𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐗𝐗𝐗


















— S  O  U  S    L  E  S    C  A  R  T  E  S —














郷に入っては郷に従え



















             SI LE BATEAU VOGUE à nouveau, l’ambiance n’est pas aussi festive que nous l’aurions cru. Point de fêtes pour célébrer la rupture du siège, aucun rire fendant l’air et musique s’élevant tandis que nous nous éloignons du coin où nous étions prisonniers. Pas même de soupir de soulagement en songeant que plus jamais l’Impereceo, le Serpent, Han ou quelque soit son nom nous poursuivra.

             Nul n’est d’humeur à sourire. Pas même le ciel qui se fait gris, au-dessus de nos têtes.

             Depuis que nous avons quitté l’île, il y a quelques heures, Shanks n’a pas quitté sa cabine. Les matelots savent que ce comportement est inhabituel. Des cernes creusant son regard et son corps se voutant, comme s’il avait vieilli prématurément, il s’est trainé jusqu’à ses appartements et a fermé derrière lui.

             Nerveuse, je pose une main sur mon ventre pour calmer les remues de mon estomac. Au-dessus de ma tête, le plafond est assez bas et seules quelques lampes à huile illuminent le couloir de bois humide. Derrière la porte à laquelle je fais face se trouve la chambre et le bureau de Shanks. Celle où je me suis réveillée, après avoir saccagée son bateau.

             Celle où il a fait preuve de tant de clémence à mon égard.

— Shanks ? j’appelle d’une voix tremblante.

             Il ne répond pas. Je n’en suis pas surprise. Afin de me protéger et d’aider les miens, il a sacrifié une partie de lui-même. Et depuis, à une vitesse déconcertante, il semble dépérir.

— Shanks, je vais entrer, je lance.

             Mes yeux se ferment et, quand je les rouvre, le décor autour de moi a changé. Depuis Marineford, un déclic a semblé se produire en moi. J’avais pressenti que mes capacités à utiliser mes pouvoirs s’étaient débloquées mais je le confirme, à présent.

             Devant moi, la vaste porte vitrée est dissimulée derrière des rideaux tirés et le même bazar occupe le large bureau de l’homme. Sur ma droite, étendu sur le drap tendu servant de matelas, il a les yeux ouverts.

             Mais, sous ses quelques mèches enflammées, ses iris fixent le plafond d’un air absent. Il ne cille même pas en remarquant que je suis parvenue à pénétrer cette pièce alors que la porte est fermée à clé. Après tout, il a été le premier témoin de mon incapacité à me déplacer, il y a quelques temps.

             La pièce est plongée dans l’obscurité et ce n’est que grâce à la lumière filtrant difficilement par l’interstice des rideaux que je parviens à voir sa silhouette.

— Shanks, je murmure d’une voix étranglée en voyant son état.

             Mais il ne répond pas. Le temps d’un instant, je me demande même s’il m’entend. Alors, une larme coulant sur ma joue, je franchis l’espace entre nous et m’assied sur le matelas. Mon dos se retrouve pressé au flanc du capitaine qui ne cille même pas, regardant toujours le plafond.

             Ma main vient se poser sur sa joue et je caresse sa pommette du pouce, tentant d’attirer son attention. Cependant la fraicheur de sa peau manque de m’arracher un sursaut.

             Il ne semble même plus vivant.

— Shanks, je voulais te remerc

— Non.

             Sa vois est faible. Jaillissant dans un murmure, elle est presque inaudible. Mais elle suffit à me faire taire. Mes yeux s’écarquillent. Les siens ne se détachent pas du plafond.

— Sans mon haki, je vais mourir. Alors hais-moi. Déteste-moi, que je ne me dise pas que tu m’aimes mais que je n’ai pas assez de temps pour en profiter, soupire-t-il.

             Ma gorge s’étrangle et mon cœur a un sursaut. Non. Ce n’est pas possible. Il se trompe sûrement, je dois avoir mal entendu. Il ne peut décemment pas avoir sacrifié quelque chose qui le maintenait en vie juste pour…

             Mes épaules se raidissent. Juste pour moi.

             Ma main est encore sur sa joue. Me tirant de mes pensées, il pose la sienne par-dessus. Je me tourne à nouveau vers lui. Cette fois-ci, il m’observe. Ses iris sombres me détaillent calmement entre des paupières mi-closes. Il semble épuisé.

— Dis-moi, tu es heureuse, maintenant ? demande-t-il.

             Mes sourcils se haussent tandis que des larmes coulent sur mes joues.

— Dis-moi que tu es heureuse, car j’ai fait ça pour toi.

             Je ne parviens pas à me contenir. Ma poitrine se secoue quand j’éclate en sanglot. Mes épaules tremblent et je ne peux plus voir Shanks, ma vision étant brouillée par mes larmes. Aussitôt, sa main quitte la mienne pour se poser sur mon crâne et me ramener contre son torse dénudé.

             Son pectoral se presse à ma joue et je m’enfouie dans son odeur, ne parvenant à calmer mes pleures. Un mélange de détresse et de culpabilité s’empare de moi. Je tremble. Son pouce commence à faire des mouvements circulaires sur ma tête pour m’apaiser.

             Je suis le pire être possible.

             Après mes paroles, Shanks s’est sacrifié. Maintenant qu’il me demande de lui assurer que cela me rend heureuse, je pleure. Et alors qu’il est celui aux portes de la mort, il me réconforte.

— Ça va aller, trésor…, chuchote-t-il. Tu as un royaume à gouverner.

— Je ne connais pas mes sujets et n’ai pas de terre, je proteste. Je veux rester avec toi.

             Un faible rire secoue sa poitrine.

— Mais un jour, tu comprendras mon geste et me remercieras, trésor.

             Je me redresse vivement. Aussitôt, ses yeux se plongent dans les miens. Allongé sur ce lit, il m’observe le surplomber de quelques centimètres, des larmes dévalant mes joues :

— Je te comprends et te remercies ! Tu as commis pour moi un acte que moi-même je n’aurais pas fait.

— Si, tu l’aurais fait, chuchote-t-il.

             De son doigt, il caresse ma tempe. Un frisson me prend tandis que je l’observe faire. Il semble se perdre dans ses pensées, ses yeux s’attardant sur mes lèvres.

— Je le sais car je suis tomber amoureux d’une femme courageuse, forte et déterminée. Je le sais car j’aime l’Impératrice des Voyageurs et que les Voyageurs ont besoin d’une Imperecea digne de ce nom. C’est justement pour leur donner une chance d’en avoir une que je l’ai fait.

             Je n’y tiens plus. M’avançant, je pose mes lèvres sur les siennes dans un tendre baiser.

             Il semble d’abord surpris et son corps se tend sous le mien. Mais, bientôt, il entoure ma taille de son bras et se tourne sur le côté, m’emportant avec lui pour que je sois allongée face à lui. Dans ce geste, il bouge la bouche, approfondissant ce baiser.

             Doux, délicat, il ne tente même pas d’aller plus loin. Sa langue n’essaye pas de trouver la mienne. Il veut juste s’attarder dans ce moment.

             Bloquer cet instant à jamais.

             Mais nous nous séparons et nos yeux s’ouvrent. Des larmes coulent sur nos visages. Nous savons que nous n’aurons peut-être pas d’autres chances de faire cela. Mon cœur bat à toute vitesse dans ma cage thoracique.

— Je crois que c’est le moment, murmure-t-il d’une voix brisée.

             Mes yeux s’écarquillent. Il s’efforce de maintenir les paupières ouvertes et me regarder, je le sens. Son bras est enfermé autour de mon corps pour me maintenir près de lui. Mais celui-ci est faible.

— Trouve mes enfants et dis-leur que je les aime.

             Une larme coule sur ma joue et je me redresse, le cœur battant. Non, ce n’est pas possible. Pas maintenant. Pas après tout ce que nous avons vécu ensemble. Il me suit péniblement du regard avant de sourire :

— Et sache que tu es la meilleure chose qui me soit arrivée.

— NON ! NON ! je hurle en voyant ses paupières se fermer.

             Mes mains tremblent tandis que je saisis son visage. Un hoquet de douleur me parcourt. Je ne peux pas vivre sans lui. Ce n’est pas possible. Mes yeux se posent sur le plafond, tentant d’observer le ciel à travers le bois tandis que le visage à présent lourd du capitaine git entre mes mains.

             Il ne respire plus et ses paupières sont closes.

— JE VOUS DONNERAI LA MEME CHOSE ! JE VOUS DONNERAI TOUT ! PRENEZ MES POUVOIRS ! PRENEZ MA VIE ET RENDEZ-LUI LA SIENNE, JE VOUS EN SUPPLIE ! S’IL-VOUS-PLAIT, PRENEZ-MOI A LA PLACE !

— Serais-tu prête à tout perdre pour lui ?

             Un sursaut me prend et je baisse les yeux. Là, debout à côté du bureau, une silhouette drapée de noir m’observe. Sa voix, semblable à un crissement de porte, n’a rien d’humain. Et quand je remarque le masque à bec de corbeau couvrant son visage, je réalise pourquoi.

             Il s’agit d’un Silence. Il a dû entendre mes supplications.

— OUI !

— Laissez le Serpent revenir sur Grand Line ? insiste-t-il.

             Mon cœur se fige.

             Pour rien au monde je ne laisserai le capitaine mourir dans un monde ou je dois rester en vie. Mais il ne s’agit pas seulement de moi, à présent. Des millions de personnes sont traquées et vendues en tant qu’esclave, ici.

             Le seul moyen d’arrêter cela est de bannir le Serpent, ce que Shanks a fait. Mais si je sacrifie ma vie pour ramener le capitaine, je n’aurais plus rien à sacrifier pour repousser l’Impereceo.

— Je…

             Mon regard se pose sur Shanks. Mourir et laisser les choses revenir comme avant ? Ou m’infliger la blessure la plus mortelle qui soit en agissant comme une véritable Impératrice le ferait ?

             Mes yeux s’écarquillent.

— J’échange mes pouvoirs contre la vie de Shanks. Et ma vie contre le bannissement du Serpent.

             Un silence prend place durant quelques instants. Je ne peux deviner ce qu’il se trame dans la tête de la bête. Son masque dissimule son visage — si elle en a un — mais elle semble peser le pour et le contre.

             Au bout d’un moment cependant, elle dévoile son jeu :

— Nous ne pouvons pas inverser un échange déjà fait. Le Serpent a été banni et il le restera.

             Elle a dû me demander si j’étais prête à laisser le Serpent revenir pour tester ma loyauté à mon peuple. Sans doute n’aurait-elle jamais accepté de passer un accord avec moi si j’avais répondu par l’affirmatif.

— Mais vous avez forcément un prix pour sauver Shanks ! je m’exclame, désespérée.

— Son haki le maintenait en vie. Tout comme le fait que vous soyez une Imperecea vous maintient en vie.

             Je fronce les sourcils, incertaine d’avoir correctement compris ce que me signifie la créature.

— Mettez vos pouvoirs en jeu pour restituer ceux de Shanks.

— En jeu ? je demande. Dans une sorte de pari ?

             Le Silence acquiesce.

— Affrontez le Serpent. Le vaincu cède ses pouvoirs à Shanks qui récupèrera alors naturellement son haki et vivra. Le vainqueur gardera sa place.

— Vous voulez dire que…

— Dans les deux cas, Shanks vivra. Soit en devenant l’Impereceo parce que vous aurez vaincu le Serpent. Auquel cas il récupèrera son haki et héritera d’autres pouvoirs. Soit en devenant Imperecea parce que vous aurez perdu.

             Mon cœur bat à toute vitesse. Une lueur d’espoir s’anime en moi.

— Dans tous les cas, il vit ? je répète.

— Mais dans l’un deux, vous mourrez.

— J’accepte !

             Je n’ai pas hésité une seule seconde. Entre mes mains, le crâne lourd de Shanks git, signe qu’aucune énergie n’anime son corps. Il a été jusqu’à sacrifié sa vie pour moi. Mais il est hors de question que je le laisse faire.

             Le Silence acquiesce, son bec de corbeau fendant l’air.

             Soudain, je sens le corps de Shanks remuer contre moi. Aussitôt, je me tourne vers lui, mes yeux s’écarquillant. Ses paupières sont closes mais un souffle franchit son nez. Mon cœur bat à toute vitesse.

— Je… Comment avez-vous fait !? je m’exclame. Vous étiez censé le faire revenir en lui transmettant un de nos trônes ! Mais vous ne savez pas qui…

             Ma voix meurt dans ma gorge. Je lève les yeux vers le Silence. La créature me fixe derrière son masque.

— Nous savons déjà qui a gagné. L’un d’entre vous a déjà perdu son titre ainsi que sa vie même si, pour la durée du combat, vous aurez tous deux l’illusion de les posséder.

             Mes muscles se figent.

             Sous mon corps, Shanks est vivant mais semble simplement endormi. Tandis que moi, à genoux à côté de lui, suis peut-être déjà morte.













— Levez-vous, Imperecea. Le Serpent est là.




























郷に入っては郷に従え





















2073 mots

désolée pour le retard
d'une journée !

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