Chapitre 10 : Des bribes de vérité



Les vestiaires retentissaient des voix des lycéens de la 1-A. Déjà, des noyaux de deux-trois adolescents se formaient par affinités. La compétition physique à laquelle ils venaient d'être soumis avait accru l'intérêt que les uns portaient aux autres après quelques heures à se côtoyer.

Bouillant de rage, Katsuki n'écouta pas un mot des conversations animées qui avaient cours autour de lui. Il nota distraitement que ça parlait d'Alters, et que le sien était mentionné à plusieurs reprise. Pour l'heure cependant, il n'en avait rien à faire. Il peinait bien trop à digérer ce qu'il s'était produit sur le terrain d'entraînement.

Dans son esprit passait et repassait, comme un disque rayé, le lancé de balle exécuté par Deku. Il pouvait encore sentir la force de l'onde de choc sur sa peau.

Il n'y avait pas à dire. C'était un putain d'Alter.

Et ça le foutait en rogne.

Katsuki arracha son tee-shirt plus qu'il ne l'ôta, et le fourra au fond de son sac. Pour la première fois depuis longtemps, il se sentait stupide. Stupide et humilié.

Une fois déshabillé, il gagna les douches, et laissa le jet lui marteler le crâne sans faire d'autre geste que de crisper et décrisper les doigts. L'eau était froide, mais sa colère flamboyait si bien que sa peau en fumait presque à l'impact des gouttes.

- Eh tu fumes là, mec ! S'exclama justement une voix à côté de lui.

Des rubans grisâtres s'élevaient bel et bien entre ses doigts. Les étincelles aussitôt mouchées par l'eau n'avaient que le temps d'échauffer ses paumes et ne produisaient que ce pauvre résultat, au grand effarement de la tête d'ortie.

Qui d'ailleurs n'avait plus grand-chose d'hérissé avec ses cheveux aplatis par la douche et dégoulinants sur son visage.

Katsuki ferma les poings, et pivota vivement la tête vers l'importun :

- Eh ! T'étais obligé de prendre la douche à côté de la mienne ?! L'agressa-t-il sans que l'effervescence qui le rongeait ne diminue d'une once.

- On est entre mecs non ? Répliqua l'autre sans visiblement rien capter du concept d'espace vital.

Deku choisit ce moment pour entrer à son tour dans les douches, or un Deku nu était plus que ce que le blond pouvait en supporter à ce moment-là. Il coupa rageusement l'eau, puis retourna aux vestiaires. Le merdeux l'esquiva d'un bond lorsqu'ils se croisèrent, mais plutôt que de le cogner Katsuki souhait plutôt qu'il disparaisse de sa vue. A jamais.

En se rhabillant, il ne s'intéressa pas d'avantage que précédemment à la conversation, devenue générale. Forcément, quand ça parlait meufs, tout le monde rappliquait.

- Personnellement je trouve que Jiro a du style, avançait un type aux cheveux jaunes ébouriffé.

- Décidément, elle t'a tapé dans l'œil ! Le chambra un brun aux coudes chelous.

- En parlant de taper dans l'œil, Todoroki, intervint l'octopus, qu'est-ce qui t'as fait réagir comme ça quand Midoriya est arrivé ?

A l'entente de son nom, Deku se retourna avec un froncement de sourcils perplexe, mais le binoclard lui résuma en deux mots la scène de la matinée. Quand à double-face, il décocha un regard glaciale à l'octopus, puis zippa d'un geste sec la fermeture éclair de son sac tout en répondant :

- Je l'ai prise pour quelqu'un d'autre.

- Ouais enfin, tu l'as lorgné pendant toute la première partie des exercices, quand-même ! Souleva Scotch.

- Même si c'était vrai, je ne vois pas en quoi ça vous regarde, trancha-t-ild'un ton sans appel avant de quitter les vestiaires.

- Ooooh, Bakugo, t'as de la compétition ! S'esclaffa tête d'ortie.

Non mais vraiment, qu'est-ce qui clochait avec cette bande d'ahuris ?!

- Je l'éclate quand je veux, répliqua-t-il en réinterprétant volontairement la remarque.

Sur ce, il leur faussa à son tour compagnie, trop heureux que cette désastreuse pré-rentrée arrivât enfin à son terme. En parvenant dans la cage d'escalier déserte, il réalisa cependant qu'il s'était peut-être réjoui trop vite. Adossé au mur du pallier inférieur, double-face paraissait l'attendre.

Katsuki lui serait bien passé devant sans lui condescendre un regard, mais une parole impérative du lycéen l'arrêta face à lui.

- Bakugo, tu connais bien la sœur de Midoriya, pas vrai ?

- En quoi ça te concerne ? Répliqua-t-il.

Katsuki n'avait même plus envie de le recadrer. Il voulait juste en finir avec cette journée de merde. Eiko, Deku, tout paraissait tourner autours des Midoriya depuis la première heure de cours. Et qui connaissait qui et avait tapé dans l'œil de qui et gna gna gna. Qu'est-ce qu'il en avait à faire ? Que toute cette bande règle leurs problèmes entre eux. Ça ne le concernait pas.

L'autre poursuivit comme s'il n'avait pas entendu. Ses yeux étaient rivés sur lui, pourtant ce n'était pas le blond qu'il regardait. Il avait le regard comme plongé au fond d'un gouffre.

- Tout à l'heure, pendant le test, son score aurait été meilleur si elle avait utilisé ses deux paires d'ailes. Pourquoi est-ce qu'elle ne l'a pas fait ?

Ce fut comme s'il s'était prit un poing dans l'estomac. Il revit brusquement le visage tourmenté de Seki l'unique fois où il l'avait interrogé sur l'origine de ses cicatrices, et ses mots résonnèrent à ses oreilles, brisés, à peine murmurés : «Ne me demande pas ça. Je ne pourrai jamais te répondre».

En fin de primaire, et tout le long du collège, elle n'avait pas réitéré la même erreur que lors de sa première année d'école, et n'avait plus jamais laissé savoir qu'elle avait en fait perdu son Alter, pour se laisser sans regret étiqueter de «sans-Alter» au même titre que son frère. A présent, elle arborait son Alter restant comme s'il s'agissait du seul qu'elle ait jamais eu. Seul Deku et lui savaient pour le second, celui qu'elle ne recouvrerait jamais. Alors comment... ?

Comment sait-il ? Songea Katsuki, estomaqué.

Il comprit dans la seconde suivante. Alors qu'il pensait avoir atteint le paroxysme de sa colère aujourd'hui, celle-ci redoubla tout à coup, comme un brasier aspergé d'huile.

- Enfoiré, gronda-t-il sourdement. Tu ne l'as pas confondu ce matin. Tu la connais vraiment.

- - -

Shoto considéra un instant couper court à la conversation afin d'empêcher Bakugo d'en comprendre davantage, puis réalisa que c'était sans doute la pire des choses à faire. Même s'il était à présent manifeste que le blond ne répondrait pas obligeamment à ses questions, il venait de dégoupiller un grenade en risquant la discussion avec lui, et il fallait absolument désamorcer les choses avant qu'elles ne deviennent hors de contrôle.

Passé le choc qu'il avait éprouvé en comprenant qu'il s'agissait réellement d'Arashi, il avait été un moment dérouté, des interrogations tourbillonnant dans son esprit, mêlés d'un maelstrom d'émotions qui menaçaient de le précipiter au fond du gouffre. Puis il s'était ressaisit.

Après tout, cela ne changeait rien. Il avait ses objectifs, et rien ne devait venir entraver leur réalisation. Il avait depuis longtemps décider de broyer toute la souffrance relative à son enfance volée, de rejeter toute émotion qui ne contribuait pas à alimenter sa résolution, même si cela revenait à ne laisser filtrer que la rancœur et la haine.

L'enfant pleureur, pathétique, impuissant, d'autrefois n'était plus. Par conséquent, ce qui l'avait lié à Arashi en ce temps-là ne signifiait plus rien aujourd'hui. Et il était déterminé à le prouver.

- Plus maintenant. On s'est rencontré il y a longtemps, c'est tout. Tellement longtemps qu'elle ne s'en souvient plus.

Bakugo eut un hoquet de rage et d'indignation mêlées, puis l'agrippa par le col de sa chemise, la poigne tremblante de fureur.

- Ce n'est pas ça, connard ! Explosa-t-il. Elle a tout oublié ! Pas seulement toi, TOUT !

Il avait beau s'être mentalement bardé contre toute faiblesse, chaque mot transperça Shoto comme une lance.

- Et toi, poursuivit le blond, la voix frémissante de courroux. Toi, tu la renies comme si de rien n'était, mais tu poses des questions derrière son dos ? Sérieusement, tu me débectes !

Il n'était pas certain de ce qui avait bien pu déclencher la fureur de Bakugo, mais il ne pouvait moins se soucier de la stabilité émotionnelle de celui-ci. D'une main ferme, Shoto saisit le poignet du blond et l'obligea à lâcher prise.

- Je n'ai aucun intérêt à la fréquenter, et je ne me suis adressé à toi que pour avoir la confirmation de ce que je soupçonnais.

- Ce qui est... ? Interrogea Bakugo sans se départir de son animosité.

- Je ne sais pas quelle est la mesure de votre relation, mais si tu penses la connaître, tu te trompes lourdement. Quelqu'un comme elle n'a rien à faire dans la filière héroïque, asséna-t-il froidement. Encore moins à U.A.

- - -

Sitôt qu'elle eut poussé la porte du bar, Ryoka se prit un mur de bruit cacophonique et une bouffée d'air chaud et dense au visage. Deux ans qu'elle n'était pas venu, et rien n'avait changé. C'était les mêmes tables tassées les unes contre les autres, balayées des mêmes lueurs changeantes sous le plafond bas. Elle se fraya un chemin jusqu'à son alcôve habituelle, insensible à la promiscuité des corps, pour y trouver Hisae. La jeune femme leva ses hypnotiques yeux oranges dans sa direction lorsqu'elle prit place en face d'elle.

- Oh, j'y crois pas. Tu l'as vraiment fait ! S'exclama-t-elle par-dessus la musique poussée à plein volume.

Ryoka concevait parfaitement que sa nouvelle apparence put surprendre. Exit la longue et épaisse chevelure violet profond qui lui cascadait jusqu'au bat du dos. Exit les paupières fardées et l'eye-liner noir qui ravivait la couleur de ses prunelles et leur conférait cet éclat d'ambre liquide.

Elle glissa les doigts dans les mèches rebelles qui cascadaient depuis son crâne sur la partie gauche de son visage, puis passa la main sur ses tempes, encore étonnée de sentir les picots de ses cheveux raz à cet endroit. Son amie, elle, arborait un carré blond un brin sauvage, aux pointes teintes de rose pastel.

- Parce que tu en doutais ? Répondit Ryoka.

- Je pensais surtout que ça n'avait aucune chance de marcher.

- Merci pour ton soutien, j'apprécie, ironisa-t-elle.

- J'en reviens pas...

- Et pourtant, Eizan Takeru est officiellement élève de Première B à U.A ! Clama-t-elle, haussant toujours le ton pour se faire entendre par-dessus le vacarme ambiant.

Hisae se couvrit la bouche d'une main.

- Si tu es démasquée...

- Ça n'arrivera pas.

- Ça pourrait aller très loin, Ryo-chan.

- Aucune importance.

La blonde la dévisagea longuement, comme oscillant entre l'incrédulité, l'admiration et l'inquiétude.

- Tu ne plaisantes pas, souffla-t-elle finalement.

- Pas quand il s'agit d'Akira. U.A est impliqué dans sa disparition, j'en suis certaine. Je veux savoir pourquoi. Je veux la vérité.

Et par-dessus tout, elle voulait le retrouver. Alors oui, elle était prête à pousser la mascarade aussi loin et aussi longtemps qu'il le faudrait. La jeune femme avait tout lâché, la troupe, sa carrière, tout, pour se consacrer entièrement à ses recherches. Et elle replongeait en toute connaissance de cause dans un milieu dont elle s'était extirpée à la seul force de son acharnement.

Hisae semblait à court de mot. Le silence s'éternisait. Ryoka soupira. Elle devait au moins à son amie d'enfance de ne pas la charger d'un fardeau qui n'était pas le sien. La blonde avait toujours été trop empathique. Ryoka lui adressa donc un sourire malicieux en pointant le comptoir du pouce.

- Je paies le premier shot.

- - -

Le premier cours d'Entraînement Héroïque Fondamental fut de loin le plus animé que nous ayons eu jusqu'ici. L'apparition fracassante d'All Might m'émut comme jamais.

Je ne pouvais détacher mes yeux de ce grand héro dont les exploits avaient rythmés mon enfance. Bien plus que le symbole de la Paix, il était aussi le premier fil du lien tissé avec mon frère, la première pierre du pont jeté entre Katsuki et moi. Une figure qui me remplissait de joie et d'excitation chaque fois qu'elle apparaissait à l'écran. Le numéro un des héros m'avait inspiré celle que j'étais aujourd'hui. En voulant comprendre l'admiration que lui vouaient Izuku et Katsuki, je m'étais penchée sur tous les principes d'équité, de bonté, et de courage qui le définissait, intégrant comme je pouvais ces valeurs si coûtantes et précieuses.

Après le discours de présentation d'All Might, nous nous vîmes enfin remettre nos costumes. L'excitation générale était à son apogée. La 1-A en liesse se changea en un temps record pour une classe de lycéen avant de converger vers le terrain Bêta.

Essayer ma tenue pour la première fois fut de loin bien plus émouvant que d'enfiler l'uniforme de U.A. Il s'agissait d'une combinaison d'un gris anthracite en fibres imperméables, qui me couvrait de la gorge aux chevilles, et dont je passais l'extrémité des manches à mon majeur et à mon annuaire. Souple et résistante, elle épousait mon corps comme une seconde peau afin de ne pas entraver mes mouvements. Des ouvertures étaient pratiquées dans le dos pour laisser jaillir mes ailes. De mes épaules, en passant par mes coudes et jusqu'à mes poignets ; de mon col, le long de mon dos, de mes flancs, et jusqu'à mes hanches ; et de celles-ci à mes genoux courraient de fines bandes cousues dans le textile, terminées de pastilles pas plus grosses qu'un ongle. Si je pressais celles-ci, le gel contenu dans les bandes se cristallisait en libérant de la chaleur. Un système ingénieux, pensé pour me prémunir des températures extrêmes en haute altitude.

A ceci s'ajoutaient une paire de bottines blanches, une ceinture de même couleur à étuis pour l'heure vides, et des lunettes d'aviation en cuir noir équipées de coquilles fines qui couvraient mes oreilles pour les protéger de la morsure rugissante du vent. Je les portais autour du cou tant que je restais au sol, incommodée par la pression du bandeau autour de ma tête. Avant de quitter les vestiaires, je pris la précaution de tresser mes cheveux.

Je ne songeais pas encore à l'exercice de combat, j'étais d'abord impatiente de voir les costumes d'Izuku et Katsuki. Si le premier m'avait tellement montré ses brouillons et croquis que j'en connaissais chaque détail par cœur, le second n'avait même pas voulu me révéler la couleur du sien.

Accompagnée de Mina et Toru, je me dirigeai vers le terrain Bêta, quand nous avisâmes quelques garçons de la 1-A qui nous devançaient. Katsuki, le type aux cheveux rouges, et le brun dont les coudes projettaient des bandes adhésives. Mina leur jeta un appel, les faisant se retourner. Nous les rejoignîmes en quelques foulées. Aussitôt, les commentaires admiratifs sur les costumes respectifs de chacun fusèrent.

Le sujet semblait cependant laisser Katsuki profondément indifférent. Tout juste m'examina-t-il d'un coup d'œil. Je détaillai sa tenue sans grande surprise, seulement étonnée par ses gantelets conçus comme des grenades.

- A quoi ça sert ? M'enquis-je en les pointant du doigt.

- Comme si j'allais révéler mes techniques avant un entraînement au combat ! Répliqua-t-il abruptement. Je me tire. Pas envie que vous me mettiez en retard pour un cours avec All Might !

Il s'éloigna aussi sec, les épaules crispées. L'adolescent aux cheveux vermillons se tourna vers moi.

- Il t'évite ou quoi ?

- Quoi ?

- Ah ah ! Excellent !

- Hein ?

Pourquoi je n'étais jamais capable de comprendre de quoi ce type me parlait ? Mina choisit ce moment pour intervenir :

- Il a quand-même raison sur un point : on va arriver en retard si on traîne trop ici.

Nous pressâmes donc le pas pour rejoindre le terrain d'entraînement, où s'était déjà regroupé la majeur partie de la classe sous l'œil approbateur d'All Might. Izuku arriva bon dernier. Ochaco vint aussitôt à sa rencontre pour admirer sa tenue. Une fois que mon frère eut bafouillé quelques compliments à son adresse, et qu'elle eut papillonné vers Iida, il balaya l'attroupement du regard, puis finit par me trouver.

- Eiko-Chan ! Ton costume te va tellement bien !

- Forcément, c'est du sur-mesure.

- Non, ce n'est pas ce que je voulais dire, répliqua-t-il avec un rire contrit. Il faudra qu'on prenne une photo pour maman, après le cours.

- J'en ai déjà pris avec Mina-Kun et Ochaco-San.

La séance d'essayage dans les vestiaires avait de fait débouché en séance shooting. Ce qui était aussi le cas dans les vestiaires des garçons, me révéla mon frère. La voix d'All Might s'éleva alors par dessus le brouhaha des conversations, et un silence respectueux et fébrile se fit aussitôt. Sans même qu'il ait eu à nous le demander, nous formâmes deux lignes approximatives devant lui.

Tandis que notre professeur énonçait les consignes les consignes de l'exercice, je le détaillai avec plus d'attention que je ne l'avais fait en classe. Il me paraissait étrangement familier. Ça ne tenait qu'à un petit quelque-chose que j'avais juste sous les yeux sans pouvoir mettre le doigt dessus, mais je ne pouvais me défaire de cette impression.

Avant même qu'il fut parvenu au bout de ses explications, All Might fut assaillit de questions. Une fois qu'il eut restauré le calme, il annonça que les équipes seraient constituées par tirage au sort.

- Cependant, étant-donné que vous êtes un nombre impaire, celui d'entre-vous qui n'aura pas été tiré au sort fera équipe avec un élève de la 1-B, qui compte aussi vingt-et-un élèves.

Personne ne trouva à redire là-dessus, puisque tout le monde se doutait déjà que notre nombre nécessitait des arrangements de ce genre. Notre professeur procéda donc au tirage au sort. J'observai les élèves auxquels je n'avais pas vraiment prêté attention jusqu'ici, essayant de me représenter le genre d'équipe que nous formerions. En vérité, l'idée de m'associer avec certains d'entre eux me rebutait un peu.

Iida, pour commencer. Yaoyorozu ensuite, qui semblait d'une nature inconciliable avec la mienne, et puis les deux excentriques de la classe : le petit à la voix fluette et le blond présentement revêtu d'une armure. Mais je doutais que qui-que-ce soit parmi nous ne se réjouisse de les avoir pour binôme. S'ajoutaient aussi le garçon à la tête corbeau, dont l'aura sinistre me mettait sur la défensive, ainsi que Todoroki, que je préférais ne pas approcher tant son attitude envers moi avait basculé depuis le premier jour. Si d'aventure il posait les yeux sur moi, son regard ne trahissait plus qu'une hostilité glaciale, ses prunelles luisant d'un éclat dur dans son visage de marbre.

Je n'eus finalement pas à m'inquiéter de devoir travailler avec aucun d'entre-eux, puisque le hasard me valut d'être l'unique nom restant dans l'urne. Je ferai donc équipe avec quelqu'un de la 1-B. Quand à mon frère, il eut la chance de tomber sur Ochaco, et le malheur de devoir affronter Katsuki.

Sitôt que le résultat du tirage tomba, l'atmosphère entra eux s'électrisa. Tous se dirigèrent vers la salle de contrôle sans même se douter que ce qui allait se jouer dans le prochaines minutes allait bien au-delà d'une simple compétition entre élèves.

Bizarre comme je fus littéralement restreinte à la place de spectatrice à ce moment-là. Ces dernières semaines, j'avais assisté au lent échauffement de leur ressentiment perdurant, et voilà qu'on était au point d'ébullition.

Je ne savais pas ce que All Might avait en tête, mais j'approuvais sa décision de ne pas arrêter l'exercice quand celui prit une tournure plus violente qu'attendue. C'était l'une de ces confrontations qu'il fallait mener jusqu'au bout, ou elle vous dévorait de l'intérieur, corrompant tout ce qui fermentait au fond de votre être.

Et pourtant...

Pourtant l'exercice prit fin sur une note prodigieusement amère. Si l'attaque d'Izuku m'avait d'abord ébahie, le prix qu'il payait me fit rapidement désenchanter. Une poigne invisible me broya le cœur alors que, sur l'écran, mon frère s'écroula tandis que le blond se tenait au milieu des décombres, dans la poussière encore en suspension dans l'air, la physionomie crispée d'un ressentiment sans nom.

Je m'étais fait un devoir de ne jamais me mêler de quoiqu'il puisse se tramer entre eux, mais face à cette scène, je ne pus m'empêcher de me demander s'il ne fallait pas que je leur en touche un mot.

Le timbre sonore d'All Might rompit le silence qui planait dans la salle, tirant la classe de l'état de choc dans lequel elle était plongée. Il nous demanda de l'attendre tandis qu'il allait s'occuper d'Izuku, dont l'état requerrait une intervention clinique, et ramener Katsuki.

Une dizaine de minutes plus tard, la classe était à nouveau réunie -mon frère excepté – afin de procéder au bilan du premier match. Yaoyorozu accapara entièrement la parole, mais je l'écoutais à peine. Mon attention était focalisée sur Katsuki, qui ne donnait aucun signe de s'apercevoir ce qu'il se passait autour de lui, tant il était renfermé sur lui-même.

Une fois qu'All Might eut clos l'analyse par une légère critique adressée à Iida, il prit la tête du groupe pour nous mener à l'emplacement du prochain affrontement. Kirishima – j'avais mémorisé quelques noms supplémentaires lors du tirage au sort – vint alors à la rencontre de Katsuki et lui asséna une tape dans le dos en le complimentant sur sa prestation. Néanmoins, lorsqu'il se risqua à glisser un commentaire sur son agressivité, il écopa d'un regard qui le fit s'écarter du blond comme s'il s'était brûlé. Je voulus m'approcher mais, surprenant mon regard sur lui, Katsuki tourna la tête et s'arrangea pour placer un maximum d'élèves entre nous.

Il n'y avait décidément rien que je puisse faire, ni pour lui, ni pour Izuku. Ne me restait plus qu'à me concentrer sur les matchs suivants afin d'engranger un maximum de notions pour quand mon tour viendrait.

C'était justement le tour de Todoroki et le garçon à six bras contre Toru et Ojiro. Il y eut quelques remarques narquoises lorsque Toru retira ses gants et ses chaussures, puis un silence attentif se fit. Nous nous pouvions entendre ce qu'il se disait à l'intérieur, mais, après un court échange entre les deux membres de l'équipe B, l'adolescent hexapode sortit du bâtiment, tandis que son coéquipier s'enfonçait plus avant dans le couloir.

Ce fut à cet instant que cela se produisit.

Todoroki leva la main droite, et une buée de givre s'en échappa, des cristaux de glace aussi infime que des grains de poussière scintillèrent dans la pénombre du couloir.

J'eus l'impression d'être foudroyée sur place. Une douleur aiguë me vrilla le crâne, tandis qu'un immense pan de mon esprit se déchirait. Tel les éclats d'un miroir brisé, des images passèrent en flash devant mes yeux, désordonnées, éclatées.

Une figure brouillée par les vagues de chaleur dégagées par un brasier.

Une petite main autour de laquelle l'humidité de l'air gelait.

Un œil gris duquel perlait une larme.

Une figure à contre-jour.

«Tu peux être qui tu veux.»

Devant mes yeux se dessinait toujours la salle et les élèves rassemblés devant l'écran géant, mais à mes oreilles résonnaient des voix étrangères, lointaines.

«On arrêtera que lorsque tu les auras tous renversé.»

«Elle ne vous dérangera plus.»

«Tu peux être qui tu veux.»

Uns, à uns, les verrous sautèrent.



- - -

Encore un chapitre que j'avais hâte d'écrire (mais pas autant que le suivant) !

J'espère que les choses sont suffisamment claires, parce qu'il y a pas mal de points importants dans ce chapitre.

J'ai eu des difficultés avec la deuxième partie, parce que je ne pouvais pas zappé complètement ce passage de l'anime, mais je ne voulais pas trop m'attarder dessus non plus...

Avec ce dixième chapitre, il est aussi temps de remercier tous-tes ceux-celles dont les commentaires et les votes m'ont motivés à arriver jusque-là aussi vite ! J'ouvre donc une FAQ, s'il y a des intéressé-es... 

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