Chapitre 23 : Intervalle réparateur
- J'avais beau les haïr, à ce moment-là ils m'ont fait me sentir en sécurité auprès d'eux. Ils ont accouru quand j'étais en danger. Ils étaient là quand j'ai eu besoin d'eux.
Ce que j'avouais à Shoto, je me l'avouais également à moi-même. J'avais eu beau m'en défendre jusqu'à présent, il était temps de l'admettre : le souvenir de mes parents ne m'inspirait pas que de la haine. Enfant, j'avais admiré leur force, envié leur puissance, et profité de leur protection.
Le jeune homme rouvrit les yeux pour les abaisser vers sa main, qu'il contempla gravement.
- Je sais de quoi tu parles, me confia-t-il. J'éprouve la même chose pour ma mère. Elle m'a toujours protégé de mon père... Pourtant c'est elle qui m'a infligé ma pire blessure.
Il tourna la tête vers moi, le regard hanté d'une peine aussi profonde qu'elle était ancienne. Une peine que je ne pouvais pas davantage apaiser que la mienne. J'étudiai son visage, beau malgré la marque rosâtre inscrite sur sa peau. En fait, elle donnait étrangement plus d'intensité au bleu de son œil. Sa prunelle était comme une flamme inextinguible.
Ses mèches carmin comme ses mèches blanches étaient en désordre, et tombaient, défaites, sur son front. Je me pris à sourire et avançai la main pour les recoiffer. Shoto se tendit d'abord, puis ses épaules se relâchèrent et ses paupières s'abaissèrent doucement sur ses yeux verrons. Ses cheveux étaient lisses et doux sous mes doigts, se démêlant aussi docilement que des fils de soie. J'arrangeai d'abord le côté gauche de sa chevelure, puis passai au droit. Je constatai alors que ses mèches blanches étaient fraîches comme une neige de printemps.
Intriguée, je glissai une autre main dans ses cheveux, comparant le contraste de température. Mes mains descendirent lentement sur ses pommettes pour y apposer mes paumes. Sous la droite, sa joue paraissait presque fiévreuse, tandis que sous la gauche elle était aussi froide qu'une porcelaine. Shoto rouvrit les yeux, les plongeant droit dans les miens.
- C'est le contrecoup de mon Alter, expliqua-t-il. Toute à l'heure, je ne pouvais presque plus remuer la main droite, mais j'avais l'impression que mon sang bouillait dans la gauche.
Ce disant, il couvrit les miennes de ses larges paumes, les retenant contre sa figure. Une ébauche de sourire étirait la commissure de ses lèvres. Il inclina insensiblement la tête, approchant son front du mien.
- Les muscles de mon dos me font mal si je vole trop longtemps, et j'ai des migraines quand je manipule une quantité trop importante de vent, l'informai-je alors que nos fronts se rencontraient.
Mais ce n'était déjà plus le sujet. Ce qu'il se produisait résidait dans ce que nous ne disions pas. Mon cœur se gonfla, irradiant d'une tendresse soudaine. Nous étions en train de nous retrouver. Comme nous aurions dû le faire des semaines plus tôt.
La porte de l'infirmerie s'ouvrit tout à coup. Nous nous écartâmes brusquement l'un de l'autre, toutefois Shoto conserva mes mains dans les siennes. Sur le seuil, Izuku nous lorgnait avec stupéfaction, les yeux écarquillés. Il était flanqué du blond filiforme, qui sourit d'un air fin en nous découvrant.
Nos doigts se quittèrent finalement alors que nous nous levions. Shoto s'était rembrunit à la vue de mon frère. Il ne lui adressa qu'un coup d'œil avant de lâcher un «j'y vais» et de s'esquiver. Je m'approchai d'Izuku dont le bras en écharpe reposait sous son haut de survêtement ouvert. Sa jambe bandée l'obligeait à reposer tout son poids sur la droite.
- Comment ça va ? Lui demandai-je d'un ton de sincère préoccupation.
- Il n'y aura pas de séquelles, m'assura-t-il.
- Ça va être comme ça à chaque fois ?
La question franchit mes lèvres d'elle-même, et mon frère tressaillit en m'entendant parler d'une voix si aigre et sourde. Une lueur de contrition tremblota dans ses yeux verts. L'homme à ses côtés posa une main sur mon épaule. Si un autre inconnu que lui avait tenté ce geste, je me serais dérobée. Cependant, à l'instar de ma première rencontre avec lui, il m'inspirait un tel sentiment de bienveillance que le contact ne fit qu'apaiser le tracas qui me rongeait à la vue d'Izuku.
- Ton frère est bien conscient du progrès qu'il lui reste à faire, jeune fille. S'il-te-plaît, continue de croire en lui.
Embarrassée à l'idée d'avoir peiné mon frère par maladresse, je croisai les bras en détournant la tête.
- Bien sûr que je crois en lui. Je croyais déjà en lui quand il n'avait pas d'Alter.
Le blond parut satisfait de ma réponse. Je lui jetai un regard en biais.
- Je vous connais ? M'enquis-je.
Izuku parut paniqué par ma question, tandis que l'homme s'éclaircit la gorge, soudain agité. Ils baragouinèrent des réponses vagues, chacun couvrant la voix de l'autre, jusqu'à ce que je renonce à comprendre.
- - -
- Eiko, tu n'as vraiment pas besoin de faire ça, tu sais ? Essaya de me dissuader Izuku.
- Si. Ça m'énerve de te voir t'y reprendre à dix fois pour une bouchée, répliquai-je.
Nous déjeunions ensembles sur la table basse du salon, devant la télé qui diffusait un programme auquel nous ne prêtions pas grande attention. Seulement mon frère ne pouvait manger que de la main gauche, et celle-ci répondait encore mal. J'avais donc résolu de lui prendre ses baguettes pour l'aider à manger. Voyant que je n'en démordrai pas, il céda finalement.
- Au fait, dit-il en déglutissant sa bouchée. Je voulais te demander...
Je piochai un autre morceau de poulet à l'ail et au gingembre frit dans l'huile.
- Oui ? L'invitai-je à poursuivre en le lui présentant.
- Todoroki et toi, reprit-il, la bouche pleine. Vous êtes... ensembles ?
- Non. Pourquoi tu demandes ça ?
- Pour rien ! J'ai cru... enfin quand je vous ai vu tous les deux au championnat...
La baguettes cessèrent leurs allers-et-venues. Je serrai les dents. Expliquer à mon frère ma relation avec Shoto reviendrait à lui parler de ma précédente famille. Or je ne tenais pas à lui rappeler, d'une façon ou d'une autre, que je n'appartenais pas réellement à la sienne. Mentionner ces autres serait leur donner une présence, une réalité, dans l'esprit d'Izuku comme du mien. J'avais envie de considérer ma famille adoptive comme la seule et unique.
- On s'entend bien, c'est tout.
- Oh. D'accord.
Je lui donnai encore deux becquées avant que mon portable – un vieux modèle que j'utilisais en attendant de pouvoir en racheter un neuf - ne se mît à sonner. Surprise de voir le nom de la mère de Katsuki s'afficher, je décrochai et coinçai mon portable entre mon épaule et mon oreille.
- Eiko, annonçai-je à mon interlocutrice.
- Bonjour, ma chéri ! Me salua Mitsuki. Félicitations pour tes performances au Championnat, tu as été incroyable !
Par-dessus son habituelle voix enjouée et sonore, les vociférations de Katsuki me parvenaient en grésillant par le micro.
- Je ne crois pas que j'ai été si formidable que ça, répliquai-je.
- Oh, petit ange, si modeste ! Depuis tout ce temps, j'aurais aimé que mon fils prenne un peu exemple sur toi !
- Heum... merci, dis-je.
Nos personnalités étant aux antipodes l'une de l'autre, cela me paraissait impensable que je puisse jamais déteindre sur lui. J'échangeai un regard avec Izuku en lui présentant une nouvelle bouchée. Il devait entendre les braillements de Katsuki, et semblait s'interroger.
- Dis-moi, Eiko, tu pourrais passer dans l'après-midi ? Me demanda Mitsuki. Katsuki crise depuis qu'il est réveillé, il commence à me casser sérieusement les oreilles !
Je me représentai sans mal la scène qui devait se jouer chez les Bakugo, et eus une pensée compatissante pour Masaru, qui était le plus à plaindre des trois.
La requête de la blonde eut pour effet de stopper net les beuglements de son fils. Le temps de trois secondes. Puis le vacarme reprit.
- QUOI ?! Non elle va pas se ramener !! Hurla-t-il.
- Je te demande depuis deux heures d'arrêter de crier !! Riposta sa mère encore plus fort. Si tu n'écoutes pas ta propre mère, tu écouteras peut-être ta petite copine !
- C'EST PAS MA COPINE !!
Les tympans torturés par leur dispute, je posai le téléphone sur la table et mit le haut-parleur. En attendant qu'ils se souviennent que j'étais toujours au bout du fil, je continuai d'aider Izuku avec son déjeuner. Il y eut un ramdam indistinct, d'autres cris, puis :
- KATSUKI OUVRE CETTE PORTE IMMÉDIATEMENT !!
- VA CREVER ! Seki, t'es toujours là ?
Les yeux ronds, mon frère fixait le portable comme s'il s'attendait à le voir exploser, oubliant le bout d'aubergine que je tenais devant lui.
- Oui. Ouvre la bouche.
- Hein ?!
- Je parlais à Izu.
- Qu'est-ce que vous foutez ?!
- Bah il peut pas manger avec son plâtre.
- Il est à côté ?
- Bah oui.
- Vire-le !
- Pourquoi ?
- Parce que ! D'où il se mêle des conversations des autres ?!
- Je parlais à ta mère de base, c'est toi qui nous a interrompu.
- Oh, putain, tu fais chier !
- Mais j'ai raison.
- Cette aprem..
- Oui ?
- Viens pas.
Et il raccrocha. Izuku, qui retenait son souffle depuis que Katsuki avait pris la communication, expira d'un air las.
- Tu vas y aller ?
- Oui, si Mitsuki le demande.
- - -
Allongé dans sa chambre les rideaux tirés, Shota porta son smartphone à son oreille.
- Qu'est-ce que c'est ? Demanda-t-il, faisant référence à la photo qu'il venait juste de recevoir.
- Une invitation à un gala privé organisé par Goto Nagai, répondit Naomasa.
- Je vois ça. Qu'est-ce que tu veux que j'en fasse ?
- Tu es encore au lit, pas vrai ? S'enquit le détective, un sourire dans la voix.
Le héro répondit par un grognement en se couvrant les yeux de son avant-bras.
- Repose-toi pendant que tu le peux, reprit Naomasa, parce que tu es de sortie ce soir. Je crois savoir que Recovery Girl a terminé ses soins ?
- Viens-en au fait, grommela-t-il.
- J'ai reçu un appel de Kuze. Cheshire lui a transmit des infos à nous communiquer.
L'annonce piqua assez Shota pour qu'il se redresse brusquement sur son matelas. Ses mèches de jais lui couvrirent le visage.
- Je t'écoute.
- Apparemment, la rumeur court que la petite bande de délinquants impliquée dans la disparition de ton élève a prit l'un des membres de la soirée pour cible.
Le héro renifla avec condescendance.
- Ils ont décidés de passer au gros gibier ? C'est du sérieux pour un groupe de punks...
Il glissa les jambes hors du lit, tâtonnant la table de chevet de sa main libre jusqu'à trouver un élastique.
- Ça pourrait être une fausse piste, fit remarquer le détective.
- Évidemment, mais on n'en a pas d'autre. Elle y sera ?
- D'après Kuze.
- Alors j'irais.
Naomasa lui affirma qu'il surveillerait les appels et rapport d'activité délictuelle ce soir-là, au cas où la prétendue attaque du Gala ne soit qu'une diversion, puis raccrocha. Shota rassembla ses cheveux à l'arrière de son crâne avant de les attacher. Qu'est-ce qu'elle manigance, cette fois ?
Il n'aurait vraisemblablement pas la réponse à cette question avant que Cheshire ne passe à l'action. Il lâcha un soupir, écarta ses rideaux d'un geste sec, autorisant un flot de lumière à baigner la pièce, puis se versa le reste de café froid traînant au fond de sa cafetière. Il allait passer les heures suivantes à se renseigner sur chacun des invités et des hôtes de la soirée.
- - -
Mitsuki m'ouvrit si rapidement la porte après que j'eus sonné que s'en était à se demandé si elle ne m'avait pas attendu derrière celle-ci.
- Eiko-Chan ! Entre, entre ! Contente que tu ais pu venir. !
Je m'exécutait en prévenant :
- Je ne suis pas sûre que je puisse vraiment aider...
Elle agita la main devant son visage, balayant mes paroles en riant.
- Tu plaisantes ? Il traînait en caleçon depuis ce midi. Depuis qu'il sait que tu viens il s'est au moins habillé.
La blonde aux yeux vermeilles me conduisit dans le salon sans cesser de récriminer son fils, qui d'après-elle ne décolérait pas de sa victoire au Championnat. Masaru me servit un thé tandis que sa femme râlait sans discontinuer.
- Je ne suis même pas sûre de comprendre ce qui le rend si furieux ! S'exclama-t-elle. Il est complètement incohérent ! Hier soir, il a même baragouiné un truc à propos de toi et de pom-pom girl. Si je n'avais pas assisté à ses matchs, je me serai demandé s'il n'y en avait pas un qui lui avait tapé un peu trop fort sur le crâne !
- Chéri, tu es la seule qui fait ça, lui rappela Masaru.
- Ça n'a rien à voir ! C'est de...
- L'éducation, terminâmes en chœur son mari et moi.
Le père de Katsuki m'adressa un sourire que je lui retournai, tandis que Mitsuki se renfrognait d'une manière incroyablement similaire à leur fils.
- Enfin bref, Katsuki est dans sa chambre, tu peux monter le voir, me dit-elle.
Je me levai et me dirigeai vers les escaliers, désormais familière des lieux. Dans mon dos, le couple s'était lancé dans une discussion opposant la verve de Mitsuki et la tranquille passivité de Masaru. Parvenue à l'étage, je me dirigeai vers la chambre de Katsuki, et frappai à la porte avant d'entrer sans attendre de réponse.
En tee-shirt et bas de survêtement noirs, le blond était affalé sur son lit, son oreiller sur la figure.
- Ça va, pas trop mal à la tête ? Railla-t-il quand je m'avançai dans la chambre.
Une pique destinée à me reprocher mon manque d'investissement au Championnat.
- Et toi, tes paumes ? Rétorquai-je comme si je n'avais pas saisi.
Je m'approchai et m'assit au pied du lit, dos contre celui-ci. Puis j'allongeai le bras pour attraper son poignet. Il me laissa examiner sa main et passer les doigts sur sa paume. Les siens tressaillirent d'une contraction involontaire.
- Ça te fait mal, constatai-je.
Il arracha sa main des miennes en se redressant abruptement. L'oreiller fut expédié contre le mur opposé.
- Si t'es venue jouer l'infirmière, tu peux te barrer !
Estimant qu'aborder la question du Championnat ne ferait que provoquer une nouvelle flambée de courroux, je cherchai rapidement une excuse à ma visite. Traversée d'une inspiration soudaine, je me retournai, un coude sur le matelas, vers Katsuki, qui s'était adossé contre le mur, sous un poster d'un groupe de métal.
- Hier, je t'ai dis que je t'expliquerai, annonçai-je. Pour mes cicatrices.
Je vis à l'éclat qui rutila dans ses prunelles pourpres que j'avais capté son attention.
- Ouais ?
- Et tu sais que j'avais un deuxième Alter.
- Ouais. Dont tu veux pas parler.
Avant qu'il n'ait le temps de réagir, je me redressai lestement pour lui donner une pichenette sur la tête. De mon doigt à son front, un filament bleuté s'étira, tout ruant et crépitant. La décharge se transmit avec un faible grésillement.
Katsuki écarquilla les yeux sur un air de chat prit par surprise, puis s'empara de mon poignet.
- C'est quoi ce délire ?!
- Mon deuxième Alter.
Ce fut au tour du blond d'examiner ma main. Je fis brièvement danser un éclair au creux de celle-ci, nimbant son visage d'une vive lumière, avant de me lancer dans mes explications. Assise à genoux face à lui, je lui résumai en quoi consistait mon autre individualité, lui décrivis ma seconde paire d'ailes, puis lui parlai des effets inattendus qu'avaient eu les soins de Recovery Girl. Lorsque j'abordai ce dernier point, les yeux de Katsuki s'étrécirent, sont froncement de sourcils s'approfondit.
- Fais-voir, exigea-t-il tout à coup.
- Hein ?
Sans me concéder de précisions, il se redressa pour me saisir d'une main par la taille tandis que, de l'autre, il remonta l'ourlet de mon tee-shirt dans mon dos. Sa soudaine proximité me rendit vivement consciente de son odeur chaude et puissante : une essence musquée et fauve que je trouvais aussi troublante que réconfortante. Alors qu'elle m'imbibait jusqu'aux os, ma peau était parcourue d'ondes ardentes sous la pression de sa paume sur ma taille et l'effleurement cuisant de ses doigts sur mes stigmates.
Bouleversée, le souffle suspendu, je me pétrifiai. Katsuki reposa son menton contre mon épaule.
- Mouais, elles sont toujours là en fait. Tu restes Seki, conclut-il.
Il laissa retomber l'extrémité de mon tee-shirt, et inclina la tête jusqu'à ce que sont front soit appuyé contre mon épaule. Au rythme de sa respiration et à son silence soudain, je compris que la frustration qui le dévorait depuis la veille se diluait lentement, le ramenant à l'une des humeurs les plus calmes que je lui connaissais. L'étrange étourdissement que je venais de subir se dissipa. L'entourant d'un bras, je lui frottai tranquillement le dos.
Ces dernières années, les moments où il se débarrassait ainsi de sa cuirasse s'étaient faits si rares que je ne les attendais plus. Quand Katsuki se recula finalement, il saisit au passage une mèche de mes cheveux -que j'avais simplement relevé en queue de cheval- et la garda pour la faire jouer entre ses doigts.
- Il reste un truc que tu m'as pas expliqué, fit-il remarquer.
- Quoi ? Demandai-je bien que j'en avais une idée assez précise.
- Double-face. Je l'ai entendu causer avec Deku. Mais il a rien dit sur toi. Qu'est-ce qu'il a avec vous ?
J'eus un mouvement de surprise, et si le blond n'avait pas retenue le bout de ma mèche argenté entre son pouce et son index, elle lui aurait échappé.
- Ah bon ? De quoi il voulait lui parler ?
- De ses histoires de famille. On s'en tape ! C'est pas la question !
- Pourquoi tu veux savoir ?
- Parce qu'il est pas net !
Je considérai un moment son exigence, sachant qu'en lui refusant des réponses maintenant, je ne faisais que reporter l'inévitable. C'était l'un de ces sujets que Katsuki ne lâcherait pas. Il n'en dira rien, mais le ruminera, le méditera, jusqu'à il obtienne ce qu'il cherchait. Alors je lui concédai des explications pour la seconde fois, mais d'une voix moins assurée, les mots me venant moins facilement.
- On s'est rencontré quand on étaient petits, il y a dix ans. Donc avant ma période d'isolement dans la nature. On se voyait dès qu'on pouvait. Ensuite il est parti, mais il a finit par revenir sauf que... sauf qu'il est encore parti.
C'était extrêmement concis, et je m'en rendis compte quand Katsuki résuma avec un reniflement :
- Donc il t'a largué deux fois.
- Non, corrigeai-je. C'est son père qu'il l'a emmené. Et après j'ai perdu la mémoire.
La perplexité brouilla son regard.
- ... Parce qu'il était parti ?
- Non, parce que... à cause de mon Alter, je pense.
- A cause de ton Alter ?! Quoi, tu t'es cognée la tête à atterrissage ?
- Pas celui-là. Mon autre Alter. J'ai fais une sorte d'overdose.
- Il est où le «traumatisme émotionnel» dans tout ça ? Me dis pas que c'est Double-face ?
«Traumatisme émotionnel». La cause, selon les médecins consultés, de mon amnésie. Mon cerveau ne présentant aucune lésion puissant l'expliquer, ils en avaient déduis à une amnésie rétrograde, causée par une surcharge psychique et physique. D'après eux, cela n'avait été qu'une stratégie de protection censée préserver mon intégrité mental.
Il se trouve qu'ils étaient dans le vrai.
Cependant, c'était là que je dressais la limite de ce que j'étais prête à avouer à Katsuki. Je haussai les épaules.
- Les circonstances ? Proposai-je. J'avais autours de cinq ans. On est facilement bouleversé à cet âge. Je crois...
Le blond prit un instant pour assimiler ce que je venais de lui apprendre. Ses doigts entortillaient distraitement ma mèche de cheveux.
- Donc «Arashi»... C'est ton nom ?
C'était étrange de l'entendre de sa bouche. Les syllabes sonnaient faux.
- Mon ancien nom, martelai-je.
Un grattement à la porte mis tout à coup fin à la discussion. Mitsuki passa la tête dans la chambre.
- Eiko, tu veux rester dîner, ce soir ?
Je consultai Katsuki du regard, qui détourna le sien avec une moue agacée en grommelant :
- Maintenant que t'es là...
Suite à quoi, sa mère, enchantée, nous embrigada dans la préparation du dîner. Alors que Katsuki cassait expertement les œufs et éminçait les légumes avec dextérité ou les faisait sauter dans la poêle avec adresse, je peinais à seulement éplucher les kaki ou à monter les blancs en neige ; les directives que braillait le blond ne m'étant pas d'un grand secours. Je finis par être reléguée à la supervision de la cuisson de l'huile épicée, ma tâche consistant simplement à remuer le pimant et l'huile végétale qui mijotaient avec la soupe de fenouil et la soupe de poivre, les étoiles d'anis, les gousses de cardamome, les noix de muscade et les morceaux de gingembre.
Nous nous attablâmes finalement devant une salade de carotte et de radis noirs au sésame suivit d'un riz aux légumes servit avec la sauce à l'huile pimentée et un œuf poché. Une repas qu'affectionnait particulièrement Katsuki, et qui - bien que ses parents se gardèrent de le préciser devant lui - faisait office de célébration pour sa médaille. Le plat m'enflamma la langue et le palais, au grand amusement du blond qui se moqua de mes yeux larmoyants et de ma figure empourprée.
- Maintenant tu réfléchiras avant de venir squatter chez les gens, Seki ! Ricana-t-il.
La paume de Mitsuki vint fustiger l'arrière de son crâne.
- Katsuki ! Arrête de donner des surnoms insultants à tes amis ! Le sermonna-t-elle.
- Quoi, faut que je me mette à l'appeler «Arashi» ? Rétorqua-t-il sarcastiquement en me glissant un coup d'œil.
Je lui décochai un coup de pied sous la table, auquel il ne put répondre que par une moue de représailles, puisque sa mère le surveillait toujours. L'expression de cette dernière s'adoucit alors qu'elle nous observait, menton dans la main.
- C'est drôle, je n'ai pas réalisé à quel point vous aviez grandis avant de vous voir tous les deux côtes à côtes.
- On a l'impression qu'hier encore, Eiko venait regarder des DVD à la maison, agréa Masaru.
- Oh c'est vrai ! S'exclama sa femme. Et vous passiez toutes les scènes de dialogues et de romance en accéléré pour arriver directement à celles d'action !
Katsuki parut profondément exaspéré par l'accès de nostalgie de ses parents. Distraite par Mitsuki qui me ressassait des anecdotes de notre enfance, je ne le vis que du coin de l'œil faire un mouvement vers mon assiette. Je tournai la tête à temps pour le voir gober mon œuf poché. Que je gardai pour apaiser l'incendie qu'était ma bouche.
Offusquée, je terminai mon plat en quelques coups de baguettes, sous sa mine triomphante. Son sourire satisfait se défit lorsque je fauchai son tiramisu, et en prélevai une généreuse cuillère. L'onctueuse crème mascarpone et la purée de kaki sucrée soulagèrent instantanément mes papilles.
Mitsuki étant occupée à débarrasser le couvert, et Masaru à faire la vaisselle, le blond en profita pour se pencher au-dessus de la table et essayer de saisir ma verrine, que je tenais hors de sa portée. Transvasant mes deux desserts dans une seule main, je me mis à plonger ma cuillère tour à tour dans chacun d'eux, en guise de revanche pour s'être littéralement fichu de ma tête et d'avoir mangé mon œuf. Katsuki jura.
- Tu veux mourir ?! S'emporta-t-il.
Décidant d'être magnanime, je lui fourrai la cuillère suivante entre les dents. Prit de court, il écarquilla les yeux d'une manière si comique que j'éclatai de rire. Il la cracha en se rasseyant au fond de sa chaise.
- Tu fais chier, grogna-t-il.
Je haussai les épaules, et fit glisser vers lui ce qu'il restait de nos tiramisus.
- - -
Je suis super contente de pouvoir enfin poster ce chapitre ! Je me suis beaucoup amusée à l'écrire, mais je me demande si parfois, je ne suis pas partie uuunnn peu trop loin dans le délire... Vous me direz. ^^
(En même temps, c'est en remarquant à quel point Katsuki c'était calmé à la reprise des cours, au point d'être complètement blasé par les commentaires des autres sur le Championnat, que je me suis dit qu'il y avait de quoi broder...)
J'attends depuis longtemps de pouvoir écrire ce genre de scène Eitsuki, et maintenant que le cap du Championnat a été franchi, le Shorashi va pouvoir y passer aussi ! :D
Dans le prochain chapitre, Shota et Ryoka seront à l'honneur ! Le fameux choix des noms de héros va aussi arriver ! Des hypothèses pour celui d'Eiko ? ;)
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