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— Monsieur Jeon.
D'un léger sursaut, je sortis de ma transe et levai la tête vers le producteur, qui semblait attendre quelque chose de ma part. D'un coup d'œil rapide, je vérifiai les quatre personnes autour de moi, dont celles à mes côtés qui me fixaient à leur tour. Je compris avec retard que c'était à mon tour de faire ma proposition, et me levai de ma chaise. En voulant regarder le producteur à la table en face de moi, je déviai sur lui, à ses côtés, qui m'observait d'un air las, les yeux à moitié fermé d'ennui.
— Proposez-nous votre pitch.
Je haussai la tête en me mordant les lèvres, mon scénario entièrement écrit entre mes mains.
— Kim Jaehyu est un jeune homme passionné d'urbex, qui lors d'une aventure sera pris de compassion pour un esprit en quête du paradis.
Le producteur haussa les sourcils et eut un sourire fier. Intérieurement, je soupirai en me rasseyant. Les quatre autres personnes qui me précédaient me fixaient avec énervement. Je me contentai d'ignorer les foudres en relisant mon synopsis. Le chef de cette pièce luxueuse se tourna vers l'assistant réalisateur, à ses côtés, occupé à écrire je ne savais quoi sur une feuille.
— Lequel vous inspire le plus, Park Jimin ?
Le regard las de ce dernier se leva vers moi pendant quelques secondes avant de glisser sur les autres, qui puaient la nervosité. Mon corps se tendit lorsqu'il soupira.
— Il n'y a rien à faire, celui qui m'inspire le plus est celui de Jeon Jungkook.
En entendant mon nom, je lui envoyai un regard tueur et ma mâchoire se serra au point où je sentais mes dents me faire mal. Le producteur, homme d'environ la cinquantaine et d'une gentillesse absolue, rit de bon cœur.
— Vous avez tous fait un très bon travail, félicita-t-il les quatre autres personnes à mes côtés. J'espère de tout cœur que vos scénarios seront mis à l'honneur la prochaine fois.
Respectueusement, nous les saluâmes en baissant la tête et nous partîmes ensemble de la pièce, qui donnait sur un couloir propre et spacieux. Deux de mes frères de métiers et passions me jetèrent à nouveau un regard froid tandis que les deux autres ne firent que de tracer leurs routes, le pas dynamique. J'étais agacé.
Mais alors que je voulus me rendre à la cafétéria de Mid studio pour penser à autre chose, un bras s'enroula à ma nuque, accompagné d'un grand rire.
— Alors comme ça ton scénario a encore été retenu ?
Je tournai la tête vers un jeune homme légèrement plus âgé que moi, un large sourire fier déformait son visage. Ma colère s'assoupit à sa présence, ne laissant place plus qu'à une légère quiétude.
— Oui, encore, fis-je à contrecœur.
Il passa devant moi et mit ses deux mains sur ses hanches, les sourcils froncés en tirant la moue.
— Tu n'as pas l'air fier de toi.
— Elisio... Je ne le suis pas, soupirai-je.
Le faisant rappeler le pourquoi, une lumière sembla apparaître au-dessus de sa tête et il ricana de gêne. Puis sans même nous concerter, nous partîmes en direction de la cafétéria qui se trouvait à quelques étages plus bas. Spacieuse, elle accueillait déjà pas mal de monde qui venait faire leur pause, quelques régisseurs arrivaient pour chercher des commandes et les emmener sur les lieux de tournages, d'autres buvaient seulement un café.
Certains regards se tournèrent vers moi à notre entrée et des pouces en l'air se levèrent afin de me féliciter. Apparemment, le bruit était déjà aller loin, et j'en soupirai discrètement. Nous nous installâmes à une table proche des baies vitrées donnant vues sur le fleuve Han, et la ville, ensevelie sous le temps froid de cette fin d'hiver. Mon ami ne perdit pas de temps à déposer sa veste et partit en direction des vitrines pour commander. Pendant son absence, je me mis à observer le paysage, la main servant d'abat-jour pour ma tête. Un brouillard tombait progressivement sur la ville depuis quelques jours, nous coupant de moitié la lumière du soleil. Je soupirai en laissant traîner mon regard sur le fleuve, calme en cette journée plate.
Élisio revint quelques minutes plus tard avec deux donuts et deux thés brûlants. Il me fit un large sourire et but une gorgée en me menaçant de ne pas le rembourser pour ça. Je le remercie et laissai mon regard se perdre sur ma tasse fumante. Je crois que mon ami me parlait, mais je ne l'écoutais que lorsqu'il m'appela pour me poser une question.
Comme réponse, je haussai la tête en lâchant un soupir intérieur. Elisio me sourit légèrement, voyant que je ne voulais pas en parler, et continua d'expliquer ses anecdotes quotidiennes sur sa maladresse.
Plutôt bel homme, grand, brun aux yeux verts et d'origine autrichienne, il était doté d'une gentillesse inébranlable et d'un esprit positif quel que soit les situations. Avec son sourire charmant et contagieux, il était presque impossible de penser aux problèmes en sa présence. Sa maladresse verbale comme physique créait en lui un charme atypique. Je le connaissais depuis deux ans, un jour où la pluie n'avait cessé de tomber. Avec deux ans de plus que moi, Elisio était un chef-monteur réputé pour ses compétences en montage et travaillait depuis un mois sur l'un des films dont le scénario avait été mien.
— Ca avance ? Demandai-je en croquant dans mon donut.
Mon collègue avala en haussant rapidement la tête. Il me raconta par la suite que tout se passait pour le mieux, que les autres monteurs suivaient parfaitement la cadence qu'il avait imposé, et que les compositeurs de Mid Studio travaillent sur des musiques qui allaient parfaitement à l'ambiance du film. J'eus un léger sourire en le voyant aussi enjoué lorsqu'il parlait de son métier. Vers la fin d'année scolaire, des étudiants en cinéma devaient interviewer un professionnel du métier qu'ils voulaient faire en seconde année, et Elisio sautait toujours sur l'occasion avec enthousiasme.
Seize heures cinquante.
Après notre pause, il dut retourner à son poste et je me retrouvai seul dans les couloirs du quatrième étage, à marcher lentement, les mains dans mes poches de manteau et mon cartable en cuir à un poignet. Las, le regard au sol qui passaient d'une chaussure à l'autre, je m'arrêtai subitement devant l'affiche du prochain film qui sortait dans quelques mois ; Alone, actuellement en postproduction. En-dessous des deux personnages qui se tournaient le dos, quelques noms étaient inscrits. Voir le mien ne me provoquait ni chaud ni froid. A vrai dire, j'en étais même lassé et j'eus une pulsion d'envie de le rayer.
— Jungkook.
Mon cœur fit un bon et je tournai instinctivement la tête devant moi. Quelques kilos en moins, un smoking noir à la cravate verte, les cheveux coiffés en arrière, il me fixait d'une manière qui me hissa le poil.
Jimin.
Mon corps se braqua et je fuis son regard empli de pitié en me mordant les lèvres. J'étais fatigué, quand est-ce que la journée se terminait ? Je ne voulais pas rentrer. Rien qu'à le voir à quelques mètres de moi, une immense colère m'emparait et je dus serrer mes poings dans mes poches pour tenter de me maintenir. Il s'approcha, et me tendit une enveloppe que je meurtris du regard.
— Tiens, Monsieur Kim veut déjà te remettre les droits d'auteur en plus d'une prime.
Les sourcils froncés, mes yeux passèrent de cet épais bout de papier à son visage non serein.
— Pourquoi y'a-t-il encore fallu que tu choisisses mon scénario ? Crachai-je avec dédain.
Sa main qui tenait l'enveloppe se baissa et il soupira, la mine froissée. Je ne voulais pas de cet argent et rien que de voir cet air déçu à son visage, m'énervait. Personne ne passait dans le couloir, peut-être qu'ils faisaient demi-tour en nous voyant ensemble dans le même mètre carré, ce qui était déjà arrivé ce mois-ci.
— Je suis professionnel Jungkook, articula-t-il. Je choisis le scénario en fonction de la qualité du pitch et s'il sera pertinent pour les spectateurs.
Ses mains se serrèrent à son tour et ses sourcils se froncèrent, l'ambiance devint alors soudainement plus dangereuse autour de nous. Mes nerfs se tordaient dans tous les sens, mes envies passaient à celle de lui en mettre une à celle de partir sans rien rétorquer.
— Celui sur une œuvre d'art devenant vivante était plus parlant, fis-je froidement.
— Vu et revu, répliqua Jimin en me défiant du regard. Je n'y peux rien si tu es toujours dans l'originalité.
Bruyamment, je lâchai un gros soupir en me frottant les yeux du pouce et de l'index.
— La prochaine fois, ne me choisis pas.
Sans rien ajouter, je repris ma route en passant à côté de lui, et arrachai au passage l'enveloppe de ses mains. Elle pesait lourd et j'étais ennuyé d'avance de l'ouvrir en rentrant chez moi.
— Je te choisirai.
Après quelques pas, je me retournai et le fixai. Dos à moi, les bras ballants le long du corps et la tête basse, il partit par des pas lents et lourds. Je ne sais plus ce que j'ai ressenti à ce moment-là, en le voyant dans cette position. Cela ne me faisait ni chaud ni froid. Je n'étais ni content ni peiné. Alors j'ai fait demi-tour sans un mot, et je suis parti de Mid Studio, l'enveloppe au fond de mon cartable. Le ciel était gris pour un début de printemps, les températures avoisinaient les dix degrés, la plupart des passants rentraient avec leurs enfants, suivit de groupes de collégiens et de lycéens. Comme quelques fois lorsque je partais de cette boîte cinématographique et que les journées se ressemblaient toutes, je décidai de rentrer à pied. La semaine était terminée.
Le cartable suspendu à un poignet, les mains dans les poches de manteau, je trainai lentement, le nez bas, dans les rues bondées de personnes pressées de se mettre au chaud. Les flaques d'eau de la nuit dernière reflétaient ce que j'étais, aussi clairement qu'un miroir posé au sol. Je marchais sur moi-même, je me piétinais, j'effaçais cette horreur de ma vue en maintenant une profonde haine. En soufflant lentement, je relevai mon visage du double monde sous mes semelles vers le ciel, toujours aussi gris et fade. Depuis combien de temps le soleil n'avait-il pas rayonné ?
L'air froid me grignotait le visage et mes paupières se faisaient lourdes. Tout ce que j'avais envie de faire à ce moment-là était de m'installer confortablement dans mon lit et ne penser à plus rien pendant un temps indéfini, un verre et des plaquettes vides à côté de moi. Soudain, ma sonnerie de téléphone me sortit de ma torpeur et je le pris de ma poche en vitesse. C'était Maman.
— Allô ? Répondis-je, contrarié.
— Raconte-moi ta journée mon cœur, comment vas-tu ? fit-elle directement.
J'eus un léger sourire avant d'avoir le nez qui pique.
— Mon scénario a encore été choisi... Celui de Sooty...
— Oh vraiment ? Un ton enthousiaste se devinait facilement. C'est super bien ! Et les autres scénaristes, qu'est-ce qu'ils ont fait ?
C'était notre appel hebdomadaire. Les jours dépendaient de ce qu'il se passait de mon côté, et de ce qu'il se passait du sien. Cela pouvait être deux jours de suite, Dimanche et Lundi, comme six jours d'intervalles Mercredi et Mardi, mais toujours une fois par semaine. C'était un petit rituel qui était apparu de lui-même depuis presque deux ans. Je lui racontais qui je rencontrais, comment je m'étais senti durant la journée, quelles avaient été mes émotions, et la plupart du temps, quelques perles salées et fatiguées dévalaient mes joues. Comme aujourd'hui, pendant que je traversais un parc où les fleurs ne sortaient pas, un jour vide parmi tant d'autres qui s'ajoutait.
Je lui racontais les raisons de ma colère constante, mais aussi la sérénité qu'apportait Elisio, cet être toujours positif et me permettant de penser à autre chose en sa présence. Mais cela n'allait pas plus loin. Il ne savait pas apaiser le démon d'un seul regard. Et comme chaque fois où l'on s'appelait, je lui répétais ces trois mêmes mots qui ne quittaient jamais ma tête. Ces trois mots souvent accompagnés de quelques autres qui les suivaient, avant que je ne me laisse abattre part mon destin. C'était comme ça. Ma mère ne rétorquait pas grand-chose à mes paroles, qui me brisaient plus encore à chaque prononciation.
Les passants qui profitaient du parc me regardaient d'un air empli de pitié, de questionnement ou d'inquiétudes. D'autres continuaient leurs routes sans s'en soucier, alors je baissais la tête en continuant de frotter mes semelles contre le gravier pour ne pas affronter leurs ignorances ou leurs regards. Ma mère se mit à son tour à me raconter sa journée, qu'elle avait gagné un procès de plusieurs semaines d'une jeune fille abusée sexuellement à répétition par le même homme. Elle m'expliqua que la famille de cette dernière avait fondu en larmes lorsque son agresseur a finalement été condamné à cinq ans de prison avec cent millions de won comme amande. Un hoquet me prit en entendant cette somme et elle lâcha un rire qui me mit de la pommade sur le cœur.
Dix-sept heures trente.
— Rentre prendre un peu de vacances Jungkook, conseilla-t-elle après notre discussion.
Je baissai la tête à mes chaussures et me mordis les lèvres. Mon immeuble était au coin de la rue suivante, il me fallait rapidement lui donner une réponse avant que je ne rentre. J'hésitais. Je ne savais pas ce qui était le mieux pour ma propre santé mentale. J'étais complètement perdu, et c'était aussi pour cette raison que Maman m'appelait toutes les semaines, qu'elle me conseillait de prendre des vacances à certains moments. Son instinct maternel savait où était ma limite et à quel moment elle devait me forcer à prendre du repos. L'avantage de travailler à mon compte était que je pouvais faire ce que je voulais et quand je le voulais. Seulement, ma motivation partait de jour en jour, je ne savais même pas s'il y avait un fond, si je l'avais déjà dépassé ou non. Je ne savais pas non plus comment mes scénarios et mes romans pouvaient avoir autant de succès alors que je n'étais qu'une coquille vide. C'était ma mère qui avait lancé ma carrière, depuis deux ans, sans rien me dire.
— Tu te sens en état de conduire ?
Inconsciemment, je secouai la tête de droite à gauche avant de répondre par la négative d'une voix faible.
— Prends un train Dimanche, je ne travaille pas.
— D'accord...
J'arrivai sur le palier de mon immeuble. C'était un beau bâtiment, d'allure aisée et placé juste à côté d'un parc aimé par le public. Le quartier en lui-même était proche de Gangnam. Je soupirai à l'idée de rentrer en disant au revoir à ma mère. Il allait falloir que je trouve une excuse pour partir. Mon téléphone rangé, je me souvins de ce qu'il se trouvait au fond de mon cartable. Je le mis alors sur les marches et retrouvai l'enveloppe que j'ouvris pour compter la somme.
Mes joues se gonflèrent soudainement en me rendant compte qu'il se trouvait près de vingt millions de won. Ce producteur était complètement fou de me donner une telle somme dans une simple enveloppe, et je dus regarder autour de moi pour vérifier si personne n'avait eu un œil curieux. C'était la quatrième somme aussi haute que j'avais reçue en un an et demi. Et encore, si le film allait avoir du succès, Monsieur Kim n'allait pas se priver de me donner plus ce qu'il me devait de droit. Je ne savais pas d'où venait son obsession à mon égard.
De l'enveloppe, j'en retirai les trois quarts que je fourrai dans une sous poche de mon cartable. Ceci fait, je la refermai et pénétrai dans le hall de mon immeuble comme si rien ne s'était passé. Ce n'était pas la première fois que je faisais cela de toute manière. Au troisième étage, je sortis de l'ascenseur et me dirigeai à gauche pour atteindre la porte la plus éloignée du couloir. Je soufflai une énième fois et ouvris la porte grâce au digicode.
— Je suis rentré.
Immédiatement, des pas de courses à l'étage retentirent, dévalèrent l'escalier en colimaçon un peu plus loin et dans le couloir de l'entrée, apparu Zhu, un large sourire aux lèvres. Je fus étonné de la voir avec une robe de soirée bleue mais n'y prêtai pas plus attention. Puis elle se mit à trottiner dans ma direction pendant que j'enlevai mes chaussures, et tendit ses deux mains réclamantes devant moi. D'un sourire forcé, je sortis l'enveloppe de mon cartable et la lui tendis. Comme à chaque fois, elle la prit sans un remerciement et l'ouvris pour se mettre à compter ce qu'il y avait.
— Cinq millions ? Fit-elle en papillonnant des paupières.
Je grimaçai de son attitude et me sentis une nouvelle fois énervé.
— C'est trop bien ! Tu vas avoir encore plus quand ton film va cartonner ?
— Oui, s'il cartonne, soufflai-je d'agacement en me défaisant de mon manteau.
Elle se tût quelques instants en m'observant, son regard passant de mes yeux qui devaient être encore rouges aux traces laissées par mes larmes.
— Eh ben, t'as pleuré de bonheur ?
Une nouvelle fois, je tiquai d'énervement, ne répondis rien, et partis pour le salon. Cela faisait un an que j'habitais dans cet appartement, et huit longs mois avec Zhu. Il était assez grand, spacieux, moderne, une cuisine ouverte sur le salon, un balcon, une grande baie vitrée donnant vue sur le parc, et un escalier en colimaçon menant à la mezzanine où se trouvaient une chambre, une salle de bain, et un dressing. Dans le couloir d'entrée, derrière la cuisine, une porte menait à un simple bureau où je travaillais mes scénarios et mes romans.
— Au fait, reprit-elle, sur mes pas, j'ai fait un peu de tri dans tes papiers. Y'en a pas mal à jeter mais tu regarderas si y'a des trucs que tu veux garder.
Je me laissai tomber sur le canapé d'angle et fermai les yeux, la tête penchée en arrière sur le dossier. Son aura s'approcha de moi et deux mains se posèrent sur mes joues.
— T'es fatigué ?
— Fous-moi la paix.
Elle râla en retirant ses paumes de mon visage, qui commença à me gratter à la suite de son passage. D'un ton désagréable, je la rejetai indirectement en lui disant que cet argent était pour son anniversaire de demain, qu'elle pouvait faire ce qu'elle voulait avec. Les yeux toujours clos pour ne pas être encore plus énervé face à son attitude physique, elle sautilla de joie en contournant le canapé et vint s'asseoir sur mes cuisses, face à moi, pour poser ses lèvres sur les miennes.
Directement, j'ouvris les yeux et ressentis un profond dégout à la voir si proche de moi, les paupières fermées. Alors je tournai la tête en direction de la baie vitrée pour interrompre ce baiser empoisonné. De nouveau, elle râla, se retira de moi et partie à l'étage, l'enveloppe précieusement coincée entre ses doigts. Je me passai un coup de manche sur ma bouche et me frottai le visage pour tenter de faire partir les fourmis.
Zhu était une femme de mon âge, la peau légèrement bronzée, de longs cheveux bruns et lisses, un visage symétrique, d'origine indienne, et frôlait le mètre soixante-cinq. Cela faisait dix mois qu'elle parlait de nous avec le terme « couple ». Je ne supportais pas ce mot, alors je ne le disais pas. En sa compagnie, je n'aimais pas faire ce que les couples faisaient en temps normal : aller dîner, regarder un film ou une série, dormir ensemble, faire l'amour, rire, se chamailler, tout. Je détestais tout.
En dix mois, c'était elle qui avait fait le premier pas pour que l'on couche ensemble, c'était même tout le temps elle. Les quelques fois où c'était arrivé, lorsqu'elle s'endormait, je sortais du lit et partais vomir aux toilettes. Je me sentais tellement honteux de faire ce genre d'acte que je les fuyais de nouveau comme la peste, comme autrefois. Je me lavais par la même occasion, frottais ma peau jusqu'à ce que la souillure parte de mon corps, puis laissais mon âme se noyer.
Connaissant Zhu, je me doutais que les rares fois où l'on couchait ensemble ne lui suffisait pas et qu'elle devait voir ailleurs durant mon absence. A vrai dire, cela ne me faisait ni chaud ni froid. Je n'avais aucun sentiment pour elle, et ma mère me demandait pourquoi je la laissais vivre chez moi. Je me posais la même question. Pourquoi est-ce que je ne la virais pas, alors que chacun de ses faits et gestes m'énervaient jusqu'à la détester ?
Mon esprit avait perdu sa logique, ses repères, ses passions, tout. J'étais devenu bipolaire, je me remplissais d'idées plus sombres les unes que les autres, je n'avais plus confiance. Etait-ce possible de toucher le fond depuis deux ans, et d'être toujours présent ? Qu'est-ce que Dieu attendait de moi pour ne pas me laisser mourir quand je le désirais ?
Je soupirai en observant la légère flaque qui se formait sur le balcon, chaque gouttelette qui y mourait.
— Ah au fait Kook-
Un élan de haine me prit subitement et je hurlai :
— Ne m'appelle pas Kook !
Je l'entendis marmonner depuis l'étage. Ma tête me tourna d'un coup et je dus me la prendre entre mes mains pour tenter de me calmer. J'entendais mon cœur battre dans mes trempes, mon ventre se tordait dans tous les sens, et me sentais agressé par tout ce qu'il se trouvait autour de moi.
— Jungkook, rectifia-t-elle d'un ton las, il y a eu du courrier pour toi de la part de ta maison d'édition, je l'ai posé sur-
— Merci.
Sans plus un mot, je me levai du canapé en prenant mon cartable, reparti dans le couloir et allai m'enfermer dans mon bureau en claquant la porte. Adossé à celle-ci, je couvis mes yeux de ma main libre pendant quelques dizaines de secondes. Des toquements retentirent soudainement dans mon dos, ce qui eut le don de m'agacer encore plus alors que je tentai de trouver un peu de calme.
— T'es gonflant quand t'es dépressif comme ça, râla Zhu, sa voix étouffée par la porte. Tu ne veux pas te calmer et être de bonne humeur pour une fois ?
— Fous-moi la paix bordel de merde ! Hurlai-je à nouveau.
Je quittai le pas de la porte et jetai mon cartable sur le petit canapé qui se trouvait derrière mon bureau. C'était une pièce assez grande, comprenait une fenêtre en face de la porte qui donnait vue sur la rue et son trafic, une large bibliothèque où étaient entreposé des centaines de romans, dont la dernière étagère qui comportait les miens sorti en librairie. A ses pieds, je vis plusieurs cartons remplis de papiers différents, sans doute était-ce ce que Zhu s'était permis de trier.
Puis sur mon bureau, je vis effectivement une enveloppe que j'allai ouvrir avec ennui. Mes yeux glissaient sur les lignes et en apprenant que ma maison d'édition acceptait une nouvelle fois de publier l'un de mes romans, je lâchai un long soupir. C'était le sixième en un an et demi. Mon travail du passé portait ses fruits et me permettait de sortir des livres régulièrement, sans que je n'aie à trop retravailler.
Trois de mes romans avaient déjà été adapté en film ; Exister Autrement, Cœur de Glace, Pourquoi Toi ?, et bientôt allait être le tour de Sooty. Celui qui venait d'être accepté pour la publication s'appelait Les ailes du désir, que j'avais écrit deux ans auparavant. Faire tout cela en seulement un an et demi, c'était assez exceptionnel. Ce qui l'était d'autant plus, était les adaptations en films; Mid Studio était tellement riche et grand qu'ils avaient la capacité de réaliser plusieurs films en même temps.
Dans sa lettre, mon éditeur m'annonçait aussi qu'il y avait déjà beaucoup de précommandes, et qu'il était toujours aussi épaté de voir à quel point mes livres se vendaient aussi rapidement. Après tout, je n'étais encore qu'un nouveau sur le terrain. Lorsque j'eus terminé de lire, je la jetai sur mon bureau légèrement en bordel, et allai reprendre mon cartable pour en ressortir la somme que j'avais gagné aujourd'hui. Je savais pourquoi Zhu me collait. Cette femme était une obsédée par l'argent et depuis que je commençais à être connu, elle me prenait pour son sugar daddy, en quelque sorte. Elle pensait gagner contre moi et profiter de ma soi-disant naïveté, mais les rôles s'étaient inversés lorsque j'avais compris ses réelles intentions. Encore une fois, je ne savais pas pourquoi je la gardais chez moi.
Mes billets dans une main, je retirai mes romans de la dernière étagère de ma bibliothèque et tapai un coup le font. Celui-ci se retira et j'en sortis une boite d'une taille moyenne, où je tapai un code défini pour l'ouvrir. En voyant qu'il n'y avait plus trop de place, je râlai. Il allait falloir que je retourne à la banque sans que Zhu ne le sache. Je n'aimais pas qu'elle mette les pieds dans mon bureau durant mon absence, mais si je le lui empêchais catégoriquement de mettre ne serait-ce qu'un seul cheveu, elle allait forcément se douter de quelque chose. D'un côté je ne me faisais pas trop de soucis, car elle ne s'intéressait pas à mon travail et ne posait pas même un œil sur ma bibliothèque.
L'argent caché, je refermai la boîte et la rangeai à sa place. Puis je m'affalai sur mon canapé en soufflant, une main sur le ventre et le coude par-dessus mes yeux. J'étais fatigué. Je n'arrivais pas à me détendre à cause de la colère qui circulait dans mes veines depuis tout ce temps. Ma capacité d'imagination débordante que j'avais autrefois avait disparue, je ne vivais plus qu'avec mes anciens projets. Désormais, je n'avais plus rien. Plus aucune histoire à corriger, plus aucune histoire à écrire ou à inventer. Ma motivation était tombée en lambeau. Je n'arrivais même pas à être inquiet pour le futur face à l'absence de projet.
Las, je retirai mon coude de mes yeux et me mis à fixer le plafond en soufflant profondément. Soudain, je me souvins qu'il fallait que je réserve mon billet de train pour partir Dimanche. Je m'énervai d'avance à annoncer à Zhu que je rentrais, et de passer un interrogatoire où j'allais devoir mentir à chaque question. Alors je m'assis, une main me frottant les yeux et baillai un coup en tâtant à mes pieds si je trouvais mon cartable. En me rendant compte que mon téléphone était en fait resté dans mon manteau, je lâchai un râlement étouffé. J'en avais marre.
Mon regard se fit attirer par les cartons posés au pied de ma bibliothèque, rempli de différents papiers que Zhu avait triés. Je ne savais pas pourquoi elle avait décidé si subitement de faire du tri dans mon lieu de travail, mais je n'allais en aucun cas la remercier alors qu'elle savait que je n'aimais pas qu'elle vienne dans cette pièce. Daignant à poser les pieds à terre, je m'assis sur le bord du canapé et me penchai pour faire glisser le plus gros carton jusqu'à moi. Je me mis donc à inspecter ce qu'elle avait mis de côté, soit de vieilles factures, des dossiers que je n'utilisais plus, et je réussis même à retrouver mes cours d'autrefois. Première année, début de seconde... Je ne savais pas si c'était encore nécessaire que je les garde, alors je ne fis que je les mettre de côté.
Dix-huit heures dix-huit.
En triant le troisième et dernier carton, je fronçai les sourcils lorsque je soulevai un dossier. Une pochette verte, identique à celles que j'utilisais pour ranger mes histoires se trouvait au fond, sous encore quelques feuilles. Mon cœur sauta dans ma poitrine et je jetai presque ce que j'avais dans les mains pour la prendre et la tendre devant moi. J'avais oublié sa présence. J'avais oublié à quel point cette simple pochette m'avait guéri auparavant. Comment était-ce possible ? Ne l'avais-je pas jeté ? Cette pochette où seules six lettres étaient inscrites dessus, qui comprenait des archives de plusieurs années, de mon enfance jusqu'à la fin de mon adolescence, et ma vie au début de l'âge adulte.
L'histoire qui m'avait permis d'entrer dans un nouveau monde;
OO:SA:KA
~~~~
TO:KY:OO est de retour avec son nouveau tome : OO:SA:KA !!
oh mon dieu j'avais tellement hâte de vous le présenter, il y a tellement de choses que je prépare pour la suite, certaines encore plus incroyables qu'avant !
j'espère en tout cas que ce premier chapitre vous aura plu, et qu'il est tout aussi intrigant envers la suite ! Il y a déjà un bon nombre d'indices cachés un peu partout !
je vous avoue que j'avais une légère pression, surtout quand je vois qu'elle passe un peu sur Twitter ! mais je suis tellement heureuse, je ne fais que de sourire ! Merci du fond du coeur de la faire de plus en plus exister !
concernant les updates j'ai décidé de garder le rythme d'avant : tous les vendredis soir aux environs de 18h !
je vous dis donc à Vendredi, et passez une bonne fin de vacances !! je vous embrasse de tout mon amour ! !!
-traylexe
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