🅸︎🆇︎.𝑆𝑜𝑢𝑣𝑒𝑛𝑖𝑟𝑠

2017

Je suis là, dans la cave. L'air est lourd, comme un brouillard qui me serre. Il y a des ampoules au plafond, mais même la lumière ne semble pas assez forte pour chasser l'oppression. Je suis assis à la petite table avec le plateau de mes fleurs dessinées sur le papier. En ce moment, je devrais être en train de dessiner un oiseau qui vole mais je ne peux pas. Cette journée est trop sombre pour ça.


J'ai oublié de respecter l'heure du réveil, c'est tout. Juste une minute trop tard. Je me lève et scrute la pièce, m'inquiétant du jour qui passe. Les murs peints en nuages et oiseaux me réconfortent un peu, mais dans mon cœur, c'est la tempête qui se lève.

Dans la cave, tout a ses règles. Je devais être debout à l'heure. 7h00. Je sais ça par cœur. Les huiles de la lumière dans la pièce deviennent étrangement obliques. Ma tête commence à se dire que ça ne va pas aller se passer bien. Jack arrive toujours écclément. Il ne respecte rien. Le bruit de la serrure de la porte retentit. Je gèle, le ventre en boule.

« Taehyung ! » sa voix gronde, résonnant dans tout l'espace. Tout en moi se fige, une peur sourde me traverse. Je suis pris dans la lumière aveuglante de son entrée. Il se tient là, large et imposant, son ombre s'étendant comme un nuage menaçant au-dessus de moi. Si j'étais un oiseau, je voudrais voler, mais là, je ne peux que rester.

« Tu as encore pris du retard ! » crie-t-il, et je sens une électricité dorée me secouer.

« Je... je suis désolé, » balbutiai-je, me levant difficilement. Mes jambes tremblent, mes pieds glissent sur le sol.

Il s'approche, et son regard semble avoir absorbé toute la lumière de la cave. Je sens mes yeux s'embuer d'angoisse. « Désolé ? Ça ne suffira pas. Tu sais ce qui arrive aux enfants qui ne respectent pas les règles, n'est-ce pas ? Tu veux mourir comme les autres ? »


Je secoue la tête, les larmes me piquant. « Je vais me lever plus tôt demain, je te promets ! » Je veux crier, mais ma voix est un murmure. Il fait un pas en avant, et la peur me noue la gorge.

« Regarde-moi, petit incapable... » Il m'attrape par le col et me pousse violemment au sol. La douleur me saisit, et l'impact semble résonner dans le fond de mon être. Je suis allongé sur le sol, stupéfait, mes mains s'appuyant pour me relever.

« Tu pensais que je ne le saurai pas? Tu sembles oublier que je peux te voir même d'en haut ? » Il s'assoit sur mon buste, et je ne peux pas bouger. Ses bras sont comme des chaînes, rigides et inexorables. Je sens les mots qu'il prononce se planter comme des flèches dans mon cœur.

« Tu es un moins que rien ! Tu n'arrives même pas à te lever à l'heure. Tu es pathétique... » Chaque insulte est un coup de poing, ma poitrine se serre. Je renifle, incapable de supporter plus.

« Non, s'il te plaît, » je pleure, les mots échappant de ma bouche. « Je vais tout faire bien... je promets ! » Mais sa colère reste, indifférente à mes supplications. Chaque instant devient un océan de douleur, un gouffre sans fond.

Il me gifle, et je sens la brûlure sur ma joue. Les larmes roulent sur mes joues, mais je ne peux même pas pleurer. Chaque douleurs me renvoie à cette image triste d'un petit garçon en quête d'un peu d'affection dans ce monde. Je me tiens droit dans ma tête, me persuadant que je suis encore un petit oiseau, que je peux m'envoler. Mais je ne peux pas.

« Personne ne viendra t'aider, » dit Jack avec mépris. « Tu resteras là, bien enfermé. Je suis la seule personne que tu verras toute ta vie.» Il se lève et m'attrape par le bras, me traînant vers le placard. Je lutte, mais ma tentative est vaine. Mon cœur flambe d'angoisse. L'odeur du bois usé me noie déjà.

Je suis dans le placard. J'essaie de pousser la porte, mais il la ferme à clé. Je sens l'obscurité m'envelopper. « Jack ! » crié-je, terrorisé, mais ma voix s'éteint dans le silence épais. Personne n'entend.

Je suis là, dans cette prison. « Tu seras dans ce placard deux jours, » me lance-t-il comme une sentence. « Sans boire, sans manger. Alors, peut-être que quand tu ressortiras, tu comprendras. »

Les battements de mon cœur s'accélèrent comme un tambour de guerre, désespérant. Je suis seul. Seul dans la noirceur, le souffle court. Mes épaules se voûtent sous le poids de la déception. Le temps passe différemment ici, tandis que je me blottis contre le mur, tremblant. Mes larmes sont ma seule compagnie.

Je me répète les règles dans ma tête, mais elles me brûlent, chaque phrase marquée dans mon cœur. Il faut suivre les règles. C'est le seul moyen de survivre.

Les heures s'étirent, les minutes semblent des jours. Je ferme les yeux, tente de rêver d'un autre monde. Mais chaque rêve que je fais se transforme en un cauchemar où je vis encore une fois cette colère et cette douleur. Je serre les poings, prêt à m'échapper, mais les chaînes des souvenirs me retiennent ça et là.

À l'intérieur, j'aspire à être libre, à courir dehors, à voir les oiseaux dans le ciel, mais ici, dans ce placard, je suis piégé par la peur, par le sentiment que rien ne va jamais s'améliorer. Ce sentiment d'invisibilité, de rien, enveloppe chaque cellule de mon corps. Et alors, je comprends. Le seul moyen de survivre, c'est toujours et encore respecter les règles.

Les règles sont les règles !


°


Le matin s'écoule lentement, et l'absence de SeokJin et de Saejin pèse sur la maison. Ils sont partis. Pour l'un, la fac; pour l'autre, l'école primaire. Pendant ce temps, ma mère s'affaire dans la maison, mais je ne peux pas la voir. Mon père n'est pas là non plus, et je reste seul, enfermé dans ma chambre. Cette solitude me plonge doucement dans un tourbillon de pensées et d'incertitudes.

Après la crise d'hier, je n'ai pas pu dîner. J'ai choisi de me confiner dans cette pièce, comme une armure contre le monde extérieur. En fait, je réalise que ma mère a raison. De plus en plus, je laisse derrière moi les règles de la cave, mais au lieu que cela me libère, cela me terrifie. Les souvenirs de Jack se bousculent dans ma tête, chaque incident armé de me rappeler les punitions pour avoir oublié une règle. Cela crée un déclic en moi, un mécanisme d'auto-destruction que je n'arrête pas de tourner en boucle.

Je dresse mon regard vers la fenêtre. Le ciel est d'un bleu éclatant, une journée parfaite. Pourtant, cette beauté semble si éloignée de moi. Est-ce que je serai un jour capable de vivre normalement, de savourer un simple jour ensoleillé sans cette ombre pesante ? Je place ma tête entre mes mains, me demandant si je pourrais un jour goûter à la liberté qui m'est offerte.

La porte s'ouvre et l'air s'engouffre dans ma chambre. C'est Mme Lee, ma psychologue. Elle entre, son sourire chaleureux illuminant l'espace froid de ma pièce. « Bonjour, Taehyung. Puis-je m'asseoir ici ? »

Je hoche la tête tout en restant immobile sur mon lit. Elle prend place sur la chaise de bureau, ses mains reposant calmement sur ses genoux. Je suis statufié, fixé dans mon coin, incapable de dire quoi que ce soit. Le silence s'étire entre nous, lourd et palpable.

« Comment te sens-tu aujourd'hui ? » demande-t-elle avec une douceur contagieuse.

Silence. Je suis tétanisé, ma voix se perd dans le brouillard de mes pensées. Je ne me sens pas prêt à parler. Je reste simplement là, le regard vide, évitant de croiser le sien.

Après quelques instants, elle prend une inspiration. « J'ai entendu dire que tu allais bientôt commencer des cours à domicile avec des professeurs particuliers. Ça te fait plaisir ? »

Je plisse légèrement les yeux, incapable d'exprimer mon sentiment. « Je ne sais pas, » réponds-je enfin, ma voix faible. « Dans la cave aussi, j'avais des cours avec Jack. »

« Parles-moi de Jack, alors. Que penses-tu de lui ? » Sa question est posée avec soin, mais elle me percute comme une vague déferlante.

Long silence. Les souvenirs de Jack me saisissent, agitant des souvenirs enfouis sous la surface. « Il n'était pas toujours méchant avec moi, » dis-je, presque dans un murmure. « Il arrivait qu'il me paye des cadeaux, qu'il joue avec moi. On pouvait même rire ensemble, parfois. »

Mais mes mots se bloquent, plein de confusion. Je fronce les sourcils, cherchant à articuler ce flot de pensées contradictoires. « Mais des fois... quand il était en colère, il devenait très violent. »

« Que te faisait-il quand il était en colère ? » Elle continue d'explorer patiemment, son regard empreint de compréhension.

Je me perds un instant, le regard dans le vague. Les souvenirs reviennent, des fragments de douleur de mon passé. « Il y avait plusieurs sortes de punitions, » murmuré-je à travers mes dents serrées.

« Peux-tu me donner un exemple ? » Elle insiste doucement.


Je prends une grande inspiration, essayant de rassembler mes pensées comme des morceaux éparpillés. « Le placard, » finis-je par dire. « C'était la punition la moins violente. »

« C'était celle que tu trouvais moindre, car elle était moins violente ? » demande Mme Lee, le regard attentif.

« Non... c'était la moins violente, mais c'était horrible, parce que j'étais enfermé là-dedans. Ça durait des heures et parfois des jours. Une fois, j'y suis resté quatre jours. Je ne pouvais pas boire ni manger, ni aller aux toilettes. Alors, je faisais mes besoins là, dans le placard. C'était... horrible. »

Mon cœur se serre alors que j'évoque cette douleur. Je me sens de plus en plus vide en le disant. Ce n'est pas un souvenir que je désire partager, mais quelque chose à l'intérieur de moi me pousse à le faire.

« Mais souvent, après cette punition, Jack redevenait gentil avec moi. Il y avait d'autres punitions plus violentes, mais je n'ai pas envie d'en parler. » Je fais une pause, cherchant les bons mots. « De toute façon, je n'en veux pas vraiment à Jack. C'était ma faute à chaque fois. Je ne servais à rien. J'étais un moins que rien pour lui. Il me le disait souvent. »

J'entends à peine la psychologue me dire que ce n'était pas ma faute, que je ne suis pas un moins que rien. Mais je connais la chanson alors je ne l'écoute pas.

À cet instant, je fais face à mon propre vide, ses mots résonnent dans mon esprit alors que je me sens glisser dans un abîme. Je les dis sans émotion, les mots sortent de ma bouche comme si je parlais d'autrui, comme si cette histoire ne m'appartenait plus. Je regarde mes mains, mes doigts tremblant légèrement.

« Est-ce que c'est normal de se sentir si vide d'émotions ? » Je brise les paroles de madame Lee, une question muette crachée sans fioritures. Les larmes menacent de perler sur mes joues.

Sa voix est celle d'une douce mélodie. « Ce que tu ressens fait partie du processus de guérison, Taehyung. Il est normal de se sentir vide après avoir partagé des souvenirs douloureux. C'est un signe que tout cela commence à sortir, que tu es prêt à traiter ces émotions qui t'ont gardé enfermé. »

Je ferme les yeux un instant, la douleur et le soulagement se mêlant dans un tourbillon d'émotions. La liberté semble toujours si éloignée, mais son regard injecte un peu de lumière dans ce qui est encore un passage obscur. « Mais je ne veux pas rester vide... » murmuré-je, la voix tremblante d'incertitude.

« Tu n'es pas vide, Taehyung. C'est seulement le début de quelque chose de plus grand. À travers cette douleur, il y a de l'espoir. Tu as la force de te reconstruire, de changer cette histoire. »

Sa confiance me touche, mais je lutte contre mes pensées sombres, discutant avec une petite partie de moi qui refuse de croire en cet espoir. Je n'étais qu'un enfant insignifiant, enfermé dans le noir, et des années de souffrance me poursuivent comme une ombre.

« Je... je ne sais pas si je suis prêt, » dis-je finalement, la voix tremblante.

« Prends ton temps, » répond-elle avec douceur. « Chacun avance à son propre rythme. Tes émotions comptent. Et ici, tu es en sécurité. Nous allons travailler ensemble, pas à pas. »

Je l'écoute, essayant de trouver un soupçon de réconfort parmi les paroles qu'elle m'enseigne. Une petite flamme d'espoir commence à scintiller à l'intérieur de moi, même si ma réalité semble encore comme une nuit sans fin. Les souvenirs, bien que douloureux, commencent peu à peu à se jeter dans le vide, comme des cailloux qui tombent dans un puits sans fin.

Mais la route est encore longue, la douleur toujours présente. Je sais que ce ne sera pas facile, mais la perspective de ce nouveau chemin me pousse à lutter. Un jour, cela pourrait changer. Un jour, peut-être, je découvrirai la lumière.



/!\ Double update!

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