— S O U S L E S C A R T E S —
郷に入っては郷に従え
L'ETHER GRISATRE a laissé place à une voûte plus colorée. Au-dessus de nous, la toison bleue et ensoleillée a supplanté le triste et morne ciel qui nous couvait durant la bataille.
Celle-ci a été brève. Du moins, de mon point de vue. Arrivés après un carnage monstrueux, slalomant entre les cadavres éparpillés sur le sol, les volutes de poussière, les traînées de sang et hurlements, Shanks et son équipage ont franchi ce funeste champ de bataille.
La confrontation fut fugace. Du plat de sa lame, il a su freiner le coup de poing fatal d'Akainu. Puis, reculant d'un simple pas, l'homme m'a laissée avancer jusqu'à la triste et large figure de l'assassin. Celui qui a pris Ace. Qui a pris l'Utlime Souhait de ce dernier.
Mes paroles ont alors résonné dans la vaste clairière. Ou plutôt, des mots sont sortis de ma bouche. Mais je ne suis pas sûre de pouvoir affirmer qu'ils étaient miens.
Maintenant encore, après le temps qui s'est écoulé depuis ce moment, j'y songe. Le regard figé sur les brins d'herbe verts chatoyants sous le soleil, ma poitrine se soulevant lentement au rythme d'une douce respiration calmée, je ne pipe mot. Mais je pense. Longuement, je ressasse. Les images de cette froide après-midi tournent en boucle dans mon esprit. Telles des échos, elles se répercutent sur les parois de mon crâne, dansant au rythme de mes moindres songes.
Ce n'était pas moi, là-bas. La fermeté de ma voix, la dureté de mon expression, l'impérialisme de mes gestes. Devant tous, je me suis exprimée en Imperecea. Chamboulée par le décès odieux de ma Voyageuse, d'un membre de mon peuple, j'ai levé le menton et parlé comme une cheffe, une meneuse, un guide.
Devant tous ces inconnus, alors que Shanks se trouvait à deux pas de moi, silencieux, j'ai parlé. Ordonné. Menacé.
— Imperecea, tout va bien ? retentit la voix d'Edward, dans mon dos.
Un léger sursaut me prend et je me retourne. Quelques regards sont lancés en ma direction, les endeuillés étonnés par mon geste brusque.
Nous tous formons une première colonne, une masse de plusieurs dizaines de personnes. En face de nous, le même nombre de pirates s'étalent de sorte que l'espace entre nous forme un long couloir.
Celui-ci part de la côte, la plage où reposent les navires jusqu'à un point plus avancé de l'île, au sommet d'une colline, où se tiennent deux hommes. L'air solennel, ils fixent deux tombes.
Habillé d'un manteau rose couvrant son corps fin surmonté de courts cheveux blonds, Marco fait face à son ancien capitaine. Le socle de la tombe du géant est blanc, si haut qu'il la dépasse, traversé du véritable nom de Barbe Blanche. Edward Newgate.
En son sommet, le long manteau du célèbre homme flotte au grès du vent. Quelques-uns des bouquets de fleurs déposés en son pieds de délitent, laissant leurs pétales roses et orange s'envoler et tournoyer autour de la sépulture.
A sa gauche, vêtu de son habituel long manteau noir, Shanks discute avec lui tout en fixant le lieu où se reposera dorénavant Ace. La tombe, aussi blanche et traversée de son nom, est néanmoins plus modeste. Son chapeau et sa dague ont été posés dessus. Le saluant à jamais.
Un profond sentiment d'inconfort me prend. Ne répondant pas à Edward, je baisse les yeux en direction de l'urne dans mes mains. Celles-ci se font moites à mesure que je réalise ce qu'elle renferme. Qui elle renferme.
Les cendres de l'Ultime Souhait.
Ma gorge est obstruée par une bulle menaçant d'exploser à tout moment. Je ne parviens même pas à réfléchir correctement.
— Imperecea ? insiste le blond.
Mais je l'ignore, jaillissant soudain du cortège. Les yeux se tournent vers moi. A l'exception de ceux de Shanks et Marco qui, obnubilés par leur conversation, n'ont pas remarqué mon avancée.
Debout dans le couloir formé par les deux groupes, le corps calciné d'une soldate dans mes mains, je marche. Le menton à nouveau levé, mes pieds se posant avec grâce sur l'herbe verte, mon regard se faisant ferme, je les rejoins.
Elle mérite les mêmes funérailles, les mêmes honneurs. Je ne la connaissais pas mais elle a été prête à se sacrifier pour sauver Ace. Alors, même si cela s'est soldé par un échec, je salue son geste. Et estime que tous devraient faire de même.
En l'honneur d'une Voyageuse.
— Madame, vous ne pouvez pas..., résonne une voix grave dans l'assistance.
Là, le capitaine se tourne enfin vers moi. Ses cheveux rouges volant au grès de la brise, son manteau noir suivant le mouvement à la manière d'une cape, il pose ses habituels yeux bruns emprunts de douceur sur ma personne.
Quelques instants durant, il me jauge. Et, en cette si rude journée, rien ne m'apaise davantage que la sensation qu'il s'inquiète pour moi. Rien ne peut me soulager plus que le contact visuel qu'il vient d'établir.
— Bien sûr que si, elle peut, fait-il résonner sa voix grave, interrompant l'homme dans l'assistance.
Un sourire solennel étire ses traits.
— Et elle pourra toujours, ajoute-t-il.
Posant une main sur sa poitrine, il s'incline légèrement. Son geste me surprend mais me flatte tout autant. Il fait preuve à mon égard d'un respect que je ne mérite sans doute pas. Mais qui m'importe. Profondément.
— Imperecea, salue-t-il quand j'arrive à sa hauteur.
Je m'arrête, prenant place entre lui et Marco. Ce dernier ne pipe mot. Le yonko, de son côté, me suis du regard tandis que je dépose l'urne au sol.
Une fois redressée, il m'imite, rompant sa révérence. J'aimerai lui sourire et le remercier. Mais mon cœur se fait trop lourd dans ma poitrine.
— Elle méritait..., je commence, tentant de me justifier.
— Je sais, me devance-t-il avec un sourire profondément bienveillant.
Mordant ma lèvre, j'acquiesce afin de lui signifier ma gratitude. Sa main se pose alors sur mon bras, rassurante.
— Vous avez perdu un matelot, aujourd'hui. Ou du moins, d'une certaine manière. Nul ne jugera votre peine, Imperecea. Surtout pas moi.
— Elle s'est sacrifiée pour Ace..., je murmure, la gorge nouée. J'aurais dû tenter de l'aider, de trouver un moyen pour lui tendre la main.
— Vous n'auriez rien pu faire, Imperecea. Car la vérité est que vous en avez déjà fait assez compte tenu de la découverte trop récente de vos pouvoirs.
Le contact de sa main me rassure. Mais mon cœur demeure inconsolable. Je suis censée être une espèce d'élue, une héroïne.
Mais je ne suis même pas parvenue à maîtriser mes pouvoirs avant Marineford. Une femme s'est démenée pour sauver Ace et je n'ai su que découvrir son cadavre pour mieux la pleurer ensuite.
Suis-je réellement à la hauteur ?
Sa paume se raffermit sur mon épaule. Je lève les yeux en sa direction. Son léger sourire attendri n’a pas quitté ses lèvres. Aucune pitié ne traverse son regard, seulement une profonde et infinie compassion. Mon cœur pulse davantage à cette vision. Quelques éclats du moment que nous avons partagé avant Marineford me reviennent.
Il peut être l’homme le plus insupportable. Mais dans ce genre de moments, alors que je pleure la mort d’une femme que je n’ai su protéger, il me comprend. Aucune moquerie, condescendance. Juste un contact physique sur mon épaule.
— Viens, nous allons nous retirer.
J’obtempère. Nul n’objecte la moindre chose quand Shanks ordonne cela. Le suivant et le laissant me tirer à sa suite, sa main toujours sur la naissance de mon bras, je marche.
L’herbe verte sous nos pieds dégage un parfum fleuri et humide, frais. Lentement, il m’éloigne de la foule endeuillée. Nous dépassons les deux tombes, je tente de ne rien laisser voir de ma douleur. Mais il la devine mieux que personne, je le sais.
Bientôt, les rumeurs des prières et pleures se muent en un silence lourd. Devant nous, l’autre côté de l’île est visible. Au loin, la plage disparait sous les vagues bleutées. Le soleil nous illumine tandis que nous progressons sans piper le moindre mot, dans cette atmosphère reposante.
Enfin éloignés, nous pouvons nous arrêter. Il le fait. Je l’imite. Mon regard se pose sur le lieu que nous venons de quitter. Au loin, au sommet de la colline, la tombe des défunts est encore visible. Je détourne les yeux pour les poser sur Shanks.
Sa main a quitté mon épaule, se posant lascivement sur le pommeau de son épée. Le torse bombé, il fixe l’horizon, au loin. Bientôt, nous repartirons. Mais je me doute qu’il aimerait éclaircir certains points avec moi avant de reprendre le large.
Son visage est austère, inhabituellement sérieux.
— Ne t’en veux pas.
Surprise par ces cinq mots, j’écarquille légèrement les yeux. Son ton est ferme, décidé.
Il lève les yeux en ma direction, devinant ma surprise.
— Ne t’en veux pas car tu as fait de ton mieux et que cela ne la ramènera pas.
— Je suis censée protéger les miens et je ne sais même pas utiliser mes pouvoirs, j’objecte, mon cœur se serrant.
Lentement, il secoue la tête, faisant bouger ses cheveux écarlates.
— Je ne te laisserai pas dire cela. Car la femme que j’ai vu, à Marineford, la personne qui a tenu tête à Akainu, celle qui a été capable de le faire s’agenouiller est décidément une personne qui mérite de grimper sur un trône.
Mes lèvres se pincent. J’acquiesce. Il tente de me remonter le moral donc je ne veux pas jouer les rabat-joie. Je n’ai plus qu’à me contenter de ne rien dire, accepter ses paroles en espérant que cette discussion en finisse au plus vite.
Mais cela est mal connaitre Shanks le Roux, sa capacité à s’inquiéter pour autrui et surtout, son attention au détail lorsqu’il s’agit de moi.
— Que se passe-t-il ? insiste-t-il.
— Rien.
— Trésor, je te connais.
Trépignant, je souffle du nez en levant les yeux au ciel. Là-dessus, il laisse filer un rire charmeur.
— Tu n’apprécie toujours pas ton surnom.
Lui tournant le dos, je croise les bras sur ma poitrine.
— Toujours pas non, c’est étrange, hein !? je vocifère.
Mais ma colère naissante s’évanouit dès que son torse se presse à mon dos. Mon cœur rate un battement tandis que mes yeux s’écarquillent. Son bras vient s’enrouler autour de ma taille et il enfouit son visage dans le creux de mon épaule.
Aussitôt, une décharge secoue mon entre-jambe et mon estomac se soulève. Une dense chaleur grimpe en moi.
— Bien sûr que c’est étrange, souffle-t-il contre la peau de mon cou, m’arrachant un frisson. Tu es le plus beau trésor qu’il m’ait été donné de croiser et je te chérie, prend soin de toi, ce surnom est légitime.
— Ce surnom laisse entendre qu’on s’envoie en l’air à un rythme effréné, je peste en retour, tentant d’ignorer mon rythme cardiaque.
Aussitôt, son bras quitte ma taille et sa main vient attraper mon menton. Brutalement, il tourne mon visage de sorte que mes yeux le fixent. De force, il plonge son regard noisette dans le mien, pénétrant.
Tout sourire à déserter son visage. A nouveau, il est sérieux. Sa chaleur et son eau de Cologne m’embaument. Son torse musclé se presse toujours aussi fermement à mon dos.
— Ne confonds pas sous-entendu et vœu caché, trésor, souffle-t-il.
Mon cœur rate un battement et mes yeux s’écarquillent. Les siens louchent sur mes lèvres.
— Si tu veux coucher avec moi, tu n’as qu’à demander, tu sais.
Ma gorge s’étrangle. Abasourdie par le manque de pudeur de ses avances, je ne songe même pas à répondre. Alors il persiste, son souffle s’échouant avec ardeur sur mes lèvres, avalant presque ma retenue.
Mon clitoris pulse entre mes jambes. Il ne m’a même pas embrassée. Mais son regard me dévore tant que, si mon dos n’était pas appuyé contre son torse, je ne parviendrais à tenir debout sur mes jambes flageolantes.
— Je te l’ai déjà dit, tu es sans conteste la créature la plus sublime qu’il m’ait été donné de rencontrer.
Doucement, il se penche vers mes lèvres. Je le regarde faire, l’esprit embrumé par les capitons de chaleur éclosant dans mon ventre. Son souffle ardent au parfum frais s’écrase sur ma bouche. La distance entre nous se réduit.
Mon estomac se retourne, affamé. J’ai faim de lui, de ses baisers, de sa main sur mon corps, de sa voix dans le creux de mon épaule.
Il me manque même quand il est là. Je ne sais plus comment réfléchir quand il s’approche ainsi de moi.
Je ne suis plus qu’un être réduit au désir.
Désir de lui.
— Imperecea.
Un sursaut traverse mon corps quand la voix féminine et austère d’une inconnue perce le silence. Aussitôt, je me recule, embarrassée. Sans réellement y songer, je m’éloigne d’un pas de Shanks qui ferme les yeux et contracte la mâchoire, visiblement agacé.
Me tournant vers la source de cette interruption en toussotant pour me donner de la contenance, je fronce soudain les sourcils. Car la femme visible devant moi, la silhouette qui vient d’entrer dans mon champ de vision ne m’est pas inconnue. Loin de là.
Vêtu d’une robe sombre dont la jupe se fait large et le corset, près du corps, elle me fixe au-dessus de son éventail qu’elle garde devant son visage, en dissimulant une partie. Son regard est venimeux, joueur.
La femme qui a aidé Shanks à se téléporter, à Marineford. La mystérieuse inconnue qui s’en est aussitôt allée dans un nuage de fumée noire.
— Je vous connais, vous êtes un membre du Cercle Impérial ! je lance.
Dans mon dos, le capitaine se redresse. Je ne suis pas étonnée : il ne m’a jamais caché son intérêt pour les Voyageurs.
Devant moi, l’inconnue acquiesce.
— Perspicace, nargue-t-elle de sa langue venimeuse. Faute de contrôler vos pouvoirs, vous savez au moins observer.
Mes poings se serrent.
— Surveillez votre langue.
Légèrement surprise par l’intervention du capitaine, je me tourne vers lui. Sa voix s’est faite ferme, non menaçante. Comme s’il ne s’agissait que d’un rappel à l’ordre. Mais son regard est assez violemment planté dans celui de l’inconnue.
Laquelle rit légèrement d’un air hautain.
— Mais bien sûr, devant une Impératrice pas foutue de veiller sur ses sujets.
Mon cœur se serre.
— Que voulez-vous ? je crache en me tournant vers elle.
Derrière son éventail, ses yeux se plissent. Je ne peux que me tendre à cette vision. Les membres du Cercle Impérial sont tous réputés, d’après les dire d’Edward, pour être des véritables machines de guerre, des combattants redoutés sur l’intégralité des mondes.
L’Ultime Souhait n’était pas entrainée, mais les autres le sont. Et j’ai fort à parier que celle qui se tient devant moi ne fait pas parti des plus tendres numéros.
— Vous donnez une deuxième chance.
Mes sourcils se froncent.
— Vous n’êtes pas foutu de veiller sur vos sujets mais les membres du Cercle, si.
Là-dessus, nous dévoilant le reste de son visage, elle jette l’éventail noir à mes pieds. Je m’efforce de ne pas regarder l’objet, la fixant avec ardeur dans les yeux. Et, en me voyant faire, maintenir ce contact visuel, elle hausse un sourcil désapprobateur.
Je songe à écourter notre conversation, ne voyant pas l’utilité de m’embarrasser d’un lieutenant qui n’a, de toute évidence, aucun respect pour moi.
Mais elle parvient à susciter mon intérêt en quelques mots seulement.
Poignants.
— L’Ultime Souhait et Ace sont vivants. Ailleurs. Mais vivants.
Mon cœur rate un battement et mes yeux s’écarquillent. Derrière moi, je sens Shanks se tendre tout aussi brutalement.
— Non, ne me remerciez pas, c’est mon travail, crache-t-elle avec animosité.
— Je doute que vous soyez celle les ayant sauvés, j’oppose en tentant de composer avec cette nouvelle désarçonnante.
— Non effectivement car je n’en ai pas le pouvoir, une seule parmi nous peut prendre la décision d’empêcher la mort d’un Voyageur, sourit-elle. Mais j’ai fait partie de ceux l’ayant aidée et vous le savez, Imperecea car vous m’avez vue faire.
Ma mâchoire se contracte. En effet, son intervention a sauvé Cobby et permis à Shanks de mettre fin à la guerre Marineford.
— Si vous pensez que tous les membres du Cercle Impérial vous servent, vous vous fourrez le doigt dans l’œil. Certains comme la Vipère n’a jamais été occupé que par eux-mêmes. D’autres comme la Louve n’ont même plus conscience de qui ils sont. Et d’autres, comme moi…
Mon cœur se fige. Comment ? La Louve a perdu son identité ?
Avançant lentement en ma direction, elle esquisse un sourire.
—…Servent simplement l’Impereceo.
Mes muscles se raidissent. Le Serpent, cet être à la longue toison d’argent, cette enflure aux crocs acérés. Alors l’un des plus grands combattants des Voyageurs est à son service. Quelle trahison. Quelle indignité.
Je ne parviens même pas à comprendre les raisons d’une telle loyauté.
Un sourire venimeux étire ses lèvres en voyant ma réaction consternée. Elle se retourne sans chercher à récupérer son éventail, faisant ondoyer sa robe noire. Je la fixe tandis qu’elle fait onduler son bras en une danse élégante, comme la dernière fois.
Elle s’apprête à partir. Mais je dois la rattraper avant cela.
— Quel est votre nom ? Votre titre ? Qui êtes-vous ?
Par-dessus son épaule, elle me lance un clin d’œil.
— Demandez à Olympe, elle et moi sommes de vieilles ennemies.
Je n’ai le temps de la retenir, elle s’envole en un nuage de fumée noir.
郷に入っては郷に従え
2914 mots
une bonne nouvelle
et la chaleur
qui grimpe
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