Chapitre 11 (partie 2) : Confrontation
- Arashi, sais-tu ce que tu es ?
Ma mère venait de briser l'interminable silence qui pesait dans le washitsu. On m'avait fait m'agenouiller sur les nattes de paille de riz, face à mes parents installés identiquement. Sous leurs regards scrutateurs, je me sentais aussi nue que la pièce.
Ce que j'étais ?
Leur fille. Rien de plus.
Aucune autre réponse ne me venait, pourtant j'avais la sensation que ce n'était pas ce qu'ils attendaient. Ils me laissèrent cogiter un moment, parfaitement immobiles, tels deux statues à l'effigie de divinités sévères.Puis mon père parla à son tour :
- Tu es le réceptacle de l'espoir des Katagiri. L'incarnation de notre ambition.
- Nous pensions que tu avais conscience de la responsabilité que cela représentait, poursuivit ma mère. Mais la faute que tu as commise nous a prouvé le contraire.
Un frémissement de révolte fila le long de mon échine.
Alors que je fixais jusqu'à présent mes mains posées sur mes cuisses, je relevai lentement la tête. Des remous de ressentiment nouaient mon ventre. Il en émanait des vapeurs froides et incisives, qui se répandaient comme un venin dans mes veines.
Je dévisageai ces visages qui m'avaient surplombé toute ma vie. Ces figures auprès desquelles je ne trouvais aucune grâce, aucun once d'affection. Or j'avais découvert que j'en avais faim, que je n'aspirais qu'à un brin de tendresse. Alors, une dernière fois, je la cherchai dans leurs prunelles vrillées sur moi.
Et en les sondant, je réalisai que ce n'était pas moi qu'ils voyaient.
Qu'étais-je dans ces yeux là ?
Pas leur fille.
La somme de leur attente. Un projet longuement mûrit. Une solution de leurs principes distillés goutte à goutte. Rien qu'un assemblage qu'ils pourraient démanteler quand bon leur semblait s'ils l'estimaient déficient.
- Toute faute se paie, Arashi.
L'espace d'un battement de cœur, j'entrevis tout ce qu'ils me réservaient. Tout ce que je m'étais refusé à admettre, préférant m'aveugler. Une vie qui ne serait jamais la mienne, un cauchemar qui ne prendrait jamais fin. Et quand j'aurai accomplis ce qu'on attendait de moi...
Mes tempes battaient sous l'horreur et la fureur qui tourbillonnaient en moi.
Je ne voyais rien à l'horizon. Rien qu'une chute, un gouffre, le néant. De profondes ténèbres glacées.
- Tend ta main.
Les contours de mon champ de vision s'obscurcirent. Je suffoquais. Tout mon être se révoltait contre cette existence, contre ceux qui me l'avaient imposé, contre ce qui allait m'être infligé dans un instant.
Je me relevai, tremblante de rage. Debout, je les dominais de quelques pouces. Ils se levèrent à leur tour. Elle passa derrière moi pour poser ses mains sur mes épaules. Il fit couler une fine lame sanglante de sa paume. Sa main se referma comme un étau sur mon poignet minuscule.
Je tressaillis. Et comme une seule perle d'encre suffit à souiller une coupe d'eau, aussi pure soit celle-ci, une goutte de haine tomba dans l'étang de mon âme. Une saveur nouvelle me colla au palais. C'était métallique, et intoxiquant.
Je levai les yeux pour rencontrer les siens. Ceux-ci s'écarquillèrent brièvement en lisant mon expression, puis il reprit contenance en une fraction de seconde. Son faciès resta marmoréen, cependant un éclat acéré s'alluma dans ses prunelles mauves. D'un regard avec celle qui m'immobilisait, ils s'entendirent.
Et je sus. Je compris en même temps qu'ils prenaient leur décision.
Car je pris la mienne simultanément.
C'est alors que cela recommença. Un fourmillement courut dans ma colonne. La sensation gagna chacune de mes fibres, les chargeant à les saturer. Sur mes épaules, les doigts s'enfoncèrent cruellement dans ma chair. Il prit un pas de recul, un flot de sang s'écoula de sa plaie qui se fendait plus avant, remontant sur l'extérieur de son bras jusqu'à son coude.. La lame grandit, s'épaissit, s'effila, se courba. C'était une lame faite pour une seule chose : trancher jusqu'à l'os.
La pointe vint m'effleurer la gorge.
A présent, l'énergie irradiait dans tout mon corps. Le choc me secoua comme un plongeon dans l'eau glacée.
Je sentis une piqûre sur ma trachée.
Mes ailes jaillirent, me libérant de l'emprise qui me maintenait immobile.
Je laissai tout éclater, avec une violence décuplée par la puissance accumulée. Comme une tempête qui s'éveille.
Des éclaires éblouissants fulgurèrent en tous sens pour aller percuter tout ce qui se trouvait sur leur trajectoire archaïque. La lumière flasha, flasha, flasha en craquant, grondant, tonnant. Elle se ramassait dans mes ailes auxiliaires avant de s'écouler dans mon corps, flux brûlant qui attaquait mes tissus à coups d'aiguilles chauffées à blanc ; mais je n'en avais rien à faire, je la laissais ruisseler hors de moi.
Sans prévenir, les ténèbres m'engloutirent.
- - -
Je gisais sur le flanc dans un silence sépulcrale. Je me sentais fourbue, chaque parcelle de ma peau picotait. Lorsque j'essayai de remuer, mes muscles m'élancèrent comme s'ils étaient déchirés. J'avais la nausée. Un tambour battait sous mon crâne. Respirer m'était pénible.
Il me fallut un long moment pour trouver le courage de rouvrir les yeux. Et un temps encore plus long pour oser regarder autour de moi. Je compris brusquement ce qui clochait avec l'air que je respirais.
Il était empoisonné de fumée. Le papier des panneaux coulissant avait déjà finit de brûler, ne laissant qu'un tapis de cendres blanches. Les poutres se consumaient encore, dévorées d'un feu inhabituelle, qui les rongeait de l'intérieur là où la foudre les avait percé.
Mon regard tomba finalement sur ce que j'avais inconsciemment essayé d'éviter depuis mon réveil. Les paires de jambes immobiles. Mon sang se glaça. Je ne pouvais me résoudre à poser les yeux sur le reste des corps.
Saisie d'effroi, tremblante de tout mes membres, je me redressai à quatre pattes, puis debout, avant de tituber à travers la pièce, de traverser le cadre d'un panneau, et me jeter dans le couloir.
Un liquide chaud se déversa sur mes lèvres. Je m'essuyai le nez d'un revers de main en me précipitant, les jambes chancelantes, vers l'extérieur. Le dos de ma main était englué de sang.
Je débouchai dans la vaste cours plantée de mannequins de frappe en bois et de structures de parcours. C'était l'aube. Des pépiements allègres résonnaient aux alentours.
En traversant la cours, je trébuchai et m'étalai de tout mon long dans la terre battue. Je ne me relevai pas. Je restai le front dans la poussière, percluse de douleur, transpercée d'épouvante.
Le sang s'écoulait toujours de mes narines, accroissant mon écœurement.
J'aurais pu rester ainsi indéfiniment, sans attendre ni espérer, juste incapable d'agir, si mon esprit dérivant n'avait pas buté contre la pensée de Shoto, dressée comme un îlot au milieu de cette mer d'affres dans laquelle je me laissai sombrer.
Un souffle d'espoir ne me ranima de l'intérieur. Je l'invoquai mes forces, me raccrochai désespérément au souvenir de sa main dans la mienne.
Je devais le retrouver.
C'était la seule chose à faire.
C'était tout ce qui me restait.
- - -
Je n'enregistrai presque rien du trajet qui m'avait conduit jusqu'à la résidence des Todoroki. C'était presque un miracle que je sois parvenue jusque-là. J'avais dû m'exhorter à faire chaque pas, me raccrocher aux troncs des arbres pour ne pas m'écrouler, progresser à quatre pattes dans les sentes, rampant presque sur les coudes et les genoux. Si faible, si fatiguée...
Jamais je ne m'étais autant approchée de l'antre d'Endeavor. Elle m'apparut en contrebas d'un promontoire sur lequel je m'étais avancée, aussi austère que celle que je venais de quitter. Le soleil levant n'effleurait encore que les cimes. La pénombre couvrait toujours l'habitation. Dans l'allée de gravier blanc, une voiture ronronnait, coffre ouvert. Valise en main, une petite figure franchit le seuil de la demeure.
Mon cœur bondit de joie dans ma poitrine. J'y étais presque ! Encore un dernier effort, et je l'aurai rejoint !
Je m'élançai à corps perdu dans la déclinaison boisée qui se déroulait jusqu'au pied du mur d'enceinte. Mes jambes ne se mouvaient plus que par la force de ma volonté. Des tâches ocres fleurissaient dans mon champ de vision et le sol paraissait tanguer sous mes pas, signe que mon corps allait me lâcher d'un instant à l'autre.
Mais Shoto était juste-là. S'il levait seulement la tête, il verrait ma silhouette ténue dévaler la pente au risque de se rompre le cou.
Une ombre se dressa soudain au-dessus de lui. Je pilai.
Endeavor venait de rejoindre son fils. Il lui prit sin bagage pour le placer dans le coffre, qu'il claqua brutalement.
Avance, Arashi ! Cours ! Bouge ou il sera trop tard !
Mes pieds étaient cimentés au sol. Je ne voyais plus que la masse empanachée de flammes de l'homme qui se prétendait son père. J'observai, muette, abattue de découragement, Shoto prendre place dans la voiture. Puis Endeavor s'installer à l'avant.
Le moteur rugit. Les pneus crissèrent dans les gravillons. Le bolide franchit le portail, s'engagea dans l'allée goudronnée, la suivit sur quelques bonnes centaines de mètre, rétrécissant toujours, puis disparut à un virage de celle-ci.
D'abord, je demeurai hébétée. Puis les vannes s'ouvrirent en grands, débordées d'un flot qu'elles ne pouvaient plus contenir. Renversant la tête au ciel, je hurlai.
Un hurlement monté du fond de mes entrailles, qui faisait vibrer mes côtes, m'écorchait les poumons et me labourait la gorge. Une plainte, un rugissement à peine humain, aux inflexions de colère et de désolation.
J'atteignis mes limites. Physiques et mentales. Quelque-chose se rompit en moi. Ma conscience implosa comme un morceau de cristal. Tout vola en éclat.
Je n'eus même pas conscience de tomber.
- - -
Pendant près de dix ans j'avais couru après un mirage. Un écho du passé. Chaque choix que j'avais fait, chaque pas qui m'avait conduit ici aujourd'hui, n'était que le produit du souvenir diffus que j'en avais. Et bien que mes mains se refermaient sans cesse sur du brouillard, la lueur que je poursuivais persistait, pépite diamantée dans les ténèbres, telle un phare hors d'atteinte.
Shoto.
Shoto Todoroki.
C'était lui. Ç'avait été lui tout du long. Je me souvenais enfin.
Les jambes sciées par le bouleversement, j'avais reculé jusqu'au fond de la salle pour me laisser aller contre le mur. Tout le groupe s'était regroupé devant l'écran, grelottant de froid dans la pièce devenue glaciale. Un mal de tête perçait sous mon crâne, si tenaillant que j'en grimaçai et portai mes deux mains à ma tête.
J'allais vomir. J'avais besoin d'air.
Je voulus me diriger vers la sortie en catimini, pour aller respirer au-dehors pendant que tout le monde était absorbé par le match, mais un voile noir tomba soudain sur mes yeux.
Lorsque je les rouvris, j'étais allongée dans un lit, un visage plissé par l'âge en gros plan au-dessus de moi. Recovery Girl.
- Réveillée ? Chevrota-t-elle. Tu nous as fait un drôle de malaise.
- Shoto, marmonnai-je sans rien comprendre de la situation.
Les yeux étroits et renfoncés cillèrent.
- Tu peux me donner ton nom ?
- Ara... Eiko. Midoriya Eiko.
- Ton âge ?
- Quinze ans.
- La date d'aujourd'hui ?
- Le douze Avril.
Un air soulagé passa sur son visage. D'une poussée, elle fit rouler sa chaise jusqu'à son bureau.
- Bien, j'avais peur que tes souvenirs aient encore été altérés, mais on dirait que tu as juste souffert d'un coup d'émotion. Vraiment, vous vous êtes donnés le mot, les petits Midoriya ?
Les Midoriya ?
Je tournai la tête. Une perfusion au bras, l'autre emplâtré, Izuku reposait dans le lit voisin. Je repoussai mes draps en m'asseyant.
- Comment est-ce que vous savez pour ma mémoire ?
- J'ai tout ton dossier, bien sûr. Terrible, vraiment. Une amnésie rétrograde, à ton âge...
Je gardai le silence. J'avais déjà assez entendu ce genre de discourt de la part de tous les spécialistes consultés ces sept dernières années.
L'infirmière me fit passer toute une batterie de tests et me posa une série de questions afin de s'assurer que mon malaise était bien bénin, puis insista pour me garder quelques heures en observation. Bien que je ne pensais qu'à me sauver d'ici, je fus forcée de ravaler mon impatience et d'obtempérer. Les yeux rivés sur la pendule, je me torturais l'esprit, plongée dans la rétrospective du comportement de Shoto depuis la rentrée.
Il m'avait instantanément reconnu. La preuve en était qu'il m'avait appelé par mon véritable nom en me voyant. Alors pourquoi prétendre ensuite s'être trompé ? Croyait-il vraiment que je n'étais qu'Eiko Midoriya ? Et pourquoi se montrer aussi hostile à mon encontre ? Se pourrait-il que des bribes de souvenirs ne me soient pas encore revenues ?
Tant de questions, pas une ombre de réponse. Je devais absolument lui parler.
Ma préoccupation pour mon frère estompa un moment mon agitation, mais une fois que Recovery Girl m'eut assuré qu'il serait sur pieds d'ici la fin de la journée, et ne conserverait aucune séquelle, mon tracas revint au galop.
Mina vint m'apporter mon uniforme et ramena mon costume avec elle, mais elle ne fut pas autorisée à rester me parler pendant plus de cinq minutes.
Une éternité plus tard, l'infirmière me libéra enfin. Il était quinze heure trente. Dévorée de fébrilité, je m'éjectai du lit, me ruai dans le couloir, et fonçai vers la salle de classe.
- Ce n'est pas une manière d'ouvrir les portes ! Me réprimanda Iida quand j'eus fait coulisser la porte avec plus de brusquerie que souhaité.
Je l'ignorai et balayai la salle du regard. Les cours étaient terminés, et tous achevaient de ranger leurs affaires, s'attardant pour discuter. Tous, excepté l'unique personne que je recherchais. Mina, Toru et Sero vinrent m'entourer, m'assaillant d'interrogations sur mon malaise et de commentaires sur les matchs auxquels je n'avais pas pu assister. Dès que je pus en placer une, je m'enquis :
- Où est Shoto ?
- Todoroki ? Il est parti deux minutes avant que tu arrives. Pourquoi ?
Je repartis en hâte sans prendre la peine de répondre. Je parcourrai les couloirs en sens inverse, cavalai dans les escaliers, puis traçai jusqu'au portail de l'établissement. Pour l'avoir vu s'éloigner à la sortie des cours, je savais à peu près dans quelle direction était parti Shoto. Je me lançai après lui dans les rues ensoleillées. Le jour déclinait, rendant les ombres plus fraîches et la lumière plus flambante.
Dix ans que je poursuivais son souvenir. Aujourd'hui, c'était enfin lui que je rattraperai.
Le cuir de mes souliers frottait péniblement mes talons à chaque foulée, mais je ne ralentis pas l'allure pour autant. Pas avant que le dos de Shoto ne se profilât devant moi.
- Shoto ! L'appelai-je.
Exactement comme j'aurais dû le faire une décennie plus tôt.
Il s'immobilisa brièvement, puis reprit son chemin sans se retourner. J'étais certaine qu'il m'avait entendu. Qu'il m'avait reconnu. Alors pourquoi...?
- Shoto ! Répétai-je, plus fermement.
En quelques foulées, je l'avais rattrapé. Je marchai derrière lui alors qu'il allongeait le pas, sa sacoche lui battant la cuisse.
- Je me souviens de toi, maintenant, déclarai-je, ma voix plus vacillante que je ne l'aurais voulu. Et je sais que tu ne m'as pas oublié.
- Ne me suis pas.
Sa sommation, frigide et cassante, me dérouta tant que je m'immobilisai. Un sentiment aigre me coula dans la poitrine.
- Je veux juste te parler, annonçai-je.
- Je n'ai rien à te dire.
Il s'éloignait. Refusant de ne serait-ce que m'adresser un coup d'œil.
Quoi ? Qu'est-ce que ça veut dire ? Qu'est-ce qui m'échappe ?
La déchirure que j'avais éprouvé à le laisser s'en aller dix ans auparavant se rappela à moi.
Non. Je n'allais pas le regarder partir une seconde fois
- - -
Il y eut un claquement puissant dans son dos, une ombre le survola, et soudain elle fut devant-lui, lui interdisant le passage de ses ailes déployées. Les plumes comme ciselées dans le métal s'irisaient sous le soleil, identiques à son souvenir.
Il fut bien forcé de la regarder, maintenant qu'ils se faisaient face. Bien forcé d'affronter ces prunelles rutilantes comme deux améthystes, débordantes de questions. Bien forcé d'écouter ce qu'il ne voulait surtout pas entendre.
- Shoto. C'est moi. Katagiri...
- Arashi, termina-t-il malgré lui.
Au moins parvint-il à durcir les inflexions de sa voix. En toute lucidité, cette confrontation était inévitable. Il avait eut tord de la repousser. Mieux valait tout balayer une fois pour toute, afin qu'il puisse ensuite se focaliser sur ses aspirations. Il ne pouvait pas la laisser se mettre au travers de sa route. Et tant pis si cela signifiait anéantir l'espoir qu'il voyait distinctement luire dans ses yeux.
- Je vais être clair : je me fiche que tu sois Eiko ou Arashi, que tu sois amnésique ou non, ça n'a aucune espèce d'importance.
L'expression qu'elle afficha, aussi heurtée que s'il venait de la gifler, n'aurait pas dû déclencher ce pincement dans sa poitrine.
Voilà, c'était exactement ce qu'il cherchait à éviter. De tout ce que son passé pouvait bien lui rejeter à la figure, Arashi était incontestablement le pire.
Elle était celle qui l'avait connu au plus bas, celle qui lui rappelait l'étendu de sa faiblesse par sa simple présence. A la voir ressurgir aujourd'hui, il avait le sentiment de ne pas avoir progressé d'un iota depuis cette époque maudite. Comment répudier la moitié de lui-même, quand Arashi était là pour tout lui rappeler ? Sa cicatrice qu'elle avait été la première à voir. Sa main gauche qu'elle avait été la seule tenir. Ses flammes dont il avait volontairement usé pour la dernière fois devant elle.
Impossible de renier son héritage sans récuser du même coup ce qui le liait à elle.
- Écarte-toi, s'il-te-plaît, acheva-t-il.
Un éclat de panique passa sur son visage. D'un seul coup, Shoto se retrouva cerné d'un mur de plumes. Elle venait de l'entourer de ses ailes, occultant à moitié la lumière dorée qui les baignait. Lorsqu'elle parla, se fut d'une voix désarticulée :
- Je t'ai cherché. Je n'avais pas accès à mes souvenirs, mais je ne t'ai jamais vraiment oublié. Je me rappelais même de la dernière chose que tu m'as dite. Je t'ai cherché, répéta-t-elle. Pendant dix ans.
Non, stop.
Il fallait qu'elle se taise. Il ne pouvait pas l'écouter.
Shoto fut pourtant incapable de l'arrêter alors qu'elle poursuivait :
- Vraiment, ces sept dernières années, je n'étais pas à plaindre. J'ai trouvé une famille, un foyer ; je me forgeais ma propre vie. Mais...
Alors que son ton était jusque-là d'un calme effarant, celui-ci se fêla soudain.
- Mais j'avais ce... manque, décrivit-elle en plaçant la main sur sa poitrine, butant sur le mot. Tout ce temps. Ça n'a jamais disparu.
- Ça suffit, tenta-t-il de l'interrompre.
- Toi. C'était toi, conclut-elle, sa voix se raffermissant déjà.
- Ça suffit !
Dans un bruissement de feuilles d'automne, les ailes se désagrégèrent.
- C'était il y a dix ans, asséna-t-il sans scrupules. Celui que tu as connu n'existe plus. Et celle que j'ai connu... il vaut mieux qu'elle ait aussi disparu.
Elle flanchait. Il le voyait. Pourtant elle riposta encore, le défiant presque, avec cette tranquillité pleine de retenue qui ne faisait que maquiller la tourmente en elle :
- Pourquoi ?
C'était le moment de brûler sa dernière cartouche.
- Tu ne t'en doutes pas ? Est-ce que tu es toujours Arashi aujourd'hui ? Est-ce que tu veux toujours l'être ? Sachant ce que ça implique ?
Il n'eut pas besoin d'en dire plus. Elle comprit immédiatement ce à quoi il faisait allusion. Sous le choc, elle demeura silencieuse, les yeux arrondis, emplis de confusion. Il en profita pour la dépasser, refusant de se soucier plus longtemps d'elle.
Un court instant il se berça de l'espoir qu'ils en avaient terminé. Mais elle fit brusquement volte-face dans une envolée de mèches argentés.
Et s'empara résolument de sa main gauche.
- - -
Je bats mes records de vitesse de publication grâce à vous les gens ! 200 votes, déjà ! Merci mille fois !
J'ai aussi atteins et dépassé les 100 pages avec Twist, ce qui m'arrive rarement dans l'écriture d'une fiction ! Je suis arrivée jusque-là grâce à vous ! Merci pour votre soutien et toute la motivation que vous me donnez !
J'espère que ce chapitre vous a plu autant que les autres, et que vous continuerez d'apprécier ma fiction !
Pour information, Red Sorrow est la musique avec laquelle j'écrivais le flash-back. Kings of the Past est celle qui m'a inspiré la fin de celui-ci.
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