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Dans le silence de la maisonnรฉe, on entendit parfois quelques sanglots รฉtouffรฉs qui peinaient ร s'arrรชter. Jean n'รฉprouvait que du chagrin en voyant son ami pleurer ainsi, mais il l'encourageait pourtant ร laisser aller ses larmes. Lui qui avait tant de mal ร exprimer ses รฉmotions ne devait en aucun cas les rรฉprimer en sa prรฉsence. En sa prรฉsence, Marco pouvait bien hurler tant qu'il le voudrait, Jean ne pourrait jamais se rรฉsoudre ร le lรขcher. Plus tard dans la soirรฉe, il dรฉcida plus ou moins ร contre-cลur qu'il รฉtait temps pour lui de prendre congรฉ de son ami. Gabriel semblait dรฉsormais faire partie du paysage et, mรชme s'il ne l'รฉnonรงait pas encore ร voix haute, Jean sentait bien que Marco souhaitait passer un peu de temps avec son paternel. Malgrรฉ leur relation รฉtrange, il y avait toujours eu cette drรดle de connexion entre eux, cette attraction mutuelle que personne ne saurait s'expliquer et que les principaux intรฉressรฉs n'avaient jamais clarifiรฉe. Sur le pas de la porte, Jean se tourna ร nouveau vers Marco. Une fois de plus, son cลur se serra ร la vue de ses yeux rouges, souvenir des perles d'eau qui s'en รฉtรฉ รฉchappรฉes par centaines. Sa main glissa inconsciemment vers celle de son ami qui laissa leurs doigts s'agripper en toute innocence.
โ รa va aller ?
โ Oui, acquiesรงa Marco avec un lรฉger sourire. Rentre, Marie va s'inquiรฉter.
Jean demeura quelques secondes immobile, fixant ses iris chocolat ร l'affรปt du moindre signe susceptible de lui prouver le contraire. En dรฉpit de ses traits tirรฉs par la fatigue, le brun paraissait dรฉtendu, comme soulagรฉ d'un poids qui l'avait trop longtemps encombrรฉ. Comprenant qu'il n'avait aucune raison de s'attarder plus longtemps, Jean se rรฉsolut enfin ร partir. Avant de disparaรฎtre derriรจre la porte, il releva leurs mains jointes au niveau de son menton et posa furtivement la caresse de ses lรจvres sur le bout de ses doigts tachetรฉs. Il laissa dans l'entrรฉe un Marco perplexe et muet, trop รฉtourdit par ce contact pour entendre son pรจre qui l'appelait depuis plusieurs secondes. Lorsque celui-ci passa sa tรชte dans l'encadrement du salon, entrant dans son champ de vision, le fils sursauta lรฉgรจrement.
โ Tu viens manger ?
โ Ou-oui, bredouilla-t-il, j'arrive.
S'efforรงant de reprendre ses esprits, Marco le suivit jusque dans la cuisine. Sur la table, un risotto aux lรฉgumes dont le fond รฉtait un peu cramรฉ les attendait. Le garรงon avait rapidement compris que Gabriel n'excellait pas vraiment dans le domaine de la gastronomie. Pourtant, il fallait lui reconnaรฎtre une certaine persรฉvรฉrance qui inspirait la sympathie. Petit ร petit, Gabriel tรขchait de faire des efforts pour une raison qu'il รฉtait encore le seul ร connaรฎtre. Quels que fussent les secrets qu'on lui cachait, Marco prรฉfรฉrait rรฉfrรฉner une curiositรฉ qu'il savait parfois plus ennuyante que bรฉnรฉfique. Il espรฉrait qu'ร terme, son pรจre lui livrerait lui-mรชme des fragments de la vรฉritรฉ qu'il pourrait reconstituer. Fort heureusement, celui-ci ne tarda pas ร dรฉfaire les premiรจres mailles de l'immense carapace qu'il avait tissรฉ autour de cette maison.
โ Amรฉlie est partie en Roumanie, commenรงa-t-il d'une voix peu assurรฉe, pour honorer l'un de nos contrats de travail. Elle ne devrait pas revenir avant quelques semaines.
Marco hocha la tรชte et pris une autre bouchรฉe de riz pour ne pas avoir ร rรฉpondre. Depuis qu'Amรฉlie s'en รฉtait allรฉe telle une furibonde, claquant la porte au passage, l'air semblait plus respirable et la tension habituelle pesait moins sur ses รฉpaules. S'il pouvait profiter de ce calme ambiant un peu plus longtemps, il n'allait certainement pas s'en plaindre.
โ Je n'ai pas รฉtรฉ honnรชte avec toi, la derniรจre fois, continua Gabriel. Plutรดt que d'esquiver le problรจme, j'aurais tout simplement dรป t'expliquer la situation. Les vieilles habitudes ont la peau dure. Je te demande pardon.
โ Oh, ce n'est rien. Tu devais avoir tes raisons...
โ Tu as le droit de savoir ce qui se passe sous ce toit, trancha son pรจre.
Il prit quelques instants de rรฉflexion, songeant sans doute ร la maniรจre dont il allait formuler le fond de sa pensรฉe.
โ Je demande le divorce, lรขcha-t-il enfin.
Marco resta interloquรฉ devant cette annonce qu'il avait pourtant envisagรฉ. Aprรจs tout, ses parents n'avaient jamais รฉtรฉ trรจs affectueux l'un pour l'autre, mais il supposait que c'รฉtait peut-รชtre lร leur faรงon de s'aimer. Leur rรฉcente dispute sortait du lot, seulement elle ne pouvait pas justifier ร elle seule une telle dรฉcision. Ils avaient certainement eut d'autres dรฉsaccords menant ร des altercations houleuses dont il ignorait l'existence.
โ Je peux te demander pourquoi ?
Les รฉpaules de Gabriel se crispรจrent alors qu'il รฉtudiait la question. Lorsqu'il ouvrit enfin la bouche pour rรฉpondre, chaque mot qu'il laissa รฉchapper paru lui coรปter.
โ C'est compliquรฉ. Il y a des choses que tu ne sais pas, des choses que j'aurais dรป te dire il y a longtemps. Il va falloir qu'on ait une petit discussion, toi et moi. Mais pas aujourd'hui, pas ce soir. Je dois remettre des affaires en ordre et trouver un avocat pour m'aider dans cette histoire de divorce, souffla-t-il d'un ton fatiguรฉ. Quand la situation se sera un peu calmรฉe, je te promets de tout t'expliquer.
โ D'accord, acquiesรงa faiblement Marco.
โ Mais s'il y a quelque chose dont tu voudrais me parler, n'importe quoi... Je suis lร , tu sais ?
Le garรงon dรฉgluti difficilement, comprenant bien oรน son paternel voulait en venir. Aprรจs avoir sanglotรฉ une bonne heure durant, il devinait aisรฉment que ses yeux rouges et son air amorphe ne trompaient personne. Il se contenta de rester รฉvasif et hocha simplement la tรชte, lui signifiant ainsi qu'il ne souhaitait pas encore lui faire part de cet incident. L'un comme l'autre partageaient et respectaient leur volontรฉ commune de ne pas aller trop vite alors qu'ils avaient pour la premiรจre fois l'occasion d'apprendre ร se connaรฎtre. Le repas se termina dans un silence un peu embarrassรฉ, mais rassurant.
Entre ses parents qui se dรฉchiraient et la reprise de son harcรจlement qui s'ajoutaient ร ses soucis quotidiens, Marco avait l'esprit plutรดt troublรฉ. Les rรฉflexions qui s'en suivirent nourrirent la dรฉsagrรฉable nรฉbuleuse qui s'installait lร -haut, lui causant une migraine douloureuse. Le weekend suivant, il accepta avec empressement de rejoindre Mikasa au dojo pour une sรฉance d'aรฏkido qui lui permettrait de se vider la tรชte, ne serait-ce que pour quelques heures. La jeune fille choisit de se pencher sur le troisiรจme principe fondamental : sankyo. Celui-ci reposait sur une torsion du poignet permettant de contrรดler l'รฉpaule de son adversaire et de l'immobiliser. Malgrรฉ ses efforts, le garรงon ne parvenait pas ร se concentrer et son entraรฎneuse le lui signifia plusieurs fois. Aprรจs une รฉniรจme remarque de sa part, Marco dรฉclara dรฉfinitivement forfait et se laissa glisser au sol. Quelques instants plus tard, Mikasa s'assit prรชt de lui.
โ Bon, qu'est-ce qu'il se passe ? Tu es plus crispรฉ que mon grand pรจre le jour oรน il a vu Annie me pincer les fesses pour rigoler.
L'anecdote eut pour mรฉrite de faire รฉclore un sourire sur le visage du garรงon. Seulement, celui-ci s'effaรงa bien vite.
โ Ma vie part dans tous les sens.
โ ร cause de Jean ?
โ Oh, souffla-t-il. S'il n'y avait que lui...
Il se mordit la lรจvre infรฉrieure, signe que ce sujet l'incommodait.
โ Tu n'as pas ร m'en parler, lui assura Mikasa. Si tu veux, on peut faire quelques exercices de relaxation ร la place. Je ne suis pas une experte en massage comme Jean, mais moi aussi je peux t'aider ร te dรฉtendre.
Marco se sentit rougir suite ร ses paroles. Se redressant vivement, il lanรงa un regard surpris ร la jeune fille qui pris un malin plaisir ร รฉclairer sa lanterne.
โ Le jour oรน il est venu, Armin et Eren sont ressortis tout รฉmoustillรฉs des vestiaires. Il m'a suffit de leur tirer les vers du nez. Votre relation ambigรผe rend ces pauvres garรงons trรจs confus.
Conscient qu'il ne pouvait rien rรฉtorquer, le brun se passa nerveusement une main dans les cheveux. Si leurs deux amis rรฉagissait ainsi par leur simple conduite en public, nul doute qu'ils auraient un arrรชt cardiaque s'ils dรฉcouvraient la partie cachรฉe de l'iceberg. Se dรฉlectant de ses rรฉactions plutรดt rigolotes, Mikasa lui lanรงa un clin d'ลil complice.
โ รa te tenterait, un peu de sophrologie ? proposa-t-elle finalement. J'ai accompagnรฉ le pรจre d'Eren lors d'une formation. Le pauvre homme s'est endormi en moins de vingt minutes, j'ai dรป me charger de prendre des notes ร sa place.
Intriguรฉ, Marco accepta. Aprรจs tout, la pratique avait bonne rรฉputation et ne pourrait que difficilement aggraver son รฉtat. Ravie de pouvoir mettre ร profit de nouvelles connaissances, la jeune fille lui initia de s'installer confortablement. Il s'exรฉcuta docilement, prรฉfรฉrant s'allonger ร nouveau sur le dos.
โ Maintenant, ferme les yeux. Je veux que tu te concentres sur ton corps, รฉnonรงa Mikasa d'une voix calme. Penses ร ses diffรฉrentes parties : ton visage, ton torse, tes jambes, tes bras. Inspecte-le de fond en comble, du bout de ton nez ร tes doigts, de ton nombril ร tes orteils. Soucies-toi de l'espace que tu occupes, du sol que tu ressens sous son dos. Prends conscience de ton cลur qui bat, de tes poumons qui se remplissent d'air et se vident. Ton ventre se soulรจve lentement, sans hรขte. On inspire, et on expire.
La jeune fille guida sa respiration en lui imposant un rythme tranquille qui se dรฉcoupait en pรฉriodes de quatre secondes. Marco suivait ses consignes ร la lettre, mais elle sentait une certaine rรฉsistance de sa part. Elle en dรฉduit aisรฉment que sa simple prรฉsence l'empรชchait probablement de se dรฉtendre : le garรงon ne lui faisait pas suffisamment confiance pour baisser toutes les dรฉfenses qu'il maintenait รฉrigรฉes autour de lui. Loin de s'en offusquer, Mikasa songea ร un moyen se faire un tant soit peu oublier.
โ Penses ร un souvenir heureux, n'importe lequel. Il n'y a pas de petits bonheurs, il n'y a que la joie. Cela peut-รชtre un geste, un mot ou mรชme un symbole.
Marco rรฉflรฉchit quelques instants, se demandant quelle relique de sa mรฉmoire pourrait satisfaire une telle exigence. Une image s'imposa spontanรฉment ร son esprit : un Soleil. S'il devait dรฉcrire le bonheur, ce serait certainement cet astre brillant, chaleureux et peut-รชtre un peu trop brรปlant pour le commun des mortels.
โ Souviens-toi de la sensation qui t'animait alors. En inspirant, tu laisses ce sentiment grandir en toi. En expirant, il se rรฉpand dans tout ton corps.
La boule de feu naquit dans son cลur qui propulsa sa tiรฉdeur dans ses artรจres ร chaque battement. Elle se fit un chemin dans son corps, serpentant dans les plus petits vaisseaux sanguins qu'elle put dรฉnicher. Marco imaginait son corps รฉtinceler, entourรฉ par des sillons de lumiรจres qui รฉclairaient l'obscuritรฉ dans laquelle il se trouvait. Cette pensรฉe rรฉconfortante parvient ร le faire sourire car, derriรจre le Soleil, il y avait Jean. Il se sentait un peu plus apaisรฉ et, mรชme si l'effet รฉtait minime, il s'en trouvait contentรฉ. Mikasa lui rappela qu'ร l'image de tous les autres sports, une rรฉpรฉtition rรฉguliรจre de ces exercices entraรฎnait des rรฉsultats plus frappants. Elle lui promis d'en intรฉgrer davantage dans ses futures sรฉances d'aรฏkido et l'encouragea ร les pratiquer lui-mรชme chez lui de temps en temps. Avant de regagner les vestiaires pour se changer, Marco la remercia sincรจrement pour son aide. En sortant, il la trouva accoudรฉe ร l'encadrement de la porte d'entrรฉe.
โ Il fait nuit noire et il pleut ร torrents dehors, l'informa-t-elle ร sa sortie. Je te dรฉconseille vraiment de rentrer ร vรฉlo.
En s'approchant, le garรงon constata en grimaรงant que le ciel n'รฉtait pas clรฉment ce soir. Il n'avait pas pris de parapluie avec lui et son manteau ne l'empรชchera pas de finir trempรฉ s'il restait trop longtemps sous ce dรฉluge.
โ Il y a un arrรชt de bus pas trรจs loin. Le trajet est plus rapide en vรฉlo, mais je ne vais pas avoir le choix. Je dois bien avoir quelques piรจces.
Mikasa lui recommanda de rester prudent sur la route. Rassemblant son courage, il rabattit sa capuche sur ses cheveux et se dรฉcida enfin ร quitter le dojo. Sans perdre de temps, il retira l'anti-vol de son vรฉlo qu'il comptait bien ramener chez lui, peu rassurรฉ ร l'idรฉe de le laisser dehors jusqu'au lendemain. Sitรดt ceci fait, il marcha d'un bon pas en direction de l'arrรชt le plus proche qui se trouvait ร plusieurs centaines de mรจtres. Le prochain bus y passait ร dix-huit heures prรฉcises, soit dans une quinzaines de minutes, et il n'avait aucune envie d'attendre le suivant dans le froid. Il traversa des rues dรฉsertes faiblement รฉclairรฉes par des lampadaires ร la lumiรจre jaunie. Le bruit de la pluie martelant le bitume et s'รฉcoulant dans les rues รฉtait agrรฉable aux oreilles de Marco qui apprรฉciait cette douce mรฉlodie. En dรฉpit de ses vรชtements tout mouillรฉs et de ses chaussures qui couinaient ร chacun de ses pas, il se sentait plutรดt bien.
โ Salut, Marco.
Le garรงon sursauta violemment. Il voulu se retourner pour voir d'oรน provenait la voix qui l'avait interpellรฉ, mais on l'attrapa brusquement par le col. Sous la surprise, il lรขcha son vรฉlo qui retomba lourdement sur le trottoir humide. Marco grimaรงa lorsque sa colonne vertรฉbrale heurta le mur contre lequel on l'avait poussรฉ. La premiรจre chose qu'il vit en ouvrant ses yeux fut le sourire dรฉrangรฉ de son agresseur qui n'annonรงait rien de bon. En laissant glisser son regard, il remarqua une fossette sur sa joue gauche qu'il ne connaissait que trop bien. Une fois de plus, son corps entier se figea. L'obscuritรฉ pris place tout autour de lui, dรฉvorant les derniers rayons du Soleil qui brillaient encore un peu dans son cลur.
๐ธ๐ธ๐ฝ๐ป แดแดแดs
แดฬ sแดษชแด สแด...
๐ญ๐ฆ ๐ต๐ฆ๐ฎ๐ฑ๐ด ๐ด'๐ฆ๐ฎ๐ฃ๐ข๐ญ๐ญ๐ฆ ๐ฆ๐ต ๐ฏ๐ฐ๐ถ๐ด ๐ณ๐ข๐ต๐ต๐ณ๐ข๐ฑ๐ฆ
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