𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐈𝐈𝐈
— S O U S L E S C A R T E S —
cw — violence
郷に入っては郷に従
SILENCE. TEL EST SON NOM. Profond et simple à la fois, un mot si banal. Mais il est le sien. Il est d’où il vient. Il est sa personne.
Les univers que l’on croit fictifs sont des mondes parallèles. Une catégorie de personnes, les Voyageurs, peuvent voguer parmi eux. Mais ils doivent, pour cela, traverser un espace séparant ces dimensions appelé le Silence. De cet espace sont nés des créatures aux masque de corbeaux terrifiants et yeux semblables à des billes blanchâtres. Les Silences. Mais ils ne sont visibles que par les guides des Voyageurs, ceux qui les mènent et les protègent au travers des différents univers. Les impereceis, composés d’imperecea et impereceo.
J’en suis une.
Encore sous le choc des révélations de ce matin, je fixe les pages ouvertes sous mes yeux. Toute la journée, j’ai cherché la farce, l’erreur, d’autres explications aux éclats de verre sur mon pull et à mes rencontres si singulières avec l’univers de One Piece.
« J’espère que tu passes une agréable nuit, trésor. »
Je frissonne. Sa voix grave, son souffle sur mon cou, son sourire sous ma paume. Tout était si simple. Si intense. Si irréel.
Mes yeux se ferment. Ereintée, je bascule la tête en arrière dans un long soupir las. Je n’ai aucune idée de ce que je suis en train de faire présentement. Assise sur mon matelas, un étrange grimoire sous les yeux après m’être vue racontée l’histoire d’être voyageant entre les réalités dont je ferais non seulement partie mais serait en plus la cheffe.
Sérieusement, on dirait un rêve de gosse se réalisant. L’enfant en moi jubile à l’idée de sillonner Grand Line. Mais l’adulte ne peut s’empêcher de questionner la rationalité de tels évènements.
Peut-être devrais-je consulter un spécialiste ?
Mon postérieur me fait soudain grelotter et devient inconfortable. Mon matelas s’est durci sous moi et imbibé d’eau. Prenant une grande inspiration, je réalise la basse température de l’air qui pénètre mes poumons, vivifiant.
Mes sourcils se froncent. Ai-je laissé la fenêtre de ma chambre ouverte ?
J’ouvre les yeux, intriguée, et sens mon cœur rater un battement. La luminosité s’est légèrement élevée mais elle est froide, grise. Autour de moi, diverses jambes appartenant à des passants me dépassent sans considération pour ma personne. Leurs pieds, habillés de souliers que je n’ai pas l’habitude de voir — bottes de cuir aux gravures étonnantes — foulent un sol pavé couvert de ce qui ressemble aux vestiges d’une pluie.
Je lève la tête vers le ciel gris et remarque, à ma droite, le sommet de diverses bâtisses à l’architecture ancienne, faites de pierres couvertes de lierre ou de bois usé. De l’autre côté, je devine un port au fort parfum marin s’insinuant dans mon nez.
Je déglutis. Je suis déjà venue ici. Il faisait nuit et j’étais alors poursuivie par un Silence.
— Quelle entrée remarquable, résonne soudain une voix dans mon dos.
Légèrement surprise, je me retourne. Devant moi, me surplombant de sa position debout, se présente un homme rondouillard vêtu d’une chemise crasseuse et d’un bandana lui dissimulant un œil. Un large sourire fend son visage et ses mains sont posées sur sa taille.
Son air avenant m’arrache un sourire.
— Désolée, je m’excuse en me relevant rapidement. Je n’avais pas remarqué que j’étais en plein milieu de la route !
A vrai dire, je n’avais tout simplement pas remarqué que j’étais ici tout court.
— Pas de soucis, ma petite dame ! s’exclame-t-il avec un rire si sonore que quelques passants se tournent vers nous. Vous m’aviez l’air un peu perdue ! Vous voulez un peu d’aide !?
Je laisse filer un rire soulagé. Avec ses rides et son embonpoint, il a une allure si sympathique que je suis apaisée par sa présence. Débarquant sur ce qui doit être Grand Line après tant d’années à croire cet endroit fictif, je crois que j’ai bien besoin d’un repère.
Surtout si celui-ci se propose si gentiment de m’aider.
— Merci beaucoup ! je réponds vivement. J’avoue que je ne sais pas du tout où je me trouve !
— Ah, de la téléportation ? demande-t-il d’un ton chaleureux, visiblement ravi d’entendre cela. Auriez-vous avalé un fruit du démon vous aidant à cela ?
Ma réaction est immédiate. Mes sourcils se haussent tandis que mon visage se fend d’un sourire gêné.
— Non, pas vraiment…, je rétorque, prise au dépourvu.
Aussitôt, je vois son sourire s’élargir davantage et son regard s’assombrir. Ses pupilles se sont brutalement dilatées, donnant à son visage auparavant jovial un aspect moins avenant. Beaucoup moins avenant.
Au point que je ressens une gêne dense s’emparer de moi et je détourne les yeux.
Ceux-là tombent sur le port, légèrement plus loin, à une dizaine de mètres. L’atmosphère entre nous deux vient de se bouleverser brutalement. Il n’a fallu qu’une phrase pour briser avec force l’entente cordiale qu’il avait su instaurer.
Et mon instinct me murmure maintenant de trouver un prétexte pour m’en aller.
— Ah mais si ! Je reconnais ! je lance avec un sourire forcé, regardant un navire particulièrement imposant.
Il est le premier à avoir attiré mes pupilles. Ceci dit, sa taille particulièrement imposante — il doit faire trois fois celle du plus grand autre bateau du porc après lui — n’a pas suscité mon intérêt seulement. J’entends quelques murmures et vois des doigts pointés vers lui. Il suscite les discussions. Je les imite et dirige mon index en sa direction.
Sa naissance est une tête de taureau écarlate sertie de corne blanche, la proue, et se poursuit le long de la coque de bois claire qui doit bien s’élever sur une dizaine de mètres. A partir de là, trois hauts mâts s’étendent, le premier traversé d’une seule voile blanche et les deux autres, de trois. Sur certaines d’entre elles s’étende un blason qui m’est étrangement familier.
Une tête de mort borgne dont l’œil est traversé d’un bandeau rouge, flanqué de ce qui pourrait être deux cornes sur le sommet de son crâne et deux pommeaux d’épée, eux aussi rouge, en-dessous. Les cornes et les pommeaux semblent former une croix derrière le crâne.
Oui. J’ai définitivement déjà vu cela quelque part.
— Eux ! je m’exclame. Je suis sur ce navire ! Et ils m’attendent donc je vais vous lais…
— Shanks le Roux ne prend aucune femme à bord de son navire.
Son ton n’est plus du tout jovial. Je le qualifierai même d’intimidant. Sa voix est sèche, cassante. Même s’il se trouve derrière moi, je devine le sourire ayant quitté son visage. L’atmosphère ne fait que s’assombrir davantage.
Mes muscles se raidissent. Shanks le Roux. L’empereur. Le pirate ayant tant influencé Luffy. Cet être si puissant. Celui qui m’a surprise, en rêve.
Ce Shanks le Roux.
Le silence s’éternise. Il faut que je trouve une explication à mon mensonge qui me permettrait de m’en aller. Rapidement. Car j’ai la sensation que, si j’essaye de fuir, cet homme étrange ne fera qu’une bouchée de moi.
Et de toute façon, s’il me poursuit, où irais-je me réfugier ?
— Tu crois vraiment que je suis idiot ? me demande-t-il, simplement. Tu aurais dû me dire que tu avais mangé un fruit du démon, je n’aurais pas insis…
— Prostituée ! je le coupe précipitamment, sortant la première chose qui me vient à l’esprit. Je suis une prostituée ! C’est pour ça que je suis sur ce bateau ! Ils m’ont payée pour deux jours avec eux !
Je force un sourire assuré face à son regard des plus noirs. Il ne me croit pas du tout. C’est visible comme le nez au milieu de la figure.
Mais qui ne tente rien n’a rien.
— Vous savez comment ils sont, ces hommes-là, toujours en train de faire la fête ! j’essaye dans un rire qui le laisse de marbre.
L’homme devant moi émet un rire gras mais son visage, lui, demeure tiré en une moue colérique. Il est agacé. Impatient.
Je déglutis péniblement.
— Tu penses que je vais te croire ? lâche-t-il, menaçant.
Il fait un pas en avant. Je fais un pas en arrière.
Même si un formidable destin m’attendant m’a été révélé ce matin, je n’en reste pas moins qu’une fille banale. Je ne manie ni l’épée, ni le fusil, ni mes poings ou un quelconque pouvoir. Alors je ne peux que tenter de fuir.
Et cette idée achève de s’implanter dans mon esprit lorsqu’il lâche :
— Je vais me faire un fric fou avec ton sang, Voyageuse.
Mes sourcils se haussent. Mes yeux s’écarquillent. Mes épaules se raidissent. Mon souffle se coupe.
Voyageuse ?
Je ne perds pas un seul instant. A toute vitesse, je me retourne et m’élance, le cœur battant. Le trio de la bibliothèque ne m’a rien dit sur des dangers que je pourrais encourir en ma qualité de Voyageuse mais je me rends maintenant compte de ceux-là.
La peur seule m’anime. Je martèle le sol à toute vitesse en direction de l’eau du port. Si je saute, je pourrais monter dans un bateau et m’y cacher. Ou même appeler à l’aider.
Mais je n’ai le temps de faire quoi que ce soit de ce genre.
Soudain, je sens un lien visqueux enrouler ma cheville, m’arrachant un frisson de dégoût. Celui-ci se resserre brutalement, immobilisant ma jambe droite au sol et, prise dans l’intensité de ma course folle, je m’étale de tout mon long.
Je n’ai le temps de me protéger de mes mains. Mon menton percute le sol pavé avec force, envoyant une douleur vive irradier l’intégralité de ma mâchoire. Mes traits se crispent. Je ferme les yeux violemment.
Sonnée par le brutal coup, je reste immobile ainsi plusieurs secondes, l’esprit embrumé et mes paupières s’ouvrant difficilement. La souffrance me paralyse tant que j’ai à peine conscience des pavés mouillés se pressant contre mon corps.
— Ils disent que votre sang est fait de rubis et que vos membres coupés deviennent de l’or au soleil ! s’exclame sa voix derrière moi. Ta dépouille va faire de moi un homme riche !
La prise sur mon mollet me tire brutalement en arrière. Mon menton cogne à plusieurs reprises le sol, épousant les reliefs des pavées. Mon tee-shirt remonte sur mon corps, dévoilant mon ventre qui rappe le sol, ramassant des éclats de verres qui me griffent.
Tandis que je suis attirée jusqu’à lui, je me débats furieusement. Ma peur est panique. Il va me torturer, me blesser. Je dois me sortir d’ici.
Brutalement, je me retourne. Mon ventre saignant se retrouve exposé à l’air libre et quelques poussières s’incruste dans mes plaies mais je n’en ai que faire. Une fois sur le dos, je tire ma jambe à moi dans l’espoir de rompre le lien.
Et c’est là que je le vois.
La corde visqueuse entourée autour de ma cheville, c’est une algue. Une épaisse plante kaki qui se séparant en cinq filaments, lesquels deviennent les doigts de l’homme. Ses doigts sont littéralement des algues. Mes coups de pieds deviennent encore plus violents et je me mets à hurler, paniquer.
Il a sans nul doute mangé un fruit du démon.
La distance entre nous ne cesse de se rapetissir et je me débats avec toujours plus d’entrain, sans succès. Des larmes de peur coulent sur mes joues. Je hurle avec force, espérant qu’un passant me vienne en aide mais tous se contentent de fuir la scène, ne voulant subir le courroux de cet homme.
Un sang de rubis, des membres coupés… Cet homme va me dépecer. Il croit que mes membres, ma chair, tout en moi est un trésor. Je me sens si impuissante tandis que le sol glisse sous mon dos, me rapprochant inexorablement d’une fin atroce.
Mon corps s’arrête. Je suis à ses pieds. Il me surplombe, devant se pencher pour me voir à cause de son ventre bedonnant. Et, là, me dominant par sa position, les ombres dansant tristement sur son visage, il est terrifiant.
Des sueurs froides imbibent mon dos, jaillissant du moindre de mes pores dilatés par la panique. Un frisson parcourt mon échine et mon palais s’assèche brutalement quand je vois la course folle des volutes brunes dans ses iris. Son regard est injecté de sang.
Il semble posséder par un démon encore bien plus sombre que celui des algues.
Au bout de son autre main, me tordant tellement l’estomac que, l’espace d’un instant, je crois bien que mes reins vont cesser de fonctionner, la lame d’un couteau brille. Environ de la taille de la moitié de mon avant-bras, dépassant de la large manche de sa chemise froissée et encrassée, elle resplendit tant qu’elle jure avec l’accoutrement de l’homme.
Mais je devine qu’elle sera bientôt aussi sale que le reste de sa tenue. Lorsqu’il m’aura poignardée.
Je tente à nouveau de me débattre mais de l’algue à mon mollet en jaillit trois autres qui immobilisent mon autre jambe et mes bras. Je tire dessus avec fureur, terrorisée.
Vainement.
Mon cœur bat à tout rompre dans ma poitrine. Il tient maintenant le couteau au-dessus de moi à l’aide de ses deux mains, comme s’il s’apprêtait à me sacrifier. Et personne ne dit rien. Rare sont les individus encore présents et ceux-ci se contentent de regarder en silence.
Je tremble de terreur. Une larme coule le long de ma tempe, allant se perdre dans mes cheveux et j’écarquille les yeux, bougeant toujours plus ardemment dans l’espoir de parvenir à me défaire de mes liens.
Dans dix secondes, tout sera terminé.
Dix. Apparaissant en contrejour sous le ciel gris, il ne semble être qu’une silhouette de ténèbres. Neuf. Edward a affirmé que les Silences étaient là pour me protéger mais je n’en vois aucun autour de moi. Huit. La pointe acérée de la lame menace mon ventre, me pétrifiant. Sept. Ses bras commencent à s’abaisser en ma direction, se rapprochant dangereusement de moi. Six. Un sourire goguenard étire mes lèvres tandis que ses yeux s’écarquillent. Cinq. La force de son mouvement est trop grande, le moment où il me transpercera sera trop douloureux. Quatre. Les algues se resserrent autour de moi, je suis impuissante. Trois. Les larmes continuent de dévaler mon visage et mes yeux se crispent. Deux. Est-ce vraiment la fin ? Un. Je ne veux pas mourir.
Zéro.
L’ultime espoir.
J’attends. Crispée. Les yeux clos. Mais rien ne vient. Il ne se passe rien. Suis-je rentrée chez moi ? Mon esprit, face à la mort, m’a-t-il comprise et transportée ? Ai-je réussi à manier les voyages ? Ou prend-t-il son pied en me faisant à ce point peur, me torturant psychologiquement ?
Mes paupières s’ouvrent au bout de quelques instants. J’ai tout juste le temps de voir l’expression tout à fait détendu de l’homme et ses yeux se révulser dans leur orbite. Soudain, ses bras tenant le couteau retombent le long de son corps et ses jambes deviennent flageolantes. Les algues autour de mes bras et jambes se desserrent. Il s’effondre.
Sous le choc, je ne songe pas tout de suite à me relever. Mon regard reste rivé plusieurs instants sur son corps effondré tandis que les algues glissent le long de mes poignets et mollets, me délivrant. Que vient-il de passer ?
Soudain, une ombre se projette sur moi. Je devine que quelqu’un vient de se placer dans mon dos, dans l’axe du soleil.
— Navré de t’avoir fait attendre, Voyageuse. Je n’avais pas bien compris les horaires de notre rendez-vous.
Je me fige. Cette voix dans mon dos, cet homme qui vient d’arriver, mon sauveur ayant immobilisé mon agresseur, je le connais.
C’est lui.
Shanks le Roux.
郷に入っては郷に従え
2609 mots
chapitre court navrée
mais ça va s'arranger
je vous promets que c'était
le dernier chapitre ennuyant,
l'action va nettement
s'intensifier et les
chapitres, s'allonger à
partir de la semaine
prochaine !
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