Chapitre 18 : L'Attaque du SCA


Contre toute attente, mon appréhension fut grandement atténuée par le simple fait de mettre les pieds sous la colossale coupole couvrant l'aire d'entraînement. La vue de tous les aménagements grandeur nature supposés simuler tout type de catastrophe fit courir un frémissement d'impatience sur mon échine. J'avais hâte de mettre mon Alter à l'épreuve.

Quand No.13 nous regroupa devant lui pour nous adresser un discours d'introduction, je demeurai derrière les autres, rebutée par la perspective de devoir subir un flot de paroles sans intérêt. Le héro professionnel conquit cependant mon attention en mentionnant son Alter et les dangers pour autrui qu'il pouvait représenter. Un Alter qui pouvait tuer, disait-il. Comme certains des notre.

Je revis les jambes immobiles des corps gisant sur les tatamis.

- Cela ne tient parfois qu'à un faux pas, continuait le héro cosmonaute de sa voix de machine.

Shoto m'adressa un coup d'œil par-dessus son épaule, comme pour s'enquérir de l'effet de ces paroles sur moi. Toute la classe en mesurait la gravité, toutefois je doutais que quiconque s'y identifiât comme je le faisais.

La conclusion de son discours me remua plus que je ne m'y attendais et m'apporta finalement tout ce que je voulais entendre. Mon Alter n'avait pas à faire du mal : il pouvait sauver. Sans me connaître, sans rien savoir de ma situation ni de mon passé, un héro venait de m'autoriser à croire, à espérer, que ces ailes qui étaient les miennes puissent profiter à quelqu'un d'autre que moi.

L'engouement qui salua sa déclaration me gagna avec autant d'ardeur que les autres, et je me pris à sourire, plus déterminée que jamais.

Et puis, en l'espace d'un instant, avec cette absurdité et brutalité qui caractérisent la survenue de tout drame, le cauchemar commença.

Tout d'abord, rien n'y parut. Un court-circuit éteignit l'éclairage et tarit la fontaine centrale. Mais cette seule perturbation causa un changement radical dans l'attitude de notre professeur principal. Un instant il était aussi flegmatique que d'ordinaire, le suivant il était en état d'alerte et faisait volte-face.

La classe ne réalisait pas encore. Là-bas, au centre, un vortex fumeux venait de se matérialiser, d'où émergeait une main.

- Restez groupés et ne bougez pas ! Nous ordonna Aizawa d'un ton de commandement qu'on lui avait rarement entendu. Thirteen, protège les élèves !

Je ne sais pas si ce fut son exclamation, ou l'aura que dégageait l'individu qui venait d'émerger de la masse violâtre, mais je fus frappée d'un sentiment de danger tel que je n'avais plus éprouvé depuis une décennie. Sans réfléchir, j'avais déjà fléchis les genoux et écartés les bras du corps. Alors que d'autres silhouettes surgissaient à leur tour, un mouvement de curiosité général fit s'avancer d'un pas les élèves du premier rang, mon frère comprit.

- Ne bougez pas ! Claqua de nouveau la voix d'Aizawa.

Il plaça ses lunettes sur ses yeux, puis formula la phrase qui tomba comme un couperet sur la première A.

- Ce sont des Vilains.

S'il cela n'avait tenu qu'à moi, j'aurais obéis à l'instinct qui me dictait de fuir pendant qu'il était encore temps, de ne pas risquer un affrontement contre autant d'adversaires à la fois. Seulement je n'étais pas seule. Il n'était pas question d'aller nul part sans mon frère, ou Katsuki, ou Shoto, ou même ces camarades de classe que j'étais venue à apprécier.

La peur qui emplissait la classe était palpable, mais en dignes futurs héros professionnels, tout le monde conservait un minimum de sang-froid. Certains, comme Yaoyorozu et Shoto, évaluaient déjà la situation. Percevant une présence à côté de moi, je décrochai les yeux des Vilains qui s'amassaient au sortir du vortex, et ne fus pas surprise de découvrir Katsuki, dans le même état de tension que moi. Mains crispés, doigts écartés et ployés, une lueur combative flambant dans ses yeux, il se tenait tout prêt à user de ses explosions.

Lui aussi savait ce que c'était que de se battre pour sa vie. Il avait chèrement défendu la sienne contre Tas-de-Bourbe.

Tout s'enchaîna ensuite trop vite pour nous laisser le temps de prendre une quelconque initiative. Aizawa nous ordonna de battre en retraite tandis que lui-même s'élançait au bas des marches pour couvrir notre fuite. Tourner le dos à la menace allait contre tous mes principes de survie, mais je fus bien obligée de suivre le groupe pour courir vers la sortie.

Notre fuite tourna court. Le maelstrom s'ouvrit à quelques pas devant nous, nous barrant tout échappatoire. La figure fumeuse, comme constituée d'une nuée grouillante de minuscules insectes, se dressa haut face à nous. Lentement, les élèves de la 1-A surmontaient le choc et la panique premiers. Cette fois, la majorité d'entre-nous avait adopté une posture de garde.

Observer le danger à distance était une chose. Le voir surgir à portée d'atteinte en est une autre. Chacun de mes nerfs s'étaient embrasés, mon pouls était hors de contrôle, et si j'étais hyper-consciente du plus infime détail, décoder un traître mot de ce que disait le Vilain était presque chose impossible. Je compris l'essentiel : que leur cible était All Might, mais qu'à défaut, ils s'en prendraient à nous.

Une frénésie furieuse incendia mes veines. Une épouvante inconnue s'était emparée de moi, mais ce n'était pas pour ma sauvegarde que je craignais : j'étais terrifiée à l'idée que quoi-que-ce-soit n'arrive à ceux qui étaient tout pour moi. Non, rugissait une voix en moi. Non je ne le permettrai pas !

C'est à ce moment précis que deux silhouettes bondirent à l'assaut du porte-parole de l'Alliance des Vilains. J'ouvris la bouche sur un cri de détresse muet en reconnaissant Katsuki.

L'explosion détona en même temps que se déployaient mes ailes. La fumée se dissipa, révélant qu'Eijiro et le blond étaient sains et sauf, néanmoins leur attaque n'avait eu aucun effet sur le Vilain. Je voulus m'avancer, les rejoindre, mais soudain la nuée sombre qui constituait le corps de notre ennemi était partout, nous cernant, s'insinuant entre nous, pour tous nous engloutir.

- Eiko-Chan ! Eus-je juste le temps d'entendre Izuku m'appeler avant d'être happée et de perdre tout notion d'espace et de gravité.

L'instant d'après, je fus lâchée contre un sol de ciment craquelé, et me réceptionnai accroupie, une main au sol. Deux bruits mats, des grognements, et Eijiro et Katsuki se redressaient à côté de moi. Nous avions été expédiés à l'intérieur d'un immeuble en ruine, aux fenêtres brisées, aux murs décrépis et aux plafonds d'un brunâtre douteux. Vraisemblablement la zone des effondrements.

Je n'eus pas le luxe de me réjouir de leur présence : une demi-douzaine de Vilains nous attendaient de pied ferme. Sans nous concerter, les garçons et moi nous plaçâmes dos à dos, Katsuki faisant crépiter ses paumes, Eijiro durcissant ses bras, et moi dressant mes ailes comme je le pouvais dans l'espace limité, levant un souffle qui fit danser la poussière.

Cependant, nos adversaires n'avaient pas encore esquissé un geste que le blond pivota vers moi, ses deux mains à quelques centimètres de mon ventre.

- Tu vas nous gêner, affirma-t-il abruptement.

Et il créa une déflagration qui me heurta à bout portant, me projeta en arrière, et me fit passer droit à travers une fenêtre dépourvue de vitre, m'expédiant dans le vide.

Mes ailes s'étant repliées par réflexes autours de moi quand l'onde de choc m'avait cueilli, je les redéployais pour amortir ma chute, et atterris sèchement sur un trottoir défoncé, près d'un lampadaire en biais.

Les dents serrées, je levai la tête vers les étages. Des explosions éclataient en série, accompagnées de coups sourds. Je n'aurais rien tant voulu que d'être là-haut avec eux, mais Katsuki n'avait pas complètement tord. Nous nous serions handicapés mutuellement. Mes ailes étaient d'une trop grande envergure pour un environnement confiné, elles auraient restreint leurs attaques. Quand à moi, j'aurais difficilement pu manier le vent en intérieur sans les toucher.

Mes pensées devinrent un chaos violent. Mes mains tremblaient d'impuissance, mes tempes pulsaient, et le tumulte de mon propre rythme cardiaque emplissait mes oreilles. Que faire, maintenant ? Où était les autres ? Izuku, Shoto...

Sous le dôme de verre résonnait le fracas de multiples affrontements. Une rumeur qui montait de partout à la fois, cris, heurts, râles d'ennemis et d'alliés confondus.

Les trouver, d'abord. Je n'avais qu'à survoler les zones, repérer leur position et...

Et fondre sur l'ennemi, lui couper tout recours, l'anéan... Non ! Ce n'est plus toi ! Tu n'es plus une Katagiri, tu n'es plus dans les montagnes !

J'inspirai un bon coup, puis soufflai. Du calme. Du calme.

Que ferait Izu dans cette situation ?

Sa raison lui dicterait de se mettre en sécurité, de rallier les autres élèves, ou l'un de nos deux professeurs. Cependant en pratique...

En pratique, ce serait plus fort que lui : il risquerait sa vie pour n'importe-qui ici.

Je me ramassai sur moi-même, soulevant mes ailes, prête à décoller. Mon unique priorité était désormais claire : je devais rejoindre mon frère.

- Où tu crois aller comme ça ? M'interpella une voix mauvaise.

Sur ma gauche, un mastodonte sanglé de cuir clouté, à la peau grise d'aspect épaisse, s'avançait pesamment, flanqué d'un être filiforme, qui paraissait intégralement constitué d'une substance goudronneuse et luisante.

A ma droite, une femme osseuse, aux yeux reptiliens, armée de khopesh : de courtes épées à la lame incurvée, se tenait sur des jambes pareilles à celle d'un vélociraptor. Son acolyte présentait la mutation la plus mineure des quatre. Des cornes lui hérissaient les bras et la colonne, et étaient disséminées sur son visage.

M'envoler n'était plus une option. Si l'un d'eux possédait un Alter de longue portée, j'y serai exposée.

Neutralise en premier le costaud !

Je bondis, me propulsant d'un battement d'ailes, non pour m'élever, mais pour fuser vers le Vilain massif. La poussée me fit combler la distance en un clin d'œil dans un sifflement d'air. Il ne put qu'écarquiller les yeux avant que mon genou ne s'écrase contre son visage, fracassant nez et dents avec un craquement. Le sang gicla sur toute sa face, et il bascula en arrière, pour s'écrouler sans connaissance sur le bitume fissuré.

- Sale gosse ! Cracha son coéquipier.

Il brandit les bras, qui se divisèrent en filaments noirs et visqueux qu'il projeta vers moi. Le suc englua mes ailes, cibles faciles de par leurs dimensions. Je les dématérialisai dans une nuée de plumes. D'un ample geste de la main, je levai une bourrasque qui le projeta loin de moi, mais les deux autres passaient déjà à l'offensive, se ruant sur mes deux flancs. Mes ailes rejaillirent et claquèrent.

Cette fois, je levai un vent de tempête, fort et persistant, qui mugit dans toute la rue factice, fit hululer les carcasses d'immeubles comme de vieilles bêtes agonisantes, et opposa une telle résistante à mes deux assaillants qu'ils furent contraints de s'immobiliser en posture de défense, bras levés devant leurs yeux, leurs vêtements claquants sèchement, des traînées de poussière filant entre leurs pieds.

Bien campée sur les miens, j'amassai l'air sous mes rémiges primaires ainsi que je l'avais fait lors de mon duel contre Katsuki, et braquai les mains en direction des deux Vilains. Puis je relâchai les sphères d'air comprimé, qui partirent comme des balles. Le type aux cornes fut frappé en plein plexus et s'écrasa sur le dos avec un hoquet étouffé, mais la femme usa de la prodigieuse force de ses jambes pour bondir de côté et esquiver l'attaque.

Maintenir les rafales demandai trop de mon énergie, je fus contrainte de laisser retomber le vent. Ce dont les deux Vilains restant profitèrent aussitôt. La femme fit tournoyer ses khopesh et s'élança vers moi, tandis que l'individu glutineux s'approchait par derrière.

Chacune de mes deux victoires précédentes m'avait galvanisé. Je n'éprouvai aucune peur, aucun doute. Le vide s'était instauré dans mon esprit et seul subsistait l'instant, seul comptaient mes adversaires. Je savais exactement quoi faire. J'avais été élevée pour affronter des situations comme celle-ci, j'avais grandi, survécu, triomphé de tout obstacle en usant de mon Alter. J'en connaissais les limites et les possibilités.

Je ramenai mes poings auprès de mes hanches, ferlai mes ailes, puis les étendit brusquement avec un cri monté du fond des mes entrailles. Une déflagration d'air éclata, percutant comme un bélier les deux Vilains encore debout. Le blast frappa les façades des immeubles de chaque côté de la rue, y imprimant de longues lézardes et faisant voler des éclats de verres qui plurent sur l'asphalte.

La femme était à terre, sonnée, mais l'être longiligne avait mieux encaissé le choc grâce à sa constitution flasque. Il se dressa, divisant ses bras en long appendices sirupeux, les faisant jaillir de son dos de sorte qu'ils se déployaient en rayon autours de lui.

J'inspirai rapidement une grosse goulée d'air entre mes dents, puis reproduisis mon attaque. Il accusa le coup encore plus aisément que la première fois, et la salve s'écrasa derechef contre l'immeuble derrière lui. Un sourire malfaisant fendit son visage sans traits.

Mais ce n'était pas lui que je visais. La structure déjà précaire du bâtiment ne supporta pas cet ultime coup. Un pan entier de mur se décrocha lourdement, et s'abattit sur le Vilain dans un nuage de poussière, l'écrasant sous une tonne de béton. Étant-donné la nature de son Alter, je doutais que cela ne le tue, mais au moins était-il piégé sous les débris.

Je haletais, suant dans ma combinaison moulante. Du dos de la main, j'essuyai mon front mouillé de sueur auquel collaient les mèches échappées de ma tresse. Des bruits de semelles me firent faire volte-face, mais ce n'était que Katsuki et Eijiro, qui déboulaient par la porte branlante de l'immeuble dans lequel nous avions été expédié.

Dès qu'il eut assimilé la situation, le blond m'examina de la tête aux pieds. Je fis de même avec lui avant que nos regards ne se captent, et courus vers eux. Légèrement égratignés ça-et-là, la respiration lourde, tous les deux paraissaient indemnes.

- Wouah, c'était toi ces secousses ! Comprit Eijiro en découvrant la route jonchée de tas de gravas. Je croyais que tu pouvais juste voler...

- Ouais, ouais, on se félicitera plus tard, intervint Katsuki. Seki, il te reste des forces ?

- Oui. Toi ?

- Évidemment ! Pose pas de questions stupides et écoute-moi. Tu vas exploser ce plafond de mes deux et te barrer d'ici, chercher des secours à U.A.

- Non, protestai-je catégoriquement.

Il se rembrunit.

- Non ?

- Non. Je vais retrouver mon frère.

Un éclair de colère passa dans ses prunelles rouges. Il s'avança d'un pas vers moi.

- Ça, ça m'étonnerait. Laisse ce merdeux se débrouiller et dégage !

L'emportement qui m'avait pris avant que les Vilains ne me tombent dessus remonta soudain en moi. Jamais je ne pourrai faire ce qu'il me demandait. Pas sans m'être assurée au préalable qu'Izuku était sain-et-sauf. Alors, je reculai, ouvris mes ailes, et pris mon essors brutalement, m'arrachant au trottoir, dépassant les toits des immeubles délabrés, pour finalement survoler la zone des effondrements, ignorant le cri de Katsuki qui hurlait mon nom.

Dès que j'eus pris suffisamment de hauteur, je découvris la scène qui se jouait au centre du SCA. Une créature inhumaine, imposante de par sa carrure gigantesque, toute en muscles, faisait face à un All Might en chemise. Et non-loin d'eux se tenaient mon frère, Tsuyu, et le petit braillard.

Un frémissement me remonta soudain l'échine, ma nuque picotant vivement. Je ne levai la tête que pour voir une ombre fondre sur moi.

Puis un flash rouge éclata sous mon crâne quand une masse me percuta dans le dos, et m'abattit en plein vol pour me faire dégringoler la cinquantaine de mètres qui me séparait du sol.

L'impact fut d'une violence inouïe, un amalgame de douleur sourdit de tout mon corps, si féroce que j'en demeurai inerte, seulement à demi-consciente. Je m'étais mordue l'intérieur de la joue sous le choc. Un goût cuivré emplissait ma bouche. Du reste, mes côtes me tuaient, et mes membres meurtris répondaient péniblement.

Izuku...

Dans un sursaut d'effort, je voulus me redresser sur les coudes, mais un poids m'écrasa de nouveau joue contre terre. Quelque-choses pesait sur ma tête et me clouait une épaule au sol, la perforant au travers de mon costume. Bientôt, mon bras et mon omoplate furent poissés de sang chaud, l'hémoglobine ruissela en filets le long de ma clavicule.

Un courant de panique me parcourut. J'étais immobilisée, sans défenses. Une proie acculée.

Je me tordis le cou pour obtenir un aperçu de mon assaillant. Dotée d'ailes, lui aussi, le visage couvert d'un masque, il exhibait des tarses de rapace en guise de pieds, et me perforait le dos de ses serres.

«Tu sais ce qui arrives, quand tu faiblis face à l'adversité ?»

La respiration erratique, je crispai les ongles dans la boue. Des mèches barraient mon visage, coagulées de sang.

- Oups là, petite mésange, ricana-t-il d'une voix étouffée par son masque. Tu te croyais seule là-haut ?

«Tu meures.»

- J'espère que tu ne comptais pas sur ces jolies ailes pour devenir un héro, s'amusa-t-il.

La tarse qui me maintenaient le visage contre terre se déplaça soudain jusqu'à la naissance de mon aile droite. Un geignement sourd m'échappa lorsque les ongles crochus percèrent la chair sous mes plumes.

Stop.

«La seule chose dont tu as le droit de te préserver, c'est la mort.»

Le Vilain, ayant fermement empoigné mon aile, se mit à tirer.

Ce fut un hurlement que je lâchai cette fois, le front pressé contre le sol, mise au supplice par la sensation de mes ligaments se distendant, de mon articulation étirée vers son point de rupture.

Stop !

«Ton cœur bat encore, non ? Tu ne le sens pas pomper la vie dans tout ton être ?»

De mes plaies, le sang s'épanchait par à-coups, à chaque palpitation de mon organe vital. Il y eut un craquement, et une souffrance sans nom parcourue mon aile de bout en bout.

«Alors riposte, Arashi.»

Un barrage céda en moi. Quelque-chose de sombre remonta à la surface, quelque-chose enfouie depuis longtemps, une pulsion que j'avais apprit à dompter au fil des an. Je me laissai imprégner jusqu'au fond de mon être par une furie dévastatrice. Jusqu'à ce que la moindre de mes fibres ne crie, qu'un grand chœur m'emplisse l'esprit et m'exhorte à frapper.

Mon ailes libre se gonfla, se déploya, toute frémissante, libérant mon alter à pleine puissance.

- - -

C'était terminé.

Au terme d'une lutte phénoménale, All Might avait littéralement expédié le Nomu par le plafond, et le reste des héros professionnels venait de débarquer par la grande porte, provoquant la débandade chez les Vilains.

Shoto n'en montrait rien, mais la démonstration de puissance brute donnée par le Symbole de paix l'avait estomaqué. Par sa simple présence, il avait inspiré courage et espoir aux élèves témoins de l'affrontement. Un champion toutes catégories, un héro hors pair au talent démesuré, tel était le héro que le jeune homme devait surpasser.

Écroulé à terre, les deux jambes brisées, Midoriya se redressa sur les coudes et, tournant la tête vers Bakugo, lui cria :

- Katchan ! Est-ce que tu as vu ma sœur ?

Shoto sentit son estomac se nouer en voyant la figure du blond blêmir tandis qu'il baissait la tête, les dents serrées.

Puis comme en réponse, un mugissement s'éleva derrière les murs d'enceintes qui délimitaient la zone des glissements de terrain. Une colonne d'air s'éleva, se tordant furieusement, tourbillonnant, soulevant une poussière qui monta vers le plafond.

La vue de la tornade glaça Shoto. Il sut aussitôt ce qui était en train de se produire. Personne d'autre ne pouvait s'en douter, personne ne pouvait seulement le soupçonner, mais lui était présent lorsque Arashi avait perdu le contrôle pour la première fois. Il savait parfaitement de quoi elle était capable, et jusqu'où elle pouvait aller.

Parce que malgré toute la bonne volonté de sa nouvelle famille, ils n'effaceraient jamais ce que ses géniteurs avaient engravé en elle.

Elle s'apprête à tuer de nouveau !

Un courant froid parcourut ses membres droits. La température chuta autours de lui, et sans l'avoir seulement prémédité, il se propulsa, monté sur une voie de glace qui se formait en craquant. En une poignée de seconde, il avait atteint les hauts mur d'enceinte, qu'il franchit en moitié moins de temps. Il retomba de l'autre côté, et s'élança tout en se redressant, fouetté par des bourrasques.

Sur une pente glaireuse, dominant un Vilain affalé sur le dos les ailes en croix, se tenait une Arashi méconnaissable. La tornade se dissipait tout juste autours d'elle, réduite à un tourbillon de vent qui allait en faiblissant. Sa tresse d'argent dansait dans son dos, des mèches collaient à son visage. L'une de ses ailes était dressée en signe de menace, l'autre pendait singulièrement, les longues plumes qui la terminaient traînant dans la boue. Sang et sueur dégoulinaient de son front. Des plaies à l'épaule avaient teinté son costume d'une nuance sombre. Les bandes qui courraient sur sa manche, son buste, et ses côtes, avait virés du lavande au rosâtre.

Le désir de meurtre imprégnait sa figure. Une flamme impitoyable brûlait dans ses yeux violets. Ses lèvres étaient retroussées sur un rictus féroce. Elle avait la poitrine soulevée par une respiration pantelante. Main levée pour concentrer, torsader l'air en un javelot de vent qu'elle s'apprêtait à assener, elle était terrible. Ce qui l'animait n'avait rien de malveillant, c'était l'irréductibilité de la loi animale, le réflexe absolu de survie semé par ses parents, puis cultivé par sa vie en autarcie.

Tuer était pour elle une riposte légitime. Un pas au-delà d'une limite qui était moins nette pour elle que pour la norme.

- - -

J'étais hors de moi.

Mon ennemi était à terre, à ma merci, et le besoin d'en finir rendait mes paumes fourmillantes. Je n'avais qu'à abaisser le bras, et son torse serait perforé par l'air que j'avais façonné en vrille. Ses côtes éclateraient. Le sang noierait ses poumons. Je verrai le voil funeste tomber derrière ses yeux tandis qu'il expirerait son dernier râle.

Ma main commença à retomber, et soudain je fus saisis au poignet tandis qu'un bras me ceinturait la taille. Je fus fermement tirée en arrière contre quelqu'un.

- Arashi, arrête ! S'exclama une voix familière avec un souffle glacial contre mon oreille. C'est finit. C'est finit.

Ces paroles étaient fermes, presque autoritaires, mais l'étreinte dans laquelle j'étais immobilisée avait quelque-chose d'implorant.

- Shoto, réalisai-je, comme hébétée.

Et la vague noire sous laquelle ma conscience était immergée reflua tout à coup, drainée par le réconfort subit que me procurait ce contact. Je revins à moi comme après une transe fiévreuse. Les voix despotiques qui se faisaient écho sous mon crâne furent réduites au silence.

Je relâchai mon emprise sur le vent, qui mourut sur un murmure. La main qui enserrait mon poignet glissa dans la mienne.

Les jambes coupées par l'émoi, je m'affaissai contre le torse dans mon dos, confiante dans la force qui me soutenait. Je révoquai mon Alter, et mes ailes se désagrégèrent. Cela s'avéra pénible du fait de mes blessures, et je fermai brièvement les yeux sous la douleur.

Lorsque je rouvris les paupières, j'eus l'impression que le monde avait retrouvé sa clarté. Étalé dans la terre visqueuse, le Vilain, vaincu, respirait toujours. Je pivotai vers Shoto, qui m'entourait toujours de son bras, son autre main serrant la mienne.

Je n'avais pas les mots pour ce que j'avais été sur le point de commettre, pour le soulagement que j'éprouvais à ce qu'il m'ait rappelé à moi quand les ténèbres me cernaient.

Le regard de Shoto me sondait attentivement, ses yeux vairons plongés dans les miens. Il paraissait vouloir s'assurer que la crise était bien passée, que j'avais dominé pour de bon cette part de moi qui ne reculait devant rien. Cette facette que je croyais disparue à jamais quand lui savait qu'elle n'était que dormante.

- Je n'ai pas fait tant de chemin que ça, finalement, soufflai-je, la gorge serrée.

Les yeux de Shoto dérivèrent vers le Vilain derrière moi, puis revinrent se poser sur mon visage. Ses pupilles, aussi étrécies que des têtes d'épingles, n'étaient qu'un point noir au milieu de prunelles douées de vie. L'une d'un gris de jour de pluie, l'autre d'un bleu outre-mer. Et elles ne recelaient ni blâme ni répulsion malgré ce qu'elles venaient de voir. Seulement une préoccupation profonde.

- On est  censé se regrouper à l'entrée, lâcha-t-il. Il vaudrait mieux y aller.



- - -

Un chapitre très long, mais je n'avais pas envie de le couper en deux. J'y allais un peu à reculons avec ce point de la trame originelle, parce que je n'avais pas envie de re-raconter ce que vous aviez tous vu dans l'anime. Ce qui peu donner cet aspect "résumé" à certains moments du chapitre, je suis désolée. 

Sur le fond, j'ai écris tout ce que je planifiais, mais sur la forme, je ne suis pas du tout satisfaite. J'ai vraiment eu du mal avec le style d'écriture pour ce chapitre...

Vous avez sans doute remarqué la nouvelle couv' ? Elle est de BellyBarma que je remercie encore une fois !

Et je vous remercie tous pour les 10k de vues et les 3k de commentaires ! Vous êtes géniaux !

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top