🆇︎🅸︎🅸︎🅸︎. 𝑆𝑖 é𝑡𝑟𝑎𝑛𝑔𝑒 𝑒𝑡 𝑠𝑖 𝑐𝑜𝑚𝑝𝑙𝑖𝑞𝑢é
Parfois, tout semble si compliqué, si étrange, et en même temps si clair dans mon esprit. Le mois de mars tire à sa fin, et je réalise que j'ai terminé ma troisième semaine de cours à domicile. Au fil des jours, j'ai compris une chose essentielle : le garçon avec son violon est souvent au parc entre 16h30 et 17h50, mais il n'est pas là tous les jours. Il vient seulement le jeudi, le vendredi et le dimanche. Ces horaires m'obsessionnent.
Je me réveille doucement. Mon regard glisse d'abord vers la fenêtre, où les stores sont restés ouverts. Hier soir, j'ai voulu contempler les étoiles, cherchant à me perdre dans ces scintillements pour apaiser mon esprit. Mais aujourd'hui, je suis accueilli par un ciel nuageux, et la pluie s'écrase contre la vitre - ce n'était pas du tout ce que j'espérais. Néanmoins, c'est toujours mieux que de ne rien voir du tout.
En me remémorant mes nuits passées à observer l'immensité du ciel, je réalise que c'est samedi. Je n'ai pas cours, et mon frère et ma sœur non plus. Mes pensées vagabondent un instant. Mon père est en voyage d'affaires au Japon, une de ses nombreuses escapades. Ça me semble familier, comme un écho d'antan - ces moments où je restais seul dans la cave, les heures s'étirant dans un silence oppressant.
Je n'ai pas vraiment envie de me lever, mais je sais que je ne peux pas rester au lit. Il est 6h54, et même après tout ce temps, je n'arrive toujours pas à dormir plus tard. Pendant huit ans, j'ai réglé mon horloge biologique sur des horaires précis, et déroger à cette routine me semble impossible.
Je sors de mon lit et fais mon lit au carré comme un automatisme. Ma chambre brille de propreté, reflet de mes habitudes ancrées. Cependant, il m'arrive parfois de repenser à Jack, à cette vie de rituels et de règles. J'éprouve une étrange nostalgie, une tentation de retourner à cette routine rassurante, même si je sais que cela me blesserait de revivre ces souvenirs.
Je me demande ce qui se passerait si je parlais à mes parents de ces choses que j'ai vécues. Ils savent, dans les grandes lignes, ce qui s'est passé. Ils savent que j'ai vécu des violences physiques et psychologiques, mais en parler clairement semble être au-delà de mes forces. Ce n'est pas que je ne veux pas leur dire, mais quelque chose me bloque constamment. Parler de Jack serait comme trahir un secret, un pacte silencieux que je partage avec un fantôme du passé. Mais si quelqu'un me posait les bonnes questions, je répondrais sans doute, car l'envie de partager une partie de moi-même est toujours là, tapie dans l'ombre.
En descendant au rez-de-chaussée, je découvre ma mère déjà debout. Elle se lève de plus en plus tôt ces jours-ci, sans doute parce qu'elle m'a vu me lever, moi, à l'aube. Je scrute l'îlot central de la cuisine et aperçois une omelette accompagnée de jus d'orange et de gaufres. Elle a dû se lever très tôt ce matin pour préparer tout ça.
Je prends place sur la chaise haute de l'îlot, ma mère se mettant à côté de moi, un sourire accroché aux lèvres. J'essaie de rendre le sourire. En prenant une bouchée de mon omelette, je sens son regard sur moi. Sa main se lève lentement, et par réflexe, je fixe ce geste sur la défensive. Je me rappelle ces désagréments du passé. Mais quelque chose en moi change lorsque sa main finit par se poser sur ma tête. La douceur de ses doigts caresse mes cheveux, et ça me fait étrangement du bien. Quand elle retire sa main, je me sens un peu orphelin.
"Est-ce que tu... tu peux continuer ?" Je lui demande doucement, la voix légèrement teintée d'incertitude.
"Bien sûr," dit-elle, en remettant sa main avec soin, caressant mes cheveux et m'apportant une tranquillité insoupçonnée.
Le contact de sa main me réconforte. C'est un petit geste, mais pour moi, il revêt une importance énorme. Je me laisse aller un moment, n'osant pas dire que cela me rappelle un peu de la tendresse que je n'ai pas ressentie depuis longtemps. Alors que je continue à manger, nous échangeons quelques banalités, mais ma tête est encore pleine de souvenirs troubles, des flashbacks insistants qui me hantent.
"Tu sais, Taehyung," commence ma mère, brisant le silence, "si jamais tu ressens le besoin de parler de ce qui te préoccupe, je suis là pour t'écouter, vraiment."
Je serre les dents, ne sachant toujours pas quoi répondre. Ce ne sont pas ses mots qui me dérangent, mais la demande implicite de m'ouvrir, de me dévoiler. Je lui lance un regard fuyant, évitant de lui répondre.
"Je... oui, je sais," parviens-je à articuler finalement, mais cela manque de conviction.
Ce simple échange me rappelle à quel point je suis encore enfermé dans mes propres chaînes, malgré l'amour palpable qu'elle m'offre. La table est un point de refuge, le petit espace comme une barrière me protégeant du monde. Chaque bouchée d'omelette est une tentative de me recentrer, tout en essayant d'échapper à ces pensées sombres qui refont surface.
Ma mère tente de changer de sujet en me parlant de mon frère, de sa dernière aventure à l'école. J'écoute sans vraiment entendre, les paroles se noyant dans un arôme de nostalgie et de tristesse. Je veux qu'elle soit fière de moi, mais je me sens bloqué par ce qui m'habite.
Lorsque le repas se termine, je m'excuse rapidement et me lève, mon cœur lourd d'émotions. Je ne peux pas rester ici trop longtemps. Je dois fuir ces conversations qui m'évoquent des souvenirs que je ne souhaite pas réveiller. En quittant la cuisine, je laisse derrière moi la chaleur de ces interactions, mais je me sens partagé, à la fois désolé et soulagé.
Je retourne dans ma chambre, là où je me sens en sécurité. Une fois la porte fermée, je m'appuie contre celle-ci, ma respiration devenant plus calme. Un léger tremblement me parcourt. Pourquoi est-ce si difficile de trouver un équilibre entre vouloir être proche des autres et craindre chaque contact ?
Je me laisse glisser au sol, m'emparant de mon journal intime. J'écris souvent pour extérioriser ce qui me tracasse, même si je n'ose pas partager mes pensées avec quiconque. Aujourd'hui, je sens le besoin irrépressible d'exprimer ce que je ressens. Je commence à écrire des mots gauches, empruntant des phrases sur mes sentiments de perte, de mélancolie, de lutte constante entre le désir d'être aimé et la peur de laisser trop de parts de moi-même en dehors de mon abri.
Alors que je laisse l'encre déverser mon âme sur le papier, je médite sur la promesse que je me suis faite de m'ouvrir, petit à petit. La douleur que je traîne semble être une ombre, mais je sais que je devrais lui faire face un jour. Peut-être pas aujourd'hui, mais quelque part, un jour. Les mots m'aident à formuler ces pensées. Peu à peu, dans cet écriture, j'aperçois une lueur d'espoir à travers mes doutes.
Je repense à ce garçon du parc, son violon, et la façon dont il me donne envie de partager un fragment de moi avec lui. Peut-être que l'avenir n'est pas aussi sombre qu'il n'y paraît. Peut-être que, lentement, je pourrais briser ces murs. Dans cette pièce remplie de silence, je fais une promesse à moi-même : je vais essayer. Un jour, je parlerai, un jour, je ferai le premier pas.
°
Je passe peu de temps avec ma famille. La plupart du temps, je préfère rester enfermé dans ma chambre, silencieux et caché, assis dans un coin avec un livre pour seule compagnie. En ce moment, je lis "Heidi", un livre que j'ai déniché dans la réserve de ma sœur. À huit ans, elle ne semble pas apprécier la lecture autant que moi. Pour être honnête, même si "Heidi" est loin d'être aussi passionnant que "Le Petit Prince", cela me permet au moins de m'évader un peu.
Alors que je feuillette les pages, ma chambre baignée par la lumière tamisée d'un dimanche pluvieux, je sens que l'orage gronde à l'extérieur. L'idée de sortir et d'affronter le déluge me déplaît. Normalement, je serais au parc, espérant croiser le garçon de l'étang, avec son violon. Mais aujourd'hui, la pluie s'abat comme une avalanche et il ne viendra sûrement pas.
Je replonge dans ma lecture, perdu dans les aventures d'Heidi, quand j'entends un léger coup à la porte. Bien qu'elle soit déjà ouverte, SeokJin toque timidement.
« Ça va ? » demande-t-il en entrant, une lueur d'hésitation dans ses yeux.
Je hoche la tête sans vraiment le regarder, préférant me plonger à nouveau dans mon livre. Il s'assoit à mes côtés sur la moquette, nous plongeant dans un silence partagé. Je sais que son apparition représente un effort pour lui. Je sais aussi que cela signifie qu'il s'inquiète pour moi, mais je ne sais pas comment lui donner des mots aux sentiments qui viennent me dévorer.
Intérieurement, je ressens une boule dans mon ventre. C'est compliqué pour moi - voir SeokJin ici, à mes côtés. De tous les membres de ma famille, il est celui dont l'absence m'a le plus marqué. À un moment, une vague de colère, mêlée à un élan de culpabilité, surgit en moi. Je me souviens de ce jour fatidique lorsque j'ai été enlevé.
Je devrais lui dire, je sais. Je devrais lui expliquer à quel point je lui en ai voulu à l'époque. Mon frère, le protecteur invincible de mon enfance, celui que je croyais capable de me défendre contre n'importe quel danger. Je l'affichais avec fierté devant mes camarades, bombant le torse chaque fois qu'il venait me chercher. Mais tout cela a été balayé lorsque j'ai compris que dans cette cave, aux moments où j'avais le plus besoin de lui, il ne viendrait jamais me sauver. Et chaque moment où je hurlais son nom, chaque larme que je versais, ne changeait rien. Je me sentais abandonné.
« Tu lis quoi ? » brise finalement SeokJin le silence, et je sens qu'il essaie d'installer une conversation, comme s'il pouvait déceler la tempête qui se cache derrière mon visage impassible.
« Juste... "Heidi", » je réponds distraitement, feignant un intérêt pour la lecture plutôt que pour la discussion entre nous.
Il acquiesce, mais le silence pèse entre nous. Je n'arrive pas à me défaire de ce mélange de colère et de culpabilité qui bouillonne en moi. Huit ans après l'enlèvement, tout cela reste enchevêtré. Chaque fois que je le vois, chaque fois qu'il tente de me tendre la main, je suis pris de frissons. J'ai peur de lui faire confiance.
Le souvenir du jour où j'ai été enlevé remontant à la surface m'étreint avec une force douloureuse. Ce jour-là, c'était l'hiver. Je cherchais à l'emmener avec moi pour faire des bonhommes de neige. Lui, seul, préférant rester au chaud. Je me rappelle distinctement comment sa voix résonnait alors dans ma tête : « Je préfère pas, il fait trop froid. Tu peux y aller tout seul. T'es grand maintenant, Taehyung. Tu viens d'entrer en primaire, apprend à te débrouiller sans moi par moment. » C'était si innocent, mais ce choix de rester à l'intérieur a conduit à une catastrophe. Pourquoi n'est-il pas venu ? Pourquoi n'a-t-il pas insisté pour m'accompagner ?
Je crois que cela ne lui est jamais vraiment sorti de l'esprit non plus. J'ai vu la culpabilité dans ses yeux chaque fois qu'il mentionne notre enfance, chaque fois qu'il essaie de parler de ce qui s'est passé après. Ses efforts sont si évidents, mais je me demande s'il sait à quel point ils sont vains.
« Écoute, Taehyung, » commence-t-il avec une voix ferme mais douce, comme s'il avait deviné l'orage sensible dans mon cœur. « Si jamais tu... si tu as besoin de parler, je suis là. S'il y a quelque chose que je peux faire pour t'aider, dis-le-moi. Je ne veux pas que tu te sentes seul, je ne... »
Ma respiration se bloque dans ma gorge, et je baisse les yeux, fixant les motifs de la moquette. Les mots que j'ai toujours voulu entendre deviennent des flèches empoisonnées, sapant mon cœur. Je sais qu'il est sincère, mais chaque fois qu'il insiste pour que je lui fasse confiance, j'ai encore plus envie de reculer. Alors je me renferme encore, luttant avec l'envie d'exploser.
« Parfois, je voudrais que tu comprennes à quel point il était difficile de... » je commence à dire, mais ma voix se fracture. Je cligne des yeux, essayant de rassembler mes pensées, alors que la culpabilité et le ressentiment se percutent en moi.
« Je sais que j'aurai dû venir avec toi, Taehyung, » continue-t-il, sa voix dégageant une chaleur troublante, presque désespérée. « Je ne savais pas. À l'époque, j'étais aussi un enfant, je... »
Je tourne la tête, le déjouant. « Mais tu n'as pas été là. Tu n'étais pas là ! » criai-je, la colère débordant de mes lèvres. Ma voix résonne contre les murs de la chambre. Je ne peux m'empêcher de laisser échapper ces mots, ce déluge de sentiments, tandis que des larmes de rage me montent aux yeux.
« Je t'en veux, SeokJin ! Je t'en veux d'avoir laissé tomber tes promesses. Pourquoi n'es-tu pas venu me chercher ? » Ces mots, que je pensais réprimés, s'évadent de ma bouche comme un cri dans la nuit, emportant avec eux des souvenirs de désespoir.
Il recule légèrement, choqué, mais je ne m'arrête pas, l'effet de la douleur tirant sur chaque syllabe. « Je veux dire... j'étais là. J'étais là ce jour-là, et toi, tu n'es pas venu jouer avec moi. J'étais juste un enfant qui avait besoin de toi ! »
Silence. L'atmosphère devient lourde, notre souffle résonnant dans cet espace clos. Je sens une vague de culpabilité m'envahir en voyant la douleur dans ses yeux, mais je reste figé. Il ne pouvait pas savoir, n'est-ce pas ? Mon esprit s'embrouille alors que je continue à réfléchir à ce que je viens de dire.
« Je... je suis désolé, Taehyung, » murmure SeokJin, sa voix presque un souffle. « Je ne peux rien faire pour changer ce qui s'est passé. Mais je suis là maintenant, et je veux que tu sache que je t'aime. Que tu n'es pas seul dans cette lutte. »
Des larmes se bousculent à la lisière de mes yeux, et je me le fais tout de même une promesse : ne pas laisser ces mots détruire ce qui reste de la confiance en lui. Je réalise que, malgré toute ma colère, je ne le hais pas. Au fond, je souhaite simplement qu'il puisse me comprendre, même un peu.
Mais je ne sais pas comment parler de ce qui me ronge. Je ne sais pas faire face à mes démons. Je m'enferme, mettant une barrière presque utile entre nous. Je veux qu'il sache que je l'apprécie, mais la peur pèse à chaque fois que je pense à un lien de confiance.
« Je... je pense que je vais rester seul un moment, » dis-je enfin, ma voix faible, presque cassante.
Il acquiesce, comprenant sans dire un mot. Je vois les éclats de culpabilité sur son visage, et je sais qu'il se sent impuissant. Peut-être est-ce ainsi que je me sens toujours.
Alors qu'il se lève pour sortir, il me lance un dernier regard. « Je suis toujours là pour toi, Taehyung. N'oublie jamais ça. »
Et avec ça, il quitte la pièce, laissant un vide palpable. Je me retrouve seul avec mes pensées, la colère et la tristesse tourbillonnant en moi. Je serre mes poings, les larmes menaçant de couler. Mais je les refoule. Une partie de moi sait que je dois être fort, encore plus fort que mes souvenirs qui tentent de me noyer.
Je m'assois en silence sur la moquette, le livre oublié à mes côtés, me demandant comment je peux remplir ce vide.
Je ne comprends pas ce qui m'arrive. J'étais pourtant sûr que ça allait bien maintenant que j'étais hors de la cave...
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Le chapitre 14 et 15 juste en bas.
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