SOIXANTE-NEUF
22h27.
— Attrape, s'exclama soudainement Jungkook en jetant un de ses pulls sur son canapé usé. Le réceptionnant de justesse, Taehyung dévisagea longuement ce que lui avait donné le brun, lançant quelques regards interrogateurs au plus grand.
— Tu ne comptes pas te changer ?
Que ce soit par réelle ignorance ou par simple fatigue, le châtain mis quelques secondes à comprendre. Et c'est seulement lorsqu'il se rendit compte qu'il n'avait toujours pas ôté son pull vaguement sec qu'il hocha vivement de la tête, arrachant un sourire au plus vieux. « Si, si... », répéta-t-il plusieurs fois avant de se relever finalement du canapé cuivré. Il traversa alors le salon et offrit un sourire des plus gêné au brun, baissant la tête avant de s'engouffrer dans la salle de bain. Le dos collé contre la porte, Taehyung fixait le mur qui lui faisait face sans vraiment le voir, bien trop pensif pour ça. Fixant un point invisible, ses pensées se contraient, se mélangeaient. Il ferma les yeux, replongeant quelques heures plus tôt sans même s'en rendre compte. C'était inconscient, presque automatique, comme si les mots que Jungkook avait dit refusaient de sortir de son esprit. Alors il repassait cette scène en boucle dans sa tête, repensant à chacune de ses paroles, à chacun de ses gestes. Et c'était dingue, dingue à quel point il avait encore l'impression d'y être. Là, juste devant lui, leurs visages séparés que de quelques infimes centimètres tandis que leurs souffles se mélangeaient comme si c'était inné, naturel, habituel.
Un soupir rauque s'échappa de ses lèvres.
Il sentait encore la peau de Jungkook sous ses doigts, ses cheveux bruns et chacune des courbes parfaites de son visage. Il avait encore l'impression de sentir la casquette qu'il avait lentement fait glisser de sa tête, et puis ses mèches qu'il avait frôler de ses doigts, et puis ses lèvres... Ses lèvres.
Ses lèvres.
Il était gêné depuis, oui, mais au fond il avait surtout peur. Il avait peur de faire le mauvais choix, peur de se tromper encore et de tomber une nouvelle fois. Mais cette fois-ci encore plus bas, encore plus fort. Une chute qui cette fois-ci serait mortelle, fatale. Pour on ne sait quelle raison il avait eu le droit à une nouvelle chance, comme si son Game Over n'en était pas réellement un. Comme si c'était juste un exercice, un entrainement avant le vrai départ. Et d'un côté ça l'effrayait, ça l'angoissait, ça lui mettait la pression. Il avait peur de mal l'utiliser, de tout gâcher, foutant en l'air cette dernière chance qu'il ne devrait même pas avoir.
Il avait peur à tel point qu'il ne se reconnaissait plus, n'était plus lui-même. Non, ce n'était plus Taehyung. Il était constamment sur ses gardes, chaque bruit le faisait sursauter, le faisait trembler. Il avait du mal à dormir lorsqu'il arrivait à seulement fermer les yeux. Il avait du mal à digérer lorsque qu'il arrivait à seulement avaler quelque chose. Et puis il avait peur, il avait tout le temps peur. Peur de tout et surtout peur de n'importe quoi. Il se sentait suivi, pourchassé. Encerclé par cette constante anxiété, cette angoisse. Ce malaise aussi psychique que physique qu'il ne pouvait oublier à cause de cette foutue douleur qui ravageait son dos depuis cette nuit-là, ce moment, cet instant précis où toute sa vie est partie en fumée, explosée, brisée, complètement annihilée.
Depuis que Namjoon l'avait...
Il rouvrit subitement les yeux, secouant violemment sa tête comme s'il voulait expulser ses propres pensées loin de lui. Les chasser, les exiler de son propre corps, espérant pouvoir les faire taire pour de vrai et surtout pour de bon. C'est fou quand même, fou à quel point un simple mot pouvait autant l'effrayer. Un simple mot, oui, mais toute une histoire derrière. Une histoire que Taehyung avait l'impression de faire disparaître tant qu'il ne prononcerait pas cette phrase, ces quelques mots, ces minimes syllabes. Une histoire, une douleur et tout un traumatisme qu'il ne pourra pas surpasser tant qu'il ne s'avouera pas ce qu'il s'est passé, ce qu'on lui a fait. Tant qu'il n'avouera pas avoir été trahi, abandonné, livré à cette pure folie qui le dévorait. Berné, abusé puis dégoûté. Déçu par celui qui comptait tant. Tant qu'il n'avouera pas s'être senti poignardé dans le dos, poignardé en plein cœur. Anéanti. Détruit. À moitié-mort.
Tant qu'il n'avouera pas avoir été violé.
Un simple mot, oui.
Mais tellement plus en même temps.
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