𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐗𝐋









—    S  A  N  S    M  A  N  I  E  R  E  S    —




































— BIEN. OUI… MERCI… Je comprends…

             Assise au comptoir ébène de la cuisine, j’observe Sieg faire les cent pas tandis que je bois une gorgée de café. Je ne suis pas habituée à le voir si agité, de bon matin. Depuis que nous nous sommes installés en Argentine, il y a plusieurs mois, j’ai coutume de me réveiller quelques minutes après lui et aller me doucher avant de descendre et lui faire un câlin de dos pendant qu’il cuisine.

             Aujourd’hui, il n’a rien préparé. Les ingrédients sont pourtant étalés sur le plan de travail. Mais il semble avoir été interrompu par cet appel téléphonique. Je n’ai même pas osé l’embrasser ni même cuisiner à sa place de peur de le déranger. Mon regard se porte sur l’horloge.

             Il lui reste une demi-heure avant que sa conférence sur les médias au sein des régimes dictatoriaux ne commence. Je crains qu’il ne soit en retard. Mais, à l’instant où j’ouvre la bouche pour l’inciter à raccrocher, il range son téléphone dans sa poche arrière avant de lever les yeux vers moi.

— Tout va bien ?

— Je… Oui…

             Légèrement égaré, il regarde autour de lui. Je me lève précautionneusement, posant mes mains sur ses épaules pour attirer son attention.

— Que s’est-il passé ? Une mauvaise nouvelle ?

— Pas vraiment, non…

             La fixant, j’attends qu’il étaye davantage. Il ne tarde pas à s’exécuter.

— Le copain d’Olympe au labo a examiné le coffre dans ton armoire. Dessus se trouvent tes empreintes, celle de Nicole mais aucune autre. En revanche, à l’intérieur, sur les bouteilles, diverses empreintes partielles reconstituées forment celles de mon père.

             Je tressaille. J’aurais dû me douter qu’il était derrière cela.

— L’encre de la lettre provient d’une machine à écrire ancienne et de collection. Carla en a une similaire et… J’ai demandé à Eren et la plupart des plantes trouvée dans le coffre… Dina en fait pousser dans une serre.

             Il semble sous le choc. Olympe a promis qu’elle nous aiderait à faire face aux menaces de Grisha. Mais jamais je n’aurais cru que nous découvririons l’implication d’autant de membres de la famille.

             L’atmosphère régnant entre Grisha, son ex-femme et son épouse actuelle est telle que je ne suis pas surprise, en fin de compte, que des gens comme eux aient eu l’idée de marier Sieg de force et le faire chanter pour qu’il cède ses faveurs sexuelles à Nicole.

             Je ne suis donc pas surprise. Mais voir combien Sieg l’est, pour sa part, me chiffonne.

— Je…, murmure-t-il d’une voix rauque. La bonne nouvelle c’est qu’on est libre car on a de quoi les faire chanter et que, même si Farlan, Olympe et Edward ont mené l’enquête en secret, ils accepteront de témoigner si cela est nécessaire. Et…

— Chut, je murmure en posant mes mains sur ses joues.

             Il tente de garder la tête haute, ne pas me montrer que ça l’affecte en parlant du bon côté d’une telle révélation mais je vois bien qu’il est touché. Et cela est tout à fait compréhensible compte tenu de ce qu’il vient d’apprendre.

             Ses yeux se posent sur les miens, embués de larmes. Doucement, je caresse sa pommette.

— Nicole a été une amie de FAC en or et j’ai eu de la peine quand je l’ai rejetée. Alors, quand elle a un peu trop insisté, je me suis dit que ce n’était qu’une conséquence logique. Mais, tu sais, quand on est arrivé ici et que tu m’as expliqué le contenu du coffret, j’ai réalisé que mon amie n’existait plus, qu’elle était devenue quelque chose de trop sombre et j’en ai fait des cauchemars.

             Je me souviens qu’il remuait dans son sommeil. Je lui avais caressé le front en lui murmurant des mots apaisants jusqu’à ce qu’il se rendorme.

— Puis j’ai dû faire le deuil de mon père chaque jour ici. Car marcher dans ce pays c’est se rappeler que je n’y suis que pour le fuir. Car il ne m’aime pas. Sinon il ne me ferait pas vivre cela.

             Une larme coule sur sa joue. Mon cœur se serre douloureusement.

— Et maintenant, ma mère qui n’était à mes yeux qu’une victime, une femme obéissant à son mari pour pouvoir revoir son fils… J’apprends qu’elle aussi a…

             Sa voix s’étrangle.

— Eren et toi êtes ma seule famille, à présent.

             Là-dessus, il enfouie son visage dans le creux de mon épaule et je le serre vigoureusement contre moi. Ses bras s’enroulent autour de ma taille et nous restons comme ça un moment. Le berçant doucement, je fredonne à son oreille pour l’apaiser, il se laisse faire.

             Puis, posant une main sur sa joue, je lève son visage vers moi :

— Tu sais ce qu’on va faire ? je demande doucement.

— Dis-moi, sourit-il.

— On va aller dans la cafétéria de ta FAC et prendre un petit-déjeuner en tête-à-tête. Puis, tu vas aller à ta conférence et moi je vais aller à la bibliothèque pour boucler ma dissertation à rendre. Ensuite on déjeune ensemble et on se retrouve ce soir pour un diner sur le balcon.

             Caressant doucement sa pommette, je sens ses muscles sous ma paume quand son sourire s’élargit.

— Ce programme me plait énormément, ma puce.

— Je suis ravie de l’entendre.

             Ses lèvres se posent sur les miennes et il se redresse, prêt à prendre sa veste. Cependant, avant de sortir de la cuisine, il marque un temps d’arrêt pour me regarder et déclare :












— J’ai vraiment de la chance de t’avoir.








































             Le trajet jusqu’ici s’est agréablement déroulé. Nous prenons des petites routes en vélo avant d’atteindre la ville ainsi que l’université. Au fond de la cour de cette dernière, une salle aux murs crèmes et couverts de poster à l’effigie de boissons chaudes forme la cafétéria.

             Deux croissants et deux cafés entre nous, nous venons d’arriver et avons une bonne quinzaine de minutes avant le début de sa classe.

— Tu aimerais rentrer ? demande-t-il.

             Mes épaules se haussent.

— J’aime bien ce pays, même si je ne suis pas restée assez dans mes différents boulots pour me faire des proches …

— J’avais oublié que tu t’étais fait renvoyer trois fois, souligne Sieg.

             J’éclate de rire :

— On avait dit qu’on ne reparlerait plus de ça !

— Tu l’avais dit toute seule, je n’ai jamais prêté allégeance ! se défend-t-il en levant les mains autour de son visage comme s’il était arrêté. Et crois-moi, je ne cesserai jamais de parler de ça ! Sérieusement, virée trois fois en deux mois !

             J’ai arrêté de chercher du travail il y a un mois, après m’être faite une nouvelle fois licenciée.

— Quant à moi, reprend Sieg plus sérieusement, il y a la barrière de la langue alors, même si je parle en théorie espagnol, je ne comprends pas la moitié des conversations et me sens donc paumé.

— Aucun d’entre nous n’a ramené d’amis à la maison donc je m’en doutais, je lance.

— C’était des vacances particulièrement longues, alors, soupire-t-il en regardant autour de lui.

— On pourra revenir et je suis sûre qu’on le fera…

             Il me sourit doucement.

— Alors, c’est décidé ?

             J’acquiesce.

— En plus, j’ajoute en penchant la tête sur le côté, même si je n’ai rien contre l’église dans laquelle on s’est marié en dix minutes chrono, je pense que j’apprécierai un peu plus de convivialité…

             Ne sachant si nous allions revenir un jour et jugeant inutile d’organiser un mariage flamboyant sans connaitre qui que ce soit à inviter, nous avons préféré faire cela rapidement. Je me suis habillée d’une robe blanche de cocktail et, un bouquet de fleurs à la main, lui ai dit oui.

             Mon regard se pose sur la bague. Ce jour-là, tandis que nous nous embrassions, heureux, il m’a promis que si on rentrait, nous nous marierons à nouveau devant un plus large public et aurions une lune de miel.

             Même si, légalement, mon nom de famille est déjà Jäger.

— Moi aussi, pour tout te dire. C’est peut-être débile mais je m’étais toujours imaginé un mariage en grande pompe avec des fleurs, des rubans, une longue robe pour ma femme, un public entassé dans une salle resplendissante…

             Un sourire étire mes lèvres.

— Tu es adorable.

             Surpris, il lève les yeux vers moi. Aussitôt, je remarque le double-sens moqueur que peut avoir une telle phrase et je me reprends.

— Je veux dire, la façon dont tu parles, tout rêveur, de ça… Je suis tellement heureuse.

             Posant une main sur sa joue, je la caresse doucement.

— On fera tout ce que tu voudras, mon amour.

— Tout ? demande-t-il.

             Mes sourcils se froncent tandis que je souris malicieusement. Je sens qu’il a une idée derrière la tête.

— Tout, j’insiste.

             Il penche la tête sur le côté.

— Disons que, quand j’ai imaginé notre retour, j’ai toujours pensé à un scénario pas du tout classique et même assez déroutant.

— Continue.

— J’aimerai envoyer les invitations pendant qu’on est ici et que la première fois que nos amis nous revoient, ce soit pendant la cérémonie. Qu’on se retrouve de cette marnière.

             Un rire m’échappe. Il doit penser que je me moque de lui car il se renfrogne légèrement mais je saisis aussitôt son visage en coupe et le force à me regarder pour le rassurer :

Ecoute-moi bien, Sieg Jäger, c’est une idée absolument étrange que je n’aurais jamais cru l’entendre de la part d’un homme habillé en costume et qui est censé être le plus sain d’esprit du couple mais c’est surtout une idée qui me plait.

             Un sourire étire ses lèvres et ses joues rosissent. L’alarme de son téléphone retentit. Il doit aller faire cours maintenant. Alors, il me murmure simplement :

— T’es la meilleure. Je t’aime.

— Pas autant que moi.

             Nos lèvres s’embrassent furtivement et il quitte la cafétéria. Je le regarde s’éloigner, mon cœur battant à toute vitesse et mon esprit voguant. Les derniers mois ont été paisibles. Personne ne nous voulait quoi que ce soit. Nous étions en connexion l’un avec l’autre même si nos boulots, travaux universitaires, courses respectives ainsi que la grande maison nous aidaient à ne pas être trop entassés.

             Maintenant, nous allons rentrer. Et, quand bien même je me suis définitivement installée avec le blond, mon cœur se réchauffe. J’ai l’impression d’être vraiment sur le point de commencer à vivre.

             Mon téléphone sonne et je réponds sans regarder réellement ce que je fais, encore dans la lune.

— Allô ? (T/P) ?

             Je sursaute presque. Cette voix, cela fait des mois maintenant que je ne l’ai pas entendue. Même un an, maintenant que j’y pense.

— Ymir ? je réponds, désarçonnée.

— Elle-même, rit-t-elle doucement.

             Elle semble plus calme qu’auparavant. Plus apaisée. Comme si, pour une fois, la cure de désintoxication avait fonctionné.

— Tout va bien ?

— A vrai dire, oui. Je t’appelle car je fais mes six mois d’abstinence aujourd’hui.

             Ma gorge se serre et mes yeux s’imbues de larmes. Elle n’est jamais allée si loin.

— Oh mais, je… Félicitation !

— Merci, rit-t-elle doucement. Je voulais juste t’appeler pour te dire que tout ça, c’est grâce à toi.

             Mon menton tremble. Je ne parviens même pas à le contrôler.

— Vraiment ?

— Oui. Et il se trouve qu’il y a une étape du programme que je foire depuis des années. Parce que je ne me tourne pas vers les bonnes personnes.

             Mon cœur bat avec ardeur. Depuis la première fois où je l’ai faite internée, je n’ai cessé d’espérer que ce jour arrive.

— Je te dois des excuses, (T/P). Car tu es la seule qui soit restée. Tu as essayé de m’aider et le manque m’a fait te haïr car tu étais le dernier rempart entre moi et la drogue. Mais, si les visites de Sieg m’ont bien appris une chose…

             Les visites de Sieg ? Il ne m’a pas dit qu’il était allé la voir. Cela dit, ça ne me surprend pas. Lorsqu’elle a atteint la fin de sa cure, je vivais encore dans l’appartement d’Eren et nous n’avions aucune raison de nous parler.

— …c’est que tu mérites un sacré paquet d’excuses.

             Je ne sais trop ce qui me prends, à ce moment-là. Peut-être est-ce la sensation d’avoir retrouvé l’amie perdue au cours des dernières années, l’excitation ou le besoin de combler ma solitude autrement qu’avec Sieg.

— J… Je vais me marier, Ymir.

             Un éclat de rire retentit de l’autre côté du combiné.

— Sérieux !?

— On vient juste de décider de rentrer et se marier mais… Quand je ferais les invitations… Tu crois que je pourrais t’en adresser une ?

             Je crois deviner le sourire de la noiraude, derrière le téléphone et une larme coule sur ma joue.

             Mon amie est revenue.















— Rien ne me ferait plus plaisir.





































2114 mots

l'épilogue arrive la
semaine prochaine

:)

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