𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐗𝐗𝐕𝐈𝐈
— S O U S L E S C A R T E S —
郷に入っては郷に従え
— APRES TOUT, tu es ici chez moi.
Mes muscles sont raidis et la moindre de mes fonctions cognitives semble figée. Devant moi, la figure du mal m’observe entre ses cils de givre. Ses yeux d’ambre me sondent sans merci et des spasmes manquent de me prendre.
Cette île est la demeure du Serpent ? Un frisson glacial me parcourt. Cependant, je ne peux m’empêcher de me dire que je suis complètement abrutie de ne pas avoir fait le rapprochement plus tôt.
Les murs sont emprunts d’une mélodie que seul un membre du Cercle Impérial de mèche avec le Forgeron peut connaitre. Or le Serpent est l’homme qui a la loyauté de cette femme. Elle lui est dévouée.
Là est d’ailleurs la raison pour laquelle elle s’en est prise à l’Imperecea m’ayant précédée.
— Que veux-tu ? je gronde.
Ses yeux se plissent tandis que, penchant la tête sur le côté, il me jauge. Le silence autour de nous est insoutenable. Quelque chose ne va pas. Je le sens. Il n’est pas normal que les hommes de Shanks aient si soudainement cessé de rire.
Shanks.
Me retournant vers l’homme, je le vois. Et la vision qui s’offre à moi me serre la gorge. Un genou à terre et la main sur le cœur, le regard vide, il ne bouge pas d’un seul millimètre. En contrebas et derrière le balcon, j’aperçois enfin ses pirates.
Tous sont en plein mouvement. Ben rit aux éclats, la bouche ouverte et la tête basculée en arrière tandis que Rockstar embrasse à pleine bouche une femme et que Lime Juice semble dessiner quelques motifs du bout de l’index sur la cuisse d’une autre. Oui. Tous sont occupés.
Mais ils sont immobiles.
Les cheveux de Ben sont figés dans l’air, le vin que se verse Boo forme une giclée violette qui ne bouge pas, tout est en suspens. Comme la première fois que j’ai rencontré le Serpent.
— Tu as le pouvoir de figer le temps, je murmure à moi-même.
— Nous avons tous un pouvoir. Edward sait guérir n’importe quelle blessure, Bosuard est dotée d’une force démesurée, la Louve manie toutes sortes de minéraux et toi…
Mon regard se pose à nouveau sur la créature.
— …Toi, que fais-tu ? demande-t-il en arquant un sourcil.
Ma gorge se fait sèche. Je ne sais pas. A vrai dire, je ne suis même pas capable de me matérialiser où je le souhaite, les quelques entrainements que j’ai fait aux côtés d’Edward et Olympe se sont soldés par des échecs lamentables.
D’après ce que j’ai pu comprendre, les Voyageurs peuvent se mouvoir comme ils l’entendent et les membres du Cercle Impérial ainsi que les Impereceis ont en plus un autre pouvoir leur étant propre.
A mon exception.
— A part me voler la couronne, Imperecea, que fais-tu ? siffle-t-il.
Je ne sais quoi répondre dans un premier temps. Puis, décidant de ne pas lui laisser davantage de chance de malmener mon esprit, je penche la tête sur le côté.
— Que veux-tu ? je change de sujet.
— Je veux récupérer ce que j’avais du temps où la Vipère était mon bras droit et le Corneille, mon fils adoré. Je veux cette vie-là, celle où les Voyageurs des mondes entiers connaissaient mon nom, celle où l’Imperecea n’existait pas car le Forgeron s’en était occupée, voilà ce que je veux, petite sotte, siffle-t-il en montrant ses canines acérées.
— La Vipère a bien dû se détourner de toi pour une raison…
Mes sourcils se haussent. Là, à l’instant où j’ai prononcé son nom, un éclat a traversé les yeux du Serpent. Vif, presque imperceptible. Mais je le connais assez pour être en mesure de le reconnaitre. Même s’il a été si rapide.
Durant un temps, je ne cessais de le voir dans le miroir.
— Tu as peur d’elle, je réalise.
La silhouette du monstre se fige. Puis, à la manière d’une machine aux rouages mal huilés, il se tourne lentement vers moi. Le moindre de ses muscles semble grincer quand il étire soudain les lèvres en un sourire carnassier.
Ses pupilles en fentes me narguent.
— Peur ? Non…
— Quand je suis arrivée, tous me disaient que la Louve était le plus puissant Voyageur ayant foulé Grand Line mais c’est faux. La plus puissante Voyageuse n’est pas la Louve, n’est-ce pas ?
La mâchoire du Serpent se contracte. Je devine son agacement. Il tente de le dissimuler mais il bouillonne à l’intérieur.
— Tu ne sais pas de quoi tu parles, gamine, lance-t-il.
— Je sais ce que j’ai vu dans ton regard quand j’ai mentionné la Vipère.
Puis, tout se passe en une fraction de seconde.
A peine ai-je le temps de cligner des yeux que je me retrouve juste devant le Serpent. Celui-ci a refermé sa poigne de fer sur mon tee-shirt et mes pieds ont quitté le sol. Ecarquillant les yeux, j’agite les jambes en réalisant cela et regarde partout autour de moi.
Là, à une dizaine de mettre sous moi, les pirates s’étalent. Le Serpent, devant moi, est debout sur la rampe du premier étage. Juste derrière lui, la silhouette de Shanks, encore à genoux, est visible.
En un battement de cil, il m’a saisie et menace maintenant de me projeter du haut de la balustrade. Mes mains se referment sur la sienne.
— Non ! je lâche d’une voix étranglée, tétanisée.
— Non ? demande-t-il en penchant la tête sur le côté, un sourire aux lèvres. Et qui semble avoir peur de qui, à présent ?
Ma trachée se bloque et je peine à respirer. De toutes mes forces, j’agrippe le poignet du Serpent qui ne semble pas avoir le moindre mal à supporter mon poids. Mes pieds battent avec force l’air, tentant de trouver un appui.
En vain.
— Je ne crains pas la Vipère, espèce de petite conne.
Une larme coule sur ma joue. Je ne parviens pas à contrôler ma terreur. S’il me lâche, que sa poigne faiblit, je meurs.
— Elle est la plus puissante des Voyageurs à ma seule exception donc je ne m’ennuie pas quand je la combats, c’est différent, gronde-t-il.
Son sourcil se hausse.
— Mais que peux-tu y comprendre, toi ?
Un rire le prend.
— Tu es si faible…
Puis, sans un mot de plus à mon égard, il relâche mon haut. Avec horreur, je sens mon corps basculer dans le vide et mon cœur remonter le long de ma trachée. Filant dans l’air, les tissus qui m’habillent se plaque contre moi. En face de mes yeux humides, le plafond s’étend, peint de multiples personnages.
Je tombe. Tandis que le temps est figé autour de moi, je le subis. Dans un instant, ils reviendront à eux.
Et je serais morte.
« Vraiment ? »
Mes yeux s’écarquillent. Une voix résonne dans ma boîte crânienne. Mes oreilles sont parcourues de bourdonnements. Féminine et apaisante, elle chuchote de douces paroles.
« Tu penses réellement pouvoir mourir simplement ? Comme ça ? »
Mon cœur bat avec force. Le plafond peint à la manière de la chapelle Sixtine s’éloigne de plus en plus de moi.
« Nous ne choisissons personne au hasard, tu sais. »
Mes yeux se ferment.
« Il t’a demandé quel était ton pouvoir. Le voici… »
Ma chute semble s’éterniser.
« Tu es dotée d’une force qu’aucun Impereceis n’a eu avant toi. »
Mon corps semble plus léger à mesure des secondes s’égrenant. Comme s’il flottait dans les airs.
« Tu as notre fidélité. Nous te prêtons nos pouvoirs. »
Mes sourcils se froncent.
— Qui ça, « nous » ? je murmure.
J’ouvre les yeux.
« Les Silences. »
Au-dessus de moi, un bec de corbeau est visible, jaillissant depuis une capuche noire. Autour de sa silhouette, un long tissu sombre s’envole. Il est là, juste en face de moi, comme s’il avait chuté en même temps que moi.
Sa main se tend en ma direction, habillée d’un gant de cuir. Son doigt frôle mon front dans un contact presque imperceptible.
Soudain, mes omoplates se contractent et ma tête bascule en arrière. Ma poitrine est prise d’une secousse. A nouveau, je me plie en avant. Un cri menace de déchirer ma gorge. Mes yeux se ferment. Les sensations sont multiples, comme si des millions de fourmillements grimpaient en moi. Mon front se colle sur mes genoux sans qu’aucun tiraillement ne me prenne, comme si je n’étais plus qu’un chewing-gum.
Puis, soudain, un claquement retentit en moi. Mes omoplates s’allongent. J’écarquille les yeux tant la sensation est étrange. Je chute au ralenti, mon dos se transforme, semble muter tandis que des frissons me parcourt.
Je ne sais si j’ai trop chaud ou trop froid, tout n’est plus qu’absurdité.
Au-dessus de moi, le Silence a disparu, envolé. Je n’ai même pas remarqué l’instant où il est parti, trop concentrée sur les diverses sensations qui me parcouraient. Ce n’est pas de la douleur… Mais c’était assurément étrange.
Soudain, un mouvement attire mon attention, du coin de l’œil. Vivement, je me tourne. Mes yeux s’écarquillent. Là, jaillissant depuis mon dos, une aile gigantesque parcourue de plumes blanches s’étend. De l’autre côté, la même chose est visible.
Mon souffle se coupe. En frôlant mon nez, le Silence m’a donné des ailes. Et celles-ci sont si légères, faisant parti intégrante de moi, que je n’hésite pas une seule seconde.
Battant de celles-ci, je remonte de plusieurs mètres en un seul instant. Sans même peiner à appréhender leur fonctionnement, comme si elles avaient toujours fait parti de moi, je grimpe à nouveau la distance que j’ai dégringolée.
Et, bientôt, je rejoins le premier étage où se trouve Shanks. Mes pieds se posent juste à côté de lui tandis que, devant nous, le Serpent se tient encore.
Ses yeux ambrés s’écarquillent en voyant les attributs sur mon dos. Nettement, la surprise s’étale sur son visage. Il ne prend même plus la peine de déguiser ses émotions, visiblement abasourdi par la vision lui faisant face.
— Tu…, lâche-t-il.
— Je ? je réponds simplement, avançant de plusieurs pas pour m’interposer entre lui et Shanks.
Il est hors de question que le capitaine devienne sa victime collatérale.
— Les ailes de Saphir…
Mes sourcils se froncent.
— De quoi parles-tu ?
Il semble hébété, debout là devant moi. Toute trace de machiavélisme a déserté ses traits et il se contente de me fixer, atterré.
— Les ailes sur ton dos sont celles de la déesse Saphir. Blanches et brodées de fils d’or.
A la lumière du jour, je les vois mieux. Il dit vrai. Chaque plume est parsemé de quelques nuancés dorées, conférant un air éthéré à ces ailes. Mes sourcils se froncent tout de même. Une déesse ?
— Qui est Saphir ? je demande, interloquée.
— La déesse de la justice. Le numéro douze est un nombre primordial chez nous. Douze dieux, douze Silences, douze membres du Cercle Impérial…
— Et ? je réponds, ne comprenant pas où il veut en venir.
Mais il ne semble pas se préoccuper de moi. Les yeux écarquillés, il empoigne soudain ses longs cheveux blancs, tirant dessus à la manière d’un aliéné. Tout bas, il murmure quelques brèves paroles, comme possédé.
N’osant faire le moindre mouvement, je le regarde faire en silence.
— Mais oui c’est elle le dernier… Douze personnes, douze pouvoirs… Mais personne connaissait le dernier… Mais bien sûr que c’est lui le dernier et…
Soudain, il se fige. Ses muscles se raidissent. La stupeur semble l’avoir frappé.
Tournant la tête en ma direction, il écarquille les yeux. L’ambre de ses iris semble s’agrandir et ses pupilles, s’affiner encore davantage.
— Toi…
Mon cœur rate un battement. Là encore plus qu’avant, il est terrifiant.
Ses cheveux sont emmêlés sur sa tête, sa sournoiserie a laissé place à une allure démente qui ne lui sied guère. Il me semble qu’à tout moment, il pourrait se jeter sur moi, tous crocs dehors, et m’arracher la gorge.
— Oh mais c’est exactement ce que je compte te faire, (T/P).
Mes muscles se raidissent. Pardon ?
Il sourit, dévoilant ses canines anormalement pointues.
— Je vais t’arracher la jugulaire.
Figée, je ne peux qu’écarquiller les yeux. Vient-il de…lire dans mes pensées ?
Je n’ai le temps de faire le moindre mouvement. Dans un hurlement de rage, aigue et strident, il bondit soudain en ma direction. Brutalement, il franchit les mètres nous séparant. Atterrée, je vois sa gueule béante s’approcher de moi, prête à me mordre.
Soudain, un éclat brille dans mon champ de vision. La lame d’une épée. Sous le menton du Serpent, celle-ci apparait et tranche d’un geste sec la gorge de mon assaillant. Du sang gicle de la plaie, m’éclaboussant. Et je ne songe même pas à fermer les yeux.
Ses genoux tombent sur le sol. Sa tête reste à la même hauteur, se séparant de son corps. Son torse claque le marbre, son corps s’allongeant de tout sol long et son crâne atterrit quelques mètres plus loin, blafard.
Sous le choc, je mets quelques secondes avant de réaliser ce qu’il vient de se produire. Quelqu’un a tranché la gorge du Serpent. Quelqu’un qui se trouvait à ma droite.
Or une seule autre personne était à l’étage avec nous.
Comme pour corroborer mes pensées, la voix de Shanks s’élève soudain, plus froide et autoritaire qu’elle ne l’a jamais été :
— Personne ne s’en prend à ma femme impunément.
郷に入っては郷に従え
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