Chapitre 14 : Confession n'est pas confiance


https://youtu.be/jlhtDde23dY

(edit : je rajoute cette musique parce que je trouve que les paroles collent trop bien avec la relation Shorashi à ce stade de la fiction ! *-*)

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Une nervosité inhabituelle agitait Shoto. Adossée à l'un des piliers qui bordaient l'allée conduisant à l'entrée principale du lycée, il regardait passer les élèves sans les voir. Il exhala un énième soupir en songeant à l'impondérabilité qui enveloppait Arashi.

Il n'avait pas prévu de se préoccuper d'elle. Il n'avait pas prévu d'étendre leurs rapports au-delà du minimum requis pour des camarades de classe.

Et voilà qu'il l'attendait après les cours.

Parce qu'il n'avait pas prévu l'émotion qui lui avait percé le cœur lorsqu'elle lui avait saisit la main.

Le jeune homme leva lentement la tête vers le ciel, ses mèches glissant son front. Il s'était persuadé que laisser Arashi l'atteindre causerait l'affaiblissement d'une résolution qu'il avait mis des années à consolider, seulement pour réaliser ensuite que d'eux deux, elle était celle qui marchait devant. Elle était celle qui avait embrassé les sévices du passé afin de ne plus les laisser l'entraver.

Un rire sonore le tira de ses réflexions. Abaissant le regard, il fut surpris de voir Arashi s'avancer dans sa direction... coincée sous le bras d'un adolescent aux airs insolents, qui souriait de toute la blancheur de ses dents et de tout l'éclat de ses yeux ambrés sous ses mèches violettes.

Une attitude qui laissait la jeune fille complètement indifférente, sinon blasée. Avisant Shoto, elle le pointa du doigt en adressant quelques mots au garçon, qui dirigea son regard dans sa direction avant de lui adresser un signe de la main. Shoto se contenta de répliquer par un hochement de tête.

L'autre ne paraissait heureusement pas avoir l'intention de s'attarder d'avantage, car il libéra finalement Arashi, puis s'éloigna. Tandis qu'elle le rejoignait, Shoto se retrouva à examiner celle qui se faisait désormais appeler par le nom d'Eiko.

Elle présentait cet aspect un peu débraillé de quelqu'un qui revient d'une intense séance de sport. Ses mèches les plus longues étaient rassemblées par une pince, mais les plus courtes folâtraient autour de son visage aux joues encore roses de l'effort. Son uniforme était manifestement passé à la hâte, et elle n'avait pas ré-endossé sa veste ni passé sa cravate. Il avait déjà remarqué qu'elle n'était pas très habile à nouer celle-ci.

Son allure échevelée n'était pas bien différente de celle qu'il lui connaissait autrefois. Néanmoins un changement majeur s'était produit depuis : ses traits avaient beau être presque constamment empreint de gravité, ses yeux lavandes demeuraient lumineux. A croire qu'elle était Arashi dans la forme, et Eiko dans le fond.

- C'est étonnant que tu sois devenue aussi familière avec autant de monde, fit-il remarquer malgré lui aussitôt qu'elle fut à sa hauteur.

- Tu parles de Takeru ? On était juste en équipe pour l'exercice.

- Et c'est dans ses habitudes de rester accroché à ses coéquipiers ?

Arashi eut un léger haussement d'épaule.

- Il n'a pas arrêté de faire ça.

Son ton sous-entendait qu'elle avait bien tenté d'instaurer un périmètre entre elle et le lycéen, mais ce dernier ne s'y étant pas tenu, elle avait tout bonnement renoncé.

Ils s'étaient mis en marche tout en discutant, et franchissaient à présent le portail.

- Où est-ce que tu veux aller ? Demanda Shoto.

- Peu importe, mais il faut que je m'achète un truc à manger en passant. J'ai un peu forcé sur l'utilisation de mon Alter, expliqua-t-elle en pressant son avant-bas contre son ventre.

«Mon», releva mentalement le jeune homme. Pas «mes».

Déjà à l'époque, elle lui avait appris que manipuler l'air la drainait de ses forces. Il consentit donc à ce qu'ils s'arrêtent à un stand de nourriture à emporter pour acheter une barquette de takoyaki, avant de se diriger vers le parc le plus proche.

Un silence étrange flotta entre eux le temps du trajet. Shoto ne l'aurait pas décrit comme un malaise ni comme un froid, mais définitivement comme un désarroi. Parce qu'aucun d'entre-eux n'aurait soupçonné qu'ils se retrouveraient un jour ce genre de situation. Parce que ladite situation n'avait rien d'une sortie entre camarades de classe. Parce que le sinistre qui les avait tous les deux frappé il y a dix ans de cela avait causé des ravages qui transparaissaient encore aujourd'hui.

A défaut de savoir quoi dire, il examina Arashi du coin de l'œil. Force était de constater que ce n'était plus une petite fille auprès de laquelle il marchait, mais une jeune femme en devenir. Elle avait grandi, quoiqu'elle faisait une bonne tête de moins que lui. Il était également étonné de sa minceur athlétique, de sa musculature plus nerveuse et souple que la plupart des filles, qui se discernait de pair avec des courbes féminines sous la blancheur lumineuse de son chemisier.

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Shoto eut l'obligeance d'attendre que nous ayons pris place sur un banc et que j'eus entamé mes boulettes avant d'aborder le sujet qui nous taraudait l'esprit. Je lui proposai un takoyaki qu'il accepta et grignota tandis que je m'efforçais de ne pas m'empiffrer des miens. Outre le fait que j'étais vraiment friande de ces boules de pâte fourrées au poulpe, la faim et la fatigue cumulées me donnaient presque des vertiges.

J'eus beau mâcher lentement et espacer mes bouchées, le délice que je tirais de ces saveurs mêlées de gingembre mariné, de ciboule émincé et de chair marine fraîche devait transparaître sur mon visage car Shoto s'enquit après avoir terminé le sien :

- Tu trouves ça si bon que ça ?

Ce pouvait également être un moyen de meubler le silence.

- J'adore, répondis-je en plongeant mon pic dans une quatrième boulette. C'est un des premiers plats cuisinés que ma mère a réussi à me faire manger.

- Ta... mère ?

Je compris aussitôt la raison de sa confusion et ajoutai rapidement :

- Pas... elle. La mère d'Izu. De mon frère. Enfin, mon frère adoptif.

Shoto hocha la tête pour me signifier qu'il comprenait. Je baissai les yeux vers ma barquette, mon appétit soudain amoindri. Était-il seulement possible de mener une conversation sans que le passé nous rejaillisse à la figure ?

Sans un mot Shoto piqua un deuxième takoyaki dans lequel il mordit d'un air concentré.

- C'est vrai qu'ils sont bon, concéda-t-il après avoir déglutit.

Je lui fus reconnaissante de ce nouvel effort de discussion, et renchéris :

- J'aime bien parce que ce n'est cuit qu'à l'extérieur mais je n'en mange pas souvent parce qu'Izu et Katsu ne veulent jamais en acheter quand on rentre des cours.

Devant l'expression légèrement surprise de Shoto, j'expliquai :

- Mon frère n'aime pas beaucoup le poulpe et Katsu a horreur du sucré-salé.

Son infime froncement de sourcils s'accentua. Je compris que les goûts des garçons n'était pas la source de sa confusion, mais je n'avais pas d'indices sur ce qui pouvait bien la causer. Trop de choses, en fait. Tout.

Je me rabattis sur ma dernière boulette, que j'appréciai un peu moins que les précédentes, puis, mon en-cas terminé, je lâchai :

- Je n'ai pas l'habitude d'avoir ce genre de conversation avec toi.

- Tu veux dire : une conversation banale ? Répondit-il avec une pointe de cynisme.

- Oui.

- Mon non plus. Avec personne en fait.

Pendant un moment, seuls les pépiements d'oiseaux et les bourdonnements des insectes qui voletaient dans l'herbe se firent entendre. Je sentais que nous étions finalement arrivés à l'objet qui nous avait amené ici. Il n'y avait plus de raison de le reporter, et je savais que Shoto en avait également conscience. Cependant, puisque c'était lui qui avait tenu à cette discussion, j'attendis qu'il l'entame.

Il se pencha en avant pour appuyer ses coudes sur ses cuisses, la tête baissée de sorte que ses mèches mi-longues lui couvraient le visage en tombant. Étrangement, ce ne fut qu'en le voyant ainsi courbé que je mesurai le changement que le passage du temps avait opéré sur lui.

Il avait gagné en taille, bien sûr, et s'était étoffé. Ses épaules découplées tendaient son blazer sur son dos, ses bras avaient pris en muscle et il avait de longues jambes de coureur. Mes yeux tombèrent sur ses mains. Je me les rappelais petites et tendres. Elles étaient à présent grandes et fermes.

La plus flagrante transformation était sans doute celle de sa voix. Jamais je n'aurais pu le reconnaître à celle-ci seule. Basse et profonde, sourde comme un grognement de fauve, elle ne sonnait en rien comme celle du petit garçon de mes souvenir.

Ce fut justement ce timbre grave qui m'arracha à ma contemplation et me ramena au moment présent.

- Tu n'utilises qu'un Alter.

D'ordinaire, dès que quelqu'un évoquait ce sujet, mes tripes se tordaient et un froid me coulait dans les veines. Pourtant, quand Shoto aborda la question de but en blanc, mes émotions demeurèrent parfaitement égales. Je sentis même s'alléger une pression invisible sur ma poitrine. S'il y avait bien quelqu'un à qui je pouvait – voulais – livrer la raison réelle pour laquelle j'étais privée d'un Alter, c'était lui.

Je déposai ma barquette vide sur le banc et me levai, dos à Shoto. Puis je dégageai de ma jupe l'extrémité de mon chemisier, et le soulevai au-dessus des vertèbres. L'exclamation étranglée de perplexité que lui avait d'abord arraché mon geste se mua en hoquet horrifié.

La portion de ma peau à l'air libre brûlait davantage sous son regard que sous le soleil. Puis, avec une infinie précaution, comme si les plaies étaient encore à vif, il dégagea le vêtement de mes doigts pour le rabaisser.

- Qu'est-ce qu'ils ont... ? Commença-t-il d'une voix frémissante de fureur et d'indignation.

Je me retournai.

- Ce n'est pas eux, le coupai-je doucement. Je.. j'ai fais ça.

Je me laissai retomber sur le banc.

- Est-ce que tu sais de ce qu'il s'est passé, après le jour où ils sont venus nous chercher ? M'enquis-je.

Même s'il semblait peiner à assimiler ce qu'il venait de voir, sa voix ne défaillait pas quand il répondit :

- Je sais seulement que le domicile des Katagiri n'est plus occupé depuis. Et de ce que j'ai réussis à tirer de mon père, ils sont...

- Morts, confirmai-je alors qu'il hésitait.

Je me massai distraitement l'annuaire, mains dans mon giron.

- Leurs pratiques voulaient qu'une faute se paie par la mutilation. Apparemment, attirer l'attention d'un héro sur la famille était passible de sanction.

Les yeux rivés sur la pointe de mes chaussures, je lui révélai tous les éléments qui avaient constitué ce tournant de ma vie. Pour la première fois, j'énonçai à haute voix ce dont je n'étais même pas capable de me rappeler quelques jours auparavant.

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Il l'écouta raconter ce que d'aucuns appelleraient un meurtre, d'autres un accident, mais qui pour lui n'était qu'un sursaut de lutte désespéré contre des tourments qui avaient jalonné toute son enfance.

Ce ne fut pas une surprise. Voilà longtemps qu'il se doutait de la tragédie qui s'était produite dans la demeure des Katagiri. Jusqu'à récemment, il présumait même que Arashi avait connu le même sort que sa famille.

Non, Shoto ne fut pas si bouleversé quand elle lui relata les faits. En revanche, il fut ébranlé en apprenant ce qui avait suivi.

- Je t'ai vu partir, dit-elle avant de marquer une pause dans son récit.

Il la remercia intérieurement de garder les yeux rivés au sol, parce qu'en cet instant, il aurait été totalement incapable de soutenir son regard.

- Ensuite j'ai perdu connaissance, et quand je me suis réveillée, je ne me souvenais plus de rien.

Il n'y tint plus. Shoto exhala longuement en passant une main sur son visage.

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Il ne parvenait pas à trouver le sommeil. Sa brûlure en voie de cicatrisation l'élançait péniblement, et son esprit s'agitait sans trêve. Il bouillait de rage. Il tremblait sous ses draps, révolté.

Dès qu'il fermait les yeux, il voyait Arashi tendre désespéramment la main vers lui, alors qu'une figure de haute stature l'entraînait avec elle.

Renonçant à un repos dont il avait pourtant grand besoin, Shoto s'extirpa de son futon pour aller à la fenêtre. La montagne s'élevait contre une bonne partie du ciel, mais un coin de nuit étoilé se discernait malgré tout. Et derrière cet immense rempart de terre et de roches dressé se trouvait Arashi.

La scène de l'après-midi revint pour la énième fois à sa conscience en ébullition. L'afflux d'amertume, d'impuissance et de fureur qui lui coula comme de l'acide dans l'estomac suffit à faire s'embraser son bras gauche et à couvrir de gel le rebord de fenêtre sous sa main droite.

Il s'astreignit à regagner la maîtrise de ses émotions, moins à cause de la manche de son pyjama noircie de suie que par souci de ne pas gaspiller des forces dont il aurait crucialement besoin le lendemain.

C'est alors qu'un flash nimba sa chambre entière d'une blancheur crue, suivit d'un craquement infernale qui se répercuta dans la vallée.

Le tonnerre ?

Mais il n'y a aucun nuage...

Une appréhension insoutenable lui glaça le sang.

- Arashi ! S'époumona-t-il sans réfléchir en bondissant à l'extérieur.

La lumière clignotait à intervalles si cours qu'elle semblait continue. Pieds nus, ayant à peine conscience des gravillons qui lui écorchaient la peau, les tympans rudoyés par les grondements qui tonnaient l'un après l'autre avec une puissance à en ébranler la terre, Shoto couru à l'autre bout du jardin.

La température clémente de la nuit chuta brusquement autour de lui alors qu'une rampe de glace se cristallisait sous ses pieds afin de le hisser par dessus le mur d'enceinte. Il se laissa retomber de l'autre côté sans enregistrer le choc douloureux dans ses chevilles, et se rua à l'assaut de la pente.

Alors se révéla à lui une portion du ciel, celle masquée depuis la fenêtre de sa chambre. Sous la voûte nocturne s'élevaient des éclairs colossaux, qui paraissaient vouloir la crever tant ils jaillissaient violemment. Le point d'émission demeurait dissimulé aux yeux de Shoto, mais il ne se faisait aucune illusion quand à l'origine des lances éblouissantes. Les paumes plaquées contre ses oreilles afin de les protéger de la déflagration sonore, le garçon demeurait pétrifié d'effroi.

Puis tout cessa.

Aussi abruptement que cela avait commencé.

Il fallut un moment à Shoto pour réaccoutumer ses yeux à l'obscurité, et davantage pour entendre autre-chose que l'acouphène qui lui vrillait les tympans.

Il n'avait pas encore totalement retrouvé ses esprits quand une voix de stentor beugla son nom à travers les sous-bois. L'instant d'après surgissait son père, éclairant ses pas par le seul halo de ses flammes.

Shoto eut beau protester, ruer, hurler qu'il devait aller voir ce qu'il se passait sur l'autre versant, Endeavor fut inflexible. Il le ramena dans leur demeure pour l'y confiner jusqu'au lendemain. Le matin n'était pas encore levé que leurs bagages étaient prêts et qu'il le faisait monter en voiture.

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C'était le moment idéal pour lui narrer le souvenir qui venait de retrouver toute sa vivacité dans son esprit. Pourtant Shoto s'en abstint. Il conservait un soupçon de réserve vis-à-vis d'Arashi. Irrationnelle, il en avait conscience, mais il y avait des fils qu'il préférait laisser rompus.

Alors il se tut tandis qu'elle lui rapportait comment, après plusieurs mois à l'écart de tout contact humain, elle s'était littéralement défait de l'un de ses Alters. Il ne fit pas non plus de commentaire lorsqu'elle élagua les trois années passés dans la nature afin d'en venir à son adoption, par laquelle elle conclut son histoire.

Le soleil était à présent sur le déclin. L'air se rafraîchissait. Des grillons stridulaient sous les nuées de pétales roses qui virevoltaient dans les rayons ocres. Les yeux de Shoto dérivèrent vers son bras gauche, moucheté d'ombres. Il sentit l'ébauche d'un sourire amer lui étirer les lèvres. Sa voix s'enroua quand il articula :

- Alors, on a tous les deux renoncé à la moitié de notre héritage. Tu parles d'une ironie.

Arashi tourna finalement la tête vers lui. Ses prunelles chatoyaient d'un éclat d'améthyste, et le couchant faisait flamber sa chevelure comme des fils d'argent.

- Tous les deux ? Répéta-t-elle.

Il ferma le poing avec une force qui fit saillir ses ligaments et enfler ses veines.

- Je n'aurai jamais recours à mes flammes pour parvenir au sommet, décréta-t-il.

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Je ne m'étonnai pas du fiel qui débordait de cette assertion. Pas plus que je ne fus surprise par sa décision. Dix ans plus tôt, elle couvait déjà en lui.

Ce qui me frappa néanmoins fut la barrière que ces paroles semblèrent ériger entre lui et moi. Entre lui et le reste du monde. Juste quand je croyais que l'on venait de franchir l'abîme creusé par ces dix ans de séparations.

Mais de toute évidence, Shoto n'était toujours pas prêt à se laisser atteindre par quiconque. Un sentiment indéfinissable, sorte de douceur amère, me remua. Aussi noires qu'aient été les profondeurs dans lesquelles j'avais passé la première partie de ma vie, je m'en étais sortie pour m'épanouir en pleine lumière. Lui était resté prisonnier volontaire des abysses. Or je ne voulais pas l'y laisser.

Je détaillai la cicatrice qui cerclait son œil gauche. J'étais marquée du sceau de ma géhenne dans le dos, là où je pouvais l'oublier, ne serait-ce que pour un instant. Lui l'arborait sur son visage, de sorte qu'elle se rappelait à lui en permanence.

Comme je fixai sa brûlure depuis un peu trop longtemps, Shoto tenta machinalement de couvrir cette partie de sa figure. Mes doigts se muèrent d'eux-même et arrêtèrent son mouvement. Il se raidit tandis que j'écartai doucement sa main. Puis son souffle se suspendit quand j'approchai la mienne de son visage. Ce fut à son tour d'intercepter ma main, qu'il écrasa dans un étau de fer, le regard brusquement durcit.

Je n'essayai pas de me dégager, et nous nous jaugeâmes mutuellement dans le plus grand silence, chacun sachant pourtant parfaitement ce qui se déroulait dans l'esprit de l'autre. C'était une lutte qui n'était violente qu'en nous-même ; une imploration, lui que je reste à distance, moi qu'il me laisse la franchir ; c'était du regret, de l'espoir, de la crainte et de l'opiniâtreté, le tout si amalgamé qu'il devenait difficile de dire de qui émanait quoi.

Enfin, Shoto abdiqua. Son bras retomba. Je glissai mes doigts entre ses mèches grenats avec la plus grande délicatesse, et effleurai sa pommette. Sa peau était brûlante au toucher, et paraissait plus tendre dans la circonférence stigmatisée. De l'index et du majeur, je glissai jusqu'à sa tempe tandis que mon pouce soulignait sa paupière inférieur. Ses cheveux chatouillaient le dos de ma main.

Ses yeux vairons n'avaient pas décrochés des miens. Je savais qu'il y guettait pitié ou dégoût, réactions auxquels il devait souvent se heurter lorsqu'on examinait sa cicatrice. Mais j'étais bien loin d'éprouver aucun des deux.

Par ce contact, j'espérais juste naïvement lui transmettre ne serait-ce qu'une once de tout ce que j'avais obtenu quand lui perdait toujours plus.

Après un temps qui me parut trop court, Shoto finit par repousser ma main. L'espace de quelques battements de cœur, il eut l'air vaguement désorienté. Mais il se leva ensuite, redevenu ferme.

- C'est tout ce que je voulais savoir, déclara-t-il. A demain.

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How blessed was the day

When I finally take my flight !

How sweet was the way

And pure the light !

Ryoka chantonnait pour elle-même dans son petit studio, occupée à enfiler son costume. Il s'agissait d'une combinaison toute en nuances de gris, à coudières et genouillères noires, qui moulait son corps comme une seconde peau. Une seconde pièce, plus lâche, faisait office de veste à col montant. Dépourvue de manches, cousue aux épaules, elle tombait comme une courte cape dans son dos, et était dotée d'une ample capuche. Un masque de métal y était attaché. Lorsque la jeune femme l'abaissait sur son visage, tirant ainsi sa capuche sur sa tête, il descendait jusqu'à son nez. Vaguement ciselé de manière à rappeler un mufle félin, il présentait deux fentes pour les yeux, lesquelles étaient comblées d'un écran protecteur.

I once test freedom

Thinking it would last

Left deaf by the drum

Oblivious, I just dashed.

Improviser des airs lui permettait de focaliser sa concentration. Elle étala un gloss sombre sur ses lèvres avant d'humecter celle-ci.

How brutal was the landing.

When reality called me back !

How bitter was the sting

And rough the crack !

La jeune femme chaussa ses bottes à semelles crantées, qui avaient en outre la particularité d'être conçues de manière à accroître l'amplitude de ses sauts avec la même efficacité qu'un tremplin de gymnastique.

I got stuck on the ground

Dazed and confused.

I didn't meant my goodby to be a farwell

I just wan't to tell you hello again.

Elle glissa ses deux balisong dans leurs étui, boucla sa ceinture, et abaissa son masque. Il était temps pour Cheshire d'aller fourrer sa truffe du côté d'un certain enquêteur. 



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Je suis fière de moi, je n'ai pas mis trop de temps à publier ce chapitre !

A l'origine, ça devait être du 50% Shoto et Eiko et 50% Ryoka, mais nos tourtereaux ont un peu débordé dans la marge donc... Ryoka ce sera pour la prochaine fois !

Parlons sérieusement, il est grand temps de nommer officiellement ces ships et de choisir votre team !

J'ai retenu Eitsuki et Shorashi mais si vous en avez de meilleurs n'hésitez pas. ^^

J'espère que ma fiction vous plait toujours autant !

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