🆅︎🅸︎🅸︎.𝐸𝑛 𝑔𝑢𝑒𝑟r𝑒 𝑐𝑜𝑛𝑡𝑟𝑒 𝑚𝑎 𝑚é𝑚𝑜𝑖𝑟𝑒
Aujourd’hui, c’est le jour de ma première séance avec la psychologue, celle qui viendra me voir une fois par semaine. Je regarde la porte du salon, m’attendant à voir son visage apparaître à tout moment. La maison est trop calme, une atmosphère étouffante qui amplifie mes pensées anxieuses. Je soupire, sachant que cette rencontre pourrait être une autre épreuve de plus sur mon chemin du retour.
Je ne veux pas parler. Chaque fois que je pense à ça, mon cœur s’accélère. Mes mains deviennent moites et je sens cette pression insistent dans ma poitrine. S'ils savaient vraiment à quel point je me sens perdu, à quel point je lutte chaque jour pour comprendre comment être le Taehyung qu’ils veulent que je sois...
Quand elle arrive enfin, je suis dans mon coin, invisible. Je la vois passer la porte, avec un sourire chaleureux et un carnet en mains. Elle m'observe avec une douceur qui me rend méfiant. Avec ses cheveux bruns et ses lunettes, elle a l'air d'une personne bien, mais au fond de moi, je n'arrive pas à lâcher ma terreur.
« Bonjour, Taehyung, je suis le Dr Lee. Je suis ici pour t'aider. Comment vas-tu aujourd'hui ? »
Je ne réponds pas. Je me contente de la regarder, mes bras croisés sur ma poitrine, comme une barrière contre cette intrusion. Cela fait 16 jours que je suis là, et chaque jour se succède avec ce sentiment d’oppression. À chaque sourire, je sens que ma famille attend quelque chose de moi, mais je ne peux pas leur donner ce qu'ils souhaitent.
« Je comprends que ça puisse être un peu inquiétant, » dit-elle d'une voix calme, toujours souriante. « Tu n’es pas obligé de parler si tu ne veux pas. Mais je suis ici pour écouter quand tu es prêt. »
Je hoche la tête, mais je reste silencieux, me contentant de fixer mes pieds qui se balancent légèrement sur le sol. Je déteste ce silence qui s’installe, mais je ne veux pas céder non plus.
Elle prend un moment, feuilletant son carnet, puis elle me repose une question. « Je voudrais te parler un peu de ta chambre. J'ai entendu dire que tu souhaitais qu'elle ressemble à celle d’avant, la cave. Pourquoi ? »
À la mention de la cave, mon cœur s'emballe. Cela fait remonter des souvenirs que je m'efforce d'enterrer. Je soupire, mon regard se perd dans le vide. Impossible de lui répondre, encore moins de lui expliquer pourquoi cela a tant d'importance.
« Taehyung, je suis vraiment curieuse de comprendre tout cela, » continue-t-elle, sa voix douce comme le miel, mais cela ne fait qu’ajouter à mon malaise. « C'est important, pour toi, n'est-ce pas ? »
Mes pensées se bousculent. Oui, c'est important, mais je déteste qu'elle m'interroge. « Je… je ne sais pas, » finis-je par dire, ma voix presque un murmure.
Elle reste tranquille, patiente. « Prends ton temps, il n’y a pas de pression. »
D’un coup, la colère, la frustration de ne pas être compris renflouent ma gorge. « C’est parce que la cave, c’était… c’était ma maison, tout ce que je connaissais. » Je vois son regard entre la surprise et la compassion. Alors, une vague de souvenirs m'envahit. La cave n’était pas seulement un espace confiné; c’était un endroit où les règles étaient claires, où tout était en noir et blanc. Où je savais exactement quoi faire et comment le faire. Je connaissais chaque centimètre carré. Ici, c'est trop vaste, trop insensé, trop libre.
« Et ici, tout est… flou, » lâché-je, presque pour moi-même.
« Qu'entends-tu par flou ? » elle insiste doucement, enregistrant chaque mot.
Je me renferme, mes émotions s’emballent. « Tout le monde se sent trop… » J'hésite, cherchant le bon mot. « Trop excité. Ils veulent que je sois comme avant. Mais je ne suis plus cet enfant insouciant. Tout ça est fini. »
Un silence s’installe, et je la regarde enfin. Ses yeux brillants m'analysent, cherchant visiblement à comprendre, mais mes mots avaient déjà révélé ma douleur. Chaque regard de mes parents, chaque sourire m'oppressent. Ils veulent retrouver celui que j’étais, mais ce Taehyung a disparu.
« Je ne vais pas redevenir cet enfant. Je ne peux pas. Même si je le souhaite. Je ne me souviens pas de comment j'étais avant. »
Elle hoche la tête, prenant son temps avant de répondre. « Je comprends que la pression soit énorme. Mais ce que je veux que tu comprennes, c'est que tu peux créer un nouvel espace pour toi, ici. Tu n’as pas besoin de revenir en arrière. »
Nouvel espace. Ces mots tournent dans ma tête comme un écho lointain. De simplement les entendre me fait mal. « Mais sans ces repères, je suis perdu, je ne sais pas où je vais. »
« Parfois, se créer de nouveaux repères peut être le début d’un nouveau voyage. Tu pourrais peut-être penser à ce qui te rend heureux. Les couleurs, les images… »
Je lui réponds, ma voix se brisant sous la pression des émotions. « Je préfère des murs bleus avec des nuages et des oiseaux. Des livres autour de moi. C'était le seul endroit où je me sentais en sécurité. » Je vois l’éclat d’inquiétude traverser son visage.
« Mais tu dis que tu préfères le marron. Pourquoi ne pas les repeindre aussi en marron ? » me demande-t-elle.
Je secoue la tête, en colère d'être à nouveau confronté à cette prise de conscience. « Ce n’est pas une question de couleurs ! » Je m'emporte, mon cœur battant à tout rompre. « C'est le sentiment d'être enfermé, de savoir où je suis. Quand les murs sont bleus, ça me rappelle la cave, et je peux respirer là-dedans. »
Elle penche légèrement la tête, cherchant à capter l’essence de mes mots. « Lorsque tu étais installé dans la cave, avais-tu toujours l’impression que c’était une sécurité ? »
C’est une question soudaine qui me fend le cœur. Oui, c’était une prison. Mais cette prison était aussi ma sécurité. « Oui, mais là où j'étais seul, c’était mon monde. Je l’aimais, même si c’était mauvais. Ici, tout change. Ils pensent que je vais être heureux, mais je ne vais pas pouvoir. »
« Taehyung, tu n'es pas seul, maintenant. Je suis là pour t'aider à créer un monde où tu te sentiras en sécurité. »
Sa voix est ferme, et j’essaie de comprendre ce qu’elle me dit, mais quelque chose me retient. Se sentir en sécurité, c’est un combat que je mène contre moi-même et la douleur du souvenir.
« Je ne sais pas si je peux, » murmuré-je, ma voix à peine audible.
Le temps piétine, et chaque seconde m’enferme un peu plus dans cette bataille invisible. Je suis tiraillé entre la volonté de faire plaisir à ma famille et celle de rester fidèle à moi-même, à ce que je suis maintenant. L'enfant joyeux et insouciant a disparu, et je ne sais pas s’il reviendra un jour.
« C’est un grand pas, Taehyung. En reconnaissant ce qui t’a aidé, tu peux commencer à bâtir quelque chose de nouveau. Ce nouvel enfant que tu es, il a aussi un droit de regard. »
Son regard est franc, et je sens l’étreinte de la douleur se relâcher un peu, juste un peu. J’aimerais croire à ses paroles. J’aimerais croire qu’il y a une issue. Qu’un jour, je ne serai pas seulement le Taehyung de la cave, mais aussi le Taehyung d’avant, mais transformé par toutes ces épreuves.
« Nous allons avancer ensemble, » conclut-elle, son sourire réconfortant m’apaisant un tant soit peu.
Mais je sais dans un coin de moi que ce chemin sera long et semé d’embûches. En bouclant mes lèvres, je réfléchis à cette idée. Écouter les autres, me reconstruire, était-ce là le vrai visage de la guérison ?
De quoi veut-on que je guérisse au juste ?
La séance avec la psychologue se poursuit, mais chaque minute qui passe semble une éternité. Je suis assis sur ce fauteuil, essayant de trouver le courage de parler, d’expliquer ce que je ressens. Dr Lee me regarde avec ses yeux attentifs, attendant visiblement que je m’ouvre un peu plus.
« Taehyung, je voudrais que tu me parles de l’endroit où tu étais avant. Qu’est-ce qui te rendait si sûr de ce que tu devais faire là-bas ? » Sa voix est douce, presque rassurante. J’apprécie cette tranquillité, mais je sais que je ne peux pas me laisser aller.
Je prends une profonde inspiration, mes pensées me torturant. « Dans la cave, je connaissais chaque recoin. Je savais exactement où je pouvais aller et où je ne pouvais pas. Il y avait des règles précises, et je les connaissais par cœur. Ici, je me sens perdu. »
La pièce me semble immense, ces murs qui m’entourent accueillent un vaste espace sans limites ni règles. Dans la cave, l’ordre sévère était autre chose que de la rigidité, c’était une façon de survivre.
« C’étaient quelles règles, ces règles ? » me demande-t-elle.
Je fronce les sourcils, réfléchissant avec précaution. « Par exemple, le respect de l’heure. Chaque repas avait un moment précis. À 6h30, c’était le petit déjeuner. À 12h00, le déjeuner, et à 19h30, le dîner. Puis, à 20h, c’était l’heure de dormir. Si j’étais en retard à un repas… c’était la catastrophe. »
« Et toi, ça te faisait ressentir quoi, d’avoir des horaires comme ça ? » Elle ne me lâche pas.
« Ça me rassurait » avouai-je, ma voix se brisant. « Je savais que tout était contrôlé. Ici, j’ai l’impression de flotter dans le vide. »
Elle hoche la tête, prenant des notes, mais je suis absorbé par mes pensées. Je me souviens de ces heures imposées, des moments où je devais avoir les yeux rivés sur l’horloge, sachant que chaque seconde d’inattention pouvait causer de grandes répercussions dans ma vie. « Et il y avait cette règle, de toujours garder la cave propre. Chaque chose à sa place. Une espèce d'hygiène. »
Les souvenirs de nettoyage résonnent en moi, chacun de mes gestes devenant une automatisme. Ils étaient des fardeaux, à la fois réconfortants et terrifiants. « Ne jamais contredire Jack. Ne jamais parler quand on mange. Ça aussi… c’était très important. »
Pourquoi ai-je accepté sans réfléchir d’avoir une cellule de conditionnement si stricte, si froide ? La tension dans mon cou augmente, chaque phrase que je prononce rendant mon passé plus réel, plus pesant. Je ne peux pas me permettre de me mouiller dans tout cela. Je suis fatigué – fatigué de me souvenir, fatigué de parler.
« C’était flou, en fait. » Je me rends compte que par cette simple mention des règles, je me sens encore piégé, comme si je les avais encore devant moi.
Dr Lee rester sage, et cela me fait me poser un instant. Je sens ses yeux s’accrocher à moi, pesant, mes mots. Je me déteste de continuer à balbutier en tirant chaque détail à la lumière. « Qu’est-ce qui te fait peur ici, Taehyung ? Pourquoi ces règles te rassuraient-elles, quand bien même elles avaient des implications si dures ? »
Elle ne lâche pas prise, mais je serre les dents. Je sais que je dois être prudent. J’évite sa question. Parler des punitions, le souvenir des châtiments que j’endure avec une proximité ardente, me terrifie. Plusieurs pensées se heurtent dans mon esprit.
Je respire profondément pour me maintenir dans ce monde. « Ça ne change rien. Je… » Mes pensées sont comme un brouillard devant mes yeux. Je fais un mouvement de va-et-vient avec mes jambes, cherchant une échappatoire vers une réalité que je ne comprendrais jamais. « C’est juste… Rassurant. »
« Rassurant ? » Elle ne comprend pas. Je le sais. Comment peut-on comprendre quelque chose d’aussi différent de l’ordre que j’ai connu ?
« Oui, une routine. Je savais exactement quoi faire, et quand. Ici, c’est effrayant. Parce que je ne sais pas quoi faire. » En prononçant ces mots, je sens un mélange d’agacement et de tristesse.
Elle semble comprendre l'idée générale, mais je ne peux pas élever mes souvenirs à un tel niveau. Je veux tellement qu'elle ne découvre rien. À chaque phrase, je ressens cette résistance. Mon esprit se crispe à la pensée de rappeler des souvenirs sombres, des souvenirs de ce placard exigu où je me retrouvais souvent. Ou des violences qui venaient à chaque fois que je faisais quelque chose de travers.
Cette petite pièce vide, presque comme un placard, où je devais me tenir debout sans pouvoir bouger ni manger, ça serait sûrement trop pour elle. Je sais que si jamais je commence à lui parler de ça, elle ne comprendra pas. Personne ne pourrait saisir l'angoisse qui s'accumulait.
Elle change de sujet gentiment, hors de ce territoire d’angoisse. « Quel genre d’activités faisais-tu ? As-tu eu de bons moments dans cette cave ? Quelque chose qui t’a fait sourire ? »
Je me mords la lèvre, détourne la tête vers le tapis aux motifs flous du bureau. Il doit exister un instant, une lueur, mais tout me semble sombre, et je déteste le fait que je repousse mes souvenirs.
« Je… pas vraiment, » murmure-je. « Juste respecter les règles. Chaque chose à sa place, et ne pas penser à ce qui se passait en dehors. Mais il nous arrivait de sourire ensemble. De lire ensemble, de suivre un film ensemble. Il n'était pas toujours méchant. »
Je vois comme elle prend cela à cœur, mais je ne peux toujours pas me permettre d’en parler. Je refuse de lui donner des miettes de ma douleur.
Je suis tiraillé. Ma mémoire se déplace vers le passé, sur cette idée qu'il y avait des choses que je ne voulais jamais revivre, des choses que je ne veux plus penser. Je ne peux pas me permettre de balayer tout ça sous le tapis. Même ici, dans ce bureau, je peux sentir la profondeur des cicatrices laissées par Jack. Elles sont là, lourdes à porter.
« Taehyung, tu es ici en sécurité, maintenant. Tu as le droit d’exister sans ces règles, sans cette peur. Tu peux créer un espace qui te ressemble, échapper à ces souvenirs. » Ses mots résonnent, mais je suis toujours enfermé dans cette lutte éternelle entre le passé et le présent.
« Je suis juste fatigué, » finis-je par admettre, mes yeux se baissant alors que je m’éloigne de son regard compatissant.
« C’est normal de se sentir ainsi. Tu viens de passer par une expérience extraordinairement difficile. Prends tout le temps dont tu as besoin. Mais n’oublie pas, je suis ici pour t’aider. »
À ce moment-là, j’apprends une nouvelle leçon de l’espoir. Mais une partie de moi résiste. Une part de moi sait que ces mots doux ne suffisent pas, que les échos du passé vont s’accrocher comme des ombres indéfinies.
Tout ce que je veux, c'est disparaître dans ce silence océanique, à chaque respiration me tirant lentement vers un endroit familier, un endroit déformé par la douleur mais peut-être même apaisant dans ses règles excentriques.
Je suis en guerre contre ma propre mémoire, et ici, tout cela devient une tâche qui ne fait qu’ajouter à mon poids. Je suis un enfant insouciant, perdu, m'accrochant à cette routine qui paraît si futile mais si essentielle.
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