𝟷𝟿 ¦ 𝙻𝙴 𝚂𝙾𝙻𝙴𝙸𝙻 𝙴𝚃 𝚂𝙾𝙽 𝙴́𝚃𝙾𝙸𝙻𝙴¹
𝙲𝙷𝙰𝙿𝙸𝚃𝚁𝙴 𝟷𝟿
ᴘᴀʀᴛɪᴇ ⒈
« Si l'Amour est une prison,
je plaide la perpétuité. »
— Jᴏʜɴ Jᴏᴏs
Dᴇ́ʙᴜᴛ Aᴠʀɪʟ
Il était déjà près de dix-neuf heures lorsque Jean poussa la porte qui menait au dojo. Tout en retirant ses chaussures, il jeta un coup d'œil à l'intérieur de la pièce principale où Marco s'entraînait avec Mikasa. On aurait pu croire que le garçon avait l'avantage sur la jeune fille, mais cette dernière parvint pourtant à le mettre à terre en quelques secondes.
— Allez, ça suffira pour aujourd'hui, décida Mikasa.
Non sans pousser un soupir de soulagement, le brun se redressa en massant son derrière endolori par la chute. Il adressa à Jean un petit signe de la main avant de se diriger vers les vestiaires pour s'y changer. Au même moment, le châtain remarqua la présence de Gaitō qui revenait probablement des toilettes.
— Salut. Qu'est-ce que tu fais ici aussi tard ? s'enquit Jean avec curiosité.
— Oh, j'attends Mika pour...
Ito sembla un peu gêné par cette question.
— On a prévu d'aller voir un film au cinéma ce soir, compléta Mikasa.
La jeune fille vint passer un bras autour des épaules de Gaitō qui lui sourit. Comprenant que ses deux-là avaient rendez-vous, Jean leur souhaita très sincèrement de passer une bonne soirée. Voilà des mois qu'il s'était débarrassé de son obsession pour Mikasa et aujourd'hui il ne voulait que son bonheur, car elle le méritait amplement. Se souvenant d'une chose qu'elle voulait lui demander, la jeune fille se tourna vers le châtain.
— D'ailleurs, c'est bien demain, ton anniversaire ?
Jean acquiesça. Le lendemain marquait la date de son dix-septième anniversaire. Pour fêter cet évènement, il avait prévu d'organiser une petite fête tranquille avec ses amis.
— Tu es sûr qu'on ne doit rien amener ? Ça me gêne un peu de venir les mains dans les poches.
— C'est pas la peine, ne vous en faites pas, lui assura le garçon. Connie doit juste m'apporter ses enceintes. Autrement, on a un peu de cuisine à faire, mais ma mère sera là pour nous aider.
— Je croyais qu'elle travaillait cette nuit-là, lui fit remarquer Mikasa.
— Elle a dit qu'elle ferait sa sieste en avance, le matin. Je suis un désastre en cuisine alo-
— Voilà qui ne m'étonne pas, le coupa la jeune fille en levant les yeux au ciel. Dis-lui qu'elle peut dormir tranquillement, je viendrais vous aider l'après-midi.
— Vraiment ?
Mikasa acquiesça d'un bref signe de tête avant de se tourner vers Gaitō.
— Tu as quelque chose de prévu demain ?
Le garçon l'informa qu'il était lui aussi disponible.
— On arrivera vers seize heures, décida alors Mikasa.
— Super, bafouilla Jean. Merci à vous, c'est gentil.
Ses deux amis eurent un sourire, le genre qui signifiait qu'ils le faisaient de bon cœur. Jean s'apprêtait à poursuivre la conversation lorsque, soudain, l'expression de ses interlocuteurs s'assombrit nettement. Ils semblaient fixer quelque chose par-dessus l'épaule du châtain qui se retourna vivement pour découvrir de quoi il en retournait. À son tour, son visage se renfrogna alors que ses yeux se posaient sur Arashi qui n'avait absolument rien à faire là, ce qu'il s'empressa de lui faire savoir.
— Qu'est-ce que tu fiches ici ?
Le nouveau venu eut un rictus qui fit ressortir la fossette sur sa joue gauche.
— Pourquoi t'es sur les nerfs, comme ça ? Marco est dans les parages ?
— Qu'il soit là ou non ne change rien. L'injonction d'éloignement s'applique aussi à moi, crétin.
— Je suis pas là pour toi, décréta Arashi. Je viens parler à mon frère, ça te pose un problème peut-être ?
Jean s'apprêtait à lui rétorquer que oui, cela posait effectivement problème, car le juge se moquerait bien de savoir avec qui il comptait initialement faire causette lorsqu'il apprendrait tout cela. Peu importaient ses motivations, Arashi était sous le joug d'une mesure qui l'interdisait formellement d'entrer en contact avec Marco comme avec Jean. Ce dernier ouvrit la bouche, prêt à lui cracher qu'il ferait mieux de déguerpir au plus vite s'il ne voulait pas se retrouver avec son poing dans la figure, mais Gaitō posa une main sur sa poitrine. Le châtain le regarda secouer la tête et comprit qu'il voulait essayer de régler les choses calmement car ce n'était ni l'endroit ni le moment de provoquer une échauffourée. Ito fit un pas vers son frère qui ne tarda pas à lui exposer la raison de sa venue inopinée.
— Qu'est-ce que t'as été raconté aux services sociaux, toi ? pesta-t-il. Ces connards veulent plus nous lâcher maintenant ! T'étais pas content, alors t'es parti, point final. On était très bien sans toi. Pourquoi faut toujours que tu reviennes fourrer ton nez dans nos affaires, hein ? Ça t'amuse de foutre le bordel dans nos vies ?
— Ma foi, tu t'es pourtant pas gêné avec nous, rétorqua Jean à voix basse.
Arashi l'entendit néanmoins car il lui lança l'un de ses regards noirs que le châtain soutint sans sourciller. Gaitō s'empressa d'attirer son attention sur sa personne pour éviter que ces deux-là ne s'accrochent.
— Je suis tranquille avec ma conscience, Arashi. J'ai fait ce que j'avais à faire. Tu ne devrais pas rester avec Iromi. Il n'est pas un bon parent ; il n'est même pas un humain un tant soit peu décent. Et au fond de toi, je pense que tu le sais très bien.
— Tu racontes n'importe quoi, déclara haut et fort Arashi. C'est un bon père. Que tu sois trop bête pour le comprendre, c'est ton problème, pas le mien.
— Un bon père n'est pas un alcoolique invétéré, objecta Gaitō. Un bon père ne frappe pas ses enfants. Un bon père ne laisse pas leur mère mourir sur le canapé du salon. Et un bon père t'aurais accompagné à ton audience. En fait, s'il était vraiment un bon père, je ne pense même pas que tu serais venu me voir, renchérit-il.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, Arashi resta muet. Jean se demanda s'il commençait à réaliser, ne serait-ce qu'un peu, que les accusations que portait son frère ne faisaient que refléter la vérité.
— Il n'est pas ta seule famille, poursuivit Ito. Je suis aussi là, moi, comme tes grands-parents que tu n'as jamais rencontré. Tu peux continuer à nous rejeter si tu veux, on ne te forcera pas du contraire. Mais s'il-te-plaît, aniki, dans ton propre intérêt, n'aggraves pas les choses. Tes actes ont des conséquences, et je ne sais pas si tu seras capable de les assumer cette fois-ci.
Les deux frères se dévisagèrent pendant de longues secondes tandis que, de leur côté, Jean et Mikasa demeuraient méfiants, à l'affût du moindre geste d'Arashi. À leur grand déplaisir, ils le connaissaient suffisamment pour savoir qu'avec lui, un dérapage pouvait vite arriver... Pourtant, contrairement aux craintes qu'ils nourrissaient, cette situation pour le moins tendue connue un dénouement des plus pacifiques qui dérouta toutes les personnes présentes, y comprit Arashi lui-même. En effet, ce dernier se contenta de tourner les talons et quitta le dojo aussi brusquement qu'il était entré. Quand bien même il n'allait pas s'en plaindre, Jean en resta complètement médusé. Presque aussitôt, la porte des vestiaires s'ouvrit doucement, dévoilant Marco qui passait prudemment sa tête dans l'entrebâillement.
— Il est parti ?
Ses amis acquiescèrent de concert. Le brun, qui avait jugé plus avisé de se tenir à l'écart dès l'instant où la voix d'Arashi s'était faite entendre, s'avança donc pour les rejoindre. Son regard accrocha celui de Jean qui, s'il ne disait rien, pensait si fort qu'on pouvait lire sur son visage.
— Je sais, soupira Marco, j'appellerai Laure tout à l'heure.
Bien qu'Arashi ne se soit pas montré particulièrement agressif à leur égard, sa venue constituait une violation des restrictions qui s'imposaient à lui. Il en parlerait donc à son avocate qui en informerait elle-même le juge, lequel prendra la décision adaptée ; probablement une petite assignation à domicile pendant une semaine ou quelque chose dans ce goût-là. En espérant que cela passera à Arashi l'envie de faire davantage de vagues...
— Il avait l'air... secoué ? releva Mikasa. Pour un peu, j'aurais presque eu pitié de ce crétin.
— Je pense qu'il réalise que sa vie est sur le point de changer de façon assez drastique, commenta Gaitō. Ce n'est qu'une question de temps avant que les services sociaux ne retirent l'autorité parentale à Iromi. Arashi est peut-être borné, mais il n'est pas entièrement dénué de neurone. Il sait qu'il sera placé ailleurs, loin de son père qui ne se battra certainement pas pour le garder. Avec un peu de chance, il aura droit à une thérapie qui l'aidera à comprendre pourquoi il s'est retrouvé là... C'est tout ce que je lui souhaite, poursuivit-il. J'espère juste que quelqu'un pourra lui enfin expliquer que ce qu'il vivait au quotidien n'était pas acceptable. J'espère que quelqu'un pourra réussir là où j'ai échoué.
Non, Gaitō ne s'était visiblement pas encore débarrassé de la culpabilité qui l'habitait depuis qu'il avait quitté le vieil appartement familial, laissant derrière lui son frère aîné. Pour cette raison, il ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter pour l'avenir d'Arashi. Il avait déjà perdu une mère à cause de la drogue et un père à cause de l'alcool, alors il refusait que son frère ne devienne la victime de leur héritage familial. Pourtant, ces derniers temps, Ito doutait constamment, tiraillé entre deux aspects de la vérité. Arashi avait provoqué beaucoup de mal autour de lui, à Marco comme à tant d'autres, et il avait parfois peur de lui trouver des excuses pour justifier l'injustifiable.
— Arashi a besoin d'être aidé, c'est évident, répondit honnêtement le brun. Mais je ne peux pas me soucier de ses problèmes quand je dois déjà gérer tous ceux qu'il m'a causé. Alors je suis soulagé de savoir qu'il restera quelqu'un pour veiller sur lui. Comme ça, je peux continuer de le détester sans m'en vouloir.
Plus que satisfait par ce compromis, Gaitō hocha la tête, un faible sourire aux lèvres. Jean ne réagit pas à proprement parler, puisqu'il fit simplement remarquer à son meilleur ami qu'il commençait à se faire tard et qu'ils feraient mieux d'y aller. Il avait l'impression que les petites voix dans son esprit se livraient bataille sans parvenir à se mettre d'accord. Sa haine envers Arashi était implantée en lui depuis des années déjà et il ne pourrait probablement jamais passer outre l'horreur qu'il leur avait fait vivre. D'un autre côté, il n'était pas bête et pouvait évidement concevoir que le bonhomme en question n'avait pas vraiment grandi dans le meilleur environnement qui soit, ce qui pouvait expliquer ses déviances. Quand bien même, cela ne changeait pas grand chose à ses yeux. On ne pouvait décemment pas demander aux victimes de pardonner à celui qui leur avait fait du tort. Le fait que Marco soit parvenu à établir ce compromis était déjà la preuve d'une grande bienveillance dont Jean ne pouvait pas faire preuve. S'il ne partageait que difficilement sa vision des choses sur la question, cela ne l'empêchait pas de trouver qu'elle méritait son respect.
— T'es prêt ?
À ses côtés, Marco, qui terminait tout juste de nouer ses lacets, tourna son visage vers lui. Jean se perdit dans ses yeux chocolat, puis, le plus naturellement au monde, il se pencha pour l'embrasser sur les lèvres. Ce n'était qu'un petit baiser papillon de rien du tout, un contact innocent qui ne dura qu'une demi-seconde. Les joues de Marco s'empourprèrent immédiatement tandis qu'il dévisageait son ami, les yeux grands ouverts par la surprise. Quelques secondes de plus furent nécessaires à Jean avant qu'il ne réalise l'audace son geste dont avaient bien évidement été témoins Mikasa et Gaitō. Le châtain avait simplement songé qu'il voulait l'embrasser et, aussitôt, son corps avait bougé spontanément, comme si c'était dans l'ordre naturel des choses. Un silence légèrement gênant s'installa tandis que les deux garçons se regardaient, le visage cramoisi jusqu'aux oreilles.
— On va... On va y aller, bafouilla Jean à l'intention de leurs amis. Bonne soirée.
Ils se relevèrent à la hâte, prêts à décamper au plus vite et faire comme si rien ne s'était passé. Derrière eux, Mikasa semblait s'étouffer avec l'air qu'elle respirait.
— Bordel les gars, vous êtes sérieux là ?
Jean attrapa la main de Marco et tous deux sortirent rapidement du dojo sans prendre le risque de se retourner. Tandis qu'ils s'éloignaient du bâtiment, ils purent entendre la voix de Mikasa s'élever de plus belle.
— Eh, vous deux ! On dirait que c'était pas la première fois, bande de cachottiers !
Jean se racla la gorge, terriblement mal à l'aise. Ils avaient échappé aux questions de leurs amis pour aujourd'hui, mais nul doute que ceux-ci reviendraient très vite à la charge. Il glissa un coup d'œil vers Marco, ne sachant pas trop quelle serait sa réaction suite à la bourde qu'il venait de commettre, mais bien que ses joues furent toujours aussi colorées, celui-ci tentait visiblement de réprimer un sourire. Lorsque leurs regards se croisèrent, ils éclatèrent simplement de rire, ce qui les détendit aussitôt. Après ce drôle d'épisode, les deux garçons remontèrent tranquillement les rues en direction de la maison de Jean, un demi-sourire aux lèvres, sans jamais lâcher la main de l'autre.
𝟸𝟷𝟽𝟶 ᴍᴏᴛs
ᴀ̀ sᴜɪᴠʀᴇ...
𝘱𝘭𝘶𝘴 𝘥𝘦 𝘱𝘦𝘶𝘳 𝘲𝘶𝘦 𝘥𝘦 𝘮𝘢𝘭 𝘥𝘢𝘯𝘴 𝘤𝘦 𝘤𝘩𝘢𝘱𝘪𝘵𝘳𝘦 𝘫𝘦 𝘴𝘶𝘱𝘱𝘰𝘴𝘦 (𝘰𝘶𝘪 𝘫𝘦 𝘷𝘰𝘶𝘭𝘢𝘪𝘴 𝘷𝘰𝘶𝘴 𝘧𝘢𝘪𝘳𝘦 𝘱𝘦𝘶𝘳 𝘮𝘰𝘶𝘩𝘢𝘩𝘢𝘩𝘢)
𝘦𝘵 𝘯𝘰𝘴 𝘥𝘦𝘶𝘹 𝘭𝘰𝘶𝘭𝘰𝘶𝘴 𝘧𝘦𝘳𝘢𝘪𝘦𝘯𝘵 𝘣𝘪𝘦𝘯 𝘥'𝘢𝘷𝘰𝘪𝘳 𝘶𝘯𝘦 𝘱𝘦𝘵𝘪𝘵𝘦 𝘥𝘪𝘴𝘤𝘶𝘴𝘴𝘪𝘰𝘯 𝘴𝘶𝘳 𝘭𝘦𝘶𝘳 𝘳𝘦𝘭𝘢𝘵𝘪𝘰𝘯 !
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