00:48:00


Onze heures deux.

Lassé d'étudier, je fermai mon cahier de cours et le jetai sur la table basse parmi tous les autres. Je n'arrivais pas à me concentrer correctement depuis que j'avais tout avoué à Jimin, soit depuis près d'un mois. Celui-ci était sorti de l'hôpital la semaine dernière et grâce au don de Taehyung, sa maladie n'allait être plus qu'un souvenir – si tout allait bien. Avec succès, son corps avait accepté la greffe et même s'il se sentait encore un peu faible, ce n'était rien à côté du soulagement.

Malgré ces bonnes nouvelles, il y en avait une un peu moins bonne, qui était la raison du pourquoi je n'arrivais plus me concentrer. Déjà, comme je l'avais pressenti, la relation entre Minkyung, Jimin et moi n'était plus aussi stable qu'avant et cela me rendait malade. Même s'ils avaient été content que je me sois ouvert à eux, ça ne changeait rien au fait que désormais, ils étaient détendeur d'un lourd secret qui pourrait m'envoyer en prison en à peine vingt-quatre heures. Il allait falloir que l'on en rediscute tôt ou tard pour mettre correctement les points sur les i.

La seconde chose concernait Taehyung, car je m'étais souvenu de quelque chose qui me tordait le ventre. Lorsque j'ai raconté mon histoire à mes deux meilleurs amis et que j'en étais venu au moment où je me réveillais dans ma chambre d'hôtel avec l'impression d'être souillé, des flashs m'étaient passés devant les yeux où je voyais ce qu'il s'était réellement passé. Et la personne que j'avais distinctement vue, était Taehyung, actuellement mon petit-ami depuis près de trois mois. Je nous avais vu s'embrasser, s'enlacer sous la chaleur des néons bleus, et devenir complètement fou l'un de l'autre. Mais je me souviens aussi dans quel état je l'avais trouvé avant que je n'entre dans un état second, et que je l'emmène à ma chambre d'hôtel. C'était dans cette ville que nous nous étions rencontrés pour la première fois, mon impression de déjà-vu ne m'avait pas trompé. Sauf que, pourquoi diable avais-je fait ça ? Pourquoi avais-je pris un tel risque de l'emmener dans mon hôtel, et surtout pourquoi avions-nous couché ensemble alors que nous ne nous connaissions même pas ?

Depuis que ce passage m'était revenu, je m'étais légèrement éloigner de Taehyung. Celui-ci s'en rendait naturellement compte, mais je faisais passer cet éloignement pour le stress des examens de fin d'année. Je ne pense pas qu'il ait totalement cru à mon mensonge au vu de sa mine fermée depuis un mois. Cela faisait aussi un petit moment que nous ne nous étions pas embrassés, et au fond, cela me manquait cruellement. Sauf que, est-ce qu'il se souvenait de ce qu'il s'est passé entre nous il y a quatre ans ? J'en venais même à rentrer plus souvent à mon appartement alors que je m'étais mis à habiter plus chez lui, que chez moi. Mais lorsque je rentrais, je ne pouvais pas m'empêcher d'éprouver un réel manque de sa présence. Même si l'on ne se comportait plus comme avant, je ressentais toujours la même chose à son égard. Mon cœur disait la vérité, alors que ma mémoire me tendait sans arrêt des pièges qui pourrissaient ma relation avec lui.

Je n'en pouvais plus.

D'un côté, j'avais peur de lui en parler au risque qu'il ne s'en souvienne pas et que les tensions éclatent pour de bon. De l'autre, je me sentirais soulagé si l'on en discutait calmement, même si la peur était toujours au rendez-vous. Mais maintenant que nous nous étions éloigné l'un de l'autre, jusqu'à ne presque plus se parler, comment allais-je faire pour amener le sujet ? Je voulais que cette bataille dans mon esprit cesse pour de bon et que je retrouve notre relation telle que nous l'avions laissé.

Je soupirai en me prenant le visage dans les mains, les deux coudes posés sur mes cuisses. Une petite truffe vint me sentir le mollet, et je laissai apparaître un œil entre deux doigts pour regarder Yeontan, qui battait de la queue. Nous étions Dimanche, et je passais le week-end chez Taehyung quand bien même les tensions. En fait, nous restions ensemble par besoin. Il avait besoin de moi, j'avais besoin de lui. Je ne pouvais pas rester éloigné de lui plus de deux jours, et même si cette dépendance finirait par me rattraper un jour, j'enfouissais cette réalité. Cela faisait près de deux heures que mon patron était parti faire les courses, et ne le voyant pas revenir, je commençais à légèrement m'inquiéter. Avait-il eu un accident ? S'était-il fait arrêté par la police pour conduite en état d'ivresse ?

Même s'il se forçait à ne plus boire comme avant depuis que nous étions ensemble, une addiction ne pouvait pas disparaître du jour au lendemain. Je savais que c'était très dur pour lui, mais lorsque je posais mon regard sur lui en train de fixer une bouteille d'alcool, je voyais une certaine rage mélangée grande détermination. Son objectif vers la victoire n'était pas tombé malgré nos tensions. Comment ne pas être fier de lui ? C'était impossible.

Las, je me redressai et pliai mes jambes en tailleur sur le canapé. D'une main je pris mon sac à dos à mes côtés et en sortis le t-shirt Gucci que j'avais trouvé dans ma valise il y a quatre ans. Comme Taehyung avait lui aussi des habits de cette marque, je me disais que, logiquement, il devait lui appartenir. Je ne l'avais jamais mis, il était simplement resté au fond de mon dressing durant ces quatre dernières années.

Ce que je ne comprenais pas, était que normalement, Taehyung ne « pouvait » pas avoir envie d'avoir des rapports sexuels cause du pouvoir qu'Eunji détenait encore sur lui. Alors comment avait-il pu me procurer autant de plaisir cette nuit-là ? A moins qu'il ne s'était pas encore fait abuser et qu'il était encore libre de ses mouvements...

— Ah !! Ca me rend fou !! Hurlai-je seul à travers l'immense salon en me tirant les cheveux.

Yeontan pencha la tête sur le côté, intéressé par mon comportement. Du coin des yeux, je le fixai quelques instants avant de lui demander, toujours d'une voix forte :

— Pourquoi est-ce que ton maître est si mystérieux ? Je me laissai tomber sur le dossier en soupirant. Voilà que je parle à un chien maintenant !

Au même instant, le bruit du digicode de l'entrée principale retentit et je me dépêchai de ranger le t-shirt dans mon sac. Le petit chien aboya joyeusement et se précipita vers la porte qui ne tarda pas à s'ouvrir sur Taehyung, trois sacs de courses pendus aux bras. Je me levai donc, contournai l'étagère qui séparait l'entrée et le salon, et le débarrassai entièrement pour y emmener la cuisine afin qu'il se déshabille tranquillement. Les trois sacs déposés sur le grand plan de travaille, je commençai à ranger jusqu'à ce qu'il vienne me rejoindre. Le seul regard qu'il m'accorda fut sur ma tenue ; j'étais encore en pyjama alors que midi approchait. Je gonflai les joues. Contrairement à lui, je n'étais pas toujours vêtu proprement, bien qu'il lui arrive de se mettre en sweater-jogging certaines fois.

En silence, nous rangeâmes ensemble les courses sans aucun commentaire, sans aucune parole. Je n'avais pas entendu sa voix depuis le début de la journée, et mon cœur faisait poids dans ma poitrine. Lors de mon réveil, il était déjà sorti du lit et à peine m'étais-je levé, qu'il venait de partir faire les courses. En outre, c'était la première fois de la journée que je le voyais et aucun de nous deux n'accordait un regard à l'autre.

Puis soudain, je m'arrêtai lorsque je sortis un paquet de surimi d'un des trois sacs. Cela faisait longtemps qu'il n'en avait pas acheté, pourquoi si subitement ? Sans pouvoir m'en empêcher, je me tournai vers lui avec le paquet dans une main. En rangeant une bouteille de sirop dans un placard, un sourire se dessina à ses lèvres comme s'il avait deviné la raison de mon arrêt. Mon cœur loupa un battement, depuis combien de temps n'avais-je pas vu cette si belle partie de lui ?

— Qu'est-ce qu'il y a ? Fit-il en continuant de ranger.

Sa voix roque me fit frissonner et je papillonnai des yeux quelques instants. Pourquoi ma mémoire refusait d'être du même avis que mon cœur ? Taehyung me manquait. Tout me manquait chez lui, ses lèvres, ses câlins, ses paroles douces, ses sourires, ses rires, absolument tout. Lorsque, toujours silencieux, je me rendis compte à quel point je l'aimais et comment avait évolué notre relation ce dernier mois, mes yeux s'humidifièrent jusqu'à ce qu'une larme s'écoule sur ma joue.

Qu'est-ce que j'avais fait ? Pourquoi avais-je peur de lui parler ?

— Jungkook ?

D'un léger sursaut, je levai la tête vers lui et vis qu'il me fixait avec surprise. D'un coup de manche, je me séchai les joues mais les larmes se firent de plus en plus régulières. Le paquet de surimi se retrouva de nouveau dans le sac de course, et je ne pus résister plus. En moins d'un instant, j'avais franchi les deux mètres qui nous séparaient et je m'étais blotti contre son torse, à le serrer de toutes mes forces pour y fondre en larmes.

Pris de court, il mit quelques instants à me rendre mon étreinte avec la même puissance que la mienne. Ce que je ressentais à ce moment-là était totalement indescriptible ; j'étais si soulagé de le reprendre dans mes bras que mon cœur en pleurait tout le stress qu'il avait accumulé à cause de cette histoire. Même s'il fallait que je lui en parle pour libérer mes épaules, j'avais l'intention de me réconcilier avant avec lui afin de limiter l'explosion des tensions. Si tensions il y avait, car j'étais tellement ivre de soulagement que je me demandais si j'avais encore une seule forme de colère en moi.

— Jungkook... Chuchota-t-il contre mon crâne.

— J-Je suis désolé, bafouillai-je contre sa chemise moutarde. Désolé, d-désolé...

Il continua à me réconforter par des caresses dans le dos pendant quelques minutes durant lesquelles je continuais de pleurer. Son menton était posé sur le haut de ma tête, et ses respirations lentes et régulières faisaient légèrement bouger mes cheveux. Quant à moi, j'engouffrai mon visage contre son épaule en le serrant comme je le pouvais. Je continuais à m'excuser par murmure, et il ne disait rien par rapport à ça. Seulement, au bout d'un moment, il finit par me forcer à le lâcher, et l'une de ses mains se posa sur ma joue lorsqu'il me fixa avec un très léger sourire. Du pouce, il caressa ma peau humide quelques instants avant que, à mon plus grand bonheur, ses lèvres se posent sur les miennes.

Immédiatement, je crus que mes jambes allaient se dérober. Cela faisait tellement longtemps que je n'avais pas goûté à ça que j'avais l'impression que c'était la première fois qu'il m'embrassait. J'étais si bien à ce moment-là, je me sentais si fort que je pouvais déplacer des montagnes juste parce que Taehyung était avec moi. Du moins, il était de retour après ce petit mois d'éloignement.

Je fus le premier à mouvoir notre alliance et mes mains se baladaient dans son dos musclé, tandis que les siennes virent prendre ma nuque pour approfondir le baiser. Nos langues ne mirent pas longtemps à danser ensemble sous nos respirations bruyantes et même si je commençais à manquer d'air, je donnerai tout pour que ce moment ne s'arrête jamais. J'étais si heureux de marcher à nouveau à ses côtés que je pouvais mourir d'asphyxie sous ses baisers, et Taehyung semblait de mon avis rien qu'à la manière crue dont il me dévorait la bouche.

Finalement, nous dûmes nous séparer à contre cœur, et je baissai la tête pour reprendre ma respiration. En fait, je la baissais plutôt pour ne pas lui montrer à quel point j'avais chaud, je devais être aussi rouge qu'une pivoine. Inconsciemment, mes mains glissèrent sur ses hanches depuis ses reins, et, l'esprit un peu ailleurs quant à ce qu'il venait de se passer, je fixais mes pieds nus. L'une de ses mains à ma nuque descendit le long de mon bras, jusqu'à mes doigts qu'il prit entre les siens contre sa hanche.

— Jungkook.

Un frisson me parcourut tout entier et j'hésitai quelques instants avant de lever un œil vers lui, le cœur battant. Son visage se parait d'une sérénité infinie, et un léger sourire étirait ses lèvres rosées. Des mèches rebelles tombaient devant ses yeux fiévreux et je crus fondre sur place devant tant de beauté. Dehors, le soleil caché derrière les nuages gris venait de se téléporter à mes côtés.

Sans plus de parole, il s'éloigna de moi et me tira gentiment hors de la cuisine. Ne comprenant pas où il m'emmenait, je me laissai guider jusque dans l'entrée principale, où, de son autre main, il chercha quelque chose dans sa poche de manteau. Yeontan vint à notre rencontre et je baissai les yeux vers lui, qui venait de se coucher sur le paillasson, attentif à ce que faisait son maître. Ce dernier fit volte-face et nous allâmes vers le canapé où il m'invita à m'assoir. La grande table basse était tout en bordel à cause de mes cours, mais cela ne sembla pas déranger sa réticence envers le désordre. D'un coup d'œil avant de poser mes fesses, je vérifiai si le t-shirt Gucci ne dépassait pas de mon sac, qui fut de suite cacher par Taehyung qui venait de s'assoir devant.

Installé l'un à côté de l'autre, mais tourner en face à face, je papillonnai des petites secondes des paupières en le regardant. Nos mains étaient toujours liées, son autre se leva entre nous, et je haussai les sourcils lorsque je vis le petit crâne jaune en son sein. Je lui attribuai un regard curieux, tandis qu'il fixait l'objet sans réelle expression. Pourquoi l'avait-il retiré de sa voiture ? J'avais aussi remarqué hier qu'il avait retiré le siège de Yumin en allant dans la réserve.

— Tu l'as déjà vu ce crâne, n'est-ce pas ?

J'acquiesçai petitement.

— Est-ce que tu crois aux âmes-sœurs ?

Surpris de sa question, je mis quelques secondes à hausser les épaules. Un sourire rapide se dessina à son visage en vue de ma réaction.

— Ce crâne s'appelle la « Boussole de l'âme-sœur », il leva ses yeux sombres vers moi. On dit que lorsqu'on la tient du bout du fil, elle se connecte à notre âme et se tourne vers celle qui nous manque pour vivre.

J'eus une mine sceptique qui le fit d'autant plus sourire. Il lâcha ma main, prit le bout de la ficelle qui se liait au crâne, et le tourna volontairement de son autre main vers lui, de sorte à ce que je vois l'arrière entièrement jaune fluo. Et à l'instant où il le lâcha, l'objet se tourna vers moi de lui-même.

Un frisson d'anxiété me parcourut l'échine, j'avais réellement l'impression qu'il me regardait. Au début, je restais toujours assez sceptique quand bien même il avait bougé seul. Ce ne fut qu'au moment où Taehyung se leva et se mit à tourner autour de moi que je me mis à douter. En passant entre la table basse, puis derrière moi, jusqu'à l'arrière du canapé, le crâne me fixait continuellement sans jamais se tourner un seul instant dans une autre direction à cause du mouvement.

— Mais... Balbutiai-je lorsque Taehyung se rassit à mes côtés. Ca veut dire que je suis ton âme-sœur ?

Sans me répondre, il prit ma main et y déposa le crâne.

— Essaie-le.

Un peu hésitant, je pris la ficelle de mes doigts timides et le soulevai dans l'air. L'objet, auparavant fixé sur moi, se tourna lentement vers mon patron sous mes yeux écarquillés. Un large sourire étira les lèvres de ce dernier tandis que je n'arrivais pas à croire ce qu'il venait de se passer. Je ne l'avais même pas touché, comment pouvait-il bouger tout seul ?

— E-Et... Et tu es la mienne ?

Toujours aussi souriant, il haussa les épaules.

— Si l'on croit en ça, oui.

Epoustouflé, je lui rendis son bien sans pour autant le quitter des yeux

— Où est-ce que tu l'as eu ? Demandai-je, soudain curieux. Je n'ai jamais vu un truc pareil sur le marché.

Son sourire tomba progressivement, et je mordis mes lèvres entre elles. Avais-je dis quelque chose qu'il ne fallait pas ?

— C'est Eunji qui me l'a acheté pendant un voyage au Japon, elle ne savait pas ce que c'était réellement.

Je fis la moue en gonflant des joues. Encore cette foutue femme. Finalement, j'aurais dû me taire. Puis, me souvenant de quelque chose, je fronçai légèrement les sourcils.

— Tu ne t'es pas débarrasser de tout ce qu'elle t'avait offert ?

Il déposa le crâne sur la table basse sur un endroit où il n'y avait pas de feuille.

— Si, affirma-t-il. Mais je n'ai pas pu me séparer de cet objet. A chaque fois que je passais en voiture devant toi, ton appartement, ou ton école, il se tournait toujours dans la direction où tu étais, et ce, même si j'étais à l'autre bout de la ville.

Ma bouche forma un petit « o » surpris.

— Avant quand je le regardais, je pensais forcément à Eunji. Mais maintenant, c'est à toi que je pense, alors je ne peux pas m'en séparer.

Je ne pus m'empêcher de sourire et je passai timidement ma langue sur mes lèvres en baissant quelques instants le regard. Mon cœur battait tellement vite que j'avais peur qu'il l'entende.

— Pourquoi est-ce que tu as vidé ta voiture ?

— Je la vends.

D'un coup, j'écarquillai les yeux, abasourdi par ce que je venais d'entendre.

— Quoi ? Mais pourquoi ?

— Elle aussi me fait trop penser à Eunji, on l'a acheté ensemble, souffla-t-il en se mettant normalement dans le canapé. Elle est vraiment géniale et agréable à conduire, sauf qu'il arrive que je revoie Eunji me...

Puis il s'arrêta comme si on venait de lui ôter la faculté de parler, le regard perdu dans le vide.

— Me...

Pris de peine pour lui et son état psychologique qui restait malgré tout faible, je m'approchai de lui et entourai sa nuque de mes deux bras en passant ma tête par-dessus son épaule. Il tremblotait contre moi, et il ne tarda pas à me rendre la pareille en plongeant son visage dans mon cou, comme s'il voulait se cacher de la réalité. D'une main, je caressai l'arrière de son crâne et emmêlai des mèches autour de mes doigts.

— J'ai compris... Chuchotai-je.

C'était la première fois que j'entendais Taehyung parler autant de lui-même. Certes depuis que nous étions ensemble il s'exprimait plus – sauf ce dernier mois, mais cela me procurait un sentiment étrange. Psychologiquement, il était encore faible et un rien pouvait à nouveau briser tout ce qu'il avait traversé depuis sa marche vers la victoire. Sauf que, sa volonté prenait le dessus et il s'accrochait à la corde que lui tendait le bonheur pour y gripper jusqu'au bout. Et c'était en étant ensemble qu'il avait la force de gravir les échelons.

Puis soudain, alors que je le prenais toujours dans mes bras pour le rassurer, je me rappelai de quelque chose qui m'alourdit une nouvelle fois le cœur. Si j'étais soulagé d'avoir retrouvé Taehyung, ce n'était pas le cas pour cette histoire entre nous deux, à Tokyo. Devais-je lui en parler maintenant ? Ou était-ce trop tôt ? Peut-être qu'au fond, il voulait savoir pourquoi il y avait eu ce froid entre nous durant ce long et interminable mois. Non, il fallait qu'on en parle. Si jamais il ne s'en souvenait pas, j'allais devoir lui expliquer dans le calme. Mais s'il s'en souvenait, qu'est-ce qu'il allait se passer ? Je ne voulais plus m'éloigner de lui.

— Tae... Murmurai-je en le lâchant doucement.

Je plantai mon regard dans le sien, attentif à ce que je voulais dire. Ses tremblotements s'étaient calmés et ce court instant de panique était passé. Finalement, je baissai les yeux et passai mes jambes au-dessus de ses cuisses, pour venir me pencher vers mon sac à dos que j'attrapai du bout des doigts. Je le posai sur mes genoux – eux-mêmes sur les cuisses de Taehyung, et, le cœur battant à tout rompre, j'en sortis le t-shirt Gucci. Immédiatement, lorsque je le dépliai devant lui, il écarquilla les yeux comme des billes. Rien qu'à sa réaction, j'en conclus donc que mes doutes étaient bels et biens réels, et qu'il se souvenait de ce qu'il s'était passé.

Son regard dévia sur le mien, et j'aperçus un éclat de peur jaillir à travers qui me fit baisser à nouveau les yeux. Silencieux, je déposai mon sac au sol et laissai le t-shirt sur mes genoux.

— C'est à toi, n'est-ce pas... ? Je l'ai retrouvé en rangeant ma valise...

Sa main se posa dans mon dos et je soupirai.

— Kook, tenta-t-il d'une voix faible. Je... Je ne sais pas ce qu'il m'a pris cette nuit-là...

Je haussai les épaules avant de me laisser tomber contre son torse, le regard perdu par-delà la baie vitrée qui me faisait face. Le ciel n'était pas très beau en ce mois de Juin.

— Ne te met pas tout seul dans le lot, chuchotai-je en tripotant les boutons de sa chemise du bout des doigts. Je ne sais pas ce qu'il m'a pris non plus, on est tous les deux fautifs...

Voyant que je ne le fuyais pas, il m'enroula de ses bras en croisant ses mains sur ma hanche. Sa joue se colla à mon front et je sentis son souffle effleuré mon visage, me faisant ainsi fermer les yeux.

— En fait, c'est bien que tu sois parti avant mon réveil, continuai-je sur le même ton. Si tu étais resté, je n'aurais jamais cherché à te connaître et on aurait pu jamais faire ce chemin ensemble.

Il se mit à nous bercer lentement. Mes muscles se détendirent d'eux-mêmes, la conversation était calme et aucune tension ne pointait le bout de son nez à l'horizon. J'étais tellement serein que les mots sortaient d'eux-mêmes, car c'était mon cœur qui parlait. Cette fois-ci, ce n'était plus la réalité de ma mémoire qui prenait le dessus, mais celle de mon cœur. Le fait que nous ayons eu une aventure ensemble bien avant de se connaître faisait parti du passé, et ce que je disais était vrai ; j'étais soulagé que la personne de cette nuit-là fût Taehyung. Moi qui m'étais imaginé tout un tas de personne, vieillard, pédophile, prostituée abusive, par quelle chance l'Avenir avait que ce soit lui, et non un autre ?

— C'est pour ça que tu m'évitais ?... Demanda-t-il doucement.

J'acquiesçai petitement malgré moi.

— Je m'en suis rappelé par hasard, abrégeai-je pour éviter le cœur de la vérité. J'avais peur de t'en parler alors que c'est idiot, et je me demandais si tu t'en souvenais ou non... Mais... Tu as l'air de t'en souvenir...

Il déposa un baiser sur mon front, me faisant louper un battement de cœur. Nerveusement, je continuais à tripoter les boutons de sa chemise et mordillai l'intérieur de mes joues. J'avais soudainement chaud.

— Je ne me souviens pas exactement de comment ça s'est passé, fit-il en continuant de nous bercer. J'ai seulement quelques flashs... En te revoyant après quatre ans postuler comme serveur, j'ai vraiment haï l'Avenir.

Je grognais et lui assignai un léger coup de poing dans le ventre, qui le fit ricaner. Je savais qu'il n'allait pas m'en dire plus, car même si nous étions ensemble, il restait toujours une part de mystère autour de nous. Notre complicité n'était pas la même que celle qu'il entretenait avec Seokjin, qui lui, connaissait Taehyung depuis son enfance.

— Ose me dire que tu le hais toujours autant.

— Je le hais toujours autant.

Sur coup d'adrénaline, je me mis à le frapper sans réelle force en me retirant de contre son torse. Ce fourbe riait d'autant plus et même si c'était une mélodie extrêmement rare, je continuai de le taper et à retirer ses mains de moi. Yeontan arriva rapidement et nous aboya, la queue se secouant à pleine vitesse comme s'il était heureux que nous nous sommes enfin parlé. Le t-shirt Gucci tomba au sol sous mes débattements de jambes, qui s'arrêtèrent brutalement lorsque mes poings furent figés entre ses deux grandes mains.

Son visage s'approcha d'un seul coup si proche du mien que je devais loucher pour essayer de le regarder dans les yeux. Son souffle chaud effleurait mes lèvres et la chaleur qui résidait au fond de moi était prête à exploser. En quelques secondes, la température de la pièce avait augmenté de cinquante degrés, je me sentais littéralement fondre sur place à cause du regard de fiévreux qu'il usait pour me fixer. Ma respiration se mit à trembloter à cause de la montée d'une excitation inconnue.

— L'Avenir doit avoir peur de toi, mon Ange.

Sans même me laisser le temps de répondre, ses lèvres se collèrent aux miennes pour reprendre la danse endiablée que nous avions arrêtée quelques instants auparavant. L'une de ses mains passa automatiquement à l'arrière de mon crâne pour approfondir notre baiser tandis que les miennes se cramponnèrent à sa chemise jaune moutarde. Pourquoi avait-il fallu qu'il mette celle-là aujourd'hui ? Depuis le début, je trouvais que c'était celle qui lui allait le mieux et à ce moment-là, je crois qu'elle faisait naître un pouvoir aphrodisiaque en moi.

Au fur et à mesure qu'il m'embrassait, je tombai en arrière jusqu'à ce que mon dos rencontre l'assise du canapé. Immédiatement, j'eus encore plus chaud et le fait que Taehyung me surplombe n'arrangeait strictement rien. Nos langues s'élançaient dans la suite de leur danse, reprenant là où elles s'étaient arrêtées. Inconsciemment, mes mains passèrent dans son dos pour le caresser en rythme avec le Diable, et nos respirations effrénées se mêlaient ensemble. Sentir les doigts de Taehyung traîner sur mon corps, passer sous mon haut de pyjama pour semer des petites fleurs de bien-être, me prouvait que je pouvais moi aussi m'aimer.

Son toucher était doux, comme s'il faisait attention à ce que je ne me casse pas, comme s'il faisait attention à ce que je n'ai pas peur de ce qu'il pouvait arriver par la suite. C'était réel, si Taehyung pouvait m'aimer, pourquoi ne pourrais-je pas faire de même ? Moi, qui me haïssais ces dernières années sans relâche, qui me demandais pourquoi avait-il fallu que je vive tout cela, n'était-ce pas en réalité des montagnes jusqu'au Saint Graal ? En récompense de ce que j'avais surmonté durant les trois longs moins en hôpital psychiatrique, durant la mort de mon père et de Jihyung, l'Avenir ne m'avait-il pas offert Taehyung comme échappatoire à cette réalité ?

J'avais le droit de m'aimer.

Ses lèvres quittèrent lentement les miennes et ma tête se pencha naturellement en arrière pour qu'il ait accès à mon cou. L'une de ses mains continuait de caresser mon torse, réveillant de petites hordes de fourmis agréables qui continuaient leurs parcours à travers l'entièreté de mes nerfs jusqu'à mon bas ventre, qui commençait à me faire de plus en plus mal. C'était une douleur que je n'avais jamais ressentie. Les sensations se mélangeaient et explosaient dans tous les sens, je n'arrivais plus à ouvrir les yeux, comme si j'avais peur que tout cela ne soit qu'un rêve.

Il continuait d'embrasser mon cou, et quand bien même je le sentais trembloter contre moi, jamais je ne pourrais faire la même chose qu'il me faisait actuellement. Ou en tout cas, je ne me sentais absolument pas prêt et arpenter ce chemin inconnu me faisait peur.

— Jungkook...

Ses lèvres remontèrent et se collèrent à mon front, calmant ainsi ma respiration qui s'était emballée sous le stress sans que je n'en aie conscience. Je ne voulais pas ouvrir les yeux et me contentai d'amener mes doigts à son visage, très proche du mien. Sa main à mon ventre s'était stoppée tandis que l'autre le soutenait au-dessus de moi. Nos deux bassins se collaient et nos jambes s'entremêlaient ensemble comme si elles ne voulaient faire qu'un. Lorsque je me rendis compte dans quel état un simple baiser de braise m'avait mis, mon cœur se mit à battre plus fort. Une horrible douleur qui ne demandait qu'à être soulagée me tirait en bas du ventre, mais je fus légèrement rassuré quand je sentis que Taehyung était dans le même état.

— Jungkook...

J'osai entrouvrir les yeux à l'instant même où ses lèvres se retirèrent de mon front.

— M-Mh... ?

Mon regard se bloqua dans le sien, à semi-ouvert, où brûlait un nouvel éclat que je n'avais jamais rencontré. Ses mèches tombaient comme un rideau devant notre œillade aux mille feux, rendant un effet encore plus intime. Sa langue humidifia rapidement ses lèvres avant qu'il ne murmure à nouveau :

— Est-ce que... Tu m'autorises ?

Mon cœur tapa subitement plus fort dans mon crâne et je baissai mes mains dans son cou, puis à ses côtes.

— Je... Tentai-je, encore un peu déstabilisé. Je ne veux pas que tu te sentes obligé... Je ne veux pas qu'elle revienne te hanter...

Un magnifique sourire illumina son visage et le baissa au niveau de mon oreille.

— Il n'y a que toi et moi...

Le feu ardant qui brûlait au fond de moi se fit soudain arroser d'huile, et mon corps entier se mit à trembler d'une sensation nouvelle. Je l'aimais. J'aimais Taehyung pour son courage, pour sa faculté à tenir tête à la victoire sans jamais baisser les bras. Je voulais décrocher les étoiles pour lui et les voir briller dans son regard jusqu'à ce qu'il s'éteigne pour l'éternité.

J'inspirai profondément lorsque sa main descendit vers mon bas de pyjama. Lui non plus n'était pas certain de ses gestes, et j'avais du mal à croire à ce qu'il était en train de se passer. Mes jambes ne cessaient de tremblotées nerveusement contre les siennes et mon corps se figea entièrement quand ses doigts s'engouffrèrent sous mon boxer. J'avais extrêmement peur, et à la fois, j'avais envie de découvrir ce nouvel horizon, accompagné de la personne qui faisait agrandir mon sourire d'un seul regard.

Ce qu'il s'était passé entre nous n'existait plus. Il n'y avait plus que lui et moi dans l'ivresse d'arpenter un nouveau chemin ensemble. Je n'entendais plus la trotteuse de l'horloge murale, ni même la légère musique qui résonnait dans le salon. Il n'y avait plus que nos respirations et le bruit des baisers que l'on s'échangeait pendant que ses longs et fins doigts commençaient à faire des va-et-vient. Je ne savais quoi faire de mes mains, elles glissaient dans son dos au fur et à mesure de ses mouvements et serraient le tissu de ses vêtements lorsqu'une petite décharge me traversait le corps. Mes pieds se tordaient dans tous les sens contre ses jambes, et je suivais tant bien que mal le rythme de cette dance de folie.

Ses lèvres virent à nouveau prendre les miennes pour me les dévorer tandis que sa main effectuait des gestes un peu plus rapides, sans pour autant aller jusqu'à me procurer une réelle douleur. Il ne voulait pas me briser. Ses mouvements restaient respectueux envers mes envies, ils n'étaient là que pour me procurer un plaisir inconnu, autant pour lui que pour moi, et rien ne pouvait égaler ce que nous vivions en ce moment. Un pas énorme venait d'être franchi, que ce soit psychologiquement, que dans notre relation et une larme s'écoula sur ma joue tant j'en étais heureux.

Puis, arrivé au-delà d'une nouvelle montagne, le nom de la personne qui me faisait voir les étoiles résonna à travers les esprits sous une explosion d'artifice.

☯︎

J'écarquillai les yeux lorsque je vis l'image d'une voiture sur son téléphone et les levai ensuite vers lui, qui me fixait d'un air amusé.

— Tu vas vraiment prendre ça comme voiture ? Lui demandai-je, abasourdi.

Taehyung, debout à mes côtés dans le bus de ville, lâcha un grand rire face à mon expression. Quelques regards curieux se tournèrent vers nous que j'ignorai, me contentant de lire le bonheur qui s'affichait sur son doux visage. Il éteignit son téléphone et le rangea dans sa poche de pantalon avant de me regarder à nouveau en se calmant.

— Tu ne la trouves pas belle ?

— S-Si bien sûr que si ! Mais... Ca me parait tellement inaccessible...

Il ricana et passa son bras autour de ma taille, l'autre le tenant à l'une des barres pour ne pas tomber. C'était la première fois que nous prenions ensemble le bus de ville suite à la vente de sa voiture, il y avait de cela deux jours. Maintenant que j'avais terminé ma première année d'étude et que les partiels étaient terminés depuis seulement hier, je voulais profiter du dernier week-end qu'il me restait auprès de Taehyung, qui tenait à ce que je l'accompagne pour l'achat d'une nouvelle voiture.

Mes yeux dérivèrent sur sa main qui tenait la barre de fer, et je sentis une lourde chaleur montée en moi. Depuis qu'il m'avait touché la première fois, un mois était passé, en plus de mon stage, et des examens de fin d'année. A cause de ceux-ci qui m'avaient pris tout mon temps libre, nous n'avions pu recommencer que quelques fois sans jamais aller plus loin. Il ne se sentait pas prêt, et moi non plus. Le fait que nous en avions parlé un soir, m'avait fait du bien malgré le fait que je m'étais senti extrêmement gêné. Ca m'avait rassuré qu'aucun de nous deux ne veuille que ça aille trop vite, surtout sur ce genre de sujet sensible à tous les deux.

Jimin et Minkyung avaient eux aussi passé les examens, et notre relation était redevenue à peu près ce qu'elle était avant que je ne leur raconte mon histoire. C'était un poids énorme qui se retirait de mes épaules. En réalité, je pense qu'au fond, tout cela n'avait fait que de nous rapprocher encore plus, et ce, même si le temps devait passer pour que l'on s'en rende compte. Maintenant que les grandes vacances avaient commencé, Minkyung venait de partir aujourd'hui pour son séjour en Martinique avec ses parents, tandis que Jimin et Haneul s'occupaient de passer dans plusieurs SPA après avoir décidé d'adopter un chat. D'ailleurs, ce dernier ce sentait beaucoup mieux, que ce soit envers sa leucémie, qu'envers l'impact de la balle à sa poitrine. Désormais, ce n'était plus qu'une cicatrice, certes affreuse, mais qu'il projetait de recouvrir par un tatouage.

Durant nos derniers jours ensemble à l'école, il parlait beaucoup de ce projet qui semblait lui tenir à cœur. Il ne savait toujours pas ce qu'il voulait se faire tatouer, et n'y connaissant rien à ce domaine, je ne voulais pas lui donner de mauvais conseils. En tout cas, maintenant que les cours étaient terminés pour deux longs mois, j'espérais qu'il trouve le temps de réfléchir correctement à ce projet, avec l'aide de Haneul ou non.

A notre arrêt, nous descendîmes en même temps que d'autres personnes et commençâmes à marcher en direction d'une agence d'automobile de luxe, située à l'ouest de Séoul. Le soleil, haut dans le ciel, tapait sur nos peaux et je me faisais un réel plaisir à observer les bras dénudés de Taehyung, où régnaient des veines descendant jusqu'à ses mains. Il s'était habillé d'un simple t-shirt ample mauve avec un pantalon noir, tandis que j'avais l'un de ses débardeurs blancs assortit à un jean noir. Mes quelques muscles de bras n'étaient absolument rien à côté des siens, et je me demandais comment il faisait pour les garder alors qu'il ne faisait pas vraiment de sport. A part quelques weekends où il passait une ou deux heures dans sa salle de sport – qui faisait aussi sauna à l'étage, il n'en faisait pas plus. Cet homme était définitivement le plus parfait de tous.

Après une dizaine de minutes à marcher en discutant du temps et des oiseaux, nous arrivâmes à Lamborghini Seoul, là où Taehyung projetait d'acheter sa nouvelle voiture après avoir vu un modèle qui lui plaisait un peu trop. A peine nous fûmes entrés que je me sentis affreusement mal à l'aise à cause des engins hors de prix qui trainaient autour de nous. Il y en avait de toutes sortes ; des plates comme des hautes, des rouges comme des noires, mais je ne voyais pas celle qu'il m'avait montré plus tôt dans le bus. Ma petite Kia se sentirait mal ici, à côté de ces énormes monstres. Je savais que Taehyung avait rendu sa dernière voiture à un prix élevé grâce à son luxe, mais je ne me doutais absolument pas qu'il avait sur son compte assez d'argent pour s'acheter une autre de cette envergure. Quoique, après avoir vu son appartement, ce n'était pas très étonnant.

Depuis notre réveil ce matin, il n'arrêtait pas de sourire. Je ne l'avais jamais vu autant sourire en seulement quelques heures, c'est qu'il devait avoir réellement hâte de tester le modèle qui lui avait tapé dans l'œil. D'un côté, je le comprenais, il adorait autant que moi conduire.

Rapidement, un vendeur vint à notre rencontre et nous passâmes une vingtaine de minutes à discuter des prix ainsi que des modèles. Je pensais que nous allions mettre plus longtemps, mais apparemment, Taehyung avait déjà précisé le modèle précis de ce qu'il voulait lors de sa prise de rendez-vous, ce qui était donc allé beaucoup plus vite. Malgré cela, comme tout bon vendeur, celui-ci avait passé en revu tout leur catalogue, et même s'il y en avait certaine qui était intéressante, son objectif n'avait pas changé. Personnellement, je tournai de l'œil à la vue des prix.

Puis, nous fûmes invités à entrer dans le parking arrière, là où se trouvait tout leur catalogue et nous nous dirigeâmes, en compagnie du vendeur, vers l'espace où dormait le modèle que désirait Taehyung : la Novitec Lamborghini Urus.

Elles étaient absolument magnifiques, encore plus qu'en simple photo. Il y avait au choix cinq couleurs ; noir, blanc, rouge, bleu, et jaune moutarde. Lorsque le vendeur nous tourna le dos, mon petit-ami se tourna vers moi avec un large sourire et me fit un coup de tête afin de me demander mon avis. Je lui rendis immédiatement son sourire en haussant frénétiquement la tête ; c'était vraiment le meilleur modèle parmi tout ce qu'il y avait autour de nous.

— Tu préfères quelle couleur ? Me demanda-t-il par la suite.

Je zieutai les cinq modèles devant nous d'une mine en pleine réflexion. Elles étaient vraiment toutes belles, mais j'avais plus un faible pour...

— La jaune ou la noire, répondis-je sans prendre plus de temps.

— On est d'accord !

Cela m'amusait et me remplissait de joie de le voir aussi épanoui rien qu'en achetant une voiture. Il disait que c'était parce que je l'accompagnais, mais cela ne devait pas être la seule raison. J'espérais moi aussi un jour avoir cette joie de me rendre dans ces lieux pour acheter un nouveau bijou.

— Désirez-vous l'essayer pour être certain de votre achat ? Nous proposa le vendeur.

Taehyung afficha une mine surprise.

— On peut ?

— Bien sûr, sourit-il à pleine dent.

— Alors je veux bien, la jaune si possible.

Le vendeur se courba respectueusement et nous pria par la suite de nous rendre à l'avant du magasin pour attendre la venue de la voiture, faite par un technicien. Avec excitation, mon petit-ami ne se fit pas prier et prit ma main pour me tirer gentiment à notre lieu de rendez-vous. Je ne pouvais pas m'empêcher de sourire, jamais je n'aurais cru que ce genre d'achat le mettrait dans ces états-là. Cela faisait tellement plaisir à voir que mon cœur en battait à la chamade.

Sur le parking à l'avant du magasin, il y avait quelques personnes et couples qui regardaient les différents modèles que Lamborghini proposait. Le soleil était très haut dans le ciel et nous chauffait le crâne, aucun zéphyr ne venait nous rafraichir et je dus battre de la main devant mon visage pour tenter d'avoir un petit peu d'air. Taehyung guettait la sortie de garage comme un chat devant un trou de souris, et sans qu'il ne le remarque, je sortis mon téléphone pour le prendre en photo.

Au bout de cinq minutes, la porte coulissante du bâtiment s'ouvrit pour laisser apparaître la Novitec Lamborghini Urus jaune, qui en sortit pour venir se garer à une dizaine de mètres de nous. Le vendeur qui nous avait pris sous l'aile vint au même instant, et le technicien partit après avoir éteint le moteur et donner les clés à son collègue. Je fis la moue. Il aurait pu au moins nous adresser un regard.

Par la suite, pendant une dizaine de minutes, le vendeur nous expliqua toutes les particularités et les options qu'offrait ce modèle. J'en perdais complètement la parole. C'était encore plus luxueux que l'ancienne voiture de mon patron. Sur le tableau de bord, il y avait très peu de bouton, tout avait été réduis sur un petit écran en-dessous de l'écran principale. Lorsqu'elle fut mise en route, l'écran derrière le volant s'alluma et le compteur de vitesse était vraiment magnifique. Je voyais des étoiles rayonner dans les yeux de Taehyung.

Lorsque fut le moment de l'essayer, je montai en premier du côté passager et tâtai un peu l'assise, qui était vraiment très confortable et agréable. Derrière, je m'imaginais déjà le siège auto de Yumin et cela me fit sourire. Mon patron ne tarda par à me rejoindre avec la banane aux lèvres, nous avions droit à une trentaine de minutes de conduite. Grâce à la localisation du magasin, soit assez éloigné de la ville en elle-même, il était possible d'emprunter des routes où l'on était sûr d'en profiter pleinement. Non loin d'ici, il y avait aussi une route régionale.

Les clés en main et les ceintures bouclées, Taehyung actionna le levier de vitesse sur D, et appuya légèrement sur la pédale d'accélération. Immédiatement, le monteur se mit à vrombir et la voiture avança lentement pendant que le nouveau conducteur ricanait de joie. Si d'extérieur cet engin était impressionnant, l'intérieur l'était encore plus.

Les trente minutes qui suivirent furent les meilleures que je n'avais jamais passées en un weekend. Je ne regardais même plus la route qu'empruntait mon patron, ni les manœuvres qu'il faisait, ni même la fulgurante accélération qu'il avait faite à l'entrée de la route régionale. Je regardais juste lui, et seulement lui. J'imprimais dans ma mémoire chaque sourire, chaque morsure de dents que ses lèvres recevaient lors des accélérations, ses frissons sur ses bras, et surtout, la façon dont il était concentré sur la route. J'avais oublié de prendre des photos, mais je m'en fichais, car mon cœur avait gravé au fer ce moment de sérénité dans ma mémoire.

Il clamait d'un large sourire :

— On va l'appeler Moutardette !

Et moi, je le comparais à un Soleil.

Ô grand jamais, je ne serai aussi amoureux d'une personne que je le suis envers Taehyung.

☯︎


Onze heures trente.

— Non, les couteaux c'est à droite, et les fourchettes à gauche !

– T'es sûr ?

— Je crois que ça fait près de six mois que je travaille dans ton restau, trou du cul.

Je reçus une tape à l'arrière du crâne qui me fit lâcher un petit cri. Immédiatement, je ripostai avec un croche-pied qui manqua de faire tomber Taehyung alors qu'il tentait de prendre la fuite. Je savais qu'il n'aimait pas être insulté, mais là, je n'avais pas pu m'en empêcher et l'emmerder était ma nouvelle passion. Seulement, il ignora ma tentative de le faire tomber et se dirigea à grand pas vers la cuisine, là où Yumin était assise sur le plan de travail à nous regarder en riant.

— Trou du cul ! Répéta-t-elle en levant en l'air son gorille en peluche.

— Hep ! On ne répète pas ! Signala Taehyung d'un ton situé entre l'amusement et la sévérité.

— Mais c'est Jungkook qui l'a dit !

Je replaçai correctement l'une des serviettes parmi les dix couverts disposés sur la grande table de la salle à manger.

— Oui, mais Jungkook dit beaucoup de bêtises aujourd'hui.

La petite fille ricana d'autant plus en balançant ses petits chaussons dans le vide.

— Jungkook dit beaucoup de bêtises mais Tonton patron d'un restau ne se souvient même pas de la disposition des couverts, ripostai-je en les rejoignant à la cuisine.

Taehyung me lança un regard joueur, se pencha au-dessus du plan de travail pour venir chuchoter à l'oreille de sa nièce :

— Tu le connais ?

Se prêtant au jeu qu'il venait de lancer, celle-ci secoua la tête de gauche à droite, clamant ainsi le fait qu'elle ne me connaissait pas. Malgré cela, elle ne pouvait pas s'empêcher de sourire à pleine dents et son oncle se redressa en haussant un sourcil amusé dans ma direction. Ces deux là étaient de paire quoique je dise, quoique je fasse.

— Au lieu de lui faire faire des conneries, je commençai à partir de la salle à manger en passant par l'alcôve de lecture, viens m'aider à choisir quoi mettre.

Sans l'attendre, je me rendis dans le salon avant de monter à l'étage, en compagnie de Yeontan. Celui-ci courut jusqu'au bout du couloir où se trouvait la chambre de Taehyung, et sauta sur le lit lorsque j'y entrai à mon tour. Ma valise pleine était déposée au seuil de la porte et je fis la moue en la regardant. Je n'allais pas revenir ici avant un long mois, car demain à l'aube, je partais pour l'Allemagne chez mes grands-parents comme chaque année. Encore une fois depuis cinq ans, je m'y rendais seul, car Jihyuk n'allait plus les voir aussi longtemps que moi, maintenant qu'il était en Australie.

Malgré cela, j'étais content bien que très stressé car aujourd'hui, j'allais déjeuner avec la famille de Taehyung. Il avait aussi invité Seokjin et Yoongi, mais j'allais être le seul petit nouveau : il allait avoir ses parents, son frère avec la mère de Yumin, et la petite, qui était arrivée en avance ce matin. J'étais donc très stressé, quand bien même il y avait seulement le père que je n'avais pas rencontré.

Ce que je ne comprenais pas, c'était qu'il y avait un couvert de trop et Taehyung avait refusé de me dire à qui il allait appartenir, raison pour laquelle on se chamaillait comme deux enfants depuis notre réveil. D'un soupir, je passai le rideau qui donnait sur son grand et magnifique dressing, et l'allumai. J'adorais venir ici avec lui et le regarder choisir ce qu'il allait mettre durant la journée. Depuis que j'avais amené pas mal de mes affaires chez lui - principalement des vêtements, je ne piochais plus vraiment dans ses armoires, bien que j'aime ce qu'il avait. Certaines fois, je m'y autorisais lorsqu'une occasion originale se présentait devant nous – comme aujourd'hui, mais sinon, je me contentais de le regarder choisir et s'habiller.

Au fond de la pièce se tenait un immense miroir et au centre, il y avait un petit banc où je m'asseyais pour l'observer. Le sol était fait de tapis d'un style assez ancien, mais qui s'allait parfaitement avec ce dressing de millionnaire. Chemises, pantalons, montres, cravates, vestons, manteaux, chaussures, il y avait de tout. Même des choses plus ordinaires ; sweaters, joggings, baskets, qu'il mettait lorsqu'il n'avait pas envie de se casser la tête à réfléchir. Je le comparais souvent à une femme dans ces moments-là en voyant tous ces habits et la passion qu'il avait pour eux, et cela le faisait logiquement râler.

Il ne s'écoula que quelques minutes avant que Taehyung et Yumin n'arrivent. La petite fille s'assit à mes côtés sur la banquette en me montrant le lapin blanc qu'elle m'avait offert il y a quelques temps, qu'elle avait dû prendre sur ma valise. Mon petit-ami, lui, se plaça devant ses étagères principales derrière nous et commença à chercher ce qui pourrait être nos tenues.

— Tu l'emmènes ? Me demanda-t-elle faisant jouer ma peluche avec son gorille.

— Oui, je vais lui présenter Bambi.

Elle leva ses grands yeux luisants vers moi.

— Bambi ?

— C'est le lapin de mon papi et de ma mamie d'Allemagne.

Un grand sourire étira ses fines lèvres suivit d'un petit rire.

— C'est trop bien ! Comme ça, Bambi aura un ami !

J'eus à mon tour un sourire. En réalité, je l'emmenais seulement pour avoir un souvenir d'eux à l'autre bout du monde.

Onze heures quarante-six.

Je bouclais ma ceinture de pantalon noir et levai le visage vers le miroir. Taehyung passa derrière moi pour arranger un peu ma chemise rouge, et je ne pus m'empêcher de frissonner en sentant son souffle dans mon cou. Il trafiqua ensuite légèrement mes cheveux en les fixant avec un peu de gel, et sans arrêt, je le fixais. Cet homme, devant se débrouiller lui-même pour l'entretien de son loft, savait vraiment tout faire. Nous avions passé une bonne partie de matin à cuisiner ensemble le repas de ce midi qui d'ailleurs me faisait réellement saliver, car sa cuisine était vraiment délicieuse, et maintenant, il s'occupait de mon accoutrement. Depuis que je vivais la plupart de mon temps avec lui, j'essayais aussi de participer à l'entretien, mais au niveau du repassage et du linge à laver, Taehyung était indétrônable.

D'un sourire satisfait, il rangea le gel et commença à me maquiller très légèrement les yeux. Je n'y trouvais pas d'utilité, mais comme il avait insisté, je le laissais faire pour son propre plaisir. Après tout, cela faisait un bon moment que je ne m'étais mis sur mon trente-et-un. Lui, était encore en tenue décontractée et n'avait pas encore pris de temps pour se préparer alors que les invités arrivaient dans moins de vingt-minutes.

D'un coup de tête, il incita sa nièce à venir vers lui lorsqu'il rangea ses pinceaux à côté de moi. La petite fille se leva donc, et vint devant moi d'un air curieux, avant qu'elle ne hausse les sourcils. Taehyung étant devant moi, je ne pouvais pas me voir dans le miroir et ne savais donc pas à quoi je ressemblais. Elle fit un grand sourire à son oncle, qui me fixait sans réelle expression, avant de me regarder.

— T'es trop trop trop beau !!

Je mordis mes lèvres entre elles pour retenir un sourire. Cela faisait longtemps que l'on ne m'avait pas dit ça.

— Mhh... Un peu trop... Rajouta Taehyung d'un murmure.

Mon cœur loupa un battement et avant même d'avoir le temps de lever les yeux vers lui, il partit de nouveau vers ses étagères. Mon regard se posa alors sur moi-même dans le reflet du miroir, où Yumin se mit à me fixer aussi, et je crus ne pas me reconnaître. Pourtant, mon patron n'avait pas fait grand-chose à part avoir approfondi mon regard et plaqué mes cheveux plus vers l'arrière, mais pour la première fois, je me trouvais beau. Oui, c'est vrai, je me trouvais beau. Combien de temps s'était écoulé depuis la dernière fois où je m'étais trouvé beau ? Etait-ce déjà arrivé, en réalité ?

— Jungkook ! M'appela Yumin.

Je sortis de ma transe et me tournai vers elle, qui pointait l'objectif du téléphone de son oncle vers moi. L'effet sonore de la prise de photo retentit dans la pièce, et j'eus l'impression que le temps s'arrêta. Je me sentais comme sur un nuage où je pouvais me pencher pour regarder de haut l'océan noir qui se déchainait à des milliers de kilomètres en dessous de nous. J'étais heureux. Réellement heureux. L'océan dans lequel j'étais pris au piège depuis toutes ses années avait l'air si loin, et je me mis à rire de bonheur.

En me tenant le ventre, assis sur la banquette du dressing, je riais à plein poumon. Je riais comme je n'avais jamais ris depuis la mort de Jihyung et de mon père. Dieu venait de nous accorder une journée de paix, et rien ni personne ne pouvait nous la gâcher.

Midi cinq.

Seokjin et Yoongi venaient d'arriver et étaient déjà en train de faire des parties de circuit électrique avec Yumin à l'étage. Les parents de Taehyung et son frère n'étaient pas encore arrivés, et ne savant pas quoi faire, je m'assis à l'alcôve de lecture. Le stress montait de plus en plus, mes mains en tremblaient tellement j'avais peur de mal paraître devant ses parents. Seungwoo était déjà au courant pour nous deux, mais Soomin, la mère de Yumin, je ne savais pas comment elle le prenait. Notre première rencontre n'avait pas été la plus accueillante après tout. Ensuite, bien que j'aie rencontré sa mère il y a quelques mois et qu'elle avait eu l'air de deviner pour nous deux, j'avais peur de l'avis de son père. Certes, j'assumais notre relation et qui nous étions, mais ce stress de ne pas être accepté était toujours présent.

Quelqu'un s'assit à mes côtés et un bras passa autour de mes hanches. Naturellement, je déposai ma tête contre sa clavicule. Rien qu'à l'odeur, je savais qui s'était et un sourire étira mes lèvres. Cela faisait un moment que je ne l'avais pas vue, peut-être que j'aurais dû rentrer à la maison ce week-end pour la revoir avant de partir. Mes yeux étaient fermés, et sans en prendre conscience, j'entourais de mes deux bras sa fine taille pour mieux me caller contre sa poitrine. J'expirai longuement. Maman me manquait.

Seulement, trois truffes humides me touchèrent les cuisses avant que six pattes ne me sautent dessus, me faisant alors rouvrir les yeux avec sursaut. Je quittai les bras de Taehyung et papillonnai des paupières quelques secondes en prenant conscience par le toucher que mes chiens se tenaient devant moi, à me sauter dessus par joie de me revoir. Naya, Néo, et Orky me disaient bonjour. Sans me poser de question sur leur présence, je me ruais à mon tour sur eux pour les embrasser et les caresser afin de leur rendre leurs salutations. Oh mon Dieu, ils me manquaient tellement que je mettais à rêver d'eux.

Lorsqu'ils estimèrent que le temps des retrouvailles était terminé, ils partirent ensemble dans le salon où Yeontan aboya. Je n'avais pas continué de les regarder partir sous l'arche, je m'étais arrêté bien avant. Car devant moi, se tenait Taehyung, adossé à la bibliothèque devant l'alcôve, les deux bras croisés à son torse et ses yeux légèrement maquillés fixés sur moi. Je fronçai soudain les sourcils. Je ne rêvais pas ?

Du coin de l'œil, je vérifiai donc qui j'avais enlacé, lorsque mon cœur loupa un énième battement. Ma mère. Ma mère était à mes côtés, assise elle aussi sur les coussins de l'alcôve de lecture, et me regardait avec un large sourire. Je me tournai vers Taehyung, qui s'était redressé. Il me fit un clin d'œil suivit d'un rictus, et disparut sous l'arche pour aller calmer les quatre chiens qui faisaient bruyamment connaissance dans le salon. Je me reportai sur ma mère, qui passa une main à ma joue.

— Maman...

— Comment ça se fait que tu es devenu encore plus beau que ton père ? Crâna-t-elle en fronçant le nez.

Je piaffai quelques secondes, incapable de prononcé le moindre mot. C'était bien elle que j'avais senti. Je ne rêvais pas. Un sourire incontrôlable se dessina à mes lèvres.

— Bon qu'est-ce que tu attends pour prendre ta vielle mère dans tes bras ? Le déluge ?

Un rire sortit d'entre ma gorge et je ne tardais pas à la serrer contre moi de toutes mes forces. Elle fit de même, me faisant comprendre que je lui avais manqué autant qu'elle m'avait manqué. Notre étreinte ne dura pas longtemps avant que je ne prenne réellement conscience de sa présence, et que je lui demande pourquoi elle était sur Séoul, qui plus est, chez Taehyung. Elle m'expliqua alors que ce dernier l'avait invité à la réunion de famille, et je ne pouvais m'empêcher de sourire. Au début, cela la gênait de venir car elle allait être la seule faisant partie de ma famille, qui plus est, avec nos chiens. Mais lorsque mon patron lui avait affirmé que cela ne la présence de nos animaux ne le dérangeait absolument pas – car lui aussi avait Yeontan, et qu'il insistait pour qu'elle vienne, elle a fini par capituler. Mais alors que j'étais infiniment heureux qu'elle soit ici, je le fus d'autant plus lorsqu'elle m'annonça qu'elle m'accompagnait en Allemagne. Bien que ce soit pour une semaine et demie, c'était mieux que rien et j'allais pouvoir profiter à fond mes vacances auprès de mes grands-parents, qui nous adoraient. Moi qui étais déçu de ne pas pouvoir la voir avant mon départ, me retrouvait à sauter de joie face à cette nouvelle. Je lui fis alors un énorme bisou sur la joue qui la fit rire à gorge déployée, avant de me le rendre sur le front.

— Quand est-ce que tu es arrivée ? Lui demandai-je.

— A l'instant, elle souffla. Quatre heures de voiture, c'est vraiment long... Les whippets en avaient marre.

Je ricanai.

— Je veux bien le croire. Mais où est-ce que tu vas dormir ?

— Au début je voulais prendre un hôtel, mais Taehyung m'a proposé de prendre la chambre de sa nièce, elle haussa les épaules. C'est pour la moitié d'une nuit, alors je ne pense pas que ça le dérange plus que ça.

J'eus un sourire en coin.

— S'il t'a proposé, c'est que ça ne le dérange pas, nouille.

Elle ria une nouvelle fois et nous finîmes par nous lever en même temps afin de rejoindre le salon, où Taehyung était installé sur le canapé à papouiller la tête de Naya, coincée entre ses jambes. Un cri de joie de la part de Yumin retentit depuis la mezzanine suivit d'un râle, qui devait sûrement provenir de Seokjin. Pendant que Yoongi descendait les escaliers pour venir saluer ma mère – qui ne se gênait pas pour observer le luxe de l'appartement, je me rendis vers le canapé et m'installai auprès de mon petit-ami. Néo s'arrêta de jouer quelques instants avec Yeontan, et vint me lécher un petit coup la main avant de repartir. Je caressai doucement le dos de Naya qui semblait bien apprécier les papouilles derrière les oreilles de Taehyung.

— J'ai trouvé qui est l'invité d'honneur, fis-je l'air de rien.

Il se tourna vers moi en arrêtant de gâter ma chienne, qui partit jouer avec les autres, heureuse.

— Mhh vraiment ? Il eut un sourire en coin.

Ma langue passa humidifier mes lèvres et je tentai de maintenir un rictus.

— C'est gentil d'avoir pensé à elle et de l'accueillir cette nuit.

Il se contenta d'embrasser le coin de ma bouche d'un air mesquin lorsque Yumin se pointa devant nous, une mine assez stressée au visage. Immédiatement, Taehyung lui donna toute attention en la laissant murmurer :

— Tonton, c'est qui la dame ?

Ses petites pupilles fixèrent sur le côté, là où Seokjin et Yoongi parlaient encore à ma mère vers l'arche. Naturellement, c'était la première fois qu'elle la voyait et mon patron ne lui en avait sans doute pas parlé. Celui-ci la prit sur ses genoux pour lui répondre à voix basse :

— C'est la maman de Jungkook.

Soudain, son visage enfantin s'illumina et elle m'accorda un regard joyeux avant de se reporter à son oncle en s'écriant :

— C'est vrai ?!

Taehyung n'eut pas le temps de hausser la tête que la petite fille sauta de ses genoux pour courir vers ma mère, interrompant au passage la discussion qu'elle avait avec mes deux collègues et amis. Les deux bras le long du corps, la poitrine relevée et le menton bien haut tel un soldat, elle lâcha d'une vitesse hallucinante :

— BonjourmamandeJungkookjem'appelleYumin. J'aiseptansmonTontonestmonTontonetvousêtestrèsjolie.

Un ange passa avant que ma mère ne se mette à rire devant tant de mignonnerie, très vite suivie par nous tous. Elle s'agenouilla à sa hauteur en posant une main sur sa tête, pour à son tour se présenter comme Yumin venait de le faire.

Le courant est très vite passé entre elles. Durant l'apéritif après la venue des parents de Taehyung et de ceux de la petite fille, elles n'arrêtaient pas de parler. A telle point que Soomin avait dû la remettre à l'ordre gentiment en prétextant qu'elle devait cesser d'embêter ma mère. Personnellement, je ne parlais pas vraiment. Je me contentais de répondre aux questions que me posaient les parents de mon patron par de courtes phrases à cause du stress. Ils étaient réellement charismatiques sans pour autant compter sur leur métier, le physique suffisait amplement. Rien qu'un regard de la part du père me paralysait sur ma chaise alors que pourtant, il avait l'air gentil comme un agneau. Son physique de vice-président de LRP ne collait pas vraiment à sa personnalité, c'en était assez amusant bien qu'étrange.

Quant à sa mère, je la trouvais toujours aussi impressionnante que lorsqu'elle était venue en tant qu'inspectrice chez moi, à Busan. Ce qui m'avait touché, était qu'elle s'était souvenue de ma réticence aux contacts physiques et l'avait bien rappelé à son mari alors que celui-ci avait voulu me serrer la main. Je m'étais donc seulement courbé en souriant. De plus, elle semblait réellement contente de me revoir dans un contexte plus agréable. La question de Jihyung n'avait aucunement fait surface. Nos deux mères ne mirent pas longtemps pour bien s'entendre jusqu'à rire à gorge déployée, incluant celle de Yumin.

A la fin du repas, deux groupes s'étaient formés naturellement, les femmes et les hommes. Certaines fois, des questions fuitaient d'un groupe à l'autre, ce qui les rassemblaient sur un sujet commun. Du côté des mères, tout tournait dans le domaine familial et scolaire tandis que chez les hommes, l'économie et la politique étaient les stars. Personnellement, je ne me prêtais pas à ce genre de conversation et préférais m'occuper de Yumin en jouant avec elle à la Nintendo Switch dans le salon.

Lorsqu'elle n'avait plus envie de jouer, nous allions dans la pièce « privée de Taehyung », là où il exposait une immense maquette de collection, qu'il pouvait modifier à sa guise en achetant d'autres bâtiments et décorations. Il y faisait ses puzzles aussi ; certains étaient accrochés dans le reste de l'appartement, mais la plupart restaient dans cette pièce, pendus aux murs pour remplacer le papier peint blanc. Sans l'autorisation de Taehyung, nous continuions de construire son puzzle actuel, une magnifique vue sur les rizières de Chine. Sachant son amour pour ce genre d'activité, je commençais à me demander si j'allais lui acheter un puzzle tout droit venu d'Allemagne. Après tout, qu'est-ce que je lui avais offert pour remercier son attention portée à l'achat de mon nouveau téléphone ? Certes, ça datait déjà de six mois, mais il n'était jamais trop tard.

— Yumin, fis-je calmement en tentant de placé une pièce.

— Voui ?

Placée de l'autre côté de la plaque de bois où était déposé le tableau, elle loucha sur une pièce avant de lever son regard étoilé vers moi. Je me mordis quelques secondes les lèvres par angoisse de lui poser une question qui me taraudait depuis longtemps.

— Est-ce que tu sais pourquoi Tonton vouvoie ton Papi et ta Mamie ?

Elle déposa sa pièce à côté de la mienne avant de s'assoir correctement sur sa chaise. Sa main partit gratouiller ses cheveux bruns coupés en un joli carré, comme si elle réfléchissait à la réponse qu'elle allait me fournir. L'air de rien, je continuai à étudier les pièces rangées par image et couleur.

— Un jour, j'ai posé la même question que toi à Papa, fit-elle d'une petite voix. Il m'a dit que Tonton faisait ça depuis qu'il est devenu son frère, à... cinq ans je crois.

Je haussai les sourcils. J'avais compris que Taehyung avait été adopté par sa famille actuelle, c'était lui qui me l'avait expliqué indirectement lors de ma lecture de la dernière lettre de sa mère biologique. Il était si jeune que ça ? Soudain, un point me fit tilt. Celle-ci avait expliqué comment elle avait trouvé son prénom actuel. Mais quel était son ancien, dans ce cas-là ?

— Tonton a jamais dit « tu » à Papi et Mamie. Papa m'a raconté qu'ils avaient beau le reprendre sur ça, il disait toujours « vous », sauf avec Papa à cause de ses menaces.

Elle ricana quelques instants.

— Quand Tonton disait « vous » à Papa, il ne lui répondait pas et l'ignorait jusqu'à ce que Tonton finisse par dire « tu ». Papa se faisait gronder, mais c'était pas grave.

Je lui souris.

— Après c'est resté comme ça, Papi et Mamie ont fini par lâcher l'affaire. Papa m'a dit que Tonton faisait ça par respect.

Je haussai à nouveau les sourcils.

— Par respect ?

Elle acquiesça.

— C'est ce que Papa pense en tout cas, parce que Tonton a jamais voulu donner la raison.

Ce fut tout ce que je pus avoir comme réponse jusqu'au soir. Ce qui déjà, m'éclairait beaucoup plus sur ce sujet encore assez inconnu.

Vingt-et-une heure dix.

Je fermai la porte de la chambre de Yumin après avoir souhaité à ma mère une bonne nuit. Mon sourire n'arrivait pas à disparaître, j'étais vraiment trop content qu'elle m'accompagne en Allemagne. Nos chiens dormaient sur un plaid dans le salon après une balade avec Taehyung et Yeontan dans le parc voisin. En plus d'un agréable midi en compagnie de sa famille, nous avions passé une bonne soirée tous les trois. Nous avions aussi beaucoup parlé de plusieurs choses ; mes études, le travail de Taehyung, celui de ma mère, jusqu'à en venir à la nos vacances en Allemagne. Mes chiens venaient pour le même temps que moi, un mois. Cela allait leur faire du bien de voir mes grands-parents et de pouvoir se défouler dans un autre jardin que le nôtre. Après tout, ils étaient eux aussi habitué depuis tout petit à y aller.

Je me fis craquer le dos en rejoignant le salon, où j'embrassai sur le crâne mes chiens, et Yeontan avant d'éteindre toutes les lumières pour monter à l'étage. Il fallait nous coucher tôt, notre réveil était pour cinq heures du matin et j'étais fatigué de cette journée.

Pourtant, un poids commençait à me peser sur le cœur. Taehyung semblait se fermer de plus en plus au fil des secondes, bien qu'il ait souhaité lui aussi une bonne nuit à ma mère chaleureusement. Il ne m'avait pas attendu pour aller se changer.

Ce fut donc avec lassitude que je trainai des pieds jusqu'à la salle de bain pour m'y mettre en boxer. Les affaires de mon patron étaient déjà dans la panière à linge sale, sa brosse à dents humide, signe qu'il était déjà passé par là. Etait-ce parce qu'il était lui aussi fatigué et qu'il ne voulait pas trainer pour se coucher ? Ce que nous avions prévu était que ma mère nous emmène tous à l'aéroport, puis que Taehyung reparte avec notre voiture qu'il allait garder jusqu'au retour de ma mère et ainsi lui éviter de payer le parking. Cela voulait donc dire que demain allait être une grosse journée pour lui ; réveil à cinq heures, puis travail jusqu'à minuit à Coquelicot. Je me sentais mal pour lui, mais il tenait à nous accompagner à notre départ, alors je ne pouvais pas dire grand-chose.

En boxer qui faisait office de pyjama, les dents propres, et le visage démaquillé, j'éteignis la salle de bain et me rendis à sa chambre. Est-ce qu'il dormait déjà ?

Vingt-et-une heures vingt.

Les derniers rayons de soleil illuminaient la pièce aux tons anciens. Les quelques bibelots de fer créaient des étoiles silencieuses un peu partout dans la pièce, comme si je venais d'entrer dans une galaxie lointaine. Le lit de velours rose incarnadin n'était occupé par personne, et il n'y avait pas un bruit. C'était devant la fenêtre ouverte sur les rayons lumineux que se tenait une ombre, dos à moi. Les bras le long du corps, elle semblait être dans une autre dimension, déplacée de notre réalité. Par des pas légers, je m'approchai d'elle timidement, et, à sa hauteur, je fis glisser mes deux bras autour de son ventre en déposant ma joue contre sa nuque. Sa peau nue contre le mienne me donna des frissons. Depuis que les températures avaient augmentées, nous avions fini par dormir en boxer, comme une bonne partie de la population masculine.

— Je me demandais où tu étais... Murmurai-je.

L'une de ses mains se posa sur les miennes jointes à son ventre.

— Et alors, je suis où ? Riposta-t-il avec un sourire que je pouvais facilement deviner.

Pris de court par cette réplique, je pouffai petitement. J'étais rassuré. S'il se mettait à faire des vannes en ma présence, c'est qu'il ne m'en voulait pas pour quelque chose quand bien même je sentais une légère distance. Je lâchai un soupir en fermant les yeux, toujours appuyé contre lui. Son corps était chaud.

Dans cette position, nous restâmes quelques minutes immobiles, comme sur une photographie, un instant figé pour l'éternité. Ses respirations berçaient les miennes, et le bruit de la ville qui retentissait depuis la fenêtre ouverte devant lui créait un fond sonore plaisant. Plus les secondes passaient, plus les ombres s'octroyaient la place dans la pièce.

Ce fut, au bout d'un moment, avec l'envie d'aller me coucher, que je demandai doucement :

— A quoi est-ce que tu penses... ?

Sa main auparavant sur les miennes finit par me forcer à les délier pour qu'il puisse en serrer une contre son cœur. Sa tête se baissa légèrement.

— Dans moins d'un mois, c'est le vingt-deuxième anniversaire de la mort de ma mère, répondit-il d'un ton bas. Je voulais y aller avec toi.

Je me mordis les lèvres en rouvrant les yeux.

— Je suis désolé...

Ce fut à son tour de pouffer avant que le silence ne s'installe de nouveau.

— On ira à mon retour, d'accord ? Ajoutai-je. Je serai ravi de la rencontrer.

Il ne me répondit rien. Son pouce caressait le dos de ma main pendant que son autre restait le long de son corps.

— Mmh dis Tae... Hésitai-je en refermant les paupières pour apprécier sa chaleur.

Ses doigts s'enroulèrent autour des miens, comme s'il m'encourageait à continuer sur ma lancée. Sauf qu'en fonction de son humeur actuelle, ma question pouvait être mal interprétée si je ne veillais pas à la façon dont j'employais mes mots. Je soupirai longuement en cherchant quelques instants de quelle façon j'allais pouvoir formuler ma phrase.

— Entre ma mère, et Mère... Quelle est la différence ?

Pour lui, ces deux termes étaient très distincts. Avec la réponse que m'avait fournie Yumin, j'avais compris pourquoi Taehyung vouvoyait ses parents adoptifs. Sauf que son respect envers eux allait encore bien plus loin ; même s'ils s'étaient pas présents, jamais il n'avait parlé d'eux en employant les termes « ma mère » ou « mon père ». C'était toujours, « Mère », et « Père ». Mais lorsqu'il parlait de sa génitrice biologique, c'était « ma mère ». Je ne connaissais pas encore toute l'histoire qui se cachait derrière cette porte entrouverte.

Anxieux de ma question, mon cœur loupa un battement quand il soupira discrètement en relevant la tête vers le crépuscule.

— Ma mère est celle qui a planté la graine, Mère est celle qui l'a arrosée pour en prendre soin.

Je rouvris les yeux à sa réponse.

— Quelle graine est-ce ?

Il monta l'alliance de nos mains à ses lèvres pour y déposer un baiser.

— Je dirais... Un olivier. Avec beaucoup de cicatrices à cause du temps.

Un sourire barra mon visage et j'inspirai profondément en me laissant fondre contre sa peau.

— Le rameau d'olivier que la colombe rapporte à la fin du Déluge dans les Bibles, murmurai-je.

— La victoire.

— La pureté.

— La longévité.

— La fécondité.

Soudain, il se retourna entre mes bras. Je dus quitter à contrecœur sa nuque pour le regarder dans les yeux, lorsque mon cœur se mit à tambouriner dans mon crâne. Un magnifique sourire illuminait son visage, et grâce à l'or de la lumière du soleil qui se reflétait dans ses cheveux noirs, je me retrouvai actuellement avec un ange venu tout droit du Paradis. Ses pupilles brillaient de mille feux, comme si l'univers entier venait de trouver refuge dans ses yeux.

— Ca va être difficile pour la fécondité, crâna-t-il en fourrant son nez dans mon cou.

Je lâchai un grand rire sincère en passant un bras derrière sa nuque pour me tenir à lui lorsqu'il me fit pencher en arrière en embrassant ma clavicule. Ses mains se baladèrent dans mon dos au rythme de ses baisers alors que je continuais à ricaner de ce qu'il avait répondu, si ce n'était pas parce qu'il me chatouillait. Nous tombâmes ensemble sur le lit et rapidement, il se mit à me faire des chatouilles au ventre et aux côtes. Son corps me surplombait totalement et j'avais du mal à me défaire de son emprise à cause de l'euphorie qui me prenait.

Le reste de notre soirée se résuma à discuter de toute sorte de choses différentes. Nous n'avions pas non plus trainé pour aller nous coucher, mais avant cela, durant notre discussion, je lui avais promis de l'appeler à mon arrivée en Allemagne. Avec le décalage horaire et son travail, ça allait être compliqué de s'appeler. Dans ses paroles, j'avais compris la raison de son silence de tout à l'heure était due à mon départ. Après tout, cela faisait déjà quelques mois que nous habitions pratiquement tout le temps ensemble et du jour au lendemain, il allait se retrouver seul pendant un mois. A moi aussi, cela allait me faire étrange d'être aussi loin de lui.

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