineuse à la fois qui me terrifie et me rassure en même temps. C'est assez étrange comme sensation.
Mais le pire des sentiments est celui qui me prend soudain aux tripes lorsque je pose mes iris sur les deux billes blanches plantées dans le masque. Car là, je n'arrive plus à m'en arracher. A vrai dire, je ne songe même pas à le faire, mes pupilles fixées sur l'objet.
Une dense chaleur s'empare de moi et l'air s'épaissit. Mes doigts se crispent sur la surface rigide du masque et je peux presque sentir la moiteur de ceux-là tandis que ma gorge s'assèche brutalement. L'impression que le soleil transperce le plafond de la salle et tape sur mon crâne me prend. J'ai la sensation d'étouffer mais je ne parviens à me détacher de la vision de ces billes blanches, comme si elles m'appelaient, irrésistiblement.
Celles-ci s'illuminent d'ailleurs à mesure que je les fixe mais non pas comme si une dense lueur s'allumaient en elles. Plutôt comme si le monde autour de moi s'était éveillé, que la luminosité m'entourant s'était soudainement faite plus vive.
Mais je ne songe pas à regarder la bibliothèque pour m'en assurer, obnubilée par la surface lustrée et si brillante de ces yeux de verres. Oui, l'idée de lever la tête et m'arracher à cette contemplation ne me traverse pas une seule seconde l'esprit tant je suis concentrée.
Du moins, jusqu'à ce qu'une voix retentisse à quelques centimètres seulement de mon oreille :
— Dites-moi ma chère, êtes-vous réelle ? Car vous êtes apparue avec tant d'enchantement et votre beauté m'enivre tellement que je vais croire à un mirage.
Surprise par cette soudaine prise de parole et la sensation de ce souffle s'écrasant sur ma joue, signe d'une grande proximité avec le nouveau venu, je sursaute violemment. Mes doigts lâchent malgré eux le masque que je tiens tandis que, déjà instable à cause de ma position accroupie, je bascule sur les fesses.
Seulement ces dernières, au lieu de se heurter au bois dur de l'allée principale, viennent s'enfoncer dans une matière douce et chaude qui ne m'est pas inconnue. Mais c'est quand mes mains les rejoignent pour amortir ma chute et que la chair de ma paume se presse directement au sol que je reconnais du sable.
Mes sourcils tentent de se froncer mais je réalise qu'ils l'étaient déjà pour s'habituer à la très forte luminosité des lieux. Et la chaleur qui n'avait fait que grimper tantôt est maintenant particulièrement étouffante.
Clignant des yeux, je tente d'habituer ceux-là à la brutale augmentation de lumière. Mais mon cœur rate un battement lorsqu'ils le font. Car le paysage s'étendant devant moi n'a rien à voir avec le lieu où je travaille.
Un ciel bleu s'étendant au-dessus de lisses dunes de sable succédant à d'autres dunes de sables qui elles-mêmes laissent place à d'autre dunes de sable. Du sable, du sable, du sable. Des grains dorés à perte de vue.
Un désert. Oui. La chaleur. La lumière. Le sable.
C'est un désert.
Comment j'ai fait pour atterrir ici ? Et qu'est-ce qu'il se passe, bon sang ? D'abord le parchemin coincé dans ma gorge, puis ça ? Est-ce que cela va finir !?
Concentrée sur ce brutal changement de lieu, j'oublie très vite la présence de celui qui m'a poussée à réaliser où je me trouvais. Mais il se charge aussitôt de me la rappeler.
— Navrée, ma mie ! insiste la voix en appuyant avec tant de force sur les mots et d'un ton si mielleux qu'il me laisse l'impression de se moquer de moi. Je n'ai pas voulu vous effrayer en surgissant, est-ce qu'une collation pourrait m'aider à me faire pardonner ?
— C'est pas vrai, il te reste des réserves ? retentit une autre voix, moins mature, plus jeune, à quelques mètres. Fallait le dire, je crève de faim, moi !
— Pas pour toi, crache à nouveau le premier homme d'une voix si brutale que j'ai, le temps d'un instant, du mal à réaliser qu'il s'agit de la même personne.
Enfin, m'arrachant à la contemplation des dunes de sable, je me tourne vers les deux personnes. Mais, en se faisant, je découvre plusieurs silhouettes arrêtées devant moi et que le contrejour m'empêche de détailler.
— On devrait peut-être éviter de distribuer notre nourriture aux premiers venus, s'enquit un autre homme. Surtout qu'elle est loin d'avoir l'air mal en point.
— La ferme, Zoro, tu ne sais pas combien les jolis minois savent cacher leur détresse, rétorqua le premier homme avec la même voix rude utilisée contre l'autre garçon
— Répète un peu, le cuisto ? Je dois quoi ?
— La fermer, t'es sourd, ou quoi ?
Plaçant ma main en visière, je tente de m'habituer à la forte luminosité en ignorant ce que je devine être le début d'une dispute. Etrangement, même si je ne connais pas ces personnes, elles ont ce je-ne-sais-quoi de familier qui me pousse à ne pas m'alarmer à l'idée qu'elles se battent.
— Si on a vraiment des réserves, on peut les lui faire payer, suggère une voix féminine. Il nous reste quoi ?
— Tout ce que tu voudras, Nami chérie ! lance de nouveau la première voix en utilisant le même ton que celui avec lequel il s'est adressé à moi tout à l'heure.
Et c'est à ce moment précis que je me fige. Lorsque, habituée à la luminosité grâce à ma main posée sur mes yeux, je parviens enfin à détailler le groupe me faisant face, mon dos se raidit soudain et mes pupilles se dilatent.
Car, en même temps que je les observe, je procède de réaliser les noms qu'ils viennent de prononcer, tour à tour.
Nami... Zoro... Une voix changeant selon le genre de la personne à qui il s'adresse. Un garçon à l'air immature qui parle de nourriture. Une femme qui amène la question de l'argent sur le tapis dès qu'elle le peut.
Mes yeux se posent sur l'homme à genoux juste devant moi. Ses cheveux blonds tombent sur son œil droit, ne laissant de visible que le gauche surplombé d'un sourcil se finissant en une élégante boucle. Derrière lui, un peu en retrait mais m'observant avec de grands yeux intrigués, une bouille d'enfant coiffée d'un chapeau de paille se dessine.
Un chapeau de paille.
A sa gauche et les bras croisés sur sa poitrine, un homme à la peau hâlée ne m'accorde aucun regard, visiblement peu intéressé par ma présence mais je reconnais ses cheveux émeraudes et les trois sabres rouge, noir et blanc à sa taille. Dans son dos, sur un dromadaire visiblement épuisé, deux minois délicats coiffés d'une chevelure rousse et d'une autre, bleue, m'observent, quelque peu curieuse. A leurs pieds finalement, une créature à la silhouette humanoïde mais dont la fourrure et les cornes ma rappellent un renne se tient à côté d'une tête frisée au nez particulièrement long.
N'importe quel lecteur de One Piece les reconnaitrait. Sanji Vinsmoke. Luffy D. Monkey. Roronoa Zoro. Nami. Vivi Nefertari. Tony Chopper. Usopp.
L'équipage de celui qui souhaitait devenir le roi des pirates. Cette drôle de bande embarquée à bord du Vogue Merry.
Ma gorge s'assèche brutalement et mes yeux s'écarquillent. Bordel de merde, qu'est-ce qu'il se passe ? Pourquoi est-ce que je me trouve devant des personnages de mangas ? Et pourquoi ont-ils l'air si réels ?
Et, surtout, pourquoi n'ai-je absolument pas la sensation qu'il s'agit d'un rêve ou même d'un rêve lucide ?
Mon silence s'éternise, ils semblent le remarquer.
— Enfin, on ne va pas y passer la journée, retentit une voix à ma droite que je n'avais pas encore repérée. Tu n'as pas l'air de savoir où tu te trouves. Tu comptes nous suivre jusqu'à la prochaine oasis ou rester ici ?
Je me tourne vers l'homme que je n'avais pas remarqué jusque-là. Seulement, lorsque mes yeux se posent sur son visage, mon cœur rate un battement.
Deux iris sombres me fixent depuis leur hauteur, obscurcies par l'ombre de la visière du chapeau qu'il porte. Celui-ci est orange, décoré d'un collier de perles entourant sa base et serti de deux pendentifs en forme de visages — un souriant machiavéliquement, l'autre semblant dépité. Du couvre-chef jaillit quelques mèches ébènes encadrant un visage harmonieux parsemé de taches de rousseur.
Je connais ces traits. Tout comme je connais les perles rouges entourant son cou et reposant sur son torse finement tracé. Tout comme je connais ce tatouage en haut de son bras gauche. Tout comme je connais le pendentif en forme de tête de mort accroché aux lacets de son chapeau. Tout comme je connais ce poignard accroché à la ceinture marrone de ce short noir dévoilant des jambes sculptées.
Oui, je le connais. D'autant plus que mes pensées n'ont eu de cesse de graviter autour de lui depuis ma dernière nuit.
« Voyageur, accorde à aussi un irrespectable père que respecté pirate cet ultime souhait et sauve mon fils. »
Poings ardents. Le fils de Gold D. Roger. Le frère adoptif de Luffy D. Monkey. Celui qui se sacrifie. Celui dont parlait la lettre.
Portgas D. Ace.
Impassible, il me fixe, semblant attendre une réponse. Mais ma gorge est trop sèche et mes joues, trop chaudes. Sa peau, ses yeux, son torse... Debout à quelques mètres de moi seulement, me contemplant depuis sa hauteur, il a l'air si réel.
Alors la lettre, son destin, la demande de son père, le sourire sur son corps sans vie... Tout me revient brutalement en mémoire et y laisse une empreinte différente de d'habitude. A l'ordinaire, cela m'attriste mais je m'en détourne.
Seulement, là, c'est trop vrai. Trop réel. Il a l'air trop humain. Trop fait de chair. Trop fait d'os. Trop vivant. Trop existant. Trop.
Et, malgré l'absurdité d'une telle situation, même s'il s'agit d'un vulgaire personnage fictif, mon cœur se serre soudain dans ma poitrine. Les mots de la missive me reviennent comme une vieille comptine.
« Voyageur, si cette lettre te trouve, l'univers m'a entendu. »
Un étau semble se refermer sur ma gorge. Ace ne me lâche pas des yeux, inébranlable.
« Mais j'ai ferme espoir que, si cette lettre te parvient, cela signifie que l'univers lui-même t'accorde sa bénédiction. »
Arrête de me regarder, je t'en supplie. Même si tu n'es qu'une vision de mon imagination, cesse de me fixer. C'est encore plus dur pour moi si tu me regardes. Ne me force pas à avoir l'air d'une lâche qui laisse un homme courir vers la mort en sachant son destin alors que tu n'es même pas un homme.
Tu es fictif.
« Car seuls vous pouvez changer le sombre dessein attendant mon enfant.
Voyageur, accorde à aussi un irrespectable père que respecté pirate cet ultime souhait et sauve mon fils.
Sincèrement,
Gold D. Rogers. »
Alors pourquoi ai-je soudainement tant l'impression que, si j'ignore ces mots, je l'abandonne ? Comment se fait-il que mon cœur se fasse si lourd dans ma poitrine ? Où se trouve la raison cachée derrière le fait que cette lettre me soit revenue ?
La lettre. Je me fige.
Je l'avais encore dans la main lorsque j'ai touché le masque. Et je l'ai laissée tomber lorsque Sanji m'a fait sursauter. Elle doit être là, quelque part, derrière moi.
Les fesses encore enfoncées dans le sable, mes mains soutenant mon dos penché en arrière, je lève l'une d'entre elles pour fouiller les grains derrière moi, à la recherche du papier. Je ne sais pas vraiment pourquoi je tiens à le saisir. Car, une fois que je l'aurais entre les doigts, vais-je oser le montrer à l'homme devant moi ?
Celui-ci n'a rien changé à sa position tout comme je n'ai pas rompu notre contact visuel. Ma gorge est sèche mais je ne sais pas vraiment si cela est dus au soleil tapant au-dessus de nous avec vigueur ou à l'intensité de ses yeux qu'il n'a pas clignés une seule fois.
Je déglutis péniblement. Là, debout juste en face de moi, il a ce je-ne-sais-quoi d'intimidant que je ne lui avais pas remarqué en regardant l'anime ou même en lisant le manga. Il est outrageusement puissant sans même le montrer, dans sa simple façon de me regarder avec confiance.
Et je peux presque sentir les flammes grondant sous sa peau. Elles irradient sur moi, m'arrachant un soupir las.
Bientôt, alors que ma main droite coure parmi le sable, elle se heurte à un objet. Mais celui-ci n'a rien à voir avec la légèreté du papier. A vrai dire, il me rappelle plutôt la rigidité du masque.
Je me raidis. Le masque de la Peste Noire. Mes yeux s'écarquillent sans lâcher ceux d'Ace tandis que je réalise ce que ma phalange touche. Et, à nouveau, ce dense sentiment d'inconfort m'envahit.
Toujours assise sur le sable chaud, je le sens néanmoins se rafraichir et se durcir sous mon corps. Ce dernier ne s'essouffle plus sous la chaleur, comme si la température venait soudain de drastiquement chuter. Je garde mon regard ancré dans celui d'Ace, incapable de m'en détourner. Mais la luminosité autour de moi baisse et je vois bientôt l'obscurité envahir mon champ de vision depuis les extrémités de celui-ci.
J'ai à peine le temps de remarquer le léger froncement de sourcils de l'homme debout en face de moi. Un éclair de curiosité traverse son regard assombrit par son couvre-chef. Mais il est trop tard.
Les ténèbres sont à présent totales. Je cligne des yeux. La lumière se fait à nouveau.
Devant moi se trouve le parquet brun de l'allée centrale, faiblement éclairée par le lustre au-dessus de ma tête. A ma gauche, les rambardes du balcon se dresse tandis qu'à ma droite, les couloirs formés par les étagères de livre s'étendent. Mais je n'y fais pas attention, mon regard attiré par une silhouette grimpant les escaliers à quelques mètres devant moi et se dirigeant dans ma direction.
Je respire avec difficulté. Le brutal changement de température, le rêve que je viens de faire, tout cela m'a prise de court. Mais un soupir de soulagement franchit tout de même mes lèvres tandis que mon collègue arrive à ma hauteur.
Un rêve.
C'était un rêve. Comme la nuit dernière sans doute. Oui. Mon subconscient doit vouloir me signifier que One Piece me manque et qu'il serait sans doute temps que je le recommence du début.
Oui. C'est sans doute cela.
Mes yeux se posent sur le visage de Dan se découpant au-dessus des escaliers et grandissant à mesure qu'il s'approche. Ses iris jaunes brillent à côté de sa peau hâlée tandis que ses longs cheveux noirs tombent de chaque côté de son visage. Un sweat noir enveloppe son torse.
Il s'approche de moi.
Un sourire soulagé aux lèvres, je m'apprête à la saluer et lui raconter ma nuit ô combien tétanisante ainsi que mon dernier rêve lorsqu'il me devance, lançant d'une voix forte en gravissant la dernière marche :
— Je pense que le temps est venu que je t'explique tes pouvoirs, voyageuse.
井の中の蛙、大海を知らず
4930 mots
ace apparaît dans ce
premier chapitre
pas beaucoup d'actions
pour l'instant car il
faut le temps que les
choses se mettent en
place
j'espère tout de même
que ça vous aura plu
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