𝟷𝟽 ¦ 𝙻𝙰 𝙲𝙷𝚄𝚃𝙴 𝙳𝙴𝚂 𝙰𝙽𝙶𝙴𝚂²

𝙲𝙷𝙰𝙿𝙸𝚃𝚁𝙴 𝟷𝟽
ᴘᴀʀᴛɪᴇ ⒉

Uɴ Mᴏɪs Pʟᴜs Tᴀʀᴅ

     Gabriel fut forcé de quitter la bibliothèque aux alentours de vingt heures, car l'établissement ne tarderait pas à fermer ses locaux pour la journée. Son sac sous le bras, il se dirigea sans hâte vers la sortie, ignorant l'employée à l'accueil qui lui souhaitait une bonne soirée. Une fois dans le couloir, le jeune homme vit de grosses gouttes rouler sur les portes vitrées. Ce soir, le ciel d'hiver semblait lui aussi d'humeur maussade. L'étudiant rabattit machinalement sa capuche sur ses cheveux bruns avant de pousser le battant pour s'engager sous le déluge. Son appartement se trouvant dans un autre quartier, il devait quotidiennement prendre le métro au bout de la rue et marcher pendant quelques minutes jusqu'à atteindre son complexe d'habitation. Face à une météo aussi peu clémente, le trajet lui paru affreusement long. Les trottoirs étaient vides de passants, à l'exception d'une silhouette immobile, sur une petite place quelques mètres plus loin, que la pluie ne semblait guère déranger. Au contraire ; on aurait dit que l'inconnu offrait volontairement son visage au ciel pour recevoir ses larmes. Gabriel se fit la réflexion que ce drôle de personnage devait être sacrément cinglé pour faire une chose pareille. À mesure qu'il se rapprochait de son arrêt, il en faisait de même avec la mystérieuse personne qui s'était mise à tournoyer, les bras écartés autour d'elle comme si elle tentait d'attraper le plus de gouttes possible. Quand son visage fut face à lui, le brun reconnu soudain la jeune femme de la bibliothèque.

     — Eh ! Toi, là ! héla-t-il. Qu'est-ce que tu fais ?!

     L'inconnue s'arrêta un instant pour poser les yeux sur lui. Le reconnaissant à son tour, elle lui sourit avant de reprendre sa curieuse valse. Gabriel en fut complètement sonné. Il aurait très bien pu détourner le regard et s'engouffrer dans la rame de métro qui le protégerait de l'averse ; mais pour une raison ou une autre, il s'en trouvait incapable. Au lieu de cela, ses pas le portèrent au-devant de la jeune femme qui, bien évidement, était trempée de la tête aux pieds.

     — Tu vas attraper la mort, fut la seule chose qui lui vint à l'esprit.

     Il regretta aussitôt le choix peu judicieux de ses mots. Pourtant, son amie éclata de rire comme s'il s'agissait d'une très bonne blague.

     — Oh, c'est pas bien grave, affirma-t-elle sur un ton malicieux.

     Et Gabriel s'en trouva profondément bouleversé, parce qu'il ne comprenait pas comment on pouvait ainsi rire sans détours du sommeil éternel. Pour la simple et bonne raison qu'il était en vie, il avait toujours craint l'ombre de la faucheuse qui tranchait impitoyablement les pieds des humains. Depuis qu'elle lui avait volé ses parents, le jeune homme la méprisait plus que tout en ce bas-monde. Pourtant, la jeune femme qui lui faisait face lui riait au nez sans la moindre hésitation, sans la moindre aversion. Elle lui saisit doucement les mains et les fit joyeusement tourner tous les deux, l'entraînant ainsi dans sa curieuse danse improvisée. Parce qu'il ne pouvait plus détacher son regard d'elle, Gabriel n'opposa aucune résistance. Il laissa l'inconnue de la bibliothèque mener leur valse maladroite, insensible à l'eau qui tombait sur leur tête ou au froid qui leur brûlait la peau. Sa capuche retomba sur ses épaules, mais il ne frissonna pas lorsque la pluie s'abattit sur ses cheveux bruns. Sa partenaire souriait comme si le déluge n'avait pas frappé, comme si l'orage ne les guettait pas, comme si la mort n'existait pas ; et Gabriel était subjugué face à tant de vie au sein d'un seul esprit. Lorsqu'elle s'éloigna de lui, ce fut à regret qu'il laissa échapper ses doigts.

     — Tu as déjà fait un ange sous la pluie ? lui demanda-t-elle.

     Le jeune homme ne comprit pas de quoi elle parlait, jusqu'à la voir s'asseoir sur le sol mouillé, puis se pencher en arrière, les bras écartés, pour s'allonger au beau milieu de la place. Ses longs cheveux châtains encerclaient sa tête et serpentaient le long de son cou. Ils seraient probablement salis et emmêlés, mais elle se moquait complètement du futur nettoyage intensif qui s'imposerait. Gabriel avait l'habitude de se soucier de ce genre de détails qu'il jugeait profondément embêtant, mais qu'elle semblait considérer insignifiants. En fin de compte, le brun n'aurait pas su expliquer pourquoi il se résigna à l'imiter. Le contact de son dos contre le bitume détrempé n'avait rien de confortable. L'eau imbiba les dernières fibres encore sèches de ses vêtements et il dut fermer les yeux pour les protéger des gouttes que leur lançait le ciel, mais il eut cette drôle de sensation ; celle de pouvoir enfin lâcher prise.

     — J'ai pas envie de rentrer chez moi.

     Les mots s'échappèrent de sa bouche sans qu'il ne cherche à les réfréner. Derrière ses paupière closes, il sentit les larmes affluer et renifla. Bon sang, pourquoi avait-il envie de pleurer ? Comme s'il n'était pas déjà suffisamment trempé...

     — Pleure, lui enjoint la voix à ses côtés. Ce n'est rien d'autre qu'un peu d'eau.

     Gabriel songea qu'il devait être tombé bien bas pour craquer aussi pitoyablement. Mais puisque personne n'était là pour le constater, il laissa libre court à son chagrin dont la pluie aurait tôt fait d'effacer les preuves. Ils restèrent ainsi allongés de longues minutes où l'on n'entendait que le bruit du déluge et quelques reniflement étouffés. Jusqu'à ce que le jeune homme, transi de froid, pousse un éternuement qui provoqua le rire de son amie.

     — Tu n'es pas obligé de rentrer chez toi, lui dit-elle finalement en se penchant vers lui.
     — Il faut bien rentrer quelque part, pourtant.
     — Tu peux venir chez moi, si tu veux.

     Il écarquilla les yeux, ne s'attendant pas à une invitation pareille de sa part.

     — Je ne connais même pas ton prénom, réalisa-t-il bêtement.
     — Alix, se présenta-t-elle en lui tendant la main.

     Le jeune homme la serra.

     — Gabriel.
     — Enchantée, Gaby. Ça te tente, une douche chaude ? Je te proposerai bien un bain, si j'avais une baignoire, mais je n'en ai pas.
     — Vraiment ?

     La jeune femme venait de l'inviter chez elle — lui, un garçon — avec une telle désinvolture qu'il s'en trouvait franchement étonné. Pourtant, Alix ne fit que hausser les épaules.

     — On est amis, non ? Je connais même ton prénom, maintenant. Et puis, moi non plus, je n'aime pas trop être seule, avoua-t-elle.

     Gabriel se surprit à acquiescer. Et ce fut ainsi que, quelques minutes plus tard, ils se retrouvèrent tous les deux grelottant de froid dans le métro. Après un court trajet, Alix signifia à son ami qu'ils descendraient au prochain arrêt. En quittant le wagon, elle ne manqua pas de tirer la langue à la veille dame qui les dévisageait depuis leur arrivé, visiblement mécontente de les voir imbiber les sièges d'eau. Le temps pour eux de rejoindre le petit appartement de la jeune femme, la pluie s'était déjà chargée de les tremper à nouveau.

     Le jeune homme insista pour que la propriétaire des lieux aille se doucher en premier. Après tout, elle avait passé plus de temps que lui dehors, et il se sentait déjà terriblement embarrassé de lui imposer sa présence. Alix ressorti de la salle de bain une dizaine de minutes plus tard, une serviette de bain sur la tête. Elle dénicha dans un tiroir un large t-shirt et même un caleçon propre qui firent froncer les sourcils de son invité. Elle lui précisa en riant qu'elle avait l'habitude de recevoir des amis qui laissaient parfois traîner des affaires qu'elle mettaient machinalement dans sa machine à laver. Après une douche qui s'était révélée être la meilleure de toute sa vie, la jeune femme leur prépara des croque-monsieurs à la poêle qu'ils dégustèrent devant le gros téléviseur de la pièce qui diffusait un nouveau dessin animé tendance. Gabriel sursauta en sentant quelque chose lui frôler la cheville. En baissant les yeux, il tomba nez à nez avec un chat au pelage blond qui ne se gênait pas pour le renifler.

     — Oh ! s'exclama Alix. On dirait qu'elle t'aime bien, c'est rare.

     Et en effet, l'animal, qu'elle avait baptisé Théia, s'installa finalement contre lui en ronronnant. Quand vint le moment de dormir, la gêne s'empara à nouveau de lui. Insensible à celle-ci, Alix lui lança un coussin à la tête en lui indiquant qu'il dormirait côté mur, le lit pouvant largement supporter la présence de deux personnes de leur corpulence. Gabriel se détendit finalement en voyant qu'elle n'était pas embarrassé pour un sous et en réalisant qu'ils ne commettraient pas un crime envers la pudeur pour avoir partagé un pauvre matelas. Cette nuit-là, pour la première fois depuis des semaines, il ne rêva pas de la faucheuse, mais d'une fille qui dansait sous la pluie.

Uɴ Aɴ Pʟᴜs Tᴀʀᴅ

     Sitôt ses cours terminés, Gabriel se dépêcha de quitter les lieux. Ignorant volontairement l'ombre d'Amélie qu'il devinait derrière lui, il poussa la porte vitrée et sentit les rayons chauds du soleil de septembre lécher son visage. En dépit des années qui passaient, la jeune femme ne manquait pas une occasion de lui courir après, supposant à tort qu'il n'était pas trop tard pour le charmer. Cela ne gênait même plus Gabriel qui, en toute franchise, s'en fichait la plupart du temps, ne ressentant parfois plus qu'une certaine pitié à son égard. Tout sourire, le jeune homme se dirigea vers les trois jeunes gens qui l'attendaient devant l'établissement universitaire. Il passa naturellement un bras autour des épaules d'Alix et lui colla un bisou affectueux sur le haut du crâne. La jeune femme blonde qui se tenait à ses côtés dû retenir un fou rire.

     — Si un regard pouvait tuer, Amélie vous aurait déjà transformé en deux petits tas de poussière.
     — Tu devrais me rouler un patin, proposa soudain Alix avec un grand sérieux, je suis sûre qu'elle en deviendrait verte.

     Tandis que les deux amies échangeaient un regard complice, Gabriel leva gentiment les yeux aux ciel avant de changer habillement de sujet.

     — Parlez-nous plutôt de votre rentrée à toutes les deux. Ça s'est bien passé ?

     Alix et Laure suivaient ensemble un cursus universitaire aux Beaux-Arts. En effet, le brun avait découvert avec surprise que la jeune femme qu'il croisait si souvent dans la bibliothèque de son école de journalisme aimait simplement venir y faire un tour pour dénicher des ouvrages historiques ou politiques. Tous trois débutaient leur dernière année de licence. Quand au quatrième membre de leur petit groupe, Étienne, le frère de Laure, il était déjà en cinquième année de droit. Ils venaient d'horizons différentes, mais Gabriel s'était tout de suite senti à sa place au milieu de ces jeunes gens terriblement plus authentiques que ses présomptueux camarades de promotion. Tandis qu'ils s'éloignaient du campus, le jeune homme sentit que la pression exercée sur sa main par celle d'Alix perdait subtilement en intensité. Il glissa son bras autour de sa taille d'un air soucieux, lui permettant ainsi de s'appuyer un instant contre son corps.

     — Ce n'est rien, assura-t-elle avec un sourire. Je me suis simplement sentie un peu étourdie.

     Gabriel s'inquiétait justement de constater que de tels moments de faiblesse semblaient devenir de plus en plus fréquents ces derniers temps. Fidèle à elle même, Alix retrouva rapidement son air joyeux.

     — Dites, j'ai envie d'une glace !
     — Hier tu nous as réclamé une gaufre, et aujourd'hui tu veux une glace ? ronchonna Laure. Mais quelle gourmande !

     Pourtant, les quatre étudiants s'engouffrèrent dans la rame de métro la plus proche, direction les quartiers ouest de la ville et son grand parc verdoyant. Au milieu des chênes, on pouvait y trouver un petit marchand ambulant qui arpentait discrètement les lieux, vendant des glaces ou des gaufres en fonction de la température ambiante. Alix eut son cornet parfum chocolat et, finalement, les autres se laissèrent aussi tentés. Ils dégustèrent leur friandise à l'ombre d'un arbre imposant qui les protégea du soleil de ses longues branches feuillues. Sans grande surprise, les deux étudiantes en art ne tardèrent pas à sortir leur carnet à croquis, profitant de cette belle journée pour noircir quelques pages de plus. Celui d'Alix regroupait tant de dessins de Gabriel qu'on aurait pu croire qu'il lui était dédié. La jeune femme se demandait justement si elle ne ferait pas mieux de prendre un second calepin juste pour lui, car elle ne pourrait bientôt plus montrer son premier à ses amis ou ses professeurs sans en rougir. La mine de son crayon caressa le papier jusqu'à ce que les traits de son amoureux y apparaissent. Alix soupira en contemplant son modèle préféré qui s'était assoupi. Oui, elle aurait définitivement besoin d'un autre carnet.

Uɴ Mᴏɪs Pʟᴜs Tᴀʀᴅ

     Gabriel observait Alix qui, assise au bout du lit, un coussin contre sa poitrine, laissait traîner son regard par-delà la fenêtre. Il détailla ses cheveux châtains qui tombaient en cascades sur sa peau parsemée de taches de rousseur. Beaucoup moins pudique que son amoureux, la jeune femme n'hésitait jamais à se mettre à nu devant lui, au sens littéral comme au figuré.

     — Gaby, je vais mourir un jour.

    Le jeune homme sentit son ventre se tordre. Bon sang, qu'il détestait ces mots.

     — Pourquoi diable dis-tu toujours cela ? souffla-t-il. Les chances que cette maladie te soit fatale avant l'heure sont infimes ! La mort n'épargne personne, ne soit pas si impatiente de la rencontrer.

     Sa petite amie haussa les épaules, comme si ne s'agissait que d'une futilité, d'un détail sans grande importance. Comme si sa vie n'était pas en cause. Comme si elle se savait déjà condamnée. Alix avait parfois cette façon de spéculer sur sa propre existence qui terrifiait profondément Gabriel, lui qui craignait tant le pouvoir immuable de la faucheuse. S'approchant derrière la jeune femme, il vit sa main posée sur son ventre. Ce simple geste lui rappela subtilement l'imprévu qui se posait précisément à eux et leur tiraillait les méninges depuis plusieurs jours. Car leur situation avait désormais ceci d'étrange que si Gabriel redoutait la mort, il ne savait que faire d'une vie. Le doute le faisait chavirer tantôt d'un côté, tantôt de l'autre. Qu'espérait-il pouvoir construire ? Une famille, probablement ; celle-là même qui lui faisait tant défaut. Mais qu'avait-il à offrir à un enfant ? Il remettait en question toutes ses capacités et ne cessait pas de s'interroger : Comment savoir s'il serait un bon parent ? Alix lui avait répondu en riant que personne n'avait un talent inné pour ces choses-là, qu'on ne pouvait qu'apprendre sur le tas et qu'il était humain de faire des erreurs, du moment qu'on s'efforçait de devenir un peu plus meilleur que le jour d'avant. Il n'en fallut pas davantage à Gabriel pour comprendre que la jeune femme était déjà prête pour ce rôle et n'attendait probablement qu'un signe de sa part pour le revendiquer. Quand il posa à son tour sa main sur le ventre d'Alix, cette dernière sursauta.

    — Tu as envie de le garder.

     C'était là plus une affirmation qu'une question, mais Alix acquiesça tout de même. Gabriel n'ignorait pas que des préoccupations identiques les animaient certainement : N'étaient-ils pas trop jeunes pour se lancer dans cette aventure ? Combien coûtait réellement l'arrivée d'un nouveau né ? À quel point cela impacterait-il leurs études ? Et tant d'autres qui ne manquaient pas de leur donner le tournis lorsqu'ils faisaient la bêtise d'y songer trop longtemps. Le jeune homme encercla finalement le corps dénudé de son amoureuse dans ses bras et glissa quelques baisers au creux de son cou chatouilleux. Ils restèrent ainsi pendant de longues minutes, les yeux mi-clos, profitant du contact délicieux de leur peau, avant que Gabriel ne se décide à lui souffler un unique mot à l'oreille.

     — D'accord.

     Aussitôt, Alix tourna la tête dans sa direction, scrutant son visage de ses yeux verts grands ouverts par la surprise.

     — Tu- Tu es sûr ?

     Le brun acquiesça, ses lèvres étirées en un irrésistible sourire. Il se pencha pour embrasser la jeune femme qu'il sentit rire à son tour contre sa bouche. Elle passa ses bras au-dessus de ses épaules, les entraînant dans une étreinte enthousiaste qui les fit retomber parmi les couvertures. Ils serrèrent le corps de l'autre avec tout l'amour dont ils étaient emplis, laissant leurs inquiétudes être balayées par la joie de réaliser qu'ils allaient avoir un bébé.

𝟸𝟽𝟶𝟾 ᴍᴏᴛs
ᴀ̀ sᴜɪᴠʀᴇ...

𝘤𝘦 𝘤𝘩𝘢𝘱𝘪𝘵𝘳𝘦 𝘦𝘴𝘵 𝘣𝘦𝘢𝘶𝘤𝘰𝘶𝘱 𝘱𝘭𝘶𝘴 𝘭𝘰𝘯𝘨 𝘲𝘶𝘦 𝘤𝘦 𝘲𝘶𝘦 𝘫'𝘢𝘷𝘢𝘪𝘴 𝘪𝘮𝘢𝘨𝘪𝘯𝘦́... 𝘦𝘵 𝘭𝘦 𝘱𝘳𝘰𝘤𝘩𝘢𝘪𝘯 𝘯𝘦 𝘥𝘦𝘷𝘳𝘢𝘪𝘵 𝘱𝘢𝘴 𝘦𝘯 𝘦̂𝘵𝘳𝘦 𝘫𝘢𝘭𝘰𝘶𝘹 !

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