𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐗𝐗𝐈𝐈

















—    S  A  N  S    M  A  N  I  E  R  E  S    —
















負けるが勝ち


















             UN FRISSON ME parcourt. Son regard est pénétrant. Une dense chaleur se propage en volutes denses dans mon abdomen. Je frisonne. Jamais je n’ai connu telles sensations. Ma gorge est sèche.

             Les dernières heures ont été particulièrement agréables. Quelques cartons de pizza et bouteilles de soda devant des films que nous n’avons même pas réellement regardés ont suffi à détendre le moindre de mes muscles. Je me sens repue, plus en forme et détendue.

             Quoi que, avec les dernières paroles prononcées par Sieg, je ne suis pas sûre de pouvoir rester stoïque très longtemps.

             La tête légèrement penchée sur le côté, il me fixe. Ses longues jambes déployées devant lui dépassent du canapé. Son costume trois pièces jure avec les déchets de notre repas visibles sur la table basse. Mais mon esprit n’est pas concentré là-dessus.

— Alors, (T/P) ? demande-t-il.

— Je ne suis pas une cause charitable, Sieg, je réponds, sur la défensive.

             Mon ton acerbe ne lui fait ni chaud ni froid. Un sourire étire simplement ses lèvres et il gratte sa barbe d’un air songeur.

Etant donné l’allure de ton appartement et le fait que tu n’as plus d’eau chaude ni de gaz, tu es en train de te faire arnaquer, se justifie-t-il. Je te propose une alternative plus censée qui te fera économiser un paquet.

— Non, tu me propose d’emménager avec toi.

— Avec un salaire d’assistante tu arrives même pas à payer ton loyer et bouffer tous les mois, ce n’est pas normal, argumente-t-il.

— Parce que dormir sous le même toit que mon employeur et prof, c’est normal ?

             Ses yeux se plissent tandis que son sourire grandit. Il sait pertinemment que sa proposition me touche et que je m’efforce de me montrer réticente. Car il pense à moi, me tend la main, se montre particulièrement accueillant.

             Sieg Jäger est un homme bien et encore un meilleur ami.

             Il est une énigme. Car son sourire est sincère, que ses actions me réconfortent, qu’évoluer à ses côtés est enrichissant. Mais l’humain est mauvais, pourri, profiteur. Là est le paradoxe. Il n’est pas dans la nature profonde des individus de se montrer honnête et tendre la main. Je l’ai appris rudement mais j’en suis certaine, à présent.

             Alors, quand bien même je l’apprécie, qu’il me semble différent, une certaine crainte demeure. Et si j’acceptais et qu’il me mettait dehors ? Et s’il se servait de ce moyen de pression pour me trainer dans la boue ? Et si j’étais amenée à ne plus réussir à me passer de lui ?

             Chaque soir en rentrant chez moi, je saisis mon téléphone pour lui envoyer des messages. Chaque matin, je ne crains plus de me lever tant je suis heureuse à l’idée de le croiser. Nos conversations me réconfortent. Je me sens utile en sa présence.

             Cependant, la vie m’a appris à me montrer méfiante.

— Tu me payeras un loyer et participera aux courses. Ce sera comme une colocation, explique-t-il.

— C’est terriblement déplacé.

— Tu m’as trainé dans un club de striptease et trouves ça déplacé ? commente-t-il en haussant les sourcils d’un air dubitatif.

             Je plisse maladroitement mon tee-shirt, mal à l’aise. Il marque un point. Et j’avoue ne pas savoir quoi répondre durant quelques instants, prise au dépourvu. Et je me sens si petite, face à lui.

             Alors qu’il est assis, que je suis debout, son aura est si vaste et puissante qu’il m’intimide légèrement même si jamais je ne le confesserai.

             Cependant la façon qu’il a de me fixer avec son sourire en coin, ses jambes écartées, son dos enfoncé dans le canapé me fait frissonner. Il a l’exacte même posture que les clients fous de désir qui observaient les femmes, au club où je travaillais. Sauf que lui, il ne laisse rien voir de ses pensées vis-à-vis de moi.

             Un instant, quelques questions et image me traversent. Et si j’avançais et me plaçait entre ses cuisses, poserait-t-il une main sur le bas de mon dos ? Et si je me retournais pour marcher jusqu’à la porte, son regard glisserait-il jusqu’à mes hanches ? Et si je m’asseyais sur ses genoux, plongerait-il son visage dans le creux de mon épaule ?

             Ma gorge est sèche.

— Mademoiselle ? insiste-t-il.

             Sa voix me tire de mes songes honteux. Je secoue rapidement la tête, prise de court. Quant à lui, il n’a rien perdu de son rictus joueur. Celui-ci a le don de m’énerver. Sieg semble si calme, détaché tandis qu’un véritable torrent d’émotions se dégage en moi.

             Je veux lui faire ravaler son sourire.

— Pourquoi tu veux que j’emménage ? Encore envie de coucher avec une élève ? je cingle.

— Et toi ?

             Sa réponse me fait l’effet d’une claque. Deux mots. Simples. Rapides.

             Je m’attendais à bien des choses. Sa mâchoire se contractant, son poing faisant de même, un rire moqueur secouant sa poitrine ou même ses yeux roulant dans ses orbites. Oui. N’importe quoi aurait pu arriver. Mais sûrement pas cela.

— Quoi ? je lâche d’une voix étranglée, prise de court.

             Un rictus joueur encore plaqué sur ses lèvres, il se dresse soudain sur ses pieds. Une pierre tombe dans mon estomac et une forte chaleur m’envahit brutalement. Sa silhouette vient de barrer la route du soleil, assombrissant les lieux. Et l’odeur de son eau de Cologne musquée s’insinue dans mes narines.

             A présent debout, il se place devant moi. Sa chaleur se presse à moi tandis que sa main vient saisir mon menton. Je déglutis péniblement, saisie par le contact de sa peau contre la mienne. Des spasmes me parcourent.

             L’ambiance a changé en un battement de cil. Une seconde auparavant, je me moquais de lui. Maintenant, ma tête est renversée en arrière, son torse frôle le mien, mon cœur bat avec ardeur et mes yeux sont forcés de fixer les siens derrière le verre de ses lunettes rondes.

             Il ne s’était jamais montré sous cette forme face à moi.

— J’ai dit…, murmure-t-il contre mes lèvres, son souffle s’échouant sur mon visage. « Et toi » ?

             Un frisson me parcourt. Je suis muette, incapable de rétorquer quoi que ce soit.

— Tu passes ton temps à te moquer de mes aventures, t’intéresser à elles… Dis-moi, à quel point ça te démange de savoir ce qu’il se passe sous mes draps ? murmure-t-il. Pourquoi tu tiens tellement à savoir ce que je fais de mes nuits ?

             Sa voix est à peine audible, je n’arrive pas à détacher mon regard du sien. Il m’a fermement accrochée. Et j’étouffe presque sous la dense torpeur se dégageant en moi.

— Je…

             Mais je n’arrive même pas à parler.

— Est-ce que tu refuses d’emménager avec moi car tu trouverais cela déplacé de vivre avec ton employeur ? Ou parce que tu as besoin d’une excuse pour dissimuler ton obsession ?

— Obsession ? je répète, abasourdie. Mais…

— Me demander sans arrêt avec qui je couche ressemble vraiment à une fixette sur ma vie sexuelle, (T/P).

             Ma gorge est sèche. Je peine à réagir.

— Mais ce n’était que… Juste une blague…

             Ses lèvres s’esquissent à nouveau en un rictus joueur. Ma respiration est sifflante. Il laisse filer un rire. Court. Presque moqueur.

             Puis, manquant de me faire chanceler, affaiblissant encore davantage mes jambes déjà tremblantes, il glisse son visage dans le creux de mon épaule. Son souffle s’échoue sur ma peau, me faisant frissonner. Mes paupières se font lourdes.

             Je lutte contre l’envie de basculer la tête en arrière.

— Si ce n’est vraiment qu’une blague, pourquoi tes cuisses se resserrent-elles ?

             Mes yeux s’écarquillent. Mon esprit se vide. Mon cœur rate un battement. Ma gorge s’assèche.

             Mais je n’ai même pas le temps de réaliser pleinement ses paroles.

             Ses lèvres mouillées se pressent à ma gorge. Un spasme me parcourt. Mes jambes tremblent. Sa main se glisse dans le bas de mon dos pour me stabiliser. Mes yeux se révulsent dans mes paupières.

             Les sensations explosent en moi. De violentes brûlures délicieuses me happent tandis que ma tête bascule en arrière, lui laissant plus libre accès à mon cou. Sa barbe caresse celui-ci. Un gémissement nait dans ma gorge. Je mords avidement ma lèvre pour ne pas le laisser entendre mon cri mais un son parvient tout de même à franchir ma bouche.

             Contre ma peau, il rigole, la faisant vibrer. Agacée, je murmure une insulte en entendant son rire moqueur mais mon humeur change bien vite quand sa main libre vient attraper ma hanche. Mes cuisses se serrent.

             L’une de ses paumes suinte une chaleur délicieuse dans le creux de mes reins, me maintenant contre son torse. L’autre m’a saisie fermement. Et la sensation d’être à sa merci se fait à la fois évidente mais aussi étonnamment plaisante.

             Ma gorge est sèche.

             Lentement, il s’écarte de moi. Mais la chaleur ne retombe même pas. Lentement, je le vois apparaitre dans mon champ de vision, de la buée couvrant légèrement ses lunettes et son visage se colorant. Pourtant, s’il est embarrassé ou charmé, rien dans ses expressions faciales me permet de le deviner.

— J’espère que ça répondra à tes plus profondes questions.

             Là-dessus, sans même me laisser le temps d’encaisser ce qu’il vient de se produire, il tourne les talons. Les yeux écarquillés, je ne le suis pas du regard et me contente de fixer un point dans le vide, encore paralysée par la surprise.

             Mais que vient-il de se passer ?

             Mon clitoris pulse avec ardeur dans ma culotte, imitant la cadence effrénée de mon cœur. Les effluves de l’eau de Cologne de l’homme restent dans mes narines, enivrantes. Sa chaleur me paralyse.

— C’est les vacances mais je suppose que tu auras des révisions à faire pour les partiels, je te passerai mon ordinateur portable et tu pourras aussi utiliser mon PC quand je serais pas dessus.

             Les paroles de Sieg mettent du temps avant d’arriver à mon cerveau. Je suis encore sous le choc de ce qu’il vient de se passer. Et terriblement frustrée de la rapidité avec laquelle il est parti.

             Sa chaleur a laissé place à un froid désagréable. En le regardant, debout dans sa cuisine ouverte, plaçant nos verres vides dans le lave-vaisselle, je ne peux pas m’empêcher d’hausser les sourcils, abasourdie. Sérieusement ? Comment peut-il passer si aisément à autre chose ?

             Si mes sous-vêtements n’étaient pas mouillés et mon entrejambe, parcouru de pulsations, je me demanderai même si je n’ai pas rêvé ce qu’il vient de se produire.

— Pour le repas de noël, je me demandais si tu voulais que j’annule ? Après tes conversations avec Livai, il me semble évident que tu n’auras pas la tête à passer la soirée en sa compagnie. Ni avec mon frère.

             Malgré ma gorge sèche, je me force à lui répondre. Je ne veux pas lui faire le plaisir de constater qu’il a réussi à me scotcher sur place.

— Tu annulerais un diner pour moi ?

             Seulement ma phrase ressemble davantage à une réplique clichée d’une femme amoureuse et émerveillée qu’à une provocation. Mais il ne fait aucune remarque dessus et, levant les yeux vers moi, accrochant fermement mon regard, lâche simplement :

— Je ferais n’importe quoi pour que tu te sentes à l’aise.

             Mon cœur arrête de battre le temps d’un instant. Et, malgré moi, mes yeux s’humidifient.

             Il a prononcé ces paroles si promptement, d’un air si détendu… Il m’a prise au dépourvu. Comme il le fait à l’accoutumée. Mon bien-être n’a que rarement été évoqué et s’est même invisibilisé au profit de la sobriété d’Ymir.

             Alors le voir parler de celui-ci comme s’il n’était qu’une évidence est non seulement surprenant, mais aussi touchant.

             Sentant les larmes monter et peinant à garder la face devant son regard insistant, je tourne brutalement la tête sur le côté, fuyant son regard. Mentalement, je suis épuisée. Mais à son contact, je redécouvre en moi celle qui souhaite vivre, aimer, évoluer.

             J’ai eu beau le détester, être fatiguée par son comportement, à jamais je serais reconnaissante envers le hasard pour l’avoir placé sur mon chemin. Je suis fière de m’être dressée face à Andrews, l’avoir menacée. Pas seulement car là était ce qu’il fallait faire, à ce moment-là.

             Mais surtout car cette simple action m’a sauvée.

             Alors, levant à nouveau les yeux vers Sieg, ignorant la larme coulant sur ma joue, je réponds simplement avant de tourner les talons en toute hâte :














— J’accepte de vivre ici. Merci.























負けるが勝ち

























2082 mots

ça chauffe hehe

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