10:00:30


Mon frère était en train de m'appeler, après mon message datant de cent sept ans.

Rien que pour le faire chier, j'attendis la dernière sonnerie. Une sorte de vengeance de gamin. Je sais, ce n'était pas très mature comme réaction.

Je finis par répondre.

C'est que maintenant que tu décroches ? M'agressa-t-il directement d'une voix gonflée.

— Je vais très bien et toi ?

Comment t'as eu mon numéro ?

— Par Maman, avouai-je d'un ton sec, similaire au siens.

Et pourquoi tu le lui as demandé ?

Je levai les yeux au ciel, j'aurais mieux fait de retenir ma curiosité à propos des liens qui liaient Seokjin et Taehyung à lui.

C'est bon t'as fini avec ton interrogatoire ? Je ne suis pas ton client.

— Dis moi vite ce que tu veux, je n'ai pas beaucoup de temps.

Je m'allongeai correctement dans mon lit.

Je voulais te poser une question.

— Sur ?

— Est-ce que tu connais Kim Seokjin et Kim Taehyung ?

Il mit un moment à répondre, et finit par soupirer de l'autre bout du fil. Je me l'imaginai en train de se frotter le front de sa main libre, on avait le même tic.

D'où tu les connais ?

Il y avait bien un lien entre eux, j'en étais sûr à présent.

— Je travaille dans leur café.

— Ils sont retournés sur Busan ?

Je soupirai d'agacement.

— Je n'en sais rien, mais tu t'intéressais un peu plus sur ce qu'il se passe dans la famille tu serais au courant que j'ai déménagé à Séoul.

— Ne parle pas de famille alors que c'est toi-même qui la dissoute.

— Il reste Maman et nous deux, mais comme toi tu es un pur égoïste, tu t'es cassé à l'autre bout de la Terre en nous laissant avec notre merde.

Une tension montait progressivement en nous, il déviait sur un sujet dont je n'avais pas envie de parler. C'était toujours comme ça avec lui, il rejetait facilement la faute sur les autres pour se croire irresponsable de tout ce qu'il se passait dans notre famille.

— Laissons ça se côté, ce n'est pas le sujet. D'où tu les connais ?

Pourquoi tu veux savoir ?

— Rah mais bon sang arrête de répondre par une question ! Je veux savoir parce qu'il se passe des choses entre eux que je ne comprends pas ! Taehyung à directement fait le rapprochement entre toi et moi alors que je ne le connais même pas. J'ai seulement l'impression de l'avoir vu quelque part. Il soupira.

On était dans la même école depuis la primaire jusqu'à la fin du lycée, avec Seokjin aussi.

C'était aussi con que ça ? Je m'étais imaginé qu'ils se connaissaient par quelque chose de beaucoup plus sombre, ce qui m'avait assez angoissé car si mon frère s'était plongé dans la drogue, il pouvait directement faire une croix sur notre famille de la part de ma mère.

Par contre, reprit-il d'un ton assez calme, je ne comprends pas comment t'aurais une impression de déjà-vu alors qu'il n'est jamais venu à la maison.

— Pas même une fois ?

Non, Maman n'a jamais voulu.

Je fronçai les sourcils. Où est-ce que j'avais bien pu le rencontrer s'il n'était jamais venu chez nous ?

— En parlant de lui, tu sais s'il est toujours avec Eunji ?

— C'est qui elle ?

Ok tu ne sais pas. Non rien laisse, c'est une question bête. Bon t'as autre chose à demander ?

— Ouais.

Qu'est-ce que t'attends alors ?

— La ferme... Je me massai les yeux. Est-ce que, quand vous étiez au lycée et que vous faisiez des soirées, Taehyung buvait beaucoup ?

Mh pas à ce que je me rappelle, il a prit plus d'une cuite ça c'est sûr.

— Il était gentil ? Il sembla sourire, comme s'il se remémorait de bons moments.

— Après Seokjin, c'était le plus sympa de la bande ouais. Le plus con aussi, je riais énormément avec lui.

Est-ce qu'on parlait de la même personne ? J'en doutais. J'avais l'impression qu'il se remémorait un Taehyung complètement différent de celui que moi je connaissais. Jihyuk continuait à me dire que le siens était une bonne personne, attirant beaucoup de filles dû à son physique et à sa gentillesse, que c'était surtout une personne modèle et pleine de bonne volonté.

Pourquoi cette question ?

— Mh... Pour toi, il était comment Seokjin ?

Un fou qui rit en imitant des essuie-glaces pour rien et qui aime se regarder dans un miroir.

On parlait définitivement du même Taehyung, je ne pensais pas qu'il y avait plusieurs Seokjin fan de son visage et qui riait à la moindre blague nulle.

— Pourquoi ?

— Je voulais juste savoir... J'ai l'impression que tu me parles de quelqu'un d'autre, celui pour qui je travaille n'est pas du tout comme ça.

De Seokjin ou de Taehyung ?

— De Taehyung.

Sa voix se fit plus sérieuse.

Qu'est-ce qu'il a ?

— Je pense que c'est un accro à l'alcool, il est super froid et insultant envers ceux qui l'entoure. Même avec Seokjin.

Vraiment ? Depuis quand ?

— Je ne sais pas, certaines personnes du café qui sont embauché depuis plus longtemps que moi disent que ça remonte déjà à trois ans. Vous n'êtes plus en contact ?

Non, je ne l'ai plus revu depuis la fin du lycée. On s'appelait de temps en temps mais depuis, plus rien.

— Il m'a dit qu'il a essayé de te joindre.

J'ai changé de numéro. Tu lui donneras le miens, je lui en toucherai deux mots.

— C'est un ordre ?

— Tu peux le prendre comme ça.

— Ouah... t'as de la chance que je sois curieux à propos de lui parce que sinon ton numéro je te l'aurais foutu là où je pense.

Dans les mains de Tae ?

— La ferme.

Un silence impérial s'installa subitement. Un silence gênant, oppressant. Qu'est-ce qu'il foutait pour ne rien dire ? Derrière son micro, je l'entendis une énième fois soupirer. Je savais que je l'emmerdais, mais je n'en avais rien à faire. Lui aussi m'avait énervé en mettant trois ans à me recontacter.

— Est-ce que tu rentres pour le nouvel an ? Demandai-je finalement afin de tuer ce blanc.

Je ne pense pas.

— Maman serait contente de te voir, il faudrait penser à revenir pour elle.

— Je ne sais pas, je risque d'avoir quand même beaucoup de travail.

— Prends des vacances.

— Si tu crois que c'est aussi simple.

Ou sinon... Tu peux prendre des vacances aussi.

— Je rêve où tu as envie de me voir ?

— Où est-ce que t'es allé chercher ça toi ? Je ris jaune. Je te dis ça au nom de maman, pas de moi.

— Je me disais aussi, bref, il faut que j'y aille. Je réfléchirai si je viens à la maison ou pas, à plus.

Il ne me laissa pas le temps de répondre, et raccrocha. Je soupirai en faisant tomber ton téléphone sur mon matelas. C'était le plus long appel que j'avais eu avec lui depuis ma naissance, avant ce n'était que des messages, où quand je ne répondais pas assez rapidement, un appel pour me demander ce que je faisais pour ne pas rentrer à la maison.

Ma mère était devenue très protectrice depuis la mort de mon père et mon frère. Depuis cet incident, elle m'emmenait tous les matins à mes cours de natation avant l'école, et repassait me chercher les soirs, en voiture. Au début, je ne voulais pas être promené partout comme un petit chien, il y avait des bus qui passaient dans notre village pour Busan. Mais j'avais rapidement oublié ma rébellion lorsqu'un matin, dans notre voiture, elle m'avait calmé en une seule seconde. Je nous revoyais, elle, les deux mains serrées sur le volant, moi, me tortillant sur mon siège arrière. À un feu rouge, à travers le rétroviseur, nos yeux s'étaient rencontrés.

— Jungkook, avait-elle susurré d'une voix lourde et énervée, je ne veux plus jamais te voir hausser le ton avec moi. Perdre ton père et ton frère est la plus dure épreuve que notre famille traverse. Je ne veux pas perdre un deuxième fils à cause de simples crises enfantines, ni par accident dans un bus ou fait par une personne malveillante envers les enfants de ton âge. Si nous devons mourir, nous le feront ensemble, ou moi la première et vous irez, toi et Jihyuk, chez votre tante.

Ses derniers mots m'avaient calmé pour le reste de ma vie jusqu'à ce jour. Je savais qu'elle avait usé d'égoïsme pour me faire prendre raison, me remettre dans le droit chemin. Et dans le silence, dans la pénombre de la nuit, étant très tôt, j'avais pleuré ses dires. Peut-être parce que je m'étais imaginé, à ce moment là, rentrer chez moi et voir le corps inerte de ma mère pendre aux poutres de sa chambre.

Je frottai mon visage, retirant ces images démoralisantes de mon esprit. La fatigue me tombait dessus en ce moment, et je sentais comme une angoisse s'installer au fond de moi, de plus en plus, chaque jour, à chaque mouvement que je faisais. Elle me faisait peur.

Je quittai mon lit, et m'installai à mon bureau pour réviser mon devoir d'Histoire du cinéma, dans une semaine. Feuilletant mes feuilles quelques secondes, j'en sortie une qui venait à la suite du chapitre sur lequel nous allions être interrogé : Progression vers le paroxysme révolutionnaire de L'Arirang de Kuro. Je lâchai un soupir et commençai à faire glisser mes yeux sur les lignes.

Allez, au boulot.

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