03:00:06


— Excusez-moi de vous déranger madame, mais avez-vous vu Jungkook ?

— Jungkook ? La vieille femme haussa ses sourcils blancs. Non, ça fait quelques jours que je ne l'ai pas vu.

Je me passai la main dans les cheveux en luttant de ne pas me les arracher et mordis mes lèvres entre elles.

Jungkook avait disparu.

Et ce, depuis plus de cinq jours. Aucune nouvelle, aucun message, et surtout aucune présence en cours ni à son travail à Coquelicot. La dernière fois que je l'avais vu, c'était le jour où il avait eu sa crise en plein tournage, et que son patron était intervenu. Soit cinq jours. Depuis, je n'avais eu qu'un seul message qui datait du jour suivant sa crise.

AGENT KOOKIE :
Je suis malade, je ne viendrai
pas en cours aujourd'hui. On
se voit Lundi.

Nous étions Mardi soir. Personne ne l'avait revu, il ne répondait à plus aucun de mes messages, l'accusé de réception était absent, et il ne s'était plus connecté depuis qu'il m'avait prévenu de sa pseudo absence. Je pensais seulement qu'il ne se sentait pas encore assez bien pour revenir en cours, mais je n'avais jamais réellement cru à sa maladie. Dès le début, j'avais eu un mauvais pressentiment. Et il ne s'était pas trompé, mon ami était introuvable.

La vieille dame se pencha légèrement sur le côté pour regarder derrière moi lorsqu'elle entendit un cri de frustration venant du couloir. Tandis que j'essayais de maintenir au mieux mon sang-froid et de relativiser, le zigoto pour lequel mon ami avait le béguin était carrément instable. La grand-mère me regarda une nouvelle fois, soudain inquiète.

— Il se passe quelque chose avec Jungkook ? Demanda-t-elle d'une petite voix déraillée en replaçant ses lunettes sur son arête de nez.

— Il... Hm... Hésitai-je quelques instants. Nous ne savons pas où il est, il a disparu...

Elle amena ses deux mains ridées à sa bouche, et ses yeux s'agrandirent sous le choc.

— Jungkook ? Murmura-t-elle, abasourdie. Mais pourquoi ? C'est un si gentil jeune homme, il me dit bonjour tous les matins en partant à l'école... Qui lui voudrait du mal ?

— Je ne sais pas madame.

Je ne savais même pas s'il y avait réellement quelqu'un derrière toute cette histoire. Il était fatigué ces dernières semaines, et je ne m'en étais qu'inquiété secrètement. Cela avait été une erreur, si j'avais su au point où nous en étions maintenant, je lui aurais tiré les vers du nez jusqu'à ce qu'il ne m'avoue la raison de sa fatigue. Parler était l'un des meilleurs remèdes, et il fonctionnait avec Jungkook.

Respectueusement, je me courbai devant la grand-mère en lui promettant de la tenir au courant le plus vite possible si nous avions des nouvelles. Elle fit de même, me remercia et lorsqu'elle eut fermé sa porte, je me retournai vivement pour revenir au seuil de l'appartement de Jungkook, là où Taehyung frappait comme un dératé sur le bois.

Les bras ballants autour du corps, je me mis à observer l'état lequel cette histoire le mettait. Ses cheveux à l'encre de Chine collaient à son front, et le peu de fois qu'il m'avait attribué un regard, je n'avais vu qu'un océan de stress, et de peur. Celui-ci a été la toute dernière personne à voir Jungkook.

Après qu'il se soit endormi dans ses bras, à l'infirmerie, Taehyung avait décidé de le ramener ici, à son appartement. Je ne savais pas ce qu'il s'était passé entre eux, il avait un peu évité le sujet à vrai dire. Il m'avait seulement résumé vite fait ce qu'il avait fait, soit l'aider à se laver, le faire manger, et qu'il avait veillé sur lui toute la nuit. Maintenant, il se morfondait sur lui-même en se rejetant la faute de ce qu'il était en train de se passer. Selon lui, il n'aurait jamais dû le laisser seul lorsque Jungkook lui avait assuré qu'il allait mieux, au petit matin. Je n'avais fait que d'approuver ce qu'il disait, et cela l'avait fait gueuler. Je ne croyais désormais plus à une probable maladie, Taehyung aurait dû repérer des symptômes avant de partir, soit une heure avant l'envoie de son message me prévenant de son absence.

Qu'est-ce qu'il y avait eu entre le moment où son patron était parti, et son message ?

Je ne voulais pas croire à un enlèvement, mais il y avait tellement de possibilité que je n'arrivais plus à penser raisonnablement. Suicide, meurtre, fuite, overdose et j'en passe.

— Jungkook ouvre cette putain de porte ! Hurla Taehyung, au bord de la folie.

— Crier ne sert à rien, insistai-je tout bas, il n'est peut-être pas ici.

— Bien sûr que si, il est ici ! Je le sais !

— Comment pouvez-vous en être aussi sûr ?

— Je le sens c'est tout !

Il y avait un lien entre eux deux, un lien que je ne saurais expliquer, mais il était fort, indestructible, que même Dieu ne pourrait briser. Je n'avais jamais vu deux âmes aussi perdues avec un besoin d'être ensemble pour avancer. Peut-être même qu'ils ne comprenaient pas eux-mêmes ce besoin, ce désir fondamental à leurs yeux, à leur cœur. Je l'avais déjà expliqué à Jungkook, mais à présent que je voyais dans quel état était son patron, et quel pouvoir il avait sur lui, cela n'avait fait que confirmer mes hypothèses. Ils avaient besoin de l'un et de l'autre pour pouvoir guérir, c'était irréversible.

Je soupirai, perdu. Mon regard glissa sur le digicode, ouvert sur les touches. Nous n'avions pas réussi à trouver le code, et cela aurait pris un temps infernal à tester toutes les combines à quatre chiffres. J'avais engueulé Taehyung lorsqu'il m'avait dit que lorsqu'ils étaient rentrés, il n'avait pas regardé Jungkook faire le code car il écrivait un message à un dénommé Seokjin. Il n'avait vu que le dernier chiffre, un, mais cela ne nous aidait pas beaucoup. Mon coup de gueule n'avait fait que d'alimenter la culpabilité qui le rongeait depuis une trentaine de minutes.

ARGENT MIN :
Alors ? Vous l'avez retrouvé ?
Seokjin ne tient pas en place.

Minkyung était resté travailler au café. C'était lui qui m'avait prévenu de l'absence de Jungkook au service en ce Mardi soir, comme hier. Même si je m'étais douté qu'il n'allait pas se rendre à son travail, j'avais eu un brin d'espoir. Espoir en vain. Et aujourd'hui, j'avais décidé d'en finir, d'aller déterrer mon ami au fin fond de sa grotte – si grotte il y avait. Cette mauvaise blague avait assez durée.

À son message, vers dix-huit heures, alors que j'étais en train de tenter de rassurer Haneul concernant la disparition de Jungkook, je suis directement parti pour mettre à termes cette mascarade. Comme je ne savais pas où il habitait, j'avais jugé préférable d'aller demander à son travail, là où il y avait forcément ses coordonnées. Taehyung était en train de parler de je ne savais quoi au dénommé Seokjin, derrière le grand bar, et lorsque j'ai demandé où il habitait, celui-ci s'était rué vers la sortie. Alors je l'avais suivi, à pied, et cela faisait plus d'une demi-heure que nous tentions d'avoir un quelconque signe de la part de Jungkook. Mais rien, il y avait seulement le silence d'un mort.

— Peut-être est-il rentré chez sa mère ? Supposai-je, à court d'idée.

— Non, coupa-t-il, le front posé contre la paroi de la porte.

Je fronçai les sourcils, il commençait à me taper sur les nerfs.

— Comment vous pouvez le savoir ? Il a laissé un mot ? Fis-je avec sarcasme, agacé.

— Il y a sa voiture au pied de l'immeuble !

— Eh bien peut-être qu'il a pris un taxi et qu'il s'y est rendu en train !

Il se tourna vers moi, une main restant coller sur la porte. Je venais de lui couper l'herbe sous le pied, il n'avait pas pensé à cette possibilité. De son autre main, il se massa quelques secondes les yeux et se redressa correctement sur ses hanches, avant de sortir son téléphone dans un soupir exténué. Il y tapota quelques fois avant de se figer devant le contact « Mme Jeon ». Depuis quand avait-il son numéro ? Est-ce que Jungkook était au courant ?

— Je ne sais pas si c'est une bonne idée... Murmura-t-il, le regard rivé sur le nom.

— Pourquoi ?

— Elle est avocate, elle n'hésitera pas à envoyer la police.

Ma bouche forma un « o » et je continuai à fixer l'écran. Je me grattai nerveusement la nuque, ne savant plus vraiment quoi penser.

— Petite ou grande ?

— Un bon petit mètre soixante, répondit-il, le visage en l'air avant qu'il ne me regarde furieusement. À quoi ça va nous servir de savoir sa taille, au juste ?

Je levai les yeux au ciel. En plus d'être insupportable, il était con comme un manche à balais.

— C'est une petite, ou une grande avocate ?

— Jungkook dit qu'elle est très compétente.

Je me mordis les lèvres. Si c'était une grande avocate, ça allait faire pas mal de bruit et s'il allait en réalité « bien », il nous en voudrait à tous les coups d'avoir prévenu sa mère et que la police ne s'en soit mêlée. Surtout qu'il n'avait pas l'air d'être très friand de la police, d'après les hypothèses qui trainaient dans ma tête à son sujet.

— On peut toujours essayer de l'appeler, insistai-je. Au moins pour lui demander s'il est vers elle, et si ce n'est pas le cas, on pourrait essayer de savoir le code de sa porte. Peut-être qu'elle le sait.

Il se contenta de hausser les épaules en amenant tout de même son pouce près du petit téléphone, en bas du numéro. Après quelques instants à peser le pour et le contre dans sa tête, il y appuya finalement et amena son cellulaire à son oreille en se passant une main sur le front.

Mon cœur battait de stress, si elle venait à ne pas répondre, on allait devoir se débrouiller pour trouver la combinaison du code. Nous avions déjà essayé sa date de naissance, sauf qu'elle finissait par neuf, le mois de septembre, et comme Taehyung disait qu'il était sûr que ça terminait par un, nous n'avions pas été surpris lorsque le digicode avait refusé l'accès en un son pas très sympathique.

Ce dernier lâcha un énième cri de frustration et rangea son portable dans sa poche de pantalon noir, avant de se prendre la tête des deux mains. Elle n'avait pas répondu. Elle devait être sûrement encore au travail à cette heure-là, ça ne m'étonnait pas.

— Qu'est-ce qui peut finir par un... souffla-t-il, les mains tirant avec force ses cheveux. Finir par un...

Je me mordis l'intérieur de la joue. Je ne savais pas lequel de nous deux connaissait le plus Jungkook, il restait un cas mystérieux et difficile à cerner. Sûrement qu'il connaissait une facette différente de celle que moi, je connaissais.

Un soupir sortit d'entre mes lèvres, je commençais à avoir mal au crâne à réfléchir dans le vide, sans un indice qui pouvait sous éclairer sur une possible combinaison.

Soudain, une ampoule s'illumina au-dessus de ma tête et je m'exclamai:

— Un code est très souvent relié à un événement dans une vie, non ?

Il me jeta un regard énervé en retirant ses mains de ses cheveux ébène. Sa mâchoire était tellement contractée que ses os ressortaient légèrement de ses joues creusées, cela devait être l'apocalypse dans sa tête, et pourtant, il y avait quelque chose d'étrange. Jungkook avait disparu, mais il semblait beaucoup moins terrifié que quand il essayait de le calmer. Je ne comprenais pas pourquoi. La petite croute à sa joue gauche n'avait pas disparue.

— Ce n'est pas le moment de philosopher, grinça-t-il entre ses dents.

Je levai les yeux au ciel. Combien de fois l'avais-je fait depuis que nous étions devant l'appartement de mon ami ? Beaucoup trop de fois pour toutes les compter.

— Je ne philosophe pas ! Répliquai-je sur les nerfs, pour qu'une personne se souvienne d'un code, elle tendance à mettre une date qui l'a marquée ! Comme sa naissance, le jour de sa mise en couple, la mort d'un proche, ou encore je ne sais pas moi, la date de naissance de son chien !

Taehyung écarquilla légèrement les yeux, et sa mâchoire se décontracta d'un coup.

— La mort d'un proche... Murmura-t-il pour lui-même. La mort de son père et de son frère...

Il ouvrit grand la bouche comme s'il venait de trouver une carte au trésor et se rua d'un coup sur le digicode. Je le suivis, abaissé, et regardai ses doigts tremblants appuyer sur les touches.

Zéro, quatre, zéro, un.

Une petite sonnerie amicale résonna dans le couloir et la porte se déverrouilla de quelques centimètres. Mon cœur avait arrêté de battre à cette mélodie, putain, il y était arrivé. Il avait trouvé le code. Heureusement qu'il m'avait accompagné, j'aurais été incapable de deviner cette information, Jungkook ne m'avait jamais raconté cette partie de lui.

Taehyung et moi nous échangeâmes un regard. Maintenant que la pression du code avait disparue, celle de la possible présence de mon ami à l'intérieur venait de prendre le dessus d'une force insupportable. Mon pouls beaucoup trop accéléré à cause de l'inquiétude et de la peur résonnait dans mon crâne, et je sentais une migraine commencer à emménager. Les yeux de Taehyung reflétaient, eux aussi, un stress omniprésent. Nous avions tout deux peur de ce que l'on allait découvrir à une fois la porte franchie.

Il souffla longuement et poussa cette dernière d'une paume habile, et elle s'ouvrit dans un léger grincement.

La pièce était plongée dans le noir, les volets étaient fermés, et directement, une horrible odeur de renfermer et de transpiration nous monta aux narines. Depuis quand ça n'avait pas été aéré ? Il n'y avait plus une seule molécule d'oxygène.

La lumière du couloir illuminait légèrement ce qu'il y avait devant nous et ma respiration se coupa. C'était le chaos, tout était sans dessus dessous. Des vêtements trainaient au sol, des paquets de gâteaux, différents objets dont un téléphone à quelques pas de nous complètement réduit en morceaux. Il n'était plus utilisable. L'état de la pièce me fit tourner de la tête, on aurait dit que deux personnes s'étaient battues.

— Jungkook, murmura le patron à mes côtés, Jungkook...

Sans même écouter ma mise en garde, il se dirigea à grand pas vers le fond de la pièce, là où se dressait un lit double. Je me mis à trembler. Il était là, juste sous les draps qui formaient une légère bosse grâce à son corps.

Taehyung monta sur le matelas en continuant de l'appeler par son prénom, tandis que je m'approchais avec prudence jusqu'à la fenêtre que j'ouvris. Ne savant pas depuis combien de temps il était plongé dans le noir, je ne fis que d'entrouvrir les stores pour laisser passer l'air pur et faire un peu de lumière. Allumer celles au plafond auraient agressé ses rétines et cela serait extrêmement nocif pour sa vue. Je me reportai au lit, où Taehyung avait pris le corps suant de Jungkook contre lui. Il lui secouait la main, lui demandait d'ouvrir les yeux, de dire quelque chose, mais il n'y avait aucune réaction. Rien.

Comme si plus aucune âme n'habitait son corps.

Cette vision me donna un horrible frisson. Ses yeux étaient clos, sa bouche légèrement ouverte, sa peau aussi pâle qu'un cadavre, ses mèches trempées collaient à son front et il n'était qu'habillé d'un simple t-shirt et d'un short. Son visage était masqué d'une tranquillité terrifiante.

Le patron de Coquelicot s'essuya rapidement les joues à l'aide de sa manche de pull, et un reniflement me fit sortir de mon état de sidération. Je n'arrivais pas à ôter mes yeux de Jungkook. Je pensais m'être préparé à tout, mais en réalité, ce n'était pas du tout le cas. Je ne savais pas si j'aurais préféré qu'il soit absent que d'être confronté au cadavre de mon ami.

Le regard larmoyant de Taehyung rencontra le mien lorsqu'il posa une oreille contre la poitrine de Jungkook, et l'ambiance replongea dans un silence de mort. Je n'osais même plus respirer, et je me mis à me triturer les doigts nerveusement.

Puis il se redressa, et d'une vitesse hors-norme, il me tendit son téléphone déverrouillé.

— Appelle Seokjin, ordonna-t-il ne me jetant aucun regard, celui-ci porter sur le visage paisible qu'il avait dans les bras, dis lui de demander à Bambam d'abandonner son service et de venir ici.

D'une main tremblotante, je pris le cellulaire et allai chercher dans ses contacts le fameux nom. Il y avait une tonne de noms bizarres, du genre M, P, ou encore des noms pas du tout coréens. Le profil de la personne souhaitée trouvé, je regardai à nouveau Taehyung, qui caressait du bout des doigts une joue de Jungkook. Il le soutenait comme on portait un enfant, c'en serait presque attendrissant si le contexte avait été autre.

— Il... Il respire ?

— Oui.

Je lâchai un puissant soupire de soulagement en me mettant une main au niveau du cœur. Il était vivant. Il n'était pas mort. Mon corps se détendit instantanément en libérant tout le stress qu'il avait accumulé ces derniers jours. Rassuré, j'appelai le dénommé Seokjin, et, en amenant le téléphone à mon oreille, je demandai :

— Qui est Bambam ?

Je n'eus toujours aucune attention, comme si je n'existais plus mais qu'il entendait tout de même ma voix. Il semblait complètement obnubilé par mon ami.

— Un de mes employés qui est en dernière année d'étude de médecine, il est ami avec Jungkook.

Alors que j'allais répondre, je fis pris de court lorsqu'une voix me détruisit les tympans.

Taehyung ! Bordel de cul dis-moi que tu as retrouvé Jungkook !

— Hm... Ce n'est pas Taehyung mais oui on l'a retrouvé...

Comment ça, ce n'est pas Taehyung ?

— C'est Jimin, celui qui est venu demander l'adresse de Jungkook il y a à peine une heure.

Qu'est-ce que tu fais avec son téléphone ?

Il paraissait tellement sur la défensive que c'en était presque déconcertant, pour ne pas dire étrange.

— Il m'a demandé de vous appeler pour vous demander de dire à Bambam de venir chez Jungkook, on a besoin de lui.

Qu'est-ce qu'il a ?

— Il n'est pas en très bon état, avouai-je en posant mon regard sur le concerné, il respire mais semble inconscient. Taehyung n'arrive pas à le réveiller.

Bambam arrive.

Puis il me raccrocha au nez. Le stress devait lui faire perdre ses moyens, lorsque Jungkook et Minkyung parlaient lui, il semblait vraiment sympathique. Et puis rien que de vue, il le paraissait.

Je rendis le téléphone au propriétaire et l'informai que je descendais au pied de l'immeuble pour accueillir ledit Bambam. Il me répondit mollement d'un mhh que je pris pour un accord. Je ne savais vraiment pas comment Jungkook avait réussi à avoir le béguin pour un homme comme lui, il était insupportable.

Je sortis rapidement du petit appartement, et pris soin de laisser la porte ouverte. Même si je savais maintenant le code, il fallait que l'air soit renouvelé. Je descendis rapidement les marches des deux étages et me pointai droit comme un poteau à l'entrée de l'immeuble.

En attendant notre médecin, je sortis mon téléphone et prévins Haneul et Minkyung à propos de Jungkook. Je leur dis la même chose que j'avais dis à Seokjin, avec quand même un peu plus de détails sans aller à faire psychoter. Enfin, Haneul allait être quand même morte de trouille pour lui mais le fait de savoir qu'il était en un seul morceau allait la rassurer un minimum.

En un seul morceau...

À vrai dire, je n'étais pas si sûr de ce que j'avançais. Je ne pouvais être sûr de rien tant que je ne savais pas pourquoi il était inconscient.

Une ombre se pointa devant moi, me faisant lever le visage de mon écran pour les planter dans un jeune homme d'environ mon âge. Il semblait avoir couru le pire marathon de sa vie et il reprenait sa respiration en se tenant à ses genoux. Ses cheveux étaient colorés d'un rouge assez foncé, et il était encore en tenue de serveur.

— Tu es Bambam ? Demandai-je en rangeant mon téléphone dans ma poche arrière.

À peine eut-il acquiescé que je l'emmenai avec moi pour retourner au second étage. Heureusement qu'il avait l'air tout aussi sur les nerfs que moi et donc qu'il se dépêchait dans les escaliers, parce que sinon je crois que je l'aurais tiré par la peau sans avoir pitié.

De retour à l'appartement, Taehyung était toujours dans la même position et berçait tendrement le corps inconscient, comme s'il cherchait à apaiser les pleurs d'un nourrisson.

Il se tourna vers nous, nous ayant entendu arriver, et lorsque Bambam se précipita vers le lit, il eut du mal à lâcher son petit protéger. Si celui-ci n'avait pas été médecin – en tout cas spécialisé dans la médecine, il n'aurait pas hésiter à lui remettre les bretelles en place.

Jungkook fut recouché à nouveau dans son lit, et nous avions retiré entièrement la couverture. Le patron se daigna à reculer de quelques pas pour laisser la place à Bambam de faire son travail. Il avait perdu beaucoup de poids.

Planté au pied du lit, je le regardai l'ausculter pendant un temps qui me paraissait infiniment long. Pour Taehyung aussi d'ailleurs, il ne perdait pas une seule miette des gestes que l'étudiant de médecine faisait sur Jungkook, et semblait prêt à bondir au moindre faux mouvement.

Mon téléphone vibra.

MON CŒUR:
S'il te plaît, amène-le à la maison
si ce n'est pas trop grave.

Je ne savais pas vraiment quand est-ce que j'allais rentrer. J'espèrerais pas trop tard, et que la raison du pourquoi Jungkook était dans cet état n'était pas si grave.

— Choc émotionnel, conclut Bambam en se redressant.

C'était grave ou pas ?

— Il va se réveiller ? Demanda directement son patron.

— Sa tension est très basse et sa chaleur corporelle beaucoup trop élevée, il faudrait lui passer un coup d'eau tiède...

— Je m'en occupe.

En moins de deux secondes, le corps inactif de notre ami se retrouva dans les bras de Taehyung, qui se dirigeait déjà vers une porte juste en face, donnant sûrement accès à une petite salle d'eau. Je lui avais proposé mon aide, mais il m'avait rapidement remis à ma place. Décidément, je ne l'appréciais absolument pas.

Je lâchai une injure inaudible en direction de la porte fermée et allai ouvrir complètement les volets, ainsi que les fenêtres.

La lumière des réverbères illumina d'autant plus l'état de la pièce. C'était un vrai dépotoir. Je n'arrivais pas à comprendre ce qu'il avait pu se passer de si choquant pour qu'il devienne complètement fou, à carrément en renverser son appartement.

Bambam s'était assis sur le lit, et ses deux bras soutenaient sa tête, appuyés sur ses cuisses.

— Pourquoi il est inconscient ? Demandai-je, incertain de ma question.

Ses yeux chocolat auparavant fixés sur la porte de la salle d'eau, d'où résonnait la pomme de douche, dérivèrent sur moi. L'une de ses mains passa dans ses cheveux et il se lécha un coup les lèvres avant d'articuler:

— Son corps s'est mis en stand by, si je puis dire.

Stand by ?

— Mh, le choc devait être si intense qu'il ne l'a pas supporter. En fait, ce n'est pas vraiment de l'inconscience là, c'est plutôt une sorte de sommeil tellement profond que ça va être dur de le réveiller.

— Comme un coma ? Je me mordis l'intérieur de la joue.

— On peut dire ça, mais il n'en est pas à ce stade là. Je pense seulement que lorsqu'il se réveillera, il faudra vraiment qu'il soit rassuré au risque de partir en crise de panique.

Ok, donc il allait vraiment falloir que je trouve la raison de son état pour pouvoir le rassurer. C'était la seule solution, et il devait bien y avoir un indice quelque part dans cette pièce.

Je me mis donc à parcourir du regard chaque objet au sol, les vêtements, les bibelots, les feuilles, les paquets de gâteaux, son téléphone fracassé.

— Je ne sais pas ce qui a provoqué ce choc, continua-t-il, mais cela devait être sacrément sévère pour que son corps se mette en stand by. Ça fait au moins trois jours qu'il est endormi.

Je ne fis que de hausser la tête en termes de réponse. Bon sang mais qu'est-ce qu'il pouvait y avoir eu ? Après réflexion, je demandai à Bambam de m'aider à ranger un peu la pièce et d'essayer de trouver quelque chose qui pouvait nous éclairer sur les faits. J'avais l'impression d'être un détective privé qui cherchait un quelconque indice sur la scène de crime pour son dossier en cours, ou un homme d'entretien. Le rôle de détective était quand même mieux.

À nous deux, nous ne mîmes pas longtemps pour tout remettre en ordre, les feuilles entassées sur son bureaux, les déchets à la poubelle, et, vers la seule commode de la pièce, je pris au sol un cadre renversé. Puis une étrange sensation m'enveloppa lorsque je le retournai.

C'était une photo de famille sur un fond gris, comme s'ils avaient été à un photoshooting. Cela devait être la famille de Jungkook, je le reconnaissais dans ce tableau. Par contre, je ne savais pas lequel c'était, car il y en avait deux. Il y avait deux petits Jungkook qui se ressemblaient comme deux gouttes d'eau d'une dizaine d'année. Je ne savais pas qu'il avait un jumeau.

À leur côté, il y avait un autre garçon, un peu plus grand, qui ne leur ressemblait pas vraiment pour le coup. Il avait tout pris de leur père, qui n'était pas asiatique et carrément imposant, bonne carrure et bruns aux yeux verts, je ne savais pas de quelle origine il était. Il devait sûrement venir d'Europe à en juger son physique. Puis pour compléter ce magnifique tableau, il y avait une très belle femme coréenne qui ressemblait trait pour trait à Jungkook et son jumeau. Ce dernier avait un sourire remplit de joie, un sourire que je voyais très peu depuis que je le connaissais.

Avec moi, il n'avait pas évoqué la mort de son frère et de son père, mais c'était grâce à ça que nous avions pu entrer ici, car Taehyung s'était souvenu de cette histoire. Je ne savais pas si c'était son jumeau ou son grand-frère qui avait rejoins l'autre côté de la ligne, mais savoir que l'homme, son père, de cette photo avait perdu la vie, je ne pouvais pas m'empêcher d'être triste pour cette si belle famille.

Je reposai le cadre sur la commode et mon regard fut attiré par le bout d'une feuille coincé entre le meuble et le mur. Mais je n'eus le temps de la retirer que Bambam lâcha un léger cri de stupeur.

— C'est quoi ça ?!

Je me retournai instinctivement et le rejoignis au pied du lit. Il tenait un ensemble de trois feuilles entre ses mains et ses yeux glissaient sur les lignes. Je fronçai les sourcils, il semblait vraiment choqué de ce qui se trouvait devant lui. Il me jeta un regard et me tendit les feuilles, que je pris lentement, incompréhensif.

— Ca fait carrément flipper ce truc, fit-il en pointant la raison de son état.

Prudemment, je quittai le regard effrayé de Bambam et glissai le mien sur ce que j'avais dans les mains. C'était une lettre, mais écrite avec des lettres provenant de différents magazines, plus ou moins grosses. Il n'y avait aucun propos insultants mais les phrases me donnèrent de mauvais frissons pour ne pas dire envie de vomir.

« Cher Jungkook,

Je souhaiterai te dire que je t'admire, et que chaque jours je pense à toi. J'ai pu remonter jusqu'à l'adresse de chez toi car je te suis à chacune de tes sorties de ton école de cinéma.

J'ai découvert tous tes plus grands secrets, y compris celui concernant Tokyo, et sache que je t'admire pour ça.

Mon cœur ne bat plus que pour toi, laisse-moi être ton Tim Burton. »

Une boule de colère se manifesta dans le creux de mon estomac. Immense, replie de trahison, de dégout, et surtout de déception. C'était ça qui l'avait mis dans cet état, et je n'avais jamais été aussi certain de moi.

Pourquoi ? C'était simple.

Furieusement, je plaquai la lettre sur le torse de Bambam et sortis à grand pas de l'appartement pour le couloir. Je laissai la porte ouverte pour tout de même avoir un œil sur ce qu'il se passait à l'intérieur et d'une seconde à l'autre, mon téléphone patientait déjà à mon oreille. Je sentais mon cœur battre dans mes veines, dans mes tempes, tellement la colère me rongeait entièrement. Un seul reproche de la part de quelqu'un et j'explosais.

All-

— Hoseok, coupai-je directement en cherchant à maintenir mes émotions, tu es le plus gros salopard que la Terre n'ait jamais connu.

Je l'entendis déglutir difficilement face au calme olympien dans lequel j'avais articulé mes propos. Il savait que je n'insultais que très rarement, même presque jamais, et que quand je le faisais, ce n'était pas parce que la tomate avait rejoint les courgettes.

Pourquoi j'étais sûr de ce que j'avançais ? Simplement parce que l'auteur de cette lettre était mon très cher meilleur ami.

Finalement, je finis par me laisser emporter par les sentiments. Cette haine envers Jungkook avait assez durée.

— Qu'est-ce qu'il t'a pris à faire cette lettre bordel de merde ?! Hurlai-je dans le combiné.

Mais de quoi tu parles ? Quelle lettre ?!

Je me pinçai l'arête du nez de deux doigts, du calme Jimin, du calme.

— Ne joue pas à ce jeu avec moi Hoseok, c'est perdu d'avance, grinçai-je.

Il ne me répondit pas, et cela eut le don de m'agacer encore plus. Tourné vers l'appartement, je vis Taehyung sortir de la salle d'eau et ouvrir plusieurs tiroirs de la commode en empilant des habits et un boxer sur son bras. Avant de retourner s'occuper de mon ami, il me jeta un regard perçant, sûrement intrigué du pourquoi j'étais au téléphone et gueulais, puis repartit vers Jungkook sans demander son reste. Bambam me regardait lui aussi depuis l'intérieur, continuant de ranger sans trop de motivation.

— Très bien, souffla Hoseok. Comment tu l'as deviné ?

Mon cœur se comprima, il avouait que c'était lui. Indirectement, certes, mais les faits étaient là. Je ne savais pas ce qui était pire entre découvrir la trahison ou la personne admettant que c'était vraiment elle la cause de cette catastrophe.

— Comment ? Ris-je nerveusement, bah peut-être parce qu'en venant chez toi Mercredi j'ai vu des magasines découpés dans ta poubelle.

Merde...

— Merde ? C'est tout ce que tu trouves à dire après ce que tu as fait ? Je lâchai un rire méprisant. Tu ne te foutrais pas un peu de ma gueule, par hasard ?

Ce fut à son tour de rire d'un rire déplaisant qui ne fit qu'empirer ma colère.

Jimin, ce mec, je ne le sens pas du tout ! Il pollue notre relation, et celle que j'ai avec Lisa ! Jungkook par-ci, Jungkook par-là, putain j'ai une tête comme ça moi à force !

— Je pense que celui qui pollue le plus la nôtre, c'est toi Hoseok.

— Je te demande pardon ?

— Je n'ai jamais rien dis à propos des remarques désobligeantes que tu faisais à son égard, fis-je en faisant les cent pas dans le couloir. Mais là, tu es allé trop loin ! Putain Hoseok ça fait cinq jours que je n'avais pas de nouvelle de lui à cause de tes conneries et là, je le retrouve à moitié mort !

Je n'eus aucune réponse, simplement un soupir las et ennuyé. Je me retins d'une force venue des cieux à ne pas balancer mon téléphone contre le sol. C'était un cadeau d'Haneul alors s'il pouvait m'éviter de le fracasser, ce serait sympa.

— Tu n'en as rien à faire, hein ? Fulminai-je.

Clairement ? Rien à foutre.

— Mais tu te rends compte de ce que tu dis ?! M'écriai-je, complètement abasourdi par sa réponse. S'il décide de porter plainte contre toi, qu'est-ce que tu vas faire, hein ? Et puis c'est quoi cette histoire de secret, dont celui de Tokyo ? Où est-ce que t'as eu son adresse ? Tu l'as vraiment suivi ?!

Je l'entendis soupirer une énième fois. S'il avait été devant moi, ma main serait partie en un coup d'adrénaline. Je ne le supportais plus depuis un bon moment et j'aurais dû lui donner cette claque imaginaire depuis bien longtemps.

— Je suis informaticien, Jimin. Les ordinateurs ça me connait et trouver l'adresse de quelqu'un est un jeu d'enfant. Niveau secret, j'ai mis ça pour le remettre sa place et j'ai simplement parlé de Tokyo parce qu'il avait dit qu'il n'avait pas envie d'y retourner, ses réactions étaient vraiment bizarre quand on parlait de votre voyage d'Avril !

Je n'arrivais pas à le croire. C'était tout bonnement irréfléchi, il n'avait absolument pas pensé aux conséquences que sa putain de lettre allait avoir. Il n'en avait donc vraiment rien à faire d'avoir failli avoir une mort sur la conscience. C'était un véritable gamin immature, il aurait pu parler, mettre les choses au clair avec Jungkook en face à face au lieu de l'enfoncer dans un gouffre.

Je lâchai un long soupir en m'arrêtant de faire les cent pas dans la longueur du couloir.

Alors que j'allais répliquer pour définitivement lui clouer le bec, j'entendis Taehyung appeler Bambam qui me regardait depuis l'entrée de l'appartement. Celui-ci se rua à l'intérieur et mon sang ne fit qu'un tour.

— On en reparlera quand on se verra, conclus-je rapidement, j'ai autre chose à faire.

Je ne lui laissai pas le temps de répondre et raccrochai pour venir m'engouffrer dans la pièce un peu plus en état qu'avant. Le corps de Jungkook était de nouveau allongé sur son lit, propre comme un sous neuf, et habillé d'un simple jogging et d'un sweater avec une Joconde multicolore comme motif. Ses cheveux avaient même été lavés et séchés. Bambam était penché au-dessus de lui et semblait l'ausculter une seconde fois en mettant sa lampe torche de téléphone dans ses yeux ouverts.

— Jungkook, est-ce que tu m'entends ? Demanda-t-il en éteignant la lumière aveuglante tandis que je m'avançai au pied du lit.

Taehyung était accroupi près de lui, juste à côté de son employé, et tenait la main de Jungkook dans la sienne. Il était réveillé, enfin. Mais son visage n'affichait toujours aucune expression, et ses yeux semblaient être faits de verre. Il ressemblait à une poupée, sans aucune âme, neutre, et cela me fit frissonner d'effroi. Bambam lui demanda de serrer sa main – qui était en réalité celle de son patron, et il eut enfin une réaction. Ses doigts s'étaient doucement rétractés sur la paume de Taehyung, qui affichait un sourire rassuré.

— Quand est-ce qu'il a ouvert les yeux ? Demandai-je.

— À l'instant, répondit laconiquement le patron.

Bambam se redressa sur ses hanches et en profita pour se faire craquer le dos. Lui aussi était plus tranquille maintenant que la tension retombait.

— Il va mettre un moment à s'en remettre, fit-il, il ne faudra pas le brusquer et quand il sera remit, il faudra lui expliquer la vérité en tentant de le rassurer au maximum. C'est possible qu'il ne s'en souvienne pas à cause du choc, mais on ne sait jamais.

Puis il se tourna vers nous deux, en jonglant entre nos deux regards.

— Il ne faut pas qu'il reste seul, qui peut le prendre chez lui ?

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