𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐗𝐗𝐕𝐈𝐈














—    S  A  N  S    M  A  N  I  E  R  E  S    —
















負けるが勝ち






















             LE CIEL COMMENCE tout juste à s’éclaircir quand j’ouvre la porte de ma chambre. A l’extérieur, les lampadaires se sont enfin éteints tandis que je m’habillais après une douche relativement courte. Maintenant dressée de quelques tissus, le corps lavé, mon lit fait et ma pièce aérée, mon cerveau a été assez occupé pour que j’amasse le courage de faire face au professeur.

             Hier, le trajet du retour a été des plus embarrassants. Quand bien même son sauvetage ainsi que le bref moment en tête-à-tête que nous avons passé a été charmant, mon enthousiasme est vite retombé. Car Nicole a tenu à nous accompagner sur le chemin du retour.

             La poignée de minutes passées, assis à trois à l’arrière d’une limousine à les entendre converser seulement entre eux a été des plus éprouvantes. J’ai préféré faire défiler des vidéos sur un réseau social, profitant des sous-titres.

             Mais la douce voix grave digne d’un téléphone rose de la femme m’a déstabilisée.

             Belle, sensuelle, intelligente et particulièrement cultivée, elle n’a cessé de laisser entendre son savoir et sa culture. De façon bien moins condescendante que ses pairs, néanmoins. Point de regard hautain, d’élitisme dans ses propos. Elle s’est même avérée être la directrice d’un journal axé sur la diversité culturelle et la nécessité de rompre avec la tradition bourdieusienne pour mieux s’inscrire dans les études des Cultural Studies.

             Cette femme est tout bonnement parfaite. Un ventre plat menant à des jambes fines et un postérieur rebondi au-dessus desquels une poitrine généreuse et ronde conduit à des bras élégants et dont les mouvements gracieux trahissent un passé de danseuse orientale. Le tout, enrobé d’une peau délicatement satinée sans aucune imperfection, un visage aux hautes pommettes et yeux bridés, enjolivé par de longs cheveux teins en roux sans aucune racine noire et d’une splendeur mirifique.

             En de brefs termes, elle est l’incarnation des critères de beauté. Son intelligence et intellect semblent particulièrement entrainés, qu’il s’agisse de la thèse qu’elle a écrit, des deux best-sellers qu’elle a fait publier, des conférences disputées aux quatre coins du monde, du journal qu’elle a fondé ou encore du fait qu’elle est polyglotte.

             Je ne lui ai pas trouvé le moindre défaut. Si j’étais doté de tels attributs, je me permettrais au moins d’être méchante — remarque, je l’ai été, au cours des dernières années, sans me soucier outre mesure de mes qualités et défauts. Mais elle ne l’a point été. S’excusant de s’être placée devant moi en parlant à Sieg, m’assurant avec une sincérité non feinte qu’elle ne m’avait pas remarqué, elle s’est montrée des plus cordiales à mon égard.

— Quelle grosse pétasse, je murmure.

             Les gens parfaits me tapent sur le système. Car lorsqu’ils le sont vraiment, qu’en plus de posséder toutes les qualités physiques et intellectuelles possibles, ils ne se vantent pas ni ne se montre méchant, ils tissent alors un bouclier : s’en prendre à eux devient difficile car la culpabilité nous frappe immédiatement après.

             Si elle était une garce, j’en aurais déjà fait mon affaire. Mais quelque chose me retient, là.

             Sortant de ma chambre, je prends une profonde inspiration avant de rejoindre le salon. Sieg doit y préparer le déjeuner, comme tous les matins. Je n’aurais qu’à lui prêter main forte, lui montrer que moi aussi, je peux me démarquer.

             Mais mon sang se glace brusquement dans mes veines à l’instant où mes pieds se posent sur le seuil de la porte.

             Nicole. Là. Ses cheveux noués en un chignon défait, une large chemise trop grande pour elle habillant son corps et le haut de ses cuisses, virevoltant devant la gazinière où une délicate odeur s’élève de la poêle. Œuf et bacon.

             Devant elle, assis au comptoir devant un café, Sieg a enfilé un jogging et un sweatshirt. Son regard se pose immédiatement sur moi et il me lance un sourire accueillant.

— Salut, (T/P). Bien dormie ?

— Je…, je commence, prise au dépourvue. Oui.

             Ma surprise est telle que j’en oublie les règles de politesse et, sans leur demander comment eux-mêmes ont passé la nuit — aussi car je crains que la réponse ne soit « ensemble » —, je marche jusqu’au comptoir où Sieg est installé avant de saisir une pomme et de tourner les talons.

             Mais je n’ai pas le temps d’exécuter un pas de plus.

— Salut (T/P) ! Je fais le petit-déjeuner, sois gentille et repose cette pomme, s’il-te-plaît.

             Mes épaules se raidissent. Nicole. Sa voix chaude et envoutante, sa façon de formuler les mots comme si elle chantait une douce mélodie à nos oreilles… Sieg ne semble pas tilter sur la conjugaison de son verbe. Moi, si.

             Et je ne la regarde même pas lorsque je lance :

— Utilisez encore une fois l’impératif avec moi et je vous carre votre petit-déjeuner où je pense.

             Le professeur se redresse immédiatement et je devine aisément leurs yeux s’écarquillant. Je franchis la porte menant à l’autre partie de la maison et la referme aussitôt derrière moi. Non seulement je n’apprécie pas les ordres, mais la phrase en elle-même me dérange.

             « Sois gentille » ? Sérieusement ? Je suis quoi, moi, une enfant que l’on surprend, la main dans le pot de confiture ?

             Arrivée dans ma chambre, je pose la pomme sur le bureau sans même mordre dedans et m’allonge dans mon lit, saisissant mon portable. Comme hier soir, j’ouvre l’application et fait défiler quelques vidéos sans réellement y prêter attention.

             Les sujets sont divers et variés, plus ou moins intéressants. Mais quand une photographie tirée de Pinterest et légendée « Les femmes les plus inspirantes, partie 1 » laisse soudainement place au visage de Nicole sortie tout droit d’un photoshoot, je verrouille l’écran de mon portable en levant les yeux au ciel.

             Hier encore, je ne la connaissais même pas. Aujourd’hui, elle envahit ma vie.

— (T/P) ?

             La voix de Sieg est assez claire, je ressens la colère retenue dedans. Nicole est son amie et je viens de me montrer impolie à son égard, voire grossière, je m’attendais à ce qu’il passe me donner un sermon. Et, en effet, lorsque je me retourne sur mon matelas, je le vois dans l’encadrement de la porte.

             Ses yeux lancent des éclairs derrière ses lunettes et il a croisé les bras sur sa poitrine, me fusillant du regard.

— Tu peux m’expliquer ton comportement de tout à l’heure ? lance-t-il.

— Elle s’est montrée incorrecte avec moi, j’ai agi de la même façon en retour.

— Ce n’est pas exactement de cette façon que je décrirais la situation. Elle ne t’a rien fait.

             Ma mâchoire se contracte. Il la défend. Quand bien même je me suis montrée grossière, il ne peut pas nier la condescendance avec laquelle elle s’est adressée à moi. En dépit de sa courtoisie habituelle, , elle n’a pas été correcte à mon égard.

             Brutalement, je me redresse sur le lit.

— Rien fait ? « Sois gentille » ? Je suis quoi, sa gosse !? je crache.

— Non mais tu es plus jeune qu’elle alors…

— Alors quoi ? je le coupe d’un ton cassant. Je suis plus jeune que toi, je te signale, et à ce que je sache tu ne t’adresse pas à moi de cette façon parce que tu sais très bien que c’est déplacé !

— Là, tu lui donnes raison car tu te comportes comme une enfant, souligne-t-il.

— Ah ouais ?

             Me levant, je fais quelques pas en direction de la porte que je saisis.

— C’est pas ce que tu disais, y’a deux jours, je fulmine en claquant derrière moi.

             Aussitôt, je rejoins mon lit, m’y allongeant entièrement et ignorant la respiration de Sieg que j’entends, de l’autre côté de la porte. Je sais qu’il tente de se maitriser et ne pas hurler car je joue avec ses nerfs. Mais lui aussi, triture les miens.

             Nous nous rapprochons, nous draguons, échangeons même un moment passionné ponctué d’un orgasme et, surprise par celui-ci, je m’éloigne légèrement. Mais pas une journée ne s’est écoulée, pas même vingt-quatre heures avant qu’il ne se mette à rire avec Nicole comme si je n’existais pas.

             Et j’apprends en plus qu’elle a passé la nuit ici. Quelle vaste blague.

             Ma fierté en prend un coup. Mon cœur aussi. Une sensation froide et humide parcoure ma joue. Une larme. Je l’essuie d’un geste rageur, agacée, et ignore ma gorge se serrant. Il est tout à fait hors de question que je les laisse gagner en pleurant.

             Mais il me faut des réponses alors je saisis mon portable, agacée, et ouvre un contact auquel je n’aurais jamais cru toucher :









— Allô ? Ouais, c’est moi. On peut se voir ?










































— Qu’est-ce qu’il t’arrive, (T/P) ? retentit une voix grave, dans mon dos. Ta fierté est plus grosse que la tête d’Erwin, tu dois êtes dans un sacré pétrin pour me demander de te voir alors que tu me déteste.

             Brutalement, je me retourne. Sans surprise, mon regard croise deux billes d’acier plantées sous une rangée de longs cils et des sourcils fins. Au-dessus, de fines mèches de cheveux d’un noir profond contraste avec une peau aussi claire que du marbre.

             Entre les lèvres rouges de Livai Ackerman git une cigarette électronique. La fumée qu’il recrache est emprunte d’un parfum vanillé qui adoucit l’odeur acre du fleuve à côté duquel nous nous trouvons.

             Les pavés sous nos pieds ont été polis par les nombreux passants mais, en cette fraiche matinée, il n’y en a quasiment pas. Seul le ciel gris et les arbres dépourvus de feuilles nous tiennent compagnie.

— Je ne te déteste pas, je tiens juste en horreur ta compagnie mais tu n’es pas une mauvaise personne, je me défends.

             Il acquiesce.

— Que de compliments… Dis-moi ce qui t’amène.

— Nicole, je lance. Tu la connais ?

             Un rictus en coin éclaire son visage le temps d’un instant. Oui, il la connait. Et je vois à son air réjoui qu’il est même ravi de me voir, finalement. Car il a saisi la raison de ma venue.

             Mais, joignant les mains dans son dos et penchant la tête sur le côté, il fronce les sourcils, faisant mine de ne pas comprendre de quoi je parle.

— Voyons voir, Nicole, Nicole, Nicole…, répète-t-il comme s’il cherchait réellement dans les tréfonds de sa mémoire. Voyons-voir… Oh ! J’en connais une ! Nicole Wong, sino-malaisienne parlant chinois, anglais, espagnol, français, malaisien, fondatrice du journal Culte, auteure à succès, icône féministe, mannequin à ses heures perdues et tant d’autres choses… Cette Nicole Wong ?

             Ma mâchoire se contracte.

— Tu sais très bien que oui, je gronde.

— Et quel est le problème ? A part qu’à ton âge, elle parlait déjà trois langues, était majeure et de sa promo et en train d’écrire son premier best-seller ainsi que sa thèse en même temps ? Tu ne te sens pas à la hauteur ?

             Mes poings se serrent dans mon dos.

— Laisse tomber, te voir était une perte de temps. Salut.

             Je me retourne, faisant de mon mieux pour cacher ma colère mais je sais qu’il la devine et s’en délecte même. Cette ordure d’Ackerman. Il ne m’a jamais appréciée et ne compte pas le faire, à présent.

             Mais je n’ai pas le temps de m’éloigner sur les pavés, comme Nicole ce matin, il me retient.

— Un conseil pour t’éviter l’humiliation. Il est bel homme, elle est belle femme et ils ont été fiancés trois mois, par le passé.

             Aussitôt, mes jambes s’arrêtent. Mon cœur se serre et mes pensées se figent. Ses paroles me font l’effet d’une gifle magistrale.

— D’ordinaire je ne crois pas que quiconque vaille mieux qu’un autre. Mes recherches en psychologie m’ont avant tout appris qu’il n’y a pas de personne faisant le poids et d’autres non, qu’il s’agit d’atomes crochus ou qu’importe comment on appelle ces merdes.

             Sa voix me poursuit et claque l’air. Je n’ose même pas bouger.

— Je me fiche des discours bienveillants sur le « elles le valent toutes, peuvent toutes le faire qu’importe leurs capacités mentales et physiques » mais suis assez d’accord avec le message. Mais sérieusement, (T/P)…

             Mon cœur se serre. Il ne me ménage pas.











— Tu ne fais pas le poids.






















負けるが勝ち


















2025 mots

hehe tout se corse
le prochain chapitre
sera une sorte de fin
de la première partie
puisque....



le chapitre 29 se
situera plusieurs mois
plus tard !

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