𝐌𝐀 𝐏𝐄𝐓𝐈𝐓𝐄 𝐅𝐄𝐌𝐌𝐄
Bourges,
19 mai 1917
Ma petite femme,
Je t'écris aujourd'hui après avoir enfin reçu et ouvert ta jolie lettre et après avoir finalement trouvé le temps de te répondre entre un assaut et un léger repas constitué de seulement un petit bol de soupe refroidi dans un récipient abîmé et d'un bout de pain asséché par l'humidité des tranchées.
Hier je suis enfin sortis de la première ligne, après avoir vu des dizaines voir des centaines soldats tomber devant moi à mes pieds, après avoir reçu des éclats d'obus au visage ou encore après avoir été criblé de balles de mitrailleuses allemandes. Je les ai vu s'écraser violemment au sol dans la boue et les flaques d'eau, à ces instants précis, mon cœur s'est fortement resserré, me disant qu'ils n'auront peut-être jamais pu écrire à leur bonne femme comme je suis entrain de le faire. Hier, sur la ligne de front, j'ai reçu une balle perdue dans le pied ce qui m'a coûté un voyage en dernière ligne afin de me faire soigner.
Les nuits dans les tranchées, peu importe dans quelles lignes ce soit, sont très dures. Nous ne dormons parfois pas et passons nos heures de sommeil à grelotter sous nos fines couches de vêtements dans l'humidité de la nuit. La seule légère couverture que je possédais s'est faite grignoter par des rats sûrement affamés, ne trouvant probablement rien à manger de comestible. Je me souviens qu'à la deuxième ligne, un amis s'était fait mangeotter l'oreille. Le pauvre, je me rappelle encore de ses cris lorsqu'il s'est réveillée, un rat pendu au lobe de l'oreille. C'était à mourir de rire bien que ça ne devait pas être bien agréable.
Si tu savais dans quelles conditions je vis et je dors, tu te mettrais dans tous tes états ma pauvre femme. Je sommeille dans mon uniforme vert olive sans la moindre trace de confort et d'hygiène. Mon casque à large bord est tout cabossé par mes chutes dans la boue afin de me protéger des obus balancés par les Bosch depuis l'autre côté du front. Ils sont armés jusqu'aux dents et prévois sûrement un stock de munitions dix fois plus élevé que le notre. Si tu veux mon avis, nous serons bientôt à sec.
À chaque fois que le sergent siffle du plus fort qu'il le peut le début de l'assaut, je t'avouerai trembler, mes mains, mon corps tout entier tremblent à l'idée de partir ou de retourner au front. Ça me terrifie. Voir mes amis tomber tous un par un sous les bombes et rafales de mitraillette me donne envie de rebrousser chemin et de partir le plus loin possible de cet endroit. Les fils de barbelés nous empêchent parfois d'avancer comme nous le voudrions. Certains s'y sont déjà coincés dedans et même parfois plantés dans la main, impossible pour eux d'en sortir, ils se prenaient des explosions en pleine figure ou une balle entre les deux yeux.
Je t'écris ce petit mot sous le regard curieux de mon collègue qui me demande à qui j'écris en souriant aussi bêtement. Il pense sûrement que c'est à ma mère que cette lettre va parvenir mais il se trompe, c'est à toi, qu'elle va parvenir, ma belle (tp). Quand je vois certains d'entre nous ne recevoir aucune lettre, n'ayant probablement pas de femme ni d'enfants, peut-être plus de famille... Je me dis que j'ai de la chance de t'avoir, toi et tes lettres aux mots doux et attentionnés.
Tu me manques beaucoup ma chérie, tes petits plats plus exquis les uns que les autres remplaceraient volontiers nos bols de soupe froide et nos morceaux de pain sec. Je t'aime fort et n'ais pas peur, je rentrerais à la maison.
Je t'aime ma chérie.
Caesar Anthonio Zeppeli
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