𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐗𝐗𝐕𝐈














—    S  A  N  S    M  A  N  I  E  R  E  S    —
cw — très léger harcèlement
sexuel










負けるが勝ち














             LES RIRES RESONNENT à travers le restaurant aux lueurs tamisées. La pièce que j’ai vue, en arrivant, depuis le trottoir, n’est pas le lieu principal de la fête. En nous enfonçant dans quelques couloirs, Sieg m’a menée à la salle où nous buvons depuis plusieurs heures déjà.

             Une flute de champagne à la main, souriant bêtement aux jeux de mots douteux de ses collègues, j’acquiesce poliment tout en regardant les murs de bois, étagères parsemées de livres anciens et globes terrestres. Oui. Une décoration d’intello. Classe. Elégante.

             Mais les trous du cul qui l’occupent la gâchent quelque peu.

— Et qui est donc cette délicieuse jeune femme, Sieg ? sourit un homme au crâne dégarni et ventre rebondi qui doit faire quelques centimètres de moins que moi.

— Une amie, répond celui-ci en passant un bras sous le mien et posant une main sur mes doigts.

             Je déglutis péniblement.

             La façon dont Sieg vient soudain de nouer un contact physique avec ma personne est de la communication non-verbale, une façon silencieuse de signifier à l’homme devant moi que je suis « chasse gardée ». Celui-ci ne manque pas de faire couler un regard affamé sur mes jambes et fixe mon verre d’un air trop insistant.

             Un prédateur. Sans nul doute.

— Une amie ? souligne celui-ci. Alors cela signifie que…

— Non, je tonne d’une voix ferme, le coupant avant même qu’il ait l’occasion de finir sa phrase.

             Haussant les sourcils, il me gratifie d’un regard atterré. Sans doute ne s’attendait-il pas à ce que le joli bout de viande sur lequel il a posé les yeux ait une langue, en fin de compte. Mais elle en a une.

             Et j’ai affuté soigneusement celle-ci au contact des vieux croulants dans son genre.

— Pardon ? signifie-t-il. Trésor, croyez-vous pouvoir me coup…

— Oui, je le peux.

             Abasourdi, il écarquille les yeux. A ma droite, Sieg ne pipe mot, observant la scène en silence.

— Mon cher, je pense que vous devriez apprendre à votre sucre d’orge quelques règles de resp…

— Son nom est (T/P) et je n’ai pas à lui apprendre quoi que ce soit, je suis son ami, le coupe aussitôt Sieg.

             Un faible silence prend place, le temps d’accuser le choc d’une telle intervention.

— Ah et… Moi aussi, je peux couper la parole.

             Là-dessus, s’aidant de son bras enroulé autour du mien, il avance et me poussant à m’emboiter sur ses pas. Un sourire amusé aux lèvres, je l’imite aussitôt, excitée. Depuis le temps que nous avons passé à serrer des mains, sourire et parler de sujets barbants à des gens pensant valoir mieux que le restant de la population, il s’agit du premier moment de distraction de la soirée.

             Et je le savoure en attrapant un petit-four sur l’une des tables de banquet bordant le mur et drapée d’une nappe noire.

— Désolé pour cet écart de conduite, disons que Richard n’est pas connu pour se comporter en parfait… gentleman, lança-t-il.

— C’est un gros lard qui a été accusé d’harcèlement sexuel ?

— Non.

             Surprise, je m’arrête, l’obligeant à faire de même. Il s’écarte alors de moi, observant mon air abasourdi. Je ne me trompe que très rarement dans des suppositions. Mais le blond met très vite fin à mes interrogations.

— Accusé et condamné, nuance-t-il.

— Ah…

             Là-dessus, ses yeux accrochent la silhouette d’une femme rousse aux courbes raffinées, habillée d’une élégante combinaison noire et de bijoux plaqués or. Mon cœur se pince en le voyant faire. Ce n’est qu’un coup d’œil, presque anodin.

             Mais une vive aigreur s’allume en moi. Et elle s’intensifie lorsqu’il ajoute :

— Tu m’excuseras deux minutes. Nicole ? Excuse-moi !

             La splendide rousse aux hautes pommettes et jambes galbées se tourne vers le professeur en entendant son nom. Aussitôt, un sourire étire ses lèvres nacrées. Et, penchant la tête sur le côté en gratifiant l’homme d’un rictus charmeur, elle marche rapidement en sa direction.

             Se faisant, elle nous rejoint et se plante juste devant moi, m’éclipsant.

— Salut, Sieg, ça faisait longtemps, lâche-t-elle en tendant la main à hauteur de ses lèvres.

             Il saisit sa paume avant de poser un baiser tendre sur le dos de celle-ci, ne la lâchant pas du regard. Aussitôt, la façon qu’il a eu de m’accueillir, plus tôt, me revient. Je ne suis décidément pas la première à qui il fait un numéro de charme.

             Mon ventre se creuse. Sans se préoccuper de moi, elle agite son imposante crinière où se reflète les lueurs tamisées du lieu et soulève ainsi l’odeur de camomille de son shampoing. Ma gorge s’assèche.

             Un sentiment étrange me prend. Et je ne l’apprécie pas car je l’identifie aussitôt.

             Grande, majestueuse, une peau légèrement hâlée, des cheveux flamboyants, un parfum fleuri et une allure de diva… Je suis jalouse. A côté de Sieg, cette femme ne détonne pas. Non, ils semblent à leur place, ensemble.

             Cela ne doit faire que dix secondes qu’ils ont commencé à discuter mais ils semblent avoir entièrement oublié ma présence. Comme s’il n’avait fallu au professeur qu’un coup d’œil en sa direction pour que le monde devienne invisible.

             Et je ne peux m’empêcher de me dire qu’il n’a pas agis de la sorte auprès des autres invités.

— Je vais vous laisser, je lâche simplement en sachant pertinemment qu’ils ne vont pas m’entendre car ils ne m’écoutent pas.

             Mais qu’importe. Je tiens à rester élégante. Je ne vais sûrement pas poireauter indéfiniment comme une abrutie en attendant qu’ils se taisent enfin. Qui plus est, derrière une femme qui s’est expressément posée devant moi, m’éclipsant.

             Je ne suis pas avare de conversations et contacts sociaux. Sieg préfère la compagnie de Nicole à la mienne ? Ainsi soit-il. Mais qu’ils n’espèrent pas que je demeure ici comme une plante verte.

             Là-dessus, je me retourne, fendant la salle et atterrissant dans une autre. La tête haute, je m’efforce de ne rien laisser voir de ma mine déconfite. Mais aucun invité ne prête attention à moi, de toute façon. Si ma tenue a attiré les regards, au début de la soirée, tous s’y sont habitués, à présent.

             Bientôt, la musique classique et les rires redeviennent silence. Je pousse un soupir en regardant autour de moi. Il fait assez frisquet et sombre, au centre de la salle se trouve un ilot central et, autour de nous, des meubles blancs s’étalent — fours, plans de travail, gazinière. Il ne m’en faut pas plus pour deviner qu’il s’agit des cuisines. Les employés ont dû quitter les lieux. La nourriture à présent servis semble n’être que des petits-fours décongelés et du champagne, un diner à même d’être réalisés par n’importe quel serveur.

             Je pousse un soupir en regardant le sol carrelé. Mais mon repos est de courte duré.

— Tiens, tiens, tiens, je ne m’imaginais pas vous trouver ici…

             Mon sang se glace dans mes veines. Je reconnaitrais cette voix entre mille, quand bien même je ne l’ai entendu qu’une seule fois, il y a quelques minutes tout au plus. Car le grincement de ses cordes vocales, son ton viscéral et son odeur nauséabonde sont la signature de cet homme.

             Sieg ne m’a dit que peu de choses sur lui et j’ai pu en observer tout autant. Il est condescendant, s’appelle Richard et a été condamné pour harcèlement sexuel.

— Vous semblez bien moins fière, sans Sieg pour vous protégez. Oserez-vous me couper la parole, maint…

— Bien sûr que je l’oserai, je coupe en me retournant vers l’homme, le gratifiant d’un regard peu courtois.

             Il se trouve devant la porte, m’empêchant de sortir d’ici. Je devine aisément qu’il a sciemment choisi un tel emplacement. Aussitôt, mes entrailles se nouent. Un homme aussi hautain et qui traite les femmes comme des déchets ne doit pas être bien content à l’idée de s’être fait fermer le clapet par une représentante de la gent féminine.

             De son col de chemise jaillit directement sa tête, il ne semble pas avoir de cou et sa peau rougie brille tant il sue. Je frissonne, mal à l’aise. Il me gratifie d’un sourire qui ne me dit rien qui vaille.

— Bien moins fière, maintenant que Sieg vous a laissée tomber, ricane-t-il.

             Je déglutis péniblement, tentant de localiser l’endroit où peuvent bien se trouver les couteaux dans cette foutue pièce. Mais je me dois de rester aussi discrète que possible. Qui sait quel genre d’homme il peut devenir, frappé par la colère ?

— Toutes pareilles, les gonzesses. Vous vous croyez uniques au monde, sensationnelles. Jusqu’à ce qu’on vous montre que vous êtes remplaçables, crache-t-il.

             Je ne réponds pas mais me tend quand il fait un pas en ma direction.

— Il vous a peut-être acheté une robe chère mais ça veut pas dire que vous, vous l’êtes. C’est comme enveloppé de la merde avec de la soie, tenter de rendre beau le laid.

             Un nouveau pas. Je recule, cette fois-ci.

— Et vous croyez que parce que je vous ai parlé je m’intéresse à vous ? Quelle pétasse ! crache-t-il dans un ricanement, semblant se délecter de mes mouvements. Mais regarde-toi, tu es laide ! Une pauvre gazelle qui recule devant le grand méchant loup !

             Vite, un couteau. Cet homme ne va pas me laisser m’en tirer, je le sens. Il me faut trouver une arme dans les plus brefs délais. Impérativement. Rapidement.

— Et Sieg ne t’aiderait pas. Il est trop occupé à faire du gringue à cette Nicole qui est tellement mieux que vous, d’ailleurs.

— Ah oui, et qu’est-ce que vous en savez ?

             Un sursaut me prend en entendant la voix grave de l’intéressé. Aussitôt, je lève les yeux en direction de la porte et y discerne la haute silhouette du professeur, ses yeux clairs brillant derrière leur monture dorée d’une lueur intimidante.

             Les mains rangées dans les poches de son smoking, il foudroie Richard du regard. Et un soupir de soulagement traverse mes poumons.

             Aussitôt l’homme reconnait-il Sieg qu’il file à toute vitesse, le dépassant sans un mot. Ma colère ne fait que croitre à cette vision. Devant le blond, il se montre si chétif, frêle, apeuré. Alors que face à moi, il me guette comme si je n’étais qu’une proie.

             A nouveau, l’aigreur de la jalousie m’envahit. Durant des années, j’ai tâché de me bâtir une armure, un masque à même d’effrayer n’importe qui. Mais celui-ci ne semble même plus faire effet, à présent.

             Le professeur suit Richard d’un regard noir quand il quitte les lieux. Une fois seule, j’ai à peine le temps d’ouvrir la bouche pour lui assurer d’un air colérique que j’aurais pu m’en occuper seule. Il fend la pièce, arrive à ma hauteur et saisit mon visage entre ses mains.

— Tout va bien ? Il ne t’a rien fait ? Regarde-moi, tu peux tout me dire, tu sais, lâche-t-il à toute vitesse, son regard analysant chaque parcelle de mon visage.

             Aussitôt, ma colère retombe. Car il semble si secoué, si doux, si attentif au moindre de mes maux que je réalise aussitôt ce que j’avais oublié, au cours des dernières minutes.

             Il n’est pas n’importe quel homme. Lui a été le seul à susciter mon attention, l’unique personne face à laquelle je me suis dit que l’Humain n’était peut-être pas aussi écœurant que ce que je croyais. Lui.

— T… Tout va bien, je lâche, prise au dépourvu.

— Je… C’était une mauvaise idée de t’amener ici. La plupart des gens sont sympas mais il y a quand même des ordures et… Je suis vraiment désolé, je…

— Hé, je l’interpelle doucement.

             Il se tait aussitôt. Mon visage s’adoucit et je lui offre l’un de mes très rares sourires sincères. Point de sarcasme, seulement de l’honnêteté. Son souffle se coupe face à cette vision. Fermant les yeux, je pose mon front contre le sien.

             Son eau de Cologne forme un doux nuage autour de nous qu’amplifie sa chaleur corporelle.

— Tu es intervenu, c’est tout ce qui compte. Et si tu n’avez pas été là, je comptais le planter avec un couteau. C’est sa vie, tu vous as sauvée, finalement.

             Je l’entends soupirer de soulagement. Ses mains restent sur mon visage.

— Ce qu’il a dit est faux, résonne soudain sa voix.

             Mes yeux s’ouvrent. Il s’écarte légèrement de moi et semble lire l’incompréhension sur mes traits tordus.















— Nicole n’est pas mieux que toi. Personne ne l’est.




















負けるが勝ち
























2076 mots

apparition d'un nouveau
perso qui va animer les
prochains chapitres

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