15:00:00


— Zhu... Je voudrais que tu partes.

Droit dans les yeux, les mains tremblantes, je me regardais dans le miroir de la salle de bain. D'un long soupir, je baissai la tête en tentant de maintenir cette colère montante qui se propageait partout en moi.

— Zhu... Répétai-je, les dents serrées. Je ne veux plus te voir dans cet app-

Mon poing frappa brutalement le bord du meuble lavabo et je poussai un cri de rage. Mon cœur battait dans mes veines, la chaleur m'envahissait et la colère anesthésiait la douleur provenant de ma main. J'en avais marre. Depuis combien de temps faisais-je l'abruti devant ce miroir ? Beaucoup trop longtemps à me rendre compte que je n'aurais jamais le courage de faire quoique ce soit. A cet instant-là, à faire le con devant mon reflet, je sentais que les choses ne bougeraient jamais dans l'ordre des conseils que j'avais reçu. Parler à Jimin, mettre Zhu à la porte, reprendre ma vie en main, et enfin, essayer de contacter Taehyung. C'était ce qu'il avait dit.

Seulement, je ne me sentais pas capable de faire tout cela, comme si tout avait écrit sur une feuille, une liste de course pour le supermarché. Je savais très bien qu'il fallait que je parle à Jimin, et je me sentais capable de le faire. Mais allez voir Zhu, après cela ? Non, je ne pouvais pas me l'imaginer. Rien que de me remémorer son visage, mon corps était pris de frisson désagréable et de cette sensation, d'un pur plaisir, qui ne quittait jamais ma main lorsque les ciseaux ont transpercé sa chaire. J'eus un rire nerveux. Mon cœur battait dans la peur de cette sensation.

Va le voir.

Taehyung. Est-ce que je devais le faire ? Cela faisait déjà quelques jours que je l'avais vu pour la première fois depuis deux ans. Et cette scène, de lui tombant durant son exercice de rééducation, en me regardant droit dans les yeux, ne s'effaçait jamais. Son regard perdu, complètement détruit qu'il m'avait lancé, je ne pouvais pas me le sortir de la tête. Pourtant, il m'avait abandonné. Mon cerveau me disait de le lâcher, qu'il devait subir les conséquences de ses actes, mais mon cœur tentait de me convaincre l'inverse. Qu'est-ce que je devais faire ? Aller le voir ? Oui, non ? Je n'avais pas forcément peur de le voir, mais plutôt de sa réaction. Est-ce qu'il allait me jeter ? M'accueillir ? Cela me paraissait beaucoup trop étrange à imaginer, cela était même impossible. Tout se bousculait dans ma tête et il m'était impossible de prendre une décision. La curiosité était aussi en jeu ; comment avait-il fait pour se retrouver dans des cours de rééducation, et ne plus savoir tenir debout ?

Las, je soupirai par tant de manque de courage. Est-ce que lui pensait la même chose que moi ? Est-ce que j'avais le droit de m'inquiéter pour quelqu'un qui m'avait abandonné dans une horrible situation ? Je secouai violemment la tête de droite à gauche. Non, je ne devais pas tout mettre sur ses épaules. Il avait forcément une raison, et j'avais aussi ma part de responsabilité dans cette histoire.

Est-ce que c'est toi sur la vidéo ?

Si j'avais répondu non, ce n'est pas moi, serions-nous toujours ensemble, à vivre notre vie paisiblement ? Est-ce que j'aurais eu mon diplôme ? Peut-être, mais j'aurais encore dû supporter le mensonge, le manque de confiance et la peur que tout soit détruit à cause de cela. Quelle aurait été la meilleure décision ? Soit, je ne saurais jamais.

Brutalement, quelqu'un toqua à la porte de la salle de bain, me faisant vivement sursauter.

— Jungkook, je vais aller faire les courses, fit la voix étouffée de Jimin. Est-ce que tu veux quelque chose en particulier ?

Pris de cours par cette violente sortie de mes pensées, je bafouillai quelques mots, avant de finalement répondre par la négative. Il ne fallait pas qu'il dépense pour moi. Je l'entendis humer derrière la porte, puis soupirer.

— D'ailleurs, reprit-il, Haneul nous appelle ce soir, t'as intérêt de venir. Elle a vraiment envie de te revoir.

Sans lui répondre, je fis coulisser la porte qui nous séparait et le regardai. L'un de ses sourcils se haussa, intrigué par mon geste.

— Hm... Hésitai-je en baladant mes yeux partout. Est-ce que je pourrai te parler de quelque chose avant ? Ou après, on s'en fout...

Un sourire se dessina sur ses lèvres, et il leva son pouce en l'air. Est-ce qu'il se doutait de ce que je voulais lui dire ? Seulement, Jimin n'ajouta rien et partit en silence. Est-ce que j'avais fait le bon pas pour commencer ? Peut-être. Qu'est-ce que j'avais envie de faire maintenant ? Qu'est-ce que je devais faire ? D'un soupir, je sortis de la salle de bain et jetai un œil à Jimin, dans l'entrée, qui mettait ses chaussures. La tête dans les nuages, il ne se retourna pas et parti, en silence, sans rien ajouter. J'eus alors un étrange présentiment. L'atmosphère venait de gravement s'alourdir lorsque la porte se ferma derrière lui. Mes poumons se remplissaient de sable en fonction de mes respirations et je me mis subitement à tousser.

Sortir. Il fallait que je sorte. Rester ici, seul, dans cet immense appartement me rendait beaucoup trop nerveux. Par-delà les baies vitrées, le ciel était toujours aussi chargé pour un début de mois d'avril. Le soleil ne voulait pas se montrer afin de commencer le printemps. En tentant de maintenir au mieux ma toux, j'allai en vitesse chercher mon téléphone dans ma chambre et repartis dans l'entrée, où Jimin venait à peine de partir. Ni une ni deux, je fus dans l'ascenseur en un rien de temps. Je n'aimais pas réagir de la sorte lorsque je me retrouvais seul chez lui, cela était complètement débile et enfantin. Je n'avais pas le droit de redevenir dépendant de quelqu'un.


Treize heures cinquante-neuf.

Coucou mon chéri.

A l'entente de la voix de ma mère, je soufflai de soulagement. Le vent rafraichissait mes pensées et je lâchai un grand soupir. Ma toux s'était calmée après une dizaine de minutes à marcher. Sans même chercher un chemin précis, je m'étais retrouvé dans un parc non loin de l'immeuble de Jimin, dont je ne connaissais même pas l'existence. Quelques parents promenaient leur enfant, d'autres promenaient leur chien, couraient, étaient préoccupés par quelque chose, rejoignaient des amis, la vie suivait son cours, pendant qu'elle passait au ralenti depuis deux ans pour moi. Une grande fontaine vide se dressait sur une place, à côté d'un carrousel prisé par les enfants, un snack avait ouvert juste à côté, et quelques jardiniers taillaient les buissons autour des quelques statues de marbres. Il n'y avait aucun bruit de moteur. Juste des rires, des oiseaux, le vent dans les feuillages. En cette ambiance apaisante, j'avais décidé d'appeler ma mère.

— Coucou, je te dérange ?

Tranquillement, je m'assis sur un banc.

Absolument pas, je suis encore à ma pause de midi. Est-ce que tu vas bien ?

Sans hésiter, je lui racontai mon hésitation, dans quel sens je devais faire les choses pour que tout redevienne à la normale. Bien sûr, comme je m'y attendais, Maman me fit la morale sur le fait que mon ancienne vie ne pourrait jamais revenir. C'était comme demander au corps de redonné la beauté passée de la peau avant une grave blessure. Pour être honnête, je ne sais plus de quoi on a parlé par la suite. Cela me faisait simplement du bien d'entendre sa douce voix, quand elle me racontait les affaires sur lesquelles elle travaillait en ce moment. Cette fois-ci, c'était pour prouver qu'une femme n'avait pas tué son enfant, que la faute revenait au père, qui avait fait en sorte de tout mettre sur son dos. Maman était plutôt confiante, elle savait parfaitement que sa cliente était innocente, il y avait bien trop de preuve qui le prouvait.

J'adorais quand elle me racontait cela comme une histoire, et ce, depuis tout petit. Il y avait toujours, à un moment, où tout me donnait une idée de roman. Pas forcément sur le sujet qu'abordait l'affaire, juste, une idée de plus comme je pouvais en avoir en pleine journée, rien qu'en réfléchissant un peu. Est-ce que désormais, j'avais encore assez de motivation, et d'inspiration pour être à nouveau aussi créatif ? Je ne savais pas. Peut-être pas pour l'instant. Peut-être le temps de faire le tri dans ma vie, d'essayer de tout remettre en ordre, ou presque.

Quatorze heures six.

Il n'était pas là. J'avais beau le chercher parmi les patients dans la pièce, je ne le voyais pas. Etais-je venu pour rien ? Las, j'opérai un demi-tour et me trainai jusqu'au hall de l'hôpital. Je ne savais même pas par quelle force j'arrivais à me tenir dans cet endroit, où j'avais vu Taehyung quelques jours plus tôt. Cet endroit qui abritait la mort, la maladie, le désespoir. Endroit que j'avais envie de fuir depuis que j'y avais mis les pieds pour chercher quelqu'un. Quelqu'un qui pourrait très bien me briser encore plus, mais pour qui mon cœur battait encore à la chamade. Etais-je masochiste, pour faire cela ? Têtu ?

Selon moi, j'écoutais seulement les conseils de Maman. Aller le voir. Mettre au clair. Est-ce que j'avais encore besoin d'avoir de l'espoir, ou bien tourner définitivement la page ? Elle disait qu'il fallait que je sache ce qu'il pense. Que cela arrête de me ronger chaque jour, à me morfondre sur l'avis qu'il pourrait avoir de moi, et creuser jusqu'à savoir la raison pour laquelle il m'a quitté. Est-ce que je devais m'inquiéter sur ce dernier fait ? Pour moi, c'était obligatoire qu'il ait une bonne raison. Après un an et demi avec lui, à savoir pratiquement tout de sa vie, tout ce que l'on avait traversé ensemble, je le connaissais.

Je connaissais Kim Taehyung. Et jamais il n'aurait pu faire une chose si horrible sans une raison derrière.

A quelques mètres, un homme tenait l'accueil de l'hôpital, concentré sur son ordinateur. Combien de temps l'avais-je regardé, à me demander si j'avais le courage d'aller lui demander un simple numéro de chambre ? Que devais-je répondre s'il me demandait qui étais-je pour le patient ? Une connaissance ? Un membre de la famille ? Son ex ? J'eus un rire nerveux. Je n'avais aucune réponse à donner. Je ne pouvais utiliser le mensonge sans être sûr que la personne voulait bien me voir. Rien qu'à la pensée de mentir pour une chose aussi stupide me donnait la chair de poule, et un sentiment de culpabilité. Seulement, j'étais allé de ma propre initiative dans cet hôpital, lieu qui me faisait revivre de mauvais souvenirs et sensations. Il était donc hors de question que je fasse demi-tour, je ne pouvais pas.

☯︎

— Toutes mes condoléances.

Sans état d'âme, je les regardais défiler. Trente, trente-et-un... Combien de personnes répétaient la même chose ? Combien de personnes me répétaient que je devais être fort les jours suivant ? Jihyuk pleurait. Maman pleurait, serrait dans ses bras chaque connaissance qui imitaient les perroquets. Papa était là, juste devant nous. Jihyung ne l'était pas. Une grande boîte en bois, à l'intérieur d'une immense église. Une photo d'eux deux souriant était placée sur le couvercle, entouré de bougies que Jihyuk et moi avions dû allumer plus tôt. Je ne comprenais pas. Pourquoi tant de monde ? Pourquoi étions rentrés de vacances sans Papa et Jihyung ?

Maman et Jihyuk pleuraient chaque soir depuis que Papa s'était écroulé sur la plage, devant moi. Un vide immense se creusait petit à petit que la musique tournait dans l'église, et que les dernières personnes présentes proclamaient être désolées. De quoi pouvaient-elles être désolées ? Pourquoi dire cela ? Papi et Mamie avaient fait le voyage ici depuis l'Allemagne, et pleuraient eux aussi, juste à côté de moi. Les deux mains derrière le dos, je regardai chaque larme couler sur les nombreuses paires de joues qui passaient devant moi. Certains m'accordaient un étrange regard, d'autres m'ignoraient.

Une main se posa sur mon épaule, ce qui me fit tourner la tête en direction de Papi, en train de se moucher de son autre main. Et je n'eus le temps de réagir, que je me retrouvais à sa hauteur, dans ses bras. En me tenant à son cou, je vis la grande boîte en bois de plus haut. Les bougies avaient fondu, certaines s'étaient éteintes, un énorme bouquet de fleurs se tenait à l'avant, juste derrière la photo de Papa et Jihyung. Je me rappelais cette photo, Maman l'avait prise à l'anniversaire de l'un de nos chiens, quand nous nous étions amusés à faire un gâteau aux croquettes. La photo avait été découpé de sorte que Jihyuk et moi-même n'y apparaissent pas.

Par la suite, je me retrouvai seul dans la voiture. Après quelques dizaines de minutes de route, nous nous étions rendus devant un bâtiment que je ne connaissais pas. Je n'arrivais même pas à savoir pourquoi nous étions là, pourquoi nous avions suivi une grosse voiture noire qui avait emmené la boîte en bois dans son coffre. Sur mon siège à réhausseur, je balançais mes pieds dans le vide. Maman m'avait interdit de les accompagnés. Elle ne voulait pas que j'assiste à la suite. Ne comprenant toujours pas, je n'avais pas bronché, et restais là, à attendre. Dehors, la neige continuait de tomber. Pour la première fois, sous cette avalanche, je ne me sentais pas heureux. Je n'avais pas envie de sortir faire des bonhommes de neiges, faire des batailles, enterré Jihyung.

J'étais vide. Un trou gigantesque se creusait à l'intérieur de moi au mur et à mesure que les flocons touchaient le sol.

Je n'allais plus jamais revoir Papa et Jihyung.

☯︎

Tapant du pied, je fixai la porte fermée devant moi. Quatre cent cinquante-deux. Ce nombre que je ne faisais que de relire sans arrêt depuis quelques minutes. Mon cœur tambourinait dans mon crâne, mon sang pulsait tellement fort dans mes veines que mon corps en tremblait légèrement. Il était derrière cette porte. Taehyung était derrière cette porte. N'ayant pas eu le courage d'aller demander à l'accueil au risque de me faire balader, j'avais envoyé un message à Seokjin. Sa réponse avait été particulièrement rapide, et il m'avait donné quelques conseils avant d'entrer. Seulement, je ne savais pas si je devais m'inquiéter.

Seokjin :
Chambre 452. Entre sans toquer. S'il ne dort pas, préviens une aide-soignante.

Après avoir relu plusieurs fois ce message, je ne savais toujours pas quoi penser de la dernière phrase. Cela mettait en doute mes envies et besoins de le voir. S'il dormait, à quoi bon ? Être à nouveau proche de lui sans qu'il le sache ? Je n'aimais pas. Et s'il ne voulait pas me voir, mais en était incapable de me le dire ? Cela voudrait dire que je porterais atteinte à son espace privé. Surtout en hôpital. S'il était ici, avec des cours de rééducations, je ne pouvais pas m'empêcher de craindre le pire.

Je ne voulais pas le voir maigre, pâle, cerné, fatigué, dans un état pitoyable qui me ferait culpabiliser encore plus de ne pas avoir menti ce jour-là. Taehyung était une personne forte, imposante, qui savait diriger, mais à la fois avec une personnalité douce, et sensible lorsqu'il était hors du travail. Celui que j'avais vu en salle de rééducation, était le même que j'avais rencontré il y a trois ans. Brisé.

Était-ce de ma faute, pour ne pas avoir menti ? Ou de la sienne, pour être parti comme un voleur ? Certainement autre chose entrait aussi en jeu, la communication, la peur, la confiance ? Annoncé à son partenaire que l'on avait tué quelqu'un quelques années plutôt était impossible à faire. Bien qu'en ayant conscience de cela, je ne pouvais pas m'empêcher de culpabiliser chaque action que j'avais faite.

Les yeux fermés et les poings serrés, je soupirai longuement. Il fallait que j'entre, que j'avance. Même si cela était au risque de me prendre un mur en pleine figure. Il fallait que je sache pourquoi il avait fait ça, pourquoi il était parti en coupant tous les ponts d'une seconde à l'autre. Alors je fis quelques pas vers la porte, et pris entre ma paume la poignée. Est-ce qu'il était derrière ? Mon cœur battait tellement fort qu'il étouffait tous les sons autour de moi. Il résonnait de plus en plus dans mon crâne, mes mains tremblaient, subitement privées de toute force.

Après quelques secondes qui me parurent une éternité, le blanc de la porte disparu pour laisser place à une pièce à moitié plongée dans le noir. Les stores des fenêtres en face étaient baissés, ne laissaient entrer que très peu de lumière naturelle. Des étoiles sur les murs, les mêmes que j'avais vu pendant si longtemps. Directement, une odeur de renfermée me prit la gorge et je ne pus m'empêcher de faire la grimace. La porte se ferma derrière moi après avoir fait quelques pas, coupant la source de lumière la plus important qu'était le couloir. Mon corps tremblait tellement que j'avais du mal à tenir debout, immobile, à l'intérieur de cette grande chambre d'hôpital. Les étoiles sur les murs et les lumières colorées des machines au fond de la pièce me suffisaient de savoir que j'étais actuellement dans une des chambres de luxe. Mon cœur battait encore à une allure importante, tambourinait encore dans mon crâne.

Cependant, mon regard se tourna vers le fond de la pièce, où se trouvait de nombreuses machines aux bruits insupportables. Et ce fut à cet instant, que des gémissements de douleurs parviennent à moi, provenant du lit, à quelques mètres devant. Eux qui devenaient de plus en plus forts, écrasaient le boucan de mon cœur dans mon crâne, je n'entendais plus que ça. En ouvrant la porte, je venais de transpercer une bulle sans possibilité de retour en arrière.

Il était là.

Devant moi. A quelques mètres qui rapetissaient selon mes pas. Il était là, à se tordre de douleur, un bras tendu en direction d'une petite table en hauteur. Une respiration saccagée, une odeur de transpiration, de chaud, des cris étouffés. Seigneur. Mon sang ne fit qu'un tour et je compris ce qu'il cherchait ; la télécommande pour appeler un médecin. Seulement, j'étais incapable de bouger, de mouvoir un seul doigt, rien ne répondait. Entendre sa voix depuis deux ans me procurait des sauts de cœur, la perte de sens, de force. Sa voix, habituellement mielleuse, douce et grave à la fois, que j'avais oublié depuis si longtemps, n'était maintenant plus que parole de souffrance. C'était insupportable.

D'un pas tremblant, je m'avançai vers le lit. Avait-il remarqué ma présence ? Est-ce je devais l'aider ? La lumière des machines se reflétaient dans ses cheveux, sur quelques trais crispés de son visage. Sa main continuait tant bien que mal de chercher quelque chose sur la table surélevée, ses gémissements me donnaient un affreux mal de crâne et les larmes montèrent. La scène était affreuse. Et je restais là, immobile, à ne pas avoir le courage de l'aider. Je sentais mes jambes prêtes à faire demi-tour et fuir.

Malheureusement, je ne pus les écouter. Pas lorsque mon corps fut pris de frissons horribles à l'entente de pleurs. Des pleurs qui se mélangeaient à ses cris de douleurs, au reste de la force qu'il trouvait pour tendre le bras. Sa main tapotait la table aussi vite que mon cœur, que mes réflexions, que mon angoisse. J'eus alors l'impression de me voir, quelques années auparavant, seul, en pleine crise, sans avoir quelqu'un pour demander de l'aide. Ressentir une telle solitude et douleur que l'on avait plus l'impression d'être vivant, d'expérimenter la mort.

Le cœur serré, je regardai la table et vis la télécommande d'appel, posée, à quelques centimètres de ses doigts. Ceux-ci la touchaient de temps à autres, mais la souffrance qu'il endurait et le manque de luminosité ne l'aidait pas à avoir suffisamment de force. Alors, sans être certain de ce que je faisais, je pris la télécommande et tentai de chercher le bouton d'appel avec les lumières des machines. A l'instant où une petite sonnerie retentit, je reposai l'objet, et un frisson me parcourut l'échine.

Il me regardait.

Taehyung me regardait, les yeux à moitiés ouverts, brillants par les larmes, en continuant de se tordre de douleur. Mon cœur fit un bond dans ma poitrine et mes lèvres commencèrent à trembler, en me rendant compte qu'il était conscient de ma présence. Il me remerciait. Sans user de la parole, ses yeux parlaient pour lui. Luisants, encrés dans les miens, un regard qui me brisait.

Merci, disaient-ils.

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