La tristesse me submerge comme une marée montante, intégrant sa force à chaque battement de mon cœur. Les mots de Saejin résonnent encore dans mon esprit, assombrissant mes pensées. Je devrais être heureux d'être revenu, mais au fond de moi, je ne trouve que ce vide lourd et oppressant. Elle m'évite, comme si ma présence était devenue un fardeau pour elle. Je le ressens. L’innocente lueur d’un foyer chaleureux semble avoir disparu, remplacée par une ombre insidieuse.

Seokjin, lui, fait tout son possible pour combler le vide, pour rattraper le temps perdu. Je vois à quel point il se sent coupable, et cela me pèse encore plus. Il vient me voir fréquemment, s'assurant que je vais bien, souvent avec un sourire anxieux. Je l'observe avec une mélancolie sourde. Je sais qu’il essaie de me redonner le bonheur, mais je crains qu’il ne réalise pas que cela ne sera jamais comme avant. Impossible de revenir sur mes pas, de réécrire l’histoire.

Je sais que je lui fais du mal, mais je ne sais pas comment le lui dire. Chaque jour, les souvenirs de cette calme journée d’hiver, il y a presque une décennie, surgissent. Je suis ce petit garçon insouciant, désireux de jouer dans la neige, sans savoir que ce simple souhait allait me mener à Jack, que ce serait le point de rupture de ma vie. L’idée que tout repose sur mes épaules me ronge. Je suis un poids, un parasite, et ma famille aurait été mieux sans moi.

Je me rappelle chaque visage, chaque nom. Lee Suho, Choi Minho, Kim Jae-hi, Kim He-ra, Song Bo-ra, et Han Junho, mes semblables, mes fantômes. Pourquoi moi ? Pourquoi suis-je le seul à avoir survécu ? Ils ont également connus la peur, les larmes, la supplication, et pourtant, ils sont partis. Pourquoi leurs cris n'ont-ils pas suffi à sauver leurs vies ? Ce sentiment de culpabilité pesant gonfle dans ma poitrine, m’étouffant. J’ai échappé à la mort, mais avant même un nouveau souffle, je sens déjà le poids de leurs souvenirs.

À la maison, je m'enferme souvent dans ma chambre, fuyant cette réalité qui me dépasse. Quand je regarde par la fenêtre, je vois Saejin jouer avec des amis dans le jardin, vivante et lumineuse. Là où je devrais être, la joie semble tout à coup inatteignable. Je ne peux m’empêcher de penser qu'elle aurait pu avoir un frère plus aimant, plus présent, un frère qui n’aurait pas apporté l'ombre de la douleur. Je me sens comme une redevance, un écho des rires perdus.

L'école, je l’ai longtemps désirée. Je rêvais de pouvoir une fois encore fréquenter mes pairs, vivre cette vie que je me suis vu arrachée. Mais maintenant je me rends compte que je suis toujours aussi incomplet. Les cours, bien que je les ai longtemps souhaités, semblent maintenant être des excessives joutes d’abstraction, m’éloignant un peu plus de ce que je pourrais comprendre. La danse, par contre, est le seul moment où je retrouve une certaine légèreté, mais je me sens coupable de prendre du plaisir.

Le regard de Jungkook pèse comme du plomb. Au collège, il me fuit, me laissant dans un océan d'incertitude. Son sourire m’illumine lorsque nous sommes ensemble à l'étang, mais à l'école, il fait comme s’il ne me connaissait pas. Sa froideur me laisse à la fois vexé et déçu. Pourquoi ne me reconnait-il pas alors que nous avons partagé des moments qui devraient nous lier ? Cette distance qu’il impose entre nous soulève les vagues de ces pensées douloureuses. La renommée d’inaccessible qu'il arbore semble maintenant être un reflet de mon propre isolement. Je ne lui ressemble pas – un miroir de ce que j’aurais pu être sans ce terrible passé.

Souvent, je me demande : comment oser parler avec lui ? Je veux tant lui faire part de mes émotions, mais la peur de tout briser, de trop me montrer vulnérable, me paralyse. J’éprouve un besoin désespéré de le connaître davantage, de l’avoir comme un ami, et pourtant, je me sens comme une ombre, une silhouette floue qui ne mérite ni son temps ni son attention.

Je suis un imposteur, hanté par le spectre des autres, par les échos de leurs voix. Parfois je pense qu’aucun de nous, ici, n’est vraiment vivant. Je suis coincé dans ce passé - un passé qui me condamne à vivre lorsque tant d'autres n’y sont plus. Comment pourrais-je trouver le bonheur dans ce chaos ? Je me sens incompris, condamné à porter la culpabilité de ce que je n’ai pas fait. Chaque sourire que je vois autour de moi ne fait qu'approfondir cette douleur.

Alors que je m’enferme à nouveau dans ma solitude, j’aspire à ce dont je suis privé : le sentiment d’appartenance. Dans ces moments sombres, je m’imagine être celui que j'aurais dû être – libre de courir dans la neige, rire avec ma sœur, retourner à l’école, me faire des amis... Mais je ne peux pas, car chaque interaction est teintée de culpabilité, chaque acte est suivi d’une ombre de ce que j’ai perdu.

Je suis ici, mais je ne suis pas complet. Je suis un étranger dans ma propre vie, survivant d’un voyage dont je ne voulais pas et qui m’a laissé bien trop de cicatrices pour en sortir indemne. Et alors que les jours passent, je me demande si un jour, je pourrais vraiment être le Taehyung que ma famille attend, ou si je resterai toujours ce fantôme errant au milieu d’eux, aspirant à un bonheur qui s’éloigne chaque jour un peu plus.

Recroquevillé sous l’arbre près de l’étang, je réalise seulement maintenant que les larmes coulent le long de mes joues. Celles-ci murmuraient des histoires de douleur, des souvenirs que je voudrais étouffer, mais j’aimerais pouvoir être quelqu’un d’autre, car c’est bien trop difficile d’être moi. Le poids de ma culpabilité, de mes regrets, m’opprime.

"C'est tellement mystérieux, le pays des larmes." La voix me fait sursauter, m’extirpant de mes pensées sombres. Je lève la tête et je le vois, là, devant moi. Le garçon de l'étang, Jungkook, avec ses yeux bleu électriques si étrangement beaux, qui scintillent comme des étoiles. Il me fixe, avant de s’agenouiller devant moi. Ses doigts hésitent un instant avant de se poser délicatement sur mon visage tandis que je reste figé, pris au piège de cette interaction. Il m’essuie les larmes avec la douceur d’un élément naturel, comme si mes pleurs étaient capables d’être apaisés par sa seule présence.

Pourquoi, à chaque fois qu’il apparaît, il commence avec ces mots venus du Petit Prince ? Pourquoi est-il si décalé, si fantastique ?

Il s’assoit correctement face à moi, ses cheveux noirs dansant au gré du vent. Une beauté à couper le souffle. Je suis trop déstabilisé pour détacher mes yeux de lui.

"Tu... tu es étrange..." Mon souffle s’entremêle à mes mots, sa capacité à me perturber m’étonne. Je me demande comment j’ai pu articuler une phrase sans partir en courant ou être submergé par ma timidité.

"Étrange ? Que veux-tu dire par là ?" Son sourire illumine son visage, éclatant comme le soleil, réchauffant mon cœur glacé.

Je frémis intérieurement. C’est vrai, il est si différent ici, parmi les murmures de l’eau, comparé au Jungkook distant que je croise à l’école.

"Tu es différent, à l'école. Tu ne parles à personne et tu ne te mélanges avec personne. Aussi, tu as toujours ton violon sur le dos, mais jamais je ne t'ai entendu jouer." Les mots échappent sans filtre, et je me surprends moi-même. Dans cette montée d’émotion, étonnamment, je me sens léger, presque libéré.

"Si tu veux écouter ma musique et savoir tout un tas de choses sur moi, alors tu dois d'abord m'apprivoiser, Taehyung. Tu vois ? Moi, j'ai appris ton prénom par cœur." Il sourit de plus belle, et mon cœur s’emballe. Mon prénom, murmuré par lui, semble briller de mille feux. J’aborde doucement la sensation inédite d’importance.

"Pourquoi... pourquoi dis-tu cela ? Pourquoi est-ce si important ? Est-ce comme ça que l'on se fait des amis ? Il faut apprivoiser?" Je le questionne, troublé, le cœur vibrant au rythme de son regard attachant.

"Parce que c'est une vérité trop souvent négligée. Ça signifie : « créer des liens ». Les hommes ont oublié cette vérité, ils ne veulent plus la connaître. Mais moi, je veux que tu m'apprivoises et que je t'apprivoise."

Chaque mot qu’il prononce semble résonner dans les cavités de mon âme, une mélodie sérieuse. Ces pensées m'enveloppent, et il ne réalise pas qu'il touche une corde sensible.

"Pourquoi moi, et pas un autre ?" La confusion me ronge davantage, chaque question semblant amplifier mes doutes.

Il soupire, un bruit qui caresse mon cœur inquiet, m'offrant un regard pensif.

"Ce qui embellit le désert, c'est qu'il cache un puits quelque part." Puis, il continue avec une intensité palpable, ses yeux plongeant dans les miens, "Et je veux que tu sois le puits dans mon désert."

À cet instant, je me sens étrangement unique dans son monde. Ses paroles résonnent comme une promesse, une ouverture vers quelque chose de plus grand, plus profond. Je n’aurais jamais pensé que je pourrais être important dans la vie de quelqu’un d’autre. Mes craintes s’estompent alors que ses yeux brillent d’une chaleur inestimable.

"Mais… je ne comprends pas. Pourquoi moi, Jungkook ? Je ne suis rien. Je... je ne fais que troubler les autres." Mes mots semblent se briser sous la pression de mes pensées.

"Tu es plus que ce que tu penses," dit-il doucement, avec conviction. "Chacun a ses luttes et ses ombres. Ne regarde pas seulement la grandeur du désert,  dis-toi que peu importesa grandeur,  il y a un puis quelquepart... cherche le avec ardeur."

Sa compréhension me touche d'une manière que je n’aurais jamais anticipée. Une douce chaleur se propage dans mon cœur, un réconfort, une acceptation. Je me sens envoûté par son attention, chaque seconde qui passe à ses côtés, renforçant ce lien fragile qui s’établit entre nous.

Jungkook est tout ce que je désire sans vraiment savoir comment l’exprimer. Je veux être à ses côtés, découvrir cet univers qu’il évoque, ces mots magiques qui nous unissent. Mes idées dansent autour de lui, mais elles semblent futiles face à cette empathie et compréhension qui émanent de lui.

À travers ses yeux, je sens la promesse d’un avenir où je ne suis pas seulement ce que j’ai fui, mais ce que je pourrais devenir. Un frisson se fraye un chemin le long de ma colonne vertébrale, me faisant vibrer sous le charme de cette rencontre inattendue. Je me sens dépouillé, vulnérable mais en même temps puissamment vivant. Plus jamais il ne sera juste un garçon d'étang pour moi. J'ai l'impression qu'un chapitre de ma vie commencerait, qu'une porte vers la rédemption s'ouvrirait si seulement je savais comment emprunter le chemin.

L’instant s’étire, et je réalise que je suis en train de tisser un lien qui pourrait être magnifique, puissant, même si cela m’effraie. Pourquoi me senté-je si attiré par lui ? Pourquoi être ici avec cet inconnu me donne-t-il ce sentiment d’appartenance que je n’ai pas ressenti depuis si longtemps ?

Le moment devient intemporel, comme un rêve éveillé. Je continue à le regarder, m’imbibant de son regard et de ses mots. Dans ce jardin magique, entouré par les murmures de l'étang et le souffle du vent, je n'ai jamais voulu que cet instant s’arrête.  

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Voilà qu'avez-vous pensé des ce petit chapitre et de la dynamique du taekook? Que pensez-vous de Jungkook et sa façon d'être pourquoi cette dualité chez lui ?