𝟷𝟻 ¦ 𝙵𝙻𝙾𝙲𝙾𝙽𝚂 𝙳'𝙴𝚂𝙿𝙾𝙸𝚁²

𝙲𝙷𝙰𝙿𝙸𝚃𝚁𝙴 𝟷𝟻
ᴘᴀʀᴛɪᴇ ⒉

   En ce samedi quatorze février, jour de la Saint-Valentin, il fut convenu que la petite bande se retrouverait chez Connie en milieu d'après-midi. Le trajet leur étant familier, Jean et Marco arrivèrent tranquillement aux alentours de seize heures. Ils furent accueillis en grandes pompes par leur hôte qui semblait encore plus jovial que d'habitude, si tenté que cela fut possible. De toute évidence, Connie avait fortement hâte de se lancer dans ce concours de cuisine et, surtout, d'ensuite pouvoir manger une montagne de chocolat. Son enthousiasme était tel qu'il rendait l'air électrique. Leur atelier pâtisserie n'avait pas encore débuté qu'il promettait de produire des étincelles : un mauvais présage pesait déjà sensiblement dans l'atmosphère, comme la promesse d'une catastrophe future. Les derniers invités les rejoignirent bientôt et, lorsqu'il furent au complet, Mikasa décida de prendre en main cette assemblée de sous-fifres dont les compétences culinaires laissaient à désirer.

     — Je n'ai aucune envie de transformer la cuisine de Monsieur et Madame Springer en un champ de bataille, prévint-elle en jetant un regard circulaire, ce que menacent de faire la moitié d'entre vous. Pour cette raison, je pense qu'il est plus sage d'établir ce qui ressemble grandement à un plan de combat.

     Avec l'autorité d'un général militaire, la jeune fille réparti ses subordonnés d'un jour en cinq groupes bien distincts. Afin de préserver cette organisation de tout débordement, elle s'assura de placer au moins une personne supposément responsable à la tête de ces équipes culinaires. Sur l'îlot central de la cuisine, on avait déjà sorti quelques livres de recettes et divers ingrédients — dont deux pâtes qui reposaient au réfrigérateur depuis la veille — qui leur permettraient de réaliser celles que Connie avait minutieusement sélectionnées. Leur répartition se démocratiquement fit à la volée, en fonction des préférences de chacun. Sous les ordres de Mikasa, les adolescents se mirent rapidement au travail dans une ambiance pseudo-militaire qui les amusa beaucoup.

     Armé d'une poêle, Eren s'employa à faire sauter les crêpes tandis qu'Armin agitait une assiette pour rattraper in extremis celles qui manquaient de tomber par terre. De l'autre côté de la pièce, Gaitō et Historia s'attaquèrent à la confection d'un brownie. Derrière eux, Ymir boudait car on lui avait interdit de bécoter sa petite-amie à tout va en ce jour saint. Quant à Sasha, il fut spontanément décidé que ce serait Mikasa elle-même qui la garderait à l'œil pour s'assurer qu'elle ne trempe pas ses doigts gourmands partout. Nul doute que, si elle en avait eu l'occasion, cette gloutonne aurait été capable d'avaler tout rond les cookies pas encore cuits que les deux jeunes filles s'apprêtaient à enfourner. De son côté, Connie s'appliquait à briser des carrés de chocolat tout en résistant à la délicieuse tentation de les manger. Lorsque sa main s'égarait un peu trop près de sa bouche, Jean le rappelait à l'ordre d'une tape amicale sur la nuque. Puisqu'un gâteau marbré nécessitait à la fois une pâte parfumée au chocolat et une autre à la vanille, il se retrouvèrent avec deux bols et décidèrent de faire un concours pour savoir lequel d'entre eux mélangeait le plus vite. Désigné arbitre malgré lui, Marco les observa faire avec amusement. Du coin de l'œil, il vit Bertholdt et Annie qui sortaient des moules à madeleines d'un placard. Ce n'était peut-être que son imagination, mais il lui sembla que son grand ami avait les joues plus roses qu'à l'accoutumée.

     Plusieurs fournées furent nécessaires pour venir à bout de tout ces gâteaux, de même qu'un nettoyage intensif de la cuisine. Une bonne odeur s'installa dans l'air et, comme il était déjà près de dix-neuf heures, on décida de prendre un léger apéro. Sous une acclamation générale, Connie sortit plusieurs bouteilles de cidre et ils trinquèrent tous ensemble au célibat — à l'exception d'Ymir et Historia. Un quart d'heure plus tard, le Springer et la Brauss, son éternelle compère, se défièrent pour découvrir qui parviendrait à mettre le plus grand nombre de chips dans sa bouche. Leur petit concours amusa leurs amis qui pariaient joyeusement sur le nom du vainqueur.

     Un peu en retrait dans la cuisine, Jean et Marco discutaient avec Annie et Mikasa des cours d'arts martiaux qui ne tarderaient pas à reprendre, la santé du grand-père de l'asiatique s'étant améliorée. En raison du nombre restreint de chaises, le brun s'était hissé sur l'îlot central pour plus de confort. Debout à ses côtés, Jean profitait de ce moment tranquille pour appuyer sa tempe contre l'épaule de son ami, un bras nonchalamment posé à côté de sa cuisse. Il pouvait sentir les doigts de Marco qui lui chatouillaient sa nuque et se surprit à songer qu'il appréciait probablement un peu trop cette proximité entre eux. Le châtain faisait semblant de ne pas voir Ymir qui, depuis le salon, lui lançait des regards vraiment terrifiants. Visiblement, la jeune fille n'appréciait pas de les voir se câliner impudemment alors qu'elle-même s'en trouvait privée le temps d'une soirée.

     Aux alentours de vingt heures, Eren et Gaitō, qui s'étaient rapidement éclipsés, revinrent en brandissant triomphalement cinq boîtes de pizzas destinées à nourrir tout ce beau monde. Marco dû s'écarter pour leur permettre de déposer les nombreux cartons sur le plan de travail, ce qui ne manqua pas de déranger Jean qui le lâcha malgré tout à contre-cœur. Il aurait probablement fait un croche-pied à Eren pour la peine si celui-ci ne portait pas dans ses bras leur précieux repas. Une fois les pizzas disparues au fin fond de leur estomac, ce fut au tour du dessert d'être dévoré par la bande d'adolescents avides de sucre. Par habitude, Jean prépara machinalement un chocolat chaud qu'il déposa sur la table basse, face à Marco qui le remercia d'un sourire, appréciant l'attention. Depuis la cuisine, Mikasa observa leur petit manège d'un air amusé, tout en coinçant une carotte entre les dents de Sasha pour l'empêcher de se jeter sur les madeleines qu'elle convoitait.

     Lorsqu'ils furent tous repus, on autorisa la gloutonne à engloutir les derniers cookies, pour son plus grand plaisir. Puisqu'il n'était pas si tard, Connie proposa de regarder un film pendant leur digestion collective. Le choix de celui-ci fut l'objet d'un long débat, opposant les inlassables romantiques aux fans d'horreur, jusqu'à ce qu'Ymir propose une solution qui serait à même de satisfaire les deux camps : Cinquante Nuances de Grey. Ce fut finalement cette idée, initialement lancée pour plaisanter, qui fut retenue. Toute la petite bande s'installa dans le salon dont le sol disparaissait sous les matelas gonflables et les poufs qu'on avait placé là pour y dormir cette nuit. Connie dégota des sachets de pop-corn qu'il distribua au hasard avant de se laisser tomber sur un fauteuil, écrasant délibérément Sasha qui s'y trouvait déjà. On les entendit rouspéter dans leur coin avant qu'Ymir ne leur lance un coussin en pleine figure pour les faire taire.

     Confortablement assis dans l'un des deux canapés, Marco riait du remue-ménage que provoquaient sans arrêt leurs amis. En effet, ces derniers ne se gênaient pas pour lancer des commentaires à tout va ou faire des imitations pour le moins grotesques de scènes qui leur semblaient profondément risibles. Leur séance cinéma fut notamment interrompue par une tentative de striptease de la part d'Eren qui trébucha sur son propre pantalon et tomba par terre avec un couinement peu glorieux. Il fallut également séparer Sasha et Connie qui voulaient s'assurer de l'exactitude des visuels en reproduisant des positions pour le moins suggestives — à des fins purement scientifiques, bien évidement. Ces quelques incidents ainsi que tous ceux qui suivirent eurent le mérite de provoquer nombre de fous rires au sein du groupe qui passait un bon moment tous ensemble. Pour la première fois depuis de longues semaines, Marco se sentait joyeux et, surtout, très détendu. Au milieu du film, ses paupières commencèrent à se faire lourdes. Il ne lui vint même pas à l'esprit de lutter : le brun laissa ses yeux se fermer sans broncher et s'endormit quelques minutes plus tard, la joue posée sur l'épaule de Jean qui le maintenait contre lui en souriant.

     Minuit était déjà passé lorsque Marco émergea des limbes d'un sommeil plutôt réparateur. Un peu perdu, il se redressa pour voir qu'il se trouvait toujours sur le canapé du salon, mais cette fois allongé, le corps soigneusement recouvert d'une couverture. Des bruits lui firent tourner la tête en direction du couloir où on semblait s'agiter. Bertholdt en sortit justement et, remarquant ses yeux grands ouverts, il s'approcha.

     — Jean nous a dit que tu étais fatigué, alors on n'a pas voulu te réveiller.
     — Merci, je crois que j'en avais besoin. Qu'est-ce qu'il se passe par là-bas ? demanda Marco en désignant le couloir du menton.
     — Oh, il s'est mis à neiger. Je te laisse imaginer la suite...

     Un coup de vent froid s'engouffra alors dans la maison, signe qu'on avait ouvert la porte d'entrée. Le brun entendit les éclats de voix de ses amis qui se hâtaient de sortir au beau milieu de la nuit pour faire un concours de bonhomme de neige. Tandis que Bertholdt s'élançait à la poursuite de Sasha qui s'était emparée d'un sachet entier de carottes, Marco enfila son manteau et son écharpe avant de rejoindre le reste de la bande. Il trouva presque aussitôt Jean qui observait avec une drôle de grimace le tas de neige que formait difficilement Connie de ses mains gelées. Dix minutes plus tard, celui-ci se tourna vers eux.

     — Jean ! Comment tu le trouves ?

     Le garçon prit une seconde pour analyser la chose aux contours difformes que son ami lui désignait avec tant de fierté.

     — C'est le bonhomme de neige le plus laid que j'ai jamais vu, décréta-t-il en toute honnêteté.

     Profondément vexé, Connie modela rapidement une boule de neige entre ses doigts qu'il lui lança en pleine poitrine afin de venger l'honneur de son nouveau bébé. Le châtain s'empressa de lui rendre la faveur, mais le projectile toucha malencontreusement Eren qui se trouvait en travers de son chemin. Les trois garçons furent très vite rejoints par Sasha qui, profitant de la mêlée et de l'obscurité, se faufilait sournoisement derrière eux pour leur glisser de la neige dans la nuque. Pas peureuse pour un sous, la jeune fille en fit de même avec Mikasa qui l'attrapa immédiatement pour lui infliger une punition digne de ce nom. Le jardin se transforma rapidement en un champ de bataille où fusaient les projectiles en tout genre. Au milieu des boules de neige, Marco esquiva même ce qui ressemblait fortement à une carotte. En revanche, le légume orange heurta de plein fouet le front de Jean qui trébucha, emportant avec lui son meilleur ami dans un cri aiguë. Le dos du brun rencontra le sol froid en douceur, la neige ayant heureusement amorti sa chute.

     — Rien de cassé ? entendit-il Jean marmonner.

     Sa voix lui apparu étonnamment claire, et pour cause : le châtain était tombé sur son propre corps qu'il recouvrait encore du sien. Le garçon souleva sa tête en prenant appui sur ses mains, s'éloignant ainsi du torse confortable sur lequel elle reposait jusqu'alors. Lorsque Marco rouvrit les yeux, il tomba nez-à-nez avec les prunelles ambre de son ami qui le regardaient. Il fallut plusieurs secondes au garçon pour qu'il se souvienne que la question qui lui avait été posée attendait probablement une réponse.

     — Non, souffla-il faiblement.

     Le brun lui-même ne reconnu pas le son émit par ses propres cordes vocales. Le murmure qui s'était échappé de ses lèvres était rauque, presque inaudible, si bien qu'il se demanda si Jean l'avait entendu. Quoi qu'il en fusse, celui-ci ne bougea pas d'un poil. Pourquoi ne se redressait-il pas ? Marco imaginait déjà le rose lui dévorer les joues à mesure que son embarras grandissait. Il pouvait sentir son souffle s'échouer sur son cou, il pouvait sentir la chaleur de son corps contre le sien, il pouvait sentir ses yeux qui l'observaient sans réserve. Son cœur s'emballait tant de le savoir si proche qu'il en oubliait presque de respirer. Les secondes se succédèrent avec une lenteur qui rappelait celle de l'éternité et Jean ne montrait pas la moindre envie de briser ce curieux instant hors du temps. Au contraire, le châtain s'était lui aussi immobilisé, si bien qu'on n'aurait guère su dire lequel des deux avait prit l'autre en otage.

     Guidé par sa volonté de ne pas se compromettre exagérément, le pauvre Marco ne savait plus où diriger son regard. S'exposer ainsi à ses yeux ambrés, c'était prendre le risque d'en rester le prisonnier résigné. Le brun tenta un coup d'œil ailleurs, n'importe où, et se maudit aussitôt lorsqu'il rencontra ses lèvres qui, en toute logique, se retrouvèrent dans son champ de vision. Réalisant que la situation pourrait devenir très dangereuse, il éloigna rapidement ses pupilles de cette tentation tout en tâchant de dissimuler sa gêne évidente. Le contact soudain et froid des doigts de Jean sur sa joue le firent tressaillir de surprise. Ce n'était qu'une légère caresse, qu'un effleurement qui, s'il ne changeait pas de leurs attentions habituelles, n'avait pourtant rien d'anodin. Marco chercha le regard de son ami, en vain, pour la simple et bonne raison qu'il avait lui aussi dévié un peu plus bas. Il fallut plusieurs secondes au garçon pour comprendre que Jean fixait sa propre bouche.

     Sitôt que son esprit eut formulé cette vérité grisante, il voulut parler, mais aucun son ne passa la barrière de ses lèvres. Qu'aurait-il bien pu dire, de toute manière ? Marco n'était plus qu'un tourbillon de pensées éhontées, de désirs inavouables, de questions en désordre. Victime de cette confusion profonde, il ne pu que voir Jean s'approcher lentement de lui, probablement inconscient de ce qu'il faisait. C'était comme si la gravité, s'érigeant en alliée, avait soudainement décidé de les attirer l'un à l'autre jusqu'à ce que leurs atomes se rencontrent. Et cela serait certainement arrivé, si Jean n'avait pas reçu une boule de neige en pleine tête.

     — Bon sang Connie, je vais te faire bouffer cette neige !

     Le châtain se redressa brusquement pour partir à la poursuite de son ami qui s'enfuyait à toutes jambes en riant. Sa soudaine absence fit frissonner Marco de froid. Il resta un instant au sol, terriblement troublé par la scène qu'il venait de vivre et toutes celles que son cœur gonflé d'espoir avait impudemment envisagé. Son visage était si rouge qu'il craignait que la neige ne fonde tout autour de lui, trahissant les pensées amoureuses qui l'habitaient. Car pendant un instant, rien qu'un instant, il avait vraiment pensé que Jean allait l'embrasser.

𝟸𝟺𝟷𝟸 ᴍᴏᴛs
ᴀ̀ sᴜɪᴠʀᴇ...

𝘫𝘦 𝘴𝘶𝘪𝘴 𝘴𝘢𝘤𝘳𝘦́𝘮𝘦𝘯𝘵 𝘦𝘯 𝘳𝘦𝘵𝘢𝘳𝘥, 𝘮𝘢𝘪𝘴 𝘢𝘶 𝘮𝘰𝘪𝘯𝘴 𝘫𝘦 𝘴𝘶𝘪𝘴 𝘦𝘯𝘧𝘪𝘯 𝘤𝘰𝘯𝘵𝘦𝘯𝘵𝘦 𝘥𝘦 𝘤𝘦𝘵𝘵𝘦 𝘥𝘦𝘳𝘯𝘪𝘦̀𝘳𝘦 𝘴𝘤𝘦̀𝘯𝘦 !!

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