𝟻 ¦ 𝙳𝙴́𝙹𝙰̀-𝚅𝚄 𝙾𝚁𝙰𝙶𝙴𝚄𝚇¹
𝙲𝙷𝙰𝙿𝙸𝚃𝚁𝙴 𝟻
ᴘᴀʀᴛɪᴇ ⒈
« Je me demande ce que
le passé nous réserve. »
— Fʀᴀɴᴄ̧ᴏɪsᴇ Sᴀɢᴀɴ
Une seule et unique semaine fut suffisante pour que Gaitō soit adopté par la petite bande, et ce à l'unanimité. Si le jeune homme avait semblé presque effrayé lors de ses premiers pas dans son nouvel établissement, il avait peu à peu pris ses marques et se sentait bien plus à l'aise parmi eux. Certes discret, il n'empêchait qu'il avait peut-être la personnalité la plus colorée et farfelue qu'ils aient jamais connue. Avec ses chouchous à cheveux et ses nœuds papillon, il égayait les journées de sa bonne humeur. Ce Gaitō donnait l'impression d'être un chouette personnage, Jean ne pouvait pas le nier. Mais il savait à quel point les apparences pouvaient être trompeuses et s'efforçait ainsi de garder la tête froide en sa compagnie, à l'affût du moment où il baisserait sa garde. Il ne savait précisément ce qu'il espérait trouver derrière ce masque, sinon la raison pour laquelle ses yeux de glace avaient éveillé un tel souvenir chez Marco.
Aujourd'hui encore, Gaitō s'était fait une petite place près de Mikasa à leur table attitrée au self, celle à l'étage avec vue sur le petit kiosque en construction derrière le bâtiment. Il s'agissait d'un endroit purement stratégique qu'ils défendaient farouchement : juste en dessous d'eux se trouvaient les petits pains et autres desserts. Grâce à une canne à pêche de fabrication très artisanale, à savoir une ficelle au bout de laquelle on pouvait attacher un crochet ou un aiment, Connie et Sasha s'employaient régulièrement à voler quelques victuailles de plus. Cela relevait du miracle qu'ils ne se soient jamais fait prendre en deux ans de scolarité. La première fois que Gaitō les avait vu à l'œuvre, il lui avait bien fallu avouer qu'il n'avait jamais vu ses deux amis faire preuve d'autant de sérieux.
Mais pour une fois, Jean ne riait pas aux idioties de ces deux énergumènes lui servant d'amis. Dès qu'il le pouvait, son regard se posait sur ce garçon aux yeux bleus dont il analysait les moindres faits et gestes. Si jusqu'ici il n'avait rien remarqué de particulier, Jean ne pouvait simplement pas l'accepter à bras ouverts comme le faisaient ses amis. Un rapide coup d'œil vers Marco qui était assit à sa gauche renforça d'autant plus sa volonté de tirer la situation au clair, et ce quelle qu'elle soit. Depuis une semaine, le brun prenait beaucoup sur lui afin de ne pas laisser paraître aux autres son trouble concernant l'arrivée de ce nouvel ami. Mais pour être honnête, il n'y arrivait que partiellement, se contentant d'éviter au maximum le regard de Gaitō et d'ignorer sa présence quand il le pouvait. Car il l'avait bien vite compris, c'étaient ses yeux bleutés qui lui faisaient perdre le contrôle de lui-même. En évitant de se perdre dans ces billes d'océan, il parvenait à garder un semblant de contenance qui l'empêchait de défaillir une nouvelle fois.
Cependant, certaines manifestations physiques échappaient encore à sa vigilance : les soubresauts irréguliers de sa jambe gauche en témoignaient. Tout en s'assurant du coin de l'œil que personne ne prêtait une attention trop prononcée sur eux, Jean laissa sa main se poser sur la cuisse de son voisin qui dû réprimer un sursaut. Ses yeux chocolat s'écarquillèrent alors que Marco réalisait à qui appartenait cette main dont le pouce débutait de légers mouvements circulaires à travers le tissu de son pantalon. Perdu entre l'envie de rompre ce contact et celui d'en profiter encore un peu, il ne remarqua pas que sa jambe s'était presque instantanément immobilisée. Pour autant, Jean n'envisagea pas une seule seconde de retirer sa main qui resta à cet exact endroit jusqu'à la fin du repas.
Une fois sorti à l'air libre, Marco poussa un long soupir. Mais son repos ne fut que de courte durée, car quelques secondes plus tard, Ymir se dirigeait vers eux avec un regard qui n'annonçait rien de bon. Sa main attrapa si fort le bras de Jean que ce dernier fronça les sourcils sous la fermeté de son geste.
— J'ai à te parler, lui lança-t-elle d'un ton sans appel.
Le garçon se contenta de hocher la tête, sans réellement saisir le sujet de cette conversation. Comprenant qu'il était de trop, Marco préféra d'éclipser au CDI où il espérait trouver un peu de calme pour se remettre de ce déjeuner sous pression. Tout en avançant vers un coin plus tranquille derrière le bâtiment, Ymir ne se pria pas pour aller droit au but.
— Jean, c'est quoi ton problème avec Gaitō ?
Bien que le susnommé fût surprit de la rapidité avec laquelle la jeune fille l'avait percé à jour, il n'en laissa rien paraître sur son visage et se contenta d'hausser un sourcil.
— Que veux-tu dire par là ?
Jouer les ignorants ne lui ferait gagner que peu de temps, il en était parfaitement conscient. Ymir était dotée d'une perspicacité à toute épreuve qui pouvait faire des ravages lorsqu'elle daignait accorder un peu d'attention à autrui. Ainsi, il lui fallait réfléchir vite et bien pour parvenir à convaincre la jeune fille par une explication inventée de toutes pièces. Face au regard noir qu'elle lui adressa, Jean compris qu'il n'avait pas beaucoup de temps devant lui et opta pour un mensonge profondément simple.
— D'accord, d'accord, fit-il mine de se rendre. Je n'ai rien contre lui. Juste un peu de mal à le cerner, c'est tout. Vous l'avez intégré à toute vitesse alors qu'au fond, personne ne le connaît vraiment. Désolé de ne pas être aussi spontané, j'aime autant savoir à qui j'ai affaire avant de lui conter fleurette, termina-t-il avec ironie.
— Gaitō ne parle pas beaucoup de lui, je te l'accorde volontier. Je comprend ta méfiance mais rien de tout cela n'explique les regards noirs que tu lui lances en permanence, ajouta-t-elle avec un air suspicieux. Toi et Marco, vous nous cachez quelque chose et je t'avoue que cela ne me plaît pas trop.
Cette fois-ci, Jean ne pu retenir un tressaillement qui n'échappa guère à son interlocutrice. Il était bien conscient que leurs amis se seraient pas dupes très longtemps, mais il avait espéré pouvoir gagner un peu plus de temps qu'une pauvre semaine. Il se fichait bien ce que ce Gaitō pouvait penser de lui, rien n'était plus important que le bien-être de Marco. Mais ce dernier ne souhaitait pas que le reste de leurs amis soient mis au courant des épreuves qu'il avait dû traverser, alors n'en déplaise à Ymir, Jean resterait muet comme une tombe à ce sujet.
— Crois-moi quand je te dit que ça se voit comme le nez au milieu de la figure, enchaîna Ymir. Je fais suffisamment confiance à Marco pour supposer que vous avez une bonne explication à tout ce cirque. C'est pourquoi je laisse couler pour le moment, mais peu importe ce dont il retourne, lui intima-t-elle, je vous conseille de régler ça rapidement pour éviter de plus amples malentendus.
Après lui avoir donné une grande claque dans le dos, la brune le laissa en plan derrière le bâtiment. Appuyé contre le mur blanc, Jean se laissa quelques secondes pour ravaler la boule qui s'était coincée au travers de sa gorge. Face à une tortionnaire telle qu'Ymir, il supposait s'en être relativement bien sorti malgré les circonstances. Certes, la jeune fille semblait décidée à lui tirer les vers du nez dans un futur proche, mais il espérait être capable de démêler cette situation tendue avant cela.
S'en retournant vers la façade principale du bâtiment, il aperçu le petit kiosque dans son champ de vision. Remarquant l'individu qui s'y trouvait, il ne pu s'empêcher de lâcher une remarque sur la lenteur à laquelle avançait ce projet de construction. En trois ans, seules quelques barres de fer soutenues par des poutres s'élevaient dangereusement à plusieurs mètres de hauteur. Pourtant, en fronçant les sourcils, il se rendit compte qu'il ne s'agissait pas d'un ouvrier de chantier mais plutôt d'un lycéen. En voilà un qui ne devait pas tenir beaucoup à la vie : le futur kiosque était terriblement bancal par mauvais temps et par conséquent interdit d'accès jusqu'à la fin des travaux. Tout en s'approchant un peu, Jean observa ce garçon aux cheveux sombres s'accroupir puis se relever quelques instants plus tard pour décamper au pas de course. D'abord surpris, Jean se demanda s'il ne venait pas d'assister à la dissimulation d'un cadavre. Assumant qu'il avait eut son mot de soucis pour la journée, il préféra se détourner de cet endroit qui ne lui inspirait nullement confiance pour retrouver la chaleur du CDI.
Une fois à l'intérieur, ses pieds le dirigèrent machinalement vers le canapé usé coincé entre deux étagères contenant les manuels d'histoire et les revues périodiques. Bien loin des ordinateurs et des bandes dessinées, ce canapé restait le plus souvent inutilisé. Pourtant, Marco le trouvait bien plus confortable que tous les autres, et c'est après les avoir tous essayés qu'il avait décidé de s'approprier celui-ci. Jean ne fût pas tant surpris de le retrouver à cet endroit précis, les yeux fermés et des écouteurs enfoncés dans ses oreilles. La musique avait pour effet de le couper du reste du monde, et il n'était pas rare que le brun s'adonne à cette technique pour évacuer la tension qui grandissait continuellement en lui. Alors que son ami se laissait tomber à ses côtés, Marco lui proposa silencieusement un écouteur qu'il accepta volontier. Se laissant tous deux porter par la douceur de Billie Eilish, ils attendirent les dernières paroles avant d'aborder un sujet moins plaisant.
— Ymir m'a dans le collimateur, grogna Jean. J'ai plus ou moins réussi à esquiver ses questions mais je n'ai pas nié pour autant, avoua-t-il tout penaud.
— Elle reviendra bientôt à la charge. On ne peut pas continuer ainsi, souffla le brun.
Jean n'était pas sans ignorer que cette situation n'enchantait guère son ami, et ce sous tous les aspects du terme. Car en plus d'éprouver un profond inconfort en sa compagnie, il ne supportait pas l'idée de se montrer désagréable envers quelqu'un. Marco était fondamentalement gentil, c'était l'une de ses plus belles qualités comme l'un de ses pires défauts.
— Gaitō n'a franchement pas l'air méchant. Je me suis probablement trompé sur son compte. Peut-être que c'est moi le problème, murmura-t-il.
— Ne dis pas ça, le reprit aussitôt Jean. Ton inconscient l'a reconnu, ce ne peut pas être une coïncidence. Quelque chose nous échappe, mais nous allons trouver ce qui cloche chez lui.
Ne souhaitant pas prolonger cette conversation qui ne leur plaisait guère à l'un comme à l'autre, le brun préféra poser sa tête sur l'épaule de son vis-à-vis tout en relançant sa playlist en cours d'écoute. Celui-ci ne s'en offusqua pas et vint effleurer du bout des doigts la naissance de ses cheveux légèrement bouclés sur sa nuque.
— Je te le promets, osa-t-il lui souffler.
Dans leurs oreilles, Billie continuait de chanter inlassablement ilomilo et Jean réalisa que Marco avait écouté cette même chanson en boucle.
𝟷𝟾𝟹𝟸 ᴍᴏᴛs
ᴀ̀ sᴜɪᴠʀᴇ...
𝘥𝘦𝘴 𝘱𝘦𝘵𝘪𝘵𝘦𝘴 𝘵𝘩𝘦́𝘰𝘳𝘪𝘦𝘴 𝘴𝘶𝘳 𝘭𝘦 𝘱𝘦𝘳𝘴𝘰𝘯𝘯𝘢𝘨𝘦 𝘥𝘦 𝘨𝘢𝘪𝘵𝘰̄ ?
𝘱𝘰𝘶𝘳 𝘤𝘦𝘶𝘹 𝘲𝘶𝘪 𝘮'𝘢𝘶𝘳𝘢𝘪𝘦𝘯𝘵 𝘭𝘶𝘦 𝘢𝘷𝘢𝘯𝘵 𝘭𝘢 𝘳𝘦́𝘦́𝘤𝘳𝘪𝘵𝘶𝘳𝘦 : 𝘤𝘩𝘶𝘵 !
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