𝐌𝐀 𝐁𝐄𝐋𝐋𝐄 𝐅𝐄𝐌𝐌𝐄...
Bourges,
29 juillet 1917
Ma belle femme,
Je t'écris à nouveau ces petits mots doux sous les regards indiscrets de mes compagnons qui me toisent en riant aux éclats, me voyant sourire tel un imbécile devant ce bout papier.
Le précédent assaut a été une réelle boucherie absolument inutile et sans but précis. Au début, ils étaient vingt mille. Après avoir passé les barbelés, ils n'étaient plus que quinze mille environ. Et seulement hier, j'ai appris que seulement cinq mille de ces soldats avaient pu survivre grâce à un repli demandé par le Général Pétain bien qu'en rebroussant chemin, certains n'ont pas été à l'abri des balles et des éclats d'obus et ont eu le droit à un beau voyage à l'infirmerie ou en troisième ligne.
Ma pauvre femme, tu ne peux pas imaginer le paysage qui nous environne. Plus aucune végétation, ni même une ruine ; ici et là, un moignon de tronc d'arbre se dresse tragiquement sur le sol, criblé par des milliers et des milliers de trous d'obus et d'impact de balles qui se touchent.
Plus de tranchées ni de boyaux pour se repérer. Entre nous et les Allemands, un seul réseau de barbelés, tout le reste a été pulvérisé au fur et à mesure de la canonnade. Mais plus active que le bombardement, pire que le manque de ravitaillement, c'est l'odeur de décomposition et de gaz qui traîne, lourde et pestilentielle, qui te serre les tripes, te soulève le cœur, t'empêche de manger et même de boire.
Nous vivons sur un immense charnier où seuls d'immondes mouches gorgées de sang et de gros rats luisants de graisse ont l'air de se complaire : tout est empuanti par les cadavres en décomposition, les déchets humains de toutes sortes, les poussières des explosifs et les nappes de gaz.
C'est donc après ce court récit des péripéties du mois dernier que je vais t'annoncer la chose suivante, bien que je ne sois pas très doué par faire ce genre de chose...
Je ne reviendrai pas de la guerre et s'il te plaît, je t'en supplie par la grâce de Dieu, ne pleure pas, sois forte. Le dernier assaut que j'ai effectué m'a coûté mon pied gauche et je repars au front demain matin à la première heure... À cet instant là, lorsque je franchirai la première ligne et que je pénètrerai à nouveau sur le champ de bataille, je me dirigerai malheureusement vers une mort certaine.
Quand cette lettre te parviendra, je serai peut-être déjà mort à croupir dans une flaque d'eau ou sûrement blessé par des éclats d'obus à attendre des soins à l'infirmerie. Ne m'en veux pas et s'il te plaît... ne pleure pas.
Ma très chère (tp), j'aimerais te confier nos plus beaux souvenirs et nos enfants rêvés... Adieu ma chère femme et sois heureuse, ton époux même dans l'éternité et dans le couloir de la mort de t'oubliera pas.
Je crois pouvoir le dire et l'affirmer, nous nous sommes aimés et je t'aime une toute dernière fois. J'aurais voulu te revoir une dernière fois, te toucher, te caresser, t'enlacer, t'embrasser, et tant d'autres choses encore dont je n'ai actuellement pas le pouvoir de faire.
Malgré tout, je ne regrette absolument rien. Enfin, pas tout à fait. Je ne regrette qu'une seule et unique chose... C'est de ne pas avoir pu te donner une famille.
Je t'aime, j'espère qu'on se reverra dans un autre monde, je te remercie pour tous les merveilleux moments que tu m'as fait passer, je t'aimerai toujours. Je t'ai aimé, je t'aime et je t'aimerai pour l'éternité.
Signé Caesar Anthonio Zeppeli
PS : Je t'envoie avec cette belle lettre ma femme, une munition avec laquelle j'ai donné une jolie forme durant mes attentes et ennuis, c'était pour passer le temps et m'amuser un peu. Cela fera parti des quelques souvenirs que tu auras de moi lorsque je quitterai ce monde.
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