⚆ _ ⚆ 𝐑𝐢𝐯𝐚𝐦𝐢𝐧 ⚆ _ ⚆

Livaï et Hanji parcouraient les longs couloirs du bataillon en direction du réfectoire. La majore expliquait sa nouvelle théorie quant à la dé-transformation plausible des titans primaires, hypothésée à partir des informations qu'elle avait collecté auprès d'Eren et Armin. Le petit brun, lui, se contentait d'écouter avec lassitude cette énième monologue où il ne comprenait qu'un mot sur deux. Ses yeux vagabondèrent ainsi sur le paysage que laissaient entrevoir les fenêtres, quand soudain, quelque chose attira son attention. Livaï fronça alors les sourcils en apercevant Arlet se diriger vers la forêt. Sans même s'en rendre compte, le brun se stoppa pour observer un peu plus cet étrange manège. Car ce n'était pas la première que le caporal surprenait son subordonné agir ainsi. Souvent, le blond s'éclipsait discrètement pour se réfugier au creux des arbres. Cela ne durait jamais bien longtemps, deux ou trois minutes, tout au plus, sûrement pour extérioriser loin des regards la pression qu'il se mettait tout seul sur les épaules.

Livaï ? s'exclama Hanji en le dévisageant. Il se passe quelque chose, dehors ? s'écria-t-elle avant de le bousculer pour coller son visage contre la fenêtre. Il y a des titans à l'horizon ?! Olala, ça fait tellement longtemps que je n'ai pas vu de spécimen primitif, ça me manque !

Le caporal soupira.

— Arrête tes conneries et décolle ta peau grasse des vitres. On va manger.

Il se remit alors en marche sous l'œil interrogateur de sa meilleure amie.

La jeune femme centra de nouveau son attention sur l'extérieur et remarqua, dans le lointain, la silhouette menue d'Armin sortir d'entre les arbres immenses du bois voisin au QG.

Son cœur se serra.

Depuis deux ans maintenant qu'Armin était devenu le nouveau titan colossal, Hanji n'avait pas pu manquer le changement de comportement soudain du blondinet. Il se faisait plus solitaire. Bien sûr, il ne délaissait pas ses amis comme semblait le faire désormais Eren, mais il n'était pas rare qu'Arlet s'éclipse volontairement du QG, loin de l'ambiance mouvementée de ses camarades. Et lorsque sa présence était obligatoire, comme lors des repas par exemple, le garçon paraissait sans cesse plongé dans ses pensées, indifférent aux scènes et conversations qui avaient lieu autour de lui.

L'ancienne chef d'escouade n'était pas dupe. Elle le connaissait maintenant assez pour savoir ce qu'il se tramait dans la tête du blondinet. Armin psychotait sur le fait d'être encore en vie. Il devait sûrement s'en vouloir, persuadé d'avoir privé le bataillon d'un de ses plus grands atouts : l'immense stratège, Erwin Smith. Et il n'avait probablement pas tort. Si ça n'avait tenu qu'à elle, Zoë aurait aussi choisi de sauver le major. Mais la nouvelle commandante des ailes de la liberté faisait pleinement confiance aux décisions de Livaï, et si le petit brun avait fait ce choix, c'est qu'une réflexion claire, dont il lui manquait malgré tous les détails, lui avait soufflé que c'était mieux ainsi.

Mais toujours est-il que ce raisonnement ne permettait en rien de calmer les angoisses excessives du jeune Arlet, qui se mettait la pression immense d'au moins égaler le génie d'Erwin, si le surpasser était impossible.

 Hanji, la voix autoritaire de Livaï ramena la majore à la réalité, qu'est-ce que tu fous ?!

 J'arrive, fit-elle avant de lancer un dernier regard à la fenêtre.

Une autre chose dont elle était sûre, c'était que Livaï n'avait pas pu manquer les agissements inhabituels du petit blond. Et sous ses airs froids et exigeants, elle savait qu'en vérité, le brun était sûrement le vétéran le plus soucieux de ses subordonnés. Alors elle ne pouvait qu'être certaine qu'à l'heure actuelle, c'était lui le plus inquiet pour Armin.

En se dirigeant vers son ami, elle le dévisagea quelques secondes. Ce dernier haussa un sourcil avant de lâcher un lourd soupir de désapprobation. Livaï était habitué depuis longtemps au comportement étrange de la jeune femme ; alors ignorant ce regard suspect, il se remit en marche en agissant comme si de rien n’était.

Après les innombrables pertes qui avaient touché les hauts gradés du bataillon lors du coup d'état mais aussi face aux apparitions successives du bestial, la table des vétérans accueillait de nouveaux soldats, au côté du major et de son caporal. Ainsi, l'escouade Livaï, qui était montée en grade, partageait désormais leur repas. Et comme dans une immense famille, chacun avait gardé la même place où il s'était assit la toute première fois. Naturellement, Hanji s'était déplacée en bout de table, entourée de chaque côté par Eren et Armin afin de pouvoir discuter plus aisément de leurs expériences. Livaï, lui, avait gardé sa place habituelle, au centre à côté de Jagër, tandis que Mikasa s'était assise en face de lui. Forcément, Jean occupait la place au près de la brune. Enfin, le duo Brauss-Springer s'était battu pour savoir qui, entre les deux, écoperait de la dernière place de libre à côté du terrible caporal. Connie avait perdu pour le plus grand soulagement de Sasha qui mangeait désormais en face de Hanji.

— Hm, au fait, fit la femme aux cheveux auburn en croquant à pleines dents dans son morceau de pain.

— Parles pas le bouche pleine, quat'z'yeux, la rabroua Livaï. Je pense que ni Armin, ni Eren, ne souhaite recevoir tes postillons dans leurs assiettes.

Ignorant la réprimande de son ami brun, Zöe continua :

— Je propose qu'on attaque notre nouvelle expérience juste après le repas, proposa-t-elle en lançant un regard entendu à Jäger et Arlet.

Ces derniers acquiescèrent d'un signe de tête.

— Tch, je vois vraiment plus à quoi ça vous sert de continuer, intervint Livaï.

— Le caporal a raison, rajouta Jean, c'est des humains que nous devons combattre désormais.

— Le major Hanji essaie de trouver un moyen pour annuler la transformation en titan des personnes qui ne possèdent pas les primordiaux, expliqua Armin.

Voilà les seuls cas où l'on pouvait entendre la voix d'Arlet ; lorsqu'il s'agissait d'exprimer un plan, une stratégie, ou bien résumer une expérience. Mais pour toutes les autres situations, il ne fallait pas attendre grand chose de la présence du blond.

Livaï fit claquer sa langue de désapprobation.

— Loin de moi l'idée de sous-estimer tes capacités, la bigleuse, mais les souvenirs qu'Eren nous a parlé semble indiquer que les Mahrs eux-même ne savent pas comment faire. Alors nous, avec notre technologie bien moins avancée, je doute qu'on puisse trouver quoi que ce soit, lâcha-t-il, et tu comprendras aisément que je préfère te voir derrière ton bureau que dans les prés à cueillir des pissenlits ; marre de m'occuper de toute ta paperasse.

Comme pour appuyer ses propos, il porta sa tasse de thé à ses lèvres, signe pour lui que le sujet était clos.

     Mais un peu plus tard dans la journée, Livaï aperçut Armin s'isoler de nouveau. Assigné à l'entraînement des nouvelles recrues, le caporal observa alors le blondinet se diriger vers la forêt. Ses expériences avec Hanji avait dû se terminer plus tôt, et Arlet semblait profiter du temps où ses amis étaient encore occupés pour s’éclipser.

L'Ackerman soupira.

Il jeta un oeil aux recrues qui suaient sous ses ordres et conclut avec dépit que Shadis avait une fois de plus bâclé sa formation.

— On en a terminé pour aujourd'hui, dit-il avant de tourner les talons, sans adresser un regard de plus à ses soldats.

En s'éloignant, il les écouta néanmoins soupirer de joie, chose qu'ils n'avaient pas osé faire devant lui.

Livaï lâcha un rictus amusé.

Décidément, peut importait les générations, il était voué à intimider n'importe quel soldat, bien que la plupart d'entre eux le dépassaient d'une bonne tête.

Le caporal prit le chemin de la forêt. D'un pas assuré, il était bien décidé à mettre fin au manège grotesque d'Arlet qui, selon lui, avait assez duré.

— Oï, tu peux m'expliquer ce que tu fous au milieu des pâquerettes ? lâcha-t-il en arrivant enfin à hauteur de son subordonné.

Il jeta un œil dédaigneux au cocon de vertu où s'était réfugié le blond.

— Ca... Caporal ?!

Armin sursauta en apercevant son supérieur. Que faisait-il ici ?

— Crier au milieu des arbres te défoulera sur le moment, mais ça ne réglera pas ton problème.

— Qu-

— Tch, c'est pas compliqué de savoir ce qui se trame dans ta caboche, coupe au bol, le coupa Livaï. Tu te demande encore pourquoi je t'ai choisi à la place d'Erwin, hein ?

Le titan colossal déglutit péniblement devant la justesse de ses mots. C’était bien cette éternelle question, avec l'irrépressible sentiment de culpabilité, qui lui collait à la peau.

— Écoute-moi bien, petite tête, continua le brun. Cette décision, elle vient de moi et de moi seul, compris ? T'occupe pas du raisonnement qui a suivi avant. En cas de pépin, je suis le seul à blâmer.

Le pauvre Arlet se décomposa sur place. Il retenait sa respiration depuis plusieurs minutes maintenant, et son visage commençait à rosir légèrement.

— Qu... J... V... begeya-t-il.

— Je ne t'ai jamais demandé de remplacer Erwin, renchérit le caporal, ni d'égaler son génie ; tout simplement parce que l'expérience qu'il a acquis au cours de sa vie n'est pas rattrapable au milieu des livres et des sacs de frappe. Mais ton cerveau nous a déjà sorti du pétrin plus d'une fois ; alors arrête de te prendre la tête et contente-toi de nous pondre tes plans comme d'habitude. On te demande rien d’autre.

Livaï resta un instant à le dévisager en silence, attendant une réaction de la part du blond. Durant sa réprimande, le jeune Arlet avait baissé les yeux. Mais il était facile pour le caporal de deviner le sentiment qui perçait ses pupilles bleutées.

Face au mutisme de son soldat, le vétéran tourna les talons, jugeant qu'il lui fallait sûrement quelques instants pour digérer ce qu'il venait de lui dire. Mais alors qu'il allait partir, la voix d'Armin résonna :

— Je…

Livaï haussa un sourcil. Seul son visage se retourna pour le dévisager du coin de l’œil.

 Hm ?

— Je... réitéra le blond. J'aimerais devenir plus fort physiquement, mais je n'y arrive pas.

Le caporal plissa les yeux, attendant la suite. Car il avait forcément une suite. Arlet appartenait à la même catégorie de personne qu'Erwin et Hanji. Des gens qui ne se contentaient que rarement de faire tenir leurs idées en une seule phrase. C'était sans doute lié à leurs talents d’orateur.

— Je sais que le colossal n'est pas un titan fait pour le combat au corps à corps, reprit Armin. Mais pour autant, améliorer mes conditions physiques me permettrait de tenir plus longtemps sous cette forme et même de me transformer plusieurs fois sur une plus courte période.

Le blond se redressa avant de continuer.

— Mais j'ai beau essayer, je n'y arrive pas, s'écria-t-il d'une voix forte, presque fataliste, où perçait la frustration face à tous ces entraînements infructueux.

Livaï ferma les yeux tout en soupirant.

— Très bien, dit-il en regardant droit devant lui. Demain, huit heure trente sur le terrain d'entraînement. Je ne tolérerai aucun retard.

Puis il partit avant que le blond ne puisse dire quoi que ce soit.

Armin écarquilla les yeux, à la fois surpris, soulagé, mais aussi craintif quant à ce rendez-vous avec le caporal qui s'annonçait tout sauf reposant.

Le lendemain, soucieux de ne pas s'attirer les foudres de son supérieur, Arlet veilla à être scrupuleusement à l'heure de son rendez-vous. Il était même arrivé une quinzaine de minutes plus tôt, par simple mesure de sécurité dans le cas où un imprévu lui faisait perdre du temps malgré le court chemin entre les dortoirs et le terrain d'entraînement devant le QG du bataillon.

Quant à Livaï, fidèle à lui-même, il arriva pile au moment où la plus grande des aiguilles foula le six sur son cadran de montre. Le caporal était connu pour savoir parfaitement chronométrer sa vie, de façon à ce qu'aucune minute de son temps ne soit perdu.

— Bien, fit-il en arrivant à hauteur de son subordonné. On va commencer par s'échauffer en courant autour du terrain.

Et c'est par cela que chaque jour, les deux soldats débutaient leurs journées. 

— Me dis pas que t'en peux déjà plus, Arlet, s'écria le caporal en stoppant sa course.

Pour ne pas perdre le rythme, il continuait cependant à courir sur place tout en observant avec désolation, son subordonné 300 mètres derrière lui, qui donnait l'impression de pouvoir mourir à n'importe quel instant.

— Allez, bouge toi, le rabroua Livaï. Hier on a été plus loin, je te rappelle.

— O... Oui... Mais... Hier, je n'avais pas de courbature suite aux exercices de la veille, soupira Armin.

— C'est parce que tu t'es mal étiré, répondit le caporal.

Le blond avait enfin fini par le rejoindre et il avait répété automatiquement d'avancer, sans laisser la moindre opportunité au soldat de reprendre son souffle.

     Après leur échauffement, le caporal et son subordonné avaient l'habitude d'enchaîner par different exercices, augmentent à chaque fois la durée ; au plus grand dam du jeune Arlet malgré son envie de s'améliorer.

— T'y es presque, l'informa Livaï de sa voix froide habituelle.

Les bras croisés sur le torse, le brun surplombait de toute sa hauteur le blond qui tentait de terminer avec acharnement sa série de pompes.

En voyant les membres du soldat trembler légèrement, Livaï plissa les yeux.

— Si tu flanches avant d'avoir terminé, c'est vingt tours de terrain qui t'attends.

Armin déglutit péniblement. Le blond ferma alors les paupières pour se concentrer au maximum et réunir les dernières forces qu'il pouvait encore puiser en lui.

— Quatre-vingts dix-huit, Quatre-vingts dix-neuf, Ce... Cent ! 

Après s'être écrié le nombre fatidique, Arlet s'écrasa au sol, essoufflé mais ravi d'être arrivé jusqu'au bout.

— Bien, fit Livaï, on va faire une pause thé.

Le blond releva péniblement sa tête puis ses yeux vers son supérieur pour le dévisager. Il aperçut alors le caporal se diriger vers une gourde posée sur un banc, deux tasses de porcelaines à côté. Armin reconnut automatiquement la bouteille que venait de prendre le brun entre ses mains. Outre la lumière que procurait les cristaux retrouvés dans la grotte des Reiss, leur étude avaient révélé une extraordinaire capacité à garder la chaleur. À la suite de cette découverte, il n'avait pas fallu longtemps à l'industrie pour s'emparer de leur potentiel, et c'est ainsi que plusieurs bouteilles garde-chaleur avaient fleuri dans toutes les boutiques de la ville.

Ce n'était d'ailleurs pas pour déplaire à Livai qui pouvait désormais troquer l'eau plate et sans saveur par celle délicatement parfumé de son thé noir, lorsqu'il devait partir en expédition.

Les muscles raidis, Armin se redressa difficilement pour se mettre en tailleur. Il attrapa ensuite la tasse que lui tendit son caporal et le remercia avec un hochement de tête.

Livaï lâcha un long soupir lorsqu'il s'assit sur le banc en face de son subordonné.

— On est encore loin du résultat souhaité, mais t'as bien progressé, fit-il avant de porter sa tasse à ses lèvres.

— Hm, acquiesça Armin d'un geste sec de la tête.

Si leurs entraînements étaient amenés à durer, le caporal avait pour l'habitude d'autoriser une courte pause à son subordonné. Durant ce temps mort, les deux soldats échangeaient quelques mots, jamais très longtemps étant donné la timidité du jeune Arlet et le tempérament silencieux du petit brun. Mais chaque jour qui passait permettait de détendre l'atmosphère et d'abaisser de plus en plus les murs de méfiances dressés par la simple peur de l’inconnu.

— Caporal ? 

Livaï, ses coudes reposant sur ses genoux et la tête baissé, leva légèrement le visage pour dévisager son subordonné.

— Hm ?

Armin gardait volontairement ses yeux fixés vers le sol.

— Je... Je sais que vous avez déjà répondu à cette question, mais vous ne dites jamais ce qui vous a véritablement traversé l'esprit à ce moment là.

Le brun arqua un sourcil.

— Pour... Pourquoi m'avoir choisit moi à la place du major Erwin ?

Livaï ferma les yeux, puis soupira en se redressant. Il savait que tôt ou tard, le petit blond aux méninges bien trop actives lui reposerait cette question.

D'un geste craintif, Armin osa tout de même relever son visage vers son supérieur. Le dos droit, la tête légèrement en arrière calée contre le mur, il semblait pensif.

— Erwin était un excellent stratège, commença-t-il, et si ça n'avait tenu qu'à moi, je l'aurais choisi lui.

Arlet dégluti.

— Sauf qu'il ne s'agissait pas de moi mais de l'avenir du bataillon, et je pense que son génie avait atteint ses limites.

— Ses limites ? répéta Armin en écarquillant les yeux.

— Erwin a su prendre les décisions qu'il fallait pour nous sortir de l'impasse dans laquelle on était plongé. Ça a engendré des sacrifices, mais ils étaient nécessaires à une certaine époque, continua Livaï. Cependant, les temps ont changé et tu nous a prouvé que ta nouvelle vision des choses pouvait désormais nous permettre de ne plus faire autant de sacrifice.

Le visage de Livaï semblait s'être légèrement assombri. Armin l'observa se lever et s'emparer de la gourde et des deux tasses.

— Je ramène ça à la cuisine, reprends avec le sac de frappe.

Le blond hocha de la tête en se levant à son tour. Mais juste avant que Livaï ne franchisse la porte, Armin le retint :

— Ce sont les seules raisons ?

Le brun se stoppa et attendit quelques secondes avant de répondre.

— Non, fit-il d'une voix calme. Ce que je t'ai énoncé sont des choses auxquelles j'ai pensé bien après, expliqua-t-il. Ce qui m'a décidé, c'est que le fait de le ramener dans cet enfer alors qu'il allait le quitter aurait été terriblement égoïste.

Puis il sortit.

Après cette discussion, pourtant simple, Armin sentit un poids s'ôter de sa poitrine. Enfin, le caporal lui avait dit le fond de sa pensée.

     Mais Livaï ne put se soustraire bien longtemps à ses obligations de caporal, et il fallut au brun regagner son bureau. Croulant sous la paperasse qui s'était accumulée à cause du temps mit à profit pour entraîner son soldat, mais aussi et surtout à cause de la sournoiserie de quatre’z'yeux qui, il en était persuadé, lui refilait une bonne partie de documents à traiter pourtant par la main du major.

Ainsi, Armin continua son entraînement seul. Le jeune Arlet refoula alors au plus profond de lui chacune de ses envies d'abandonner lorsque l'exercice se faisait trop intense, en imaginant la tête de son caporal le menacer d'un corps à corps sans se retenir s'il n'allait pas jusqu'au bout de son programme.

Cela faisait plusieurs jours maintenant que les deux soldats du bataillon ne s'étaient pas croisés. Une fois où Armin avait terminé plus tôt ses exercices et que Hanji l'avait congédié de ses obligations en temps que titan, le blond décida d'aller frapper à la porte de son caporal pour le saluer. Mais avant ça, il eut l'idée de faire un détour par les cuisines pour lui préparer du thé. 

Arlet hésita longtemps devant les deux boîtes qui lui faisaient face. Lequel était son préféré ? Il mit ainsi ses capacités de raisonnement à l'épreuve et fini par opter pour le thé noir.

Il parait que c'est bon pour les humeurs, en plus, pensa-t-il ironiquement, le caractère tempêtueux du brun bien en tête.

Il se dirigea ensuite vers les appartements de son supérieur.

— Nom et raison du dérangement, vibra une voix forte lorsqu'il frappa quelques coups sur la porte.

Étrangement, le temps qu'ils avaient passé ensemble avait permit d'annihiler l'angoisse du blondinet face à un ton aussi abrupt. Arlet avait fini par comprendre qu'il fallait bien plus s'inquiéter pour sa vie quand le brun utilisait une voix douce mais terrifiante plutôt que sèche et colérique.

— Armin Arlet, caporal, je viens vous apporter une tasse de thé.

— Entre.

Il s'exécuta et eut bien du mal à distinguer le vétéran, caché derrière deux immenses piles de papier et quatre autres à peine plus petites.

— Pose ça là, fit Livaï en indiquant à son subordonné une table à côté de son bureau, où résidaient déjà deux tasses vides.

En déposant le plateau, Armin expliqua :

— J'ai hésité entre thé vert et thé noir, mais j'ai choisi la deuxième option.

— C'est parfait, merci.

Le brun était si concentré que ses yeux ne s'étaient même pas levés une seule fois vers son subordonné. Erwin avait toujours eu l'habitude de le faire crouler sous une paperasse infinie et, visiblement, Hanji suivait son exemple.

Ce soir encore, il ne dormirait sûrement pas. 

En soupirant d'exaspération, il remarqua qu'Arlet n'avait pas encore quitté son bureau.

Il fronça les sourcils.

— Un problème ? 

Les pommettes du blondinet prirent une légère teinte rosée. Il pétrit nerveusement ses doigts entre ses mains.

— Je... Je peux vous aider, peut-être ? finit-il par demander.

Livaï plissa davantage ses yeux.

— Hein ?

Armin baissa la tête.

— Comme vous avez accepté de donner de votre temps pour m'entraîner, je voudrais vous remercier en vous aidant à mon tour, expliqua-t-il. Je m'occupe déjà d'une bonne partie des dossiers que le majore a à remplir ; alors je pense pouvoir m'occuper des vôtres également…

Tch, quat'z'yeux, t'es vraiment qu'une flemmarde, pesta-t-il mentalement contre son amie. Et toi, t'es beaucoup trop naïf, le champi…

Le caporal soupira.

Il n'avait pas besoin d'aide, mais il savait aussi que le petit blond ne lâcherait pas l’affaire.

J'imagine que je pourrai terminer plus tôt, comme ça…

— C'est d'accord, accepta-t-il.

Un sourire ravi naquit sur les lèvres du blondinet.

Cet éclat de gaité spontané surprit le brun qui sentit son coeur s'affoler. Il détourna précipitamment le regard, troublé. Pour retrouver une certaine contenance, Livaï fit claquer sa langue de sa manière habituelle.

— Arrête de sourire comme un con et assis-toi, cracha-t-il. Tu vas vite perdre ta joie de vivre quand tu vas voir tout ce que la folle nous a laissé à faire.

Devant ce ton acerbe, Armin échappa un gloussement. Ce rire était en parti dû à l'anxiété, mais également à l'amusement face à la réplique de son caporal. Car en travaillant pour Hanji, le petit blond s'était effectivement rendu compte que la majore déléguait secrètement une bonne partie de son travail à son ami au caractère tempêtueux.

Livaï le foudroya du regard pour son hilarité qu'il jugea déplacée.

— Quelque chose te fait rire, Arlet ?

Le jeune soldat cessa brusquement de rire.

— Non, ri... Rien, mon caporal ! s'écria-t-il en se redressant.

— Bien, alors attrape la putain de chaise qui te face et pose ton cul dessus une bonne fois pour toutes, continua le brun. Tu me fais perdre plus de temps qu'autre chose, là.

Armin acquiesça d'un bref signe de tête avant de prendre place avec hâte.

En voyant l'obéissance robotique du blond, Livaï ne put s'empêcher de lâcher un rictus moqueur. Il avait remarqué qu'à force de s'entraîner ensemble, Arlet avait fini par s'habituer à son ton et ses remarques acerbes. Mais le caporal était heureux de constater que, pour autant, il continuait d'impressionner le soldat.

— Je suis déjà en train de m'occuper de cette pile, fit l'Ackerman en désignant un tas de feuilles à sa gauche. Gère celle de droite.

Armin fut étonné en s'apercevant que le travail qu'ils devaient effectuer tenait sur le bureau du brun. Connaissant Hanji, il s'était attendu à des montagnes de formulaires occupant autant le dessus de la table que les trois cotés disponibles.

— Ne te réjouis pas trop vite, lâcha Livaï.

Le caporal s'était déjà replongé dans son rapport, mais fidèle à lui même, il avait les yeux partout.

— Il y a encore toute la paperasse derrière moi, continua-t-il en désignant son dos avec la point de sa plume.

Armin se décala légèrement sur le côté et blêmist en apercevant trois énormes piles qui menaçaient de tomber, tant elles étaient grandes.

Je ferais mieux de m'y mettre toute de suite, soupira-t-il, sinon on ne s'en sortira jamais…

Il attrapa alors un formulaire à sa gauche et commença à le remplir.

Les piles avaient été mélangées, et chaque dossier concernait un sujet bien différent du précédent. Une fois il s'agissait d'un nouveau recrutement, une autre, d'une facture, et il y avait même certain dossier qui demandait le compte rendu de mission extra-muros effectuée plusieurs mois auparavant.

Les deux soldats travaillaient en silence, chacun profondément concentré sur ce qu'il avait à faire tant ils étaient désireux d'en finir au plus vite. Au moment de dîner, Livaï congédia son subordonné, n'étant pas cruel au point de le priver de repas et estimant que le blond l'avait déjà bien assez aidé. Mais sans surprise, Arlet refusa et resta jusqu'à ce que plus un seul papier ne traine par terre.

Ce n'est qu'a la nuit tombée que les deux soldats purent enfin relever la tête.

— C'est terminé... grogna Livaï en se pinçant l'arrête du nez.

Armin bailla, lui aussi heureux d'avoir mis le point final à sa longue besogne.

— Je t'offre un thé pour te remercier ?

— Je préférais une infusion, si cela ne vous dérange pas, répondit le soldat.

Livaï opina de la tête.

— Attends-moi sur la terrasse, dans ce cas, dit-il. On sera mieux dehors après avoir été enfermés aussi longtemps.

Armin acquiesça à son tour avant de se diriger vers le belvédère. En sortant, il fut surpris par la brise chaude et agréable malgré la nuit. L'été avait à peine commencé, mais Njörd soufflait déjà durant le règne de Nótt, un doux alizé.

— Tiens.

Arlet sursauta en apercevant Livaï lui tendre une tasse. Perdu dans sa contemplation, il ne l'avait pas entendu arriver.

Les soldats prirent place sur le rebord de la terrasse, et sirotèrent leur boisson en silence. Armin se replongea alors dans ses pensées. Il laissa ses yeux vagabonder au loin, où déjà l'horizon se parait d'une légère couleur dorée. Là-bas, le soleil commençait à se lever au dessus de la mer.

La mer. Cette étendue d'eau salé qu'il avait tant rêvé de voir avec Eren et Mikasa, depuis qu'ils étaient petits. Alors que ses courbes qui semblaient infinies avait nourri en lui beaucoup de curiosité et d'espoir ; le blondinet ressentait désormais à l'égard de ces eaux sombres et ses vagues aux mouvements agressifs, beaucoup d'angoisse. Car si elle était une barrière protectrice pour leur île, elle prenait le nom de Slidr lorsque sa houle amenait les bateaux de leurs ennemis. D'ailleurs, les combats n'allaient pas tarder à reprendre. Leurs alliés à l'extérieur leur avaient appris que les Mahrs étaient en route pour Paradis, et Eren et lui devraient bientôt se rendre au port pour les affronter.

Armin détestait faire cela. Se transformer pour anéantir la vie de tout ces soldats qui, dans le fond, n'étaient pas pires qu'eux. Mais c'était la guerre. Malheureusement, le gouvernement de Mahr avait rejeté en bloc les pour-parlers de Historia, il ne restait désormais plus qu'une seule solution : faire couler le sang.

— À quoi tu penses ?

La voix grave de Livaï le sortit de ses pensées. Comme il se faisait tard, le caporal avait parlé sur un ton plus doux que d'habitude et Arlet trouva cette intonation étonnement agréable.

— Rien en particulier…

Le brun porta sa tasse à ses lèvres.

— Tu ne sais pas mentir, dit-il avant de boire une gorgée de thé.

Les joues du blond rougirent.

— Alors, réitéra Livaï, qu'est-ce qui te tracasse, cette fois ?

Armin soupira.

— Quelle est la définition du mal ?

Livaï dévisagea son subordonné. Il ne s'attendait pas à une telle question.

Il ne répondit pas tout de suite, réfléchissant à cette interrogation qui appelait les origines du monde.

— Est-elle universelle ? Uniforme pour tout le monde ? continua le blond.

— Elle est propre à chacun, fini par répondre le caporal. Mais en même temps, elle est commune à tous.

Armin arqua un sourcil.

Livaï s'expliqua :

— Faire le mal, c'est faire quelque chose qui nuira à quelqu'un, dit-il. Il est pratiquement impossible de faire le bien sans apporter du mal quelque part en compensation.

— Le mal et le bien sont donc intimement liés ?

L'Ackerman acquiesça d'un signe de tête.

Arlet resta silencieux afin d'analyser ce que venait de lui dire son supérieur. Le brun n'avait pas tort. Même si le mal causé n'était pas forcément enduré par les humains ; on tuait des bêtes pour se nourrir, on échevelait la terre pour construire des habitations, on écrasait des soldats pour protéger d'autre vie. Ainsi, le combat qu'il s'apprêtait à livrer était à la fois horrible mais nécessaire ; et de savoir que ses mains sanglantes protégeaient les enfants de l'île Paradis n'atténua pas l'acrimonie de cette cruelle vérité qui étouffait le cœur du blond.

Plongée dans ses moroses réflexions, il ne remarqua pas le regard insistant de Livaï. Le caporal avait trouvé les interrogations philosophiques de son subordonné plutôt surprenantes ; mais en même temps, cela correspondait à son côté érudit. À l'époque, il arrivait souvent à Erwin de lui poser ce même genre de question autour d'un verre de Whisky qui était sûrement celui de trop. C'étaient ses mots à lui, que l'Ackerman avait reprit. Du moins, en partie.

" L'enfer est vide, Livaï, tous les démons sont ici. J'ai fini par comprendre qu'en voulant faire le bien, je ne pouvais passer outre le chemin du mal…"

— Caporal.

La voix d'Armin le sortit de ses pensées.

— Hm ?

— Sans vouloir vous offenser, je crois que vous vous trompez…

Le brun plissa les yeux mais laissa son subordonné continuer.

— Une bonne action n'entraîne pas forcément un préjudice.

Liavï arqua un sourcil.

— Cette infusion que vous m'avez préparé n'a pas nécessité l'intervention  du mal.

— Et les feuilles arrachées à la terre, qu'en fais-tu ?

— Les Hommes ont planté des graines et s'en sont occupés à la sueur de leur front. Cela a permit à la terre de respirer. En contre-partie, nous les avons arraché pour nous nourrir. Les deux côtés ont donné et reçu. J'appelle ça un échange équivalent, pas un préjudice.

Sa réflexion laissa Livaï sans voix.

Armin en profita pour se lever.

— Je vous laisse, caporal, dit-il. J'aimerais profiter des quelques heures qu'il reste avant le réveil pour pouvoir me reposer. Bonne nuit.

Puis il partit.

Une fois seul, Livaï réfléchit quelques instants à ce que venait de lui dire son subordonné et lâcha un rire sans joie.

— Tch, je crois que cette coupe au bol vient de te mettre échec et mat, Erwin..  soupira-t-il avant de boire les dernières gouttes de son thé.

Cela le conforta dans sa décision. Son instinct lui avait soufflé qu'Arlet représentait l'avenir, et le caporal ne regrettait pas d'avoir fait le choix de le sauver au détriment de la vie de son ami.

— Et c'est encore une victoire écrasante pour le bataillon ! s'exclamèrent les soldats en faisant trinquer leurs bouteilles.

Comme leur avait indiqué leurs espions, les Mahrs avaient tenté d'accoster le matin même au port de l'île Paradis. Eren et Armin avaient donc été mobilisés pour briser les bateaux ennemis, tandis que leurs camarades s'occupaient de capturer les soldats qui auraient survécu à l'assaut des deux titans.

Pour féliciter ces Hommes, la reine avaient envoyé aux QG du bataillon, plusieurs cartons de vin qui ravivaient les papilles de tous.

— Caporal, vous vous joignez à nous ? s'exclama un de ses subordonnés lorsque Livaï traversa le réfectoire.

Il lança un regard dédaigneux à sa recrue.

— Non merci, se contenta-t-il de répondre.

Mais au même moment, un bras tomba lourdement sur ses épaules. 

— Tu pourrais pas sourire, pour une fois ? lâcha Hanji.

Le brun fit claquer sa langue d'exaspération en s'extrayant de l'étreinte du major.

— Désolé, mais je sais pas faire.

— Quel rabat-joie ! rigola la femme.

— Tch.

— Oh, caporal, vous venez boire un verre, ce soir ? s'écria soudain Conny.

L'escouade Livaï venait de rejoindre la pièce où se déroulaient les festivités.

— C'est rare de vous voir ici, continua Jean.

— Non, je ne-

— Aller, heichou ! le coupa Hanji. Juste quelques minutes.

— Oui, insista Sasha. Le vin qu'a fait venir Historia est une grande cuvée en plus ! continua-t-elle en salivant. Enfin, c'est ce que Niccolo que m'a dit…

— Alleeeer, réitéra Zoë.

— Ça va être sympa, renchérit Jean, vous verrez.

— Eh puis ça vous détendra, railla Conny.

Livaï soupira. Mieux valait accepter tout de suite que de retrouver Hanji frapper à la porte de son bureau en pleine nuit, complètement ivre, pour le sermonner de ne pas être venu « s’amuser ».

— C'est d'accord, abdiqua-t-il.

— Oui ! s'exclama la majore.

Le caporal attrapa une bouteille dans l'un des cartons et prit place à la table où s'était assit son escouade.

— Vous jouez ? lui demanda Jean, un jeu de carte en main.

— Il ne faudrait pas songer à abuser... rétorqua le brun.

Le châtain comprit que ce refus était catégorique et ne préféra pas insister.

Pendant que les boissons et les jeux allaient bon train, Livaï jeta un rapide coup d'oeil dans la pièce. Presque tous les soldats du bataillon étaient descendus se détendre dans le réfectoire, mais pourtant, certains manquaient à l'appel. Mais si l'absence de Jagër n'était pas une inquiétude en vue de son caractère lunatique, celle d'Arlet, elle, était plus surprenante.

— La tête de champi est pas là ? demanda Livaï en portant sa bouteille de vin à ses lèvres.

— Vous parlez d'Armin ? fit Mikasa.

Le brun remarqua le regard légèrement agacé de sa subordonnée face au surnom qu'il venait d'attribuer à son ami d’enfance.

Il se contenta d'acquiescer d'un bref signe de tête.

— Il ne se sentait pas très bien... expliqua Sasha.

Livaï plissa les yeux.

Visiblement, le blondinet était encore en train de se prendre la tête.

Il est vraiment pas possible... pensa le brun.

Il se leva d'un bon et sortit, ignorant les protestations de ses subordonnés et de son amie aux cheveux auburns.

Une fois dans le couloir, il hésita. Où pouvait s'être encore réfugié Arlet ?

Instinctivement, le caporal décida de jeter un œil aux abords de la forêt. Il faisait nuit noire et le blond n'était sûrement pas rassuré entre l'ombre effrayante des arbres, mais c'était le seul endroit où il était sûr d'être tranquille.

En arrivant à l'orée du bois, une légère lumière qui émanait d'entre les feuillages indiqua à Livaï qu'il avait vu juste. Il fit quelques pas et retrouva le blond assit dos à lui sur un tronc mort, la tête entre ses mains.

Il s'adossa contre un arbre, une main dans la poche de son pantalon, l'autre tenant toujours la bouteille de vin qu'il n'avait pas encore fini.

— Je croyais que ça t'était passé, de venir ici.

En écoutant la voix de son supérieur, Armin sursauta.

— Ca... Caporal ?

Il se retourna pour le dévisager.

— Que faites vous là ? Vous n'assistez pas à la fête ?

— Je pourrais te retourner la question, répondit le brun en prenant place à côté du blond.

Il lâcha un long soupir avant de poursuivre :

— Ça doit être épuisant de se prendre la tête pour tout et n'importe quoi, non ? fit-il avant de boire une gorgée de vin.

Armin écarquilla les yeux en écoutant les propos de son caporal.

— C'est encore cette histoire de bien et de mal, qui te préoccupe ? continua Livaï.

Arlet détourna la tête pour plonger son regard vers le sol.

Manifestement, Livaï avait visé juste se dit-il en le dévisageant du coin de l’œil.

— Bois, fit-il en tendant la bouteille de vin à son subordonné.

Armin releva la tête et arqua un sourcil.

— Non merci... répondit-il en déclinant l’offre.

Le caporal soupira.

— Bois, insista-t-il. "Le vin est la caverne de l’âme".

Etonné, le blondinet lâcha un petit rire avant d'attraper la bouteille.

— Je ne vous savais pas philosophe, caporal, dit-il.

Il but ensuite une petite gorgée de vin avant de rendre la boisson à son propriétaire.

— Alors, qu'est-ce qui te tracasse, cette fois ? demanda le brun.

Le visage du blond sa para d'un nouveau voile de tristesse.

— Je crois que, définitivement, je ne suis pas fait pour être soldat…

Livaï haussa les sourcils.

— C'est un peu tard pour s'en rendre compte, p'tite tête, lâcha-t-il sur un ton sarcastique.

Les mains sur ses genoux, Armin crispa ses doigts de frustration face à son propre comportement. Il se trouvait terriblement pathétique d'agir ainsi, de penser ainsi, de déprimer ce soir alors qu'il n'avait pas à se plaindre d'avoir perdu la vie contrairement à bon nombre de ses congénères et ennemis.

— Moi qui pensait avoir changé après tous ces entraînements, marmonna-t-il entre ses dents.

Ses doigts étaient si crispés au point d'en faire blanchir leurs jointures.

— Qu'est-ce que tu baragouines comme conneries, encore ? grogna Livaï.

— En réalité, rien n'a changé, réitéra le blond. Je ne suis pas devenu plus fort, je suis toujours aussi faible qu'avant. Et en plus de ça, je suis un meurtrier. Je ne suis pas comme vous, caporal... finit-il en soufflant.

Des larmes discrètes perlèrent au coin de ses yeux.

— Tch, cracha le brun, comprenant enfin où voulait en venir son subordonné.

Même si l'assaut du jour n'avait pas affecté les rang du bataillon, elle avait, à contrario, décimé l'armée de Mahr ; et le blondinet avait visiblement du mal à se consoler avec un simple "c'étaient des ennemis". Et de ne pouvoir se réjouir de leur victoire le faisait également culpabiliser.

Le soldat s'était embarqué dans un cercle vicieux, et sa volonté de faire le bien était prise en étau par son devoir de combattant.

Le caporal lâcha un rire sarcastique.

— Parce que pour toi, je suis fort ? T'as une vision plus merdique que quat'z'yeux, toi…

Armin se tourna précipitamment vers lui pour le dévisager.

 Si vous, vous n'êtes pas fort ; alors qu'est ce que je suis ?

 Tu es bien plus fort que moi, soupira le brun.

Le blond manqua s’étouffer.

— Ne vous moquez pas de moi, s'il vous plaît.

Livaï fronça les sourcils.

 Pourquoi crois-tu que je suis si fort ?

— Vous osez vraiment poser la question ?

Son supérieur aquieça d'un bref signe de tête.

— Je suis curieux de savoir pourquoi tu pense que je suis plus fort que toi.

— Eh bien... soupira Armin. Tout d'abord, ce n'est pas moi qu'on appellerait "le soldat le plus fort de l’humanité".

En écoutant le surnom ridicule dont la foule l'affublait, Livaï sentit de l'amertume se déverser dans ses veines. Il détestait cette appellation qu'il jugeait grotesque et que les gens utilisaient seulement lorsque le bataillon était en bonne grâce.

— Pour toi, fit-il, la force n'est donc qu'un critère physique ? Mais se confronter à sa peur, n'est-ce pas être fort également ?

Arlet écarquilla les yeux.

— Armin.

La voix du caporal avait pris une teinte plus douce. Elle s'était parée de cette même chaleur rauque que la fois où ils avaient partagé une tasse de thé sur la terrasse du bataillon au cœur de la nuit. En écoutant le caporal prononcer son prénom sur ce ton presque intime, le blond ne put empêcher de petits friselis de hérisser les poils de sa nuque. Immobile, il observait son supérieur qui avait baissé les yeux vers le sol, comme si cela rendait ce qu'il s'apprêtait à dire plus facile.

— Contrairement à moi, repris le brun, tu as toujours affronté ce qui t'effrayait. Rien qu'en t'engageant dans l'armée puis dans le bataillon, tu as fait preuve de beaucoup de courage.

Ces mots pourtant banals qu'il avait déjà pu écouter de la part de ses camarades se chargeaient soudain d'une importance considérable.

— Pour ensuite faire face au titan puis à des hommes, tu as eu la force nécessaire de brider ta peur et ne pas la laisser régner en maître sur tes faits et gestes. Oui, je suis fort et les titans ne m'ont jamais effrayé, expliqua Livaï, Mais moi, je n'ai jamais eu ton courage. Je n'ai jamais pu regarder dans mon cœur et plonger dans le champ de bataille que forment mes sentiments, par simple peur de ce qui pouvait s’y trouver. Jamais je n'ai eu assez de courage pour affronter ce qui me terrifiait. Sous mon attitude froide et exécrable, je ne fais que fuir ce que je ressent, sans oser parler de mes sentiments à voix haute par crainte que ma peine ne devienne réalité.

Il resta un instant silencieux avant qu'Armin ne décide de prendre la parole.

— Caporal, vous venez de le faire…

Livaï releva enfin la tête vers son subordonné, ses pupilles bleues orageuses se mélangeaient aux aigues-marines du blond.

— Alors c'est peut être que je deviens fort à tes côtés, murmura-t-il.

Plongés dans le regard l'un de l'autre, une force invisible poussa les deux hommes à se rapprocher, jusqu'à ce qu'il puissent sentir leurs souffles carresser leur peau.

Sous les rayons de lune argentés étincelait l'étrange alchimie qui était née entre les soldats. Cela renforça la transe ésotérique qui s'étaient emparée de leurs corps à cet instant. Une sensation agréable mais effrayante qui leur donnaient l'impression que si l'un était en flamme, alors ce serait avec ravissement que l'autre viendrait se consumer dans son brasier. Et c'est sous le voile protecteur de Freyja, divinité de l'amour, que leur lèvres vinrent enflammer leurs âmes.

꧁FIN꧂

Ohayo, premier One-Shot posté !

Honnêtement, même si certain d'entre vous pourront trouver le Rivamin totalement wtf, je pense que j'ai commencé par quelque chose de soft mdrrrr

Alors, qui ai-je convaincu ?

(Pour les catégories si dessous, je vous demanderai de ne commenter qu'une seule fois et sous une seule afin de me servir des résultats pour attribuer une note à cet OS qui sera rendu public lors de la prochaine publication. Les débats, les avis, se feront juste après, merci de votre compréhension !)

▪︎ Tu m'as convaincu de ouf, c'est mon nouvel OTP (commentes un 🍪 si tu fais partie de cette catégorie) 

▪︎ Pouhaha, t'as cru m'avoir ? Mon cœur est paré à toute épreuve hehehe (commentes un 🤺 si tu fais partie de cette catégorie)

Bon, en soit on s'en fout de ce que vous commentez, tant que vous ne le faites qu'une seule fois 🤝

☞  Juste ici, la partie débats, avis, spoil (mais prévenez pour ceux qui ne regardent que l'animé), etc... 

Moi je vous fais plein de bisous,

Prenez soin de vous,

Crunch 

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