𝟏𝟐. 𝐎𝐮 𝐜𝐨𝐮𝐩 𝐝𝐞 𝐜𝐡𝐚𝐧𝐜𝐞 ?

Au son de ce timbre chaud, profond, reconnaissable entre mille, je manque de faire tomber le cadre, mais le rattrape de justesse.

Une première !

Il vient de briser la quiétude qui régnait ici ; en moi. Tout se bouscule si fort que je tarde à me retourner, cherchant à maîtriser ce manque d'oxygène qui m'étreint.

— Bonjour, réponds-je après un long moment de silence.

Prendre conscience de la présence de Basile déclenche un chaos monstrueux dans ma tête. J'ai du mal à faire le tri, à choisir entre cette partie de moi qui semble heureuse de le revoir ou l'autre, qui préfère ignorer cet élan d'enthousiasme.

Enfin ça, c'était avant de croiser son regard surpris et ses cheveux en bataille. Avant de lorgner son torse nu, luisant de sueur et taillé à la perfection. Avant de constater, à la serviette éponge qui recouvre ses larges épaules et à son souffle erratique, qu'il sort tout droit d'une séance intensive de sport.

Et qu'il est bien plus canon que tout ce que j'avais osé imaginer.

— Excusez ma tenue, je comptais profiter de la salle de sport avant votre arrivée... mauvais timing, comme d'habitude.

Je ne saisis pas sa dernière remarque – je ne cherche pas à la comprendre –, mais mon regard trouve le sien. Il était temps que j'arrête de lorgner ses abdos, même si ses billes céruléennes sont tout aussi envoûtantes.

— Une salle de sport ? Ici ?

Très bien. Parlons de la salle de sport, voilà qui est plus prudent.

— Longue histoire. Disons que c'était le deal : je lui laisse le balcon si je peux aménager sa chambre d'ami. Mais comme je vous l'ai dit, je ne savais pas à quelle heure vous deviez passer. Tout comme je n'étais pas certain que vous aviez reçu mon message, déclare-t-il joueur en attrapant un t-shirt sur le lit de fortune.

J'ai un mal fou à suivre la conversation. Pour mon bien-être mental et afin d'éviter une crise d'apoplexie, je retourne m'installer sur le canapé, là où l'air est plus respirable et son corps athlétique hors de mon champ de vision.

— Ouais... Désolée de ne pas vous avoir répondu. En fait, j'ai juste eu le temps de lire l'adresse de votre sœur avant que mon téléphone rende l'âme, avoué-je sans entrer dans les détails.

— Je vois. Un coup de chance, alors.

Je n'avais pas vu ça comme ça, mais je suppose qu'il n'a pas tout à fait tort.

— La vache ! Tu t'es vraiment pas loupée !

La voix d'Oriane résonne jusqu'à nous. Je grimace, amusée mais un peu mal à l'aise, aussi. Basile n'esquisse pas l'ombre d'un sourire, il se contente de se poster devant moi et me sonder de son regard un peu trop perçant.

— Donc... hésite-t-il, vous n'avez pas lu le message en entier ?

Il insiste ; ça me perturbe. J'ai l'impression étrange d'avoir raté un truc hyper important.

— Non. Pourquoi ?

— Pour rien, enchaîne-t-il en secouant légèrement la tête. Il faut que je me sauve. Ravi de vous avoir revue, Cookie.

Mangez-moi, mangez-moi, mangez-moi...

Je refoule un violent frisson tandis qu'il disparaît sans me laisser le temps de répondre. De lui dire à quel point j'ai apprécié ces quelques heures en sa compagnie. De lui avouer que j'aimerais bien le revoir, même si je sais que c'est compliqué – et totalement déplacé, surtout.

C'est sans doute mieux ainsi.

***

— Donc, tu cherches du boulot en ce moment ?

J'avale une gorgée du thé à la vanille que j'ai finalement accepté avant de me livrer à d'autres confidences. C'est surprenant, mais étonnamment facile avec Oriane.

— En fait, depuis la mort de mon père, j'ai beaucoup de mal à me remettre dans le bain. Il faudra bien, parce que je ne peux pas continuer à vivre sur mes économies, mais... je sais pas, ça m'angoisse.

— Je comprends. Ça a dû être un choc terrible, je n'ose même pas imaginer. Mais, précise-t-elle en haussant le ton, il se trouve que mon meilleur ami est pédiatre, et que je ne crois pas aux coïncidences.

— Laisse-moi deviner : il cherche une assistante ?

— Mmh... pas vraiment. En fait, il n'en a jamais voulu. Du coup, il croule sous le travail depuis qu'il a ouvert son cabinet. Impossible de lui faire entendre qu'il a besoin d'aide, ce mec est aussi têtu qu'une mule ! m'explique-t-elle, faussement exaspérée.

Son sourire franc est contagieux. J'ai du mal à savoir où elle veut en venir, alors je me contente de récupérer ma tasse et d'en poursuivre sa dégustation. Le regard dans le vague, je m'absente un instant vers des contrées lointaines, qui prennent doucement les reliefs d'une musculature virile et imposante. J'ai peur. Peur de le voir envahir mes pensées à une allure folle. Peur de m'écrouler à nouveau sous le poids d'espérances vaines. Peur de...

— Tu pourrais peut-être m'aider à le convaincre ?

Elle capte une nouvelle fois mon attention, malgré son discours que j'ai du mal à comprendre.

Décidément, mon niveau de concentration frôle le zéro pointé. 

— Tu veux que moi, une inconnue, je persuade ton pote qu'il a besoin d'une assistante alors qu'il n'a rien demandé ?

— Ça peut se tenter, fait-elle mine de réfléchir. On pourrait organiser un dîner et voir comment ça se passe.

— Oriane ! l'interromps-je, dépassée par la tournure que prend cette conversation. Les seules choses que tu sais de moi, c'est que je suis maladroite et fauchée. Et maintenant tu veux m'organiser un rendez-vous avec...

— Jonathan, précise-t-elle en jouant avec une longue mèche de ses cheveux. Et je sais, ça peut paraître un peu précipité, mais tu m'as bien dit que tu voulais te remettre en selle, non ?

Elle marque un point. J'ai conscience avoir besoin de trouver un job rapidement, même si je m'en sens encore incapable. Il va bien falloir que je me décide à faire le grand saut, un jour ou l'autre.

— En fait, je n'ai pas dit ça. J'ai...

— Super ! T'es libre demain soir ?

Cette fille ne manque vraiment pas d'assurance. Pourtant, son sourire espiègle et ses traits suintant la gentillesse me poussent à considérer sérieusement sa proposition. Oriane est munie d'un pouvoir de persuasion hors du commun, je ne doute pas qu'elle fait partie de ces gens qui obtiennent toujours ce qu'ils veulent.

Et manifestement, ce qu'elle veut, c'est moi assise sur une chaise en face de son meilleur ami.

— Je suis libre, abdiqué-je après une – trop – courte réflexion. Mais je crois que tu n'as aucune idée dans quelle galère tu t'embarques...

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