🆇︎🅸︎🅸︎. 𝐶𝑜𝑚𝑚𝑒 𝑢𝑛 𝑜𝑖𝑠𝑒𝑎𝑢 𝑒𝑛 𝑐𝑎𝑔𝑒

L’heure du dîner approche, et l’excitation qui règne dans la maison me semble insupportable. À 20h pétantes, nous sommes censés nous retrouver tous ensemble autour de la table, mais pour moi, c’est une source d’angoisse grandissante car je dois réhabituer mon cerveau au faite de ne plus manger à 19h. Chaque jour, manger ensemble me rappelle à quel point ma vie a changé, à quel point tout avance trop vite pour moi.


Je suis assis à la table, le cœur lourd, tandis que mes parents rient et discutent des petites choses du quotidien. Leurs voix se mêlent à l’odeur familière de la nourriture. Je regarde l’assiette devant moi, les yeux rivés sur le morceau de poulet, mais je n’arrive pas à manger. Mon esprit s’emballe, me plongeant dans des souvenirs dont je préfère m’éloigner. C’est terrible de sentir cette déconnexion avec le monde qui m’entoure, de ne pas réussir à m’y acclimater. Tout respire la normalité le jour, alors que la nuit, je me sens toujours enchaîné à un passé que je ne peux effacer.


Avant que je ne m’en rende compte, j’en arrive à un point où je ne peux plus me concentrer sur leurs bavardages. Je sens ma respiration s’accélérer et, distrait, je tends la main vers mon verre d'eau. Dans ma précipitation maladroite, je fais tomber le verre, et l’eau gicle partout sur la table comme une cascade soudaine.


« Oh non, Taehyung ! » s'exclame ma mère, se penchant rapidement pour prendre des serviettes.


Mon père aussi se lève, manifestement désolé pour le désordre. « Laisse-moi t’aider, » dit-il d’un ton calme en se rapprochant de moi. Mais alors que je le vois s’avancer, un effroi s’empare de moi. L’instinct de protection que j’avais appris pendant mes années de captivité fait surface comme un réflexe.


Je recule en arrière brusquement, mes mains se levant instinctivement dans un geste de défense. « Non ! Ne me touche pas ! » je crie, ma voix aigüë remplie de panique.

L’instant est figé. Je perçois la surprise sur le visage de mon père, celui qui a toujours été bienveillant et protecteur avec moi. Mais dans ma tête, je ne peux m’empêcher de penser à Jack et à toutes ces fois où ce simple geste se terminait en punition. Dans ma mémoire, des images floues jaillissent : un regard furieux, un mouvement brutal. Mes souvenirs sont désordonnés, fragmentés, mais l’émotion qui les accompagne est toujours aussi palpable.

« Taehyung, je ne... » commence mon père avec une voix douce, mais je ne l'écoute pas.

Des flashbacks passent rapidement en revue mon esprit, effrayants et déstabilisants. Je me revois, enfant, à genoux sur le sol en ciment froid de la cave, à pleurer dans l'angoisse d'une réprimande, craintif de la colère de Jack. Les bruits feutrés de l’extérieur, les couleurs ternes, les règles strictes… Je frémis à la seule pensée.

Dans un mouvement désespéré, je me tourne vers la porte, l'angoisse m'envahissant, me poussant à fuir cet endroit qui, pour moi, n'est pas encore un foyer. Je sens mes jambes trembler sous l'effet du stress, une boule de panique me nouant la gorge. Je suis ici, mais mon esprit est encore là-bas, prisonnier de mes souvenirs.

« Taehyung, attends ! » appelle ma mère, la voix pleine d'inquiétude.

Je ne peux rien répondre, j’ai besoin de sortir de cette situation, d'échapper à mes peurs. Désorienté, je file vers ma chambre, mes mains tremblant légèrement. Je me sens sale, traversé par des émotions trop intenses que je ne suis pas encore capable d’accepter. J’entends la voix inquiète de ma mère derrière moi, mais je la bloque, me précipitant dans mon sanctuaire.

En fermant la porte, je me laisse tomber sur mon lit, le cœur battant. J’entends mes parents chuchoter dans le couloir, leurs échanges flous me parviennent comme une mélodie lointaine. Je fais de mon mieux pour ignorer leurs inquiétudes, leur confusion, mais il est difficile de ne pas ressentir la pression de leur relation avec moi.

Je plonge mon visage dans mes mains, un souffle de désespoir échappant de mes lèvres. Pourquoi est-ce que tout devient si compliqué quand je suis censé être chez moi ? Pourquoi chaque geste me ramène à ces souvenirs de peur ?

Je me remémore Jack, ses règles insensées, son obsession pour la discipline. Les livres que j'ai lus dans la cave, là où j'ai passé mes journées à essayer de comprendre le monde extérieur à travers des pages usées. C’était à l’époque où je croyais que chaque lecture me rapprocherait un peu plus de la liberté, mais toutes ces leçons ne m’ont fait que me lier aux chaînes du contrôle. À présent, même les mots me semblent être des obstacles.

Après quelques minutes, la respiration revenant lentement à la normale, je repense à ce garçon de l'étang. L'étrangeté de notre première rencontre à l'étang, cette fascinante mélancolie qui l'entoure. Qu’est-ce qu’il penserait de moi ? Je n’ai jamais eu l’occasion de lui parler, de partager mes pensées, de me livrer. Juste le souvenir de son regard me réconforte légèrement, une lueur d’avenir à laquelle je me raccroche.

Mon cœur se serre d'envie de lui parler, d’aller vers lui et de lui confier mes inquiétudes au sujet de ce qui m'angoisse. Mais chaque fois que l’idée émerge, les souvenirs de mes années de souffrance viennent briser cette envie, la recouvrant d’une couche de crainte et de confusion. Qui suis-je vraiment ? À qui dois-je me fier ?

Le vent souffle doucement à l'extérieur, le bruit des feuilles m’attirant vers la fenêtre. J’observe le monde dehors, pensant à la vie qui continue d’avancer pendant que je reste suspendu dans un passé que je ne peux plus renier. Que signifie cette vie si je ne parviens pas à en trouver le sens ?

Mais pour l’instant, je suis ici, à essayer de déchiffrer les codes d’une existence qui me semble étriquée. Et alors que je ferme les yeux, un souhait émerge en moi : que le lendemain soit une journée où je pourrais, enfin, me libérer des entraves de mon passé.


°

Le lendemain matin, je me réveille avec un goût amer dans la bouche, mélancolie s’étant logée dans chaque recoin de mon esprit. À peine le soleil se lève-t-il que le vide commence déjà à palpiter en moi. C’est le jour de la séance avec la psy, et tout mon être s’y oppose. Depuis quelques semaines, ces réunions hebdomadaires semblent être une torture. Comment pourrais-je expliquer à quelqu’un que j'ignore encore qui je suis ?


Je me contente d'observer le temps passer sur l’horloge murale, chaque minute semblant s’étirer à l’infini. Écoutes-tu le tic-tac, Taehyung ? Il est là, un rappel constant de ce que je ne peux pas articuler. Le décalage entre ce que j’éprouve et ce que j’ai appris à exprimer me pèse sur les épaules comme une lourde couverture.


À dix heures précises, elle arrive. La psy, avec son sourire chaleureux et ses lunettes de lecture situées en équilibre sur le bout de son nez. Elle se présente toujours avec un air détendu, mais moi, je n’y arrive pas. Je reste silencieux, la mine renfrognée.

« Bonjour, Taehyung. Comment vas-tu aujourd’hui ? » me demande-t-elle en s’installant sur le fauteuil en face de moi.

Je me contente de hausser les épaules, mon regard planté loin d'elle. Je ne veux pas parler, je ne veux pas partager ce mélange étouffant d’émotions qui bouillonnent en moi. Je sens une vague de frustration m’envahir à chaque question qu’elle pose, une rage qui se heurte à ma timidité.

« Je comprends que cela puisse être difficile, » dit-elle, d’une voix douce. « Si tu n’as pas envie de parler, c’est tout à fait normal. Prends ton temps. »

Ses paroles m’irritent. C'est facile de dire cela quand on n’est pas enfermé dans cette situation, à regarder le monde derrière un mur de verre. Je détourne le regard, observant un détail sur le mur, un tableau représentant un paysage paisible. Cela semble si éloigné de ma réalité que j’en ressens une profonde tristesse.

La psy continue à parler, mais je n'écoute plus. Les mots se mêlent dans ma tête, se perdent dans le vide. Mes pensées dérivent vers des souvenirs, des moments flous dans la cave, où je n’étais qu’un enfant suffoqué cherchant une évasion. Les cris, la peur, la solitude ; tout cela s'entremêle avec ce que je ressens aujourd’hui. Parfois, je suis submergé par des vagues de colère ou de tristesse, mais je ne comprends pas pourquoi.

« Si tu veux, nous pouvons parler de tes émotions, » propose-t-elle, tentant de percer ma carapace. Mais je sais que je ne lui confierai rien.

Les minutes passent, chaque seconde me renfermant un peu plus sur moi-même. Les larmes me montent aux yeux, mais je les refoule. Je refuse de céder. Il y a cette colère en moi qui ne doit pas sortir. J'ai trop peur que tout cela ne se transforme à nouveau en douleur, en colère que je ne pourrai pas contrôler.

Enfin, la séance touche à sa fin, et la psy se lève. « N’hésite pas à prendre le temps qu’il te faut, Taehyung. Je suis là pour t'aider, » dit-elle d’un ton sincère. Je la regarde partir, sans réagir. Elle est bien gentille, mais je ne veux pas d’aide. Je veux juste être seul.

Quand elle est enfin partie, je me retrouve dans la maison vide, le silence me pesant plus que jamais. Ma mère est là, mais je ne me sens pas prêt à lui parler. Je ne comprends pas pourquoi je me sens comme ça, et je ne peux pas lui infliger mes tourments. La maison est étriquée, chaque bruit me renvoie à cette agitation intérieure.

« Tout va bien, Taehyung ? » demande ma mère, son regard empli d’inquiétude. Elle est toujours sur le qui-vive, cherchant des signes, mais je ne peux pas lui donner ce qu'elle attend.


Je n’ai pas de réponse. Je me détourne, fuyant son regard. L’étrangeté de cette situation me donne envie de crier. Qu'est-ce qu'est "bien" ? Je ne sais pas ce que cela signifie.

Je m'éloigne lentement vers ma chambre, mes pensées tourbillonnant. L'absence de ma sœur, partie à l’école, et de SeokJin, à la fac, me laisse dans un vide encore plus grand. Une solitude dont je ne sais pas quoi faire. Je ferme la porte derrière moi, l’isolant, comme si cela pourrait efficacement allouer un espace sécurisé.

Une fois à l’intérieur, je m’assois sur le lit, le corps lourd. Les murs me semblent se resserrer, comme si chaque souffle que je prenais était une suffocation de plus. J’essaie de me ressaisir, mais la colère et la tristesse que je ne peux pas comprendre continuent de se battre en moi.

Une fois encore, je repense au garçon de l’étang. À son violon, à la façon dont ses doigts glissent sur les cordes. Pourquoi n’ai-je pas eu le courage de lui parler ? Pourquoi cette peur me paralyse-t-elle lorsque je pense à tout ce que les autres peuvent penser ? C’est si frustrant.

Les sons familiers de la maison résonnent, le bruit des pas de ma mère dans le couloir, mais je ne peux pas, je ne veux pas lui parler. Je me rends compte que je me crée moi-même des barrières qui m’entourent. Pourtant, si je laisse tomber ces murs, que se passera-t-il ?

La colère monte en moi, comme une marée montante. Je me lève brusquement et commence à faire les cent pas dans ma chambre, incapable de rester immobile. Mes mains tremblent légèrement alors que je commence à m’agripper à mes cheveux, ma respiration devenant inégale. Qu’est-ce qui ne va pas chez moi ?

Des pensées s’entrechoquent dans ma tête, confuses et complexes. Je me sens perdu dans un labyrinthe émotionnel, en dehors du temps. Jamais je n’ai souhaité être un fardeau pour ma mère ou quoi que ce soit d’autre. Je le sens si souvent, comme un poids qui pèse sur ma vie, et je m’éloigne, encore et encore.

Pour me donner une sensation de contrôle, je me mets à rassembler mes affaires, organisant encore et encore, vérifiant que tout est en ordre. C’est une façon pour moi de me sentir en sécurité dans ce monde dans lequel je n’arrive pas à me voir m’habituer. Un comportement répétitif devenu ma routine. Je prends une profonde inspiration, me concentrant sur les petites choses.

Les fragments de ma captivité me hantent, et la douleur d'une vie courte me pourchasse. Je n’évoquerai jamais ce qu’il s’est passé. Je ne parlerai pas. Mais je saurai, tard ou tôt, qu'il faudra que je trouve le courage d’affronter ces démons.

Pour l’instant, mes émotions se bousculent, et de m’enfermer à l’intérieur semble être la meilleure option. Comme un oiseau en cage, je crains du quotidien mais je lutte. Il faut que je découvre qui je suis vraiment, au-delà de cette tristesse qui m’engloutit.

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Voilà le chapitre 12 j'espère que vous avez aimé ✨

Comment vous trouvez Taehyung ?

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