𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐗𝐈𝐗













—    S  A  N  S    M  A  N  I  E  R  E  S    —





















負けるが勝ち





















             MON REVEIL SE FAIT en douceur. Lentement, je suis tirée des méandres de mon inconscient par une délicate odeur. Un sourire me prend. Du café au noisette. Décidemment, Sieg est incorrigible. Et s’il continu à me bercer tous les jours avec cette senteur, je risque de m’y accoutumer.

             Ouvrant les paupières, mon regard se pose immédiatement sur la cheminée où craque un feu. Cela aussi, c’est une marque d’attention de la part du blond. Je sais qu’allumer des flammes l’agace mais, depuis qu’il sait que j’aime cette vision, il n’a de cesse de le faire.

             Aussi abruti puisse-t-il être, parfois, il est aussi quelqu’un avec le cœur sur la main.

             Cependant, mes sourcils se froncent. Que fais-je dans le bureau du professeur ? Mes derniers souvenirs remontent à hier après-midi, quand je me suis endormie dans le bureau d’Ackerman. Mes paupières étaient trop lourdes et je ne suis pas parvenue à lutter contre Morphée.

             Ma mémoire ne me permet pas de dire si j’ai marché jusqu’à ici après cela ou même si on m’a guidée. Quoi que je sois assez surprise de ne pas être dans mon appartement. Quelle heure est-il ? Peut-être ai-je fini l’entretien ici et me suis-je endormie sur le canapé ?

             Me redressant, je veille à garder la couverture sur moi. Il s’agit du manteau de Sieg. Je souris face à cette vision. Puis, en tendant la main sur ma table basse pour attraper mon téléphone, je remarque quelques objets disposés sur celle-ci.

             Des sous-vêtements dans leur emballage, un jogging gris, un tee-shirt noir, une brosse à dents et un savon dermatologique servant au visage et au corps. Mes sourcils se froncent. Un échantillon de crème hydratante de la même marque est posé à côté.

— Tu es réveillée ? résonne la voix grave du professeur, à ma gauche.

             Me tournant immédiatement, je le remarque. Le mollet droit posé sur sa cuisse gauche, il m’observe dans son habituel costume trois-pièces. Aujourd’hui, sa cravate est bleue. Ses coudes posés sur le fauteuil se termine en un stylo d’un côté et un bloc-notes de l’autre.

             Il semble cocher les cases d’’une to-do-list.

— Il est quelle heure ? je demande.

— Tôt, rendors-toi. Votre réveil sonnera dans une demi-heure.

— Alors il est quatre heures et demie, j’en conclut dans un soupir, me redressant définitivement.

             Le blond lève les yeux au ciel en voyant que je ne compte pas lui obéir et replonger dans mon sommeil.

— Pourquoi tu dors pas ? je demande.

— Je devais faire quelques allers-retours chez moi pour trouver tout ça, lance-t-il.

             Je tourne la tête vers la table basse jonchée d’objets. Il est clair que les épiceries ne sont pas ouvertes à cette heure-là, je me demande bien comment il a trouvé tout cela. Enfin, les affaires de toilettes viennent de ses réserves personnelles mais les sous-vêtements féminins…

             Il semble deviner mes questionnements intérieurs car déclare bientôt dans un rictus faussement amusé :

— Un cadeau particulièrement mature de mon père quand il a découvert que je me penchais sur les sciences humaines et pas brutes. Il juge que c’est un domaine de femme.

             Mes sourcils se haussent et je ne réfléchis pas vraiment quand je lâche :

— Qu’est-ce qu’il est con, celui-là.

             Aussitôt, je me tends, anticipant la réaction de Sieg. Mais il ne s’énerve pas ni ne contracte sa mâchoire en son habituelle moue agacée. Il se contente de sourire, visiblement amusé. Et j’avoue être décontenancée par cette réaction.

             Cela ne me dit rien qui vaille. A mesure des semaines s’écoulant aux côtés de cet homme, je perds tout bonnement la notion de manipulation. Je ne parviens plus à prédire ses réactions ni anticiper ses moments de faiblesse.

             Même pire, je n’ai ni l’envie, ni le réflexe de le faire.

— Pourquoi je suis là ? je demande.

— J’ai pensé que ce serait plus agréable pour toi de te réveiller ici. Quand tu parles de ton appartement, tu as l’air anxieuse à la simple idée d’y aller.

             Je laisse filer un soupir triste.

— Tu as bien fait et tu as raison.

             Encore embrumée par les vapeurs du sommeil, je pose la tête sur le dossier du canapé tout en le regardant au travers de mes paupières à moitié closes. Il soutient le contact visuel, une moue attendrie sur les traits. Et je peux presque sentir mon cœur battre plus fort à cette vision.

— Arrêtes de me fixer comme ça, on dirait que tu t’inquiètes pour moi.

— Mais c’est le cas, répond-t-il en penchant la tête sur le côté, suivant mon mouvement.

— Pourquoi ? Parce que je me suis faite kidnappée et ai buté le grand méchant loup ? je demande dans un rire fatigué.

— Entre autres.

             Je secoue mollement la tête contre le meuble.

— Je ne veux pas de ta pitié.

— Tu n’as pas ma pitié mais mon respect et mon admiration, murmure-t-il dans le silence apaisant de la salle, le bois craquant en fond.

             Un rire me prend. Je ferme les yeux.

— Parce que j’ai buté un mec de dos ? J’ai connu plus courageux, comme geste. Ma façon de manipuler les gens et mon intelligence, ça c’est admirable.

— Non, c’est triste.

             Mes paupières s’ouvrent à nouveau. Je fixe Sieg. Son visage est fermé, ne laissant pas de place aux doutes. Il est catégorique.

— On a pas la même définition de triste, toi et moi, je pouffe.

— Tu manipules les autres parce que tu as peur qu’en te montrant honnête avec tes sentiments, ils ne t’apprécient pas, n’est-ce-pas ?

             Je secoue mollement la tête dans un sourire, gardant celle-ci posée sur le dossier du canapé.

— Tu me crois bien plus douce que je ne le suis, professeur. Je suis juste une pétasse, va pas chercher plus loin.

             Son regard s’adoucit.

— Je te connais et tu es loin d’en être une. Tu essayes juste de te protéger.

— Je te promets que si à la fin de notre conversation tu me lâches que la séance coûte 60€ je te colle mon pied dans le fion.

             Un rire le prend.

— Je veux juste que tu réalises que tu es quelqu’un de bien.

— Mais je ne le suis pas, je réponds dans un sourire triste sans oser le regarder davantage.

— Je te vois tous les jours, tu l’es.

— Ne confonds pas celle que je suis et celle que je veux que tu crois que je suis.

             Il s’arrête un instant, légèrement surpris. Puis, d’une voix douce, tranche simplement :

— Mais je suis sûr qu’il s’agit de la même personne.

             Je me retourne sur le dos, m’asseyant normalement et fixant le plafond. L’atmosphère est douce, chaleureuse. Si je dois vider mon sac, dire ce que j’ai sur le cœur, c’est maintenant.

             Mais même si, à l’heure actuelle, cet homme est ma bouée de sauvetage, la raison pour laquelle je me lève le matin, je ne suis pas sûre de le vouloir.

Woaw, ambiance mystique, je lâche. On fait un chat-bite pour la détendre ?

— (T/P), appelle-t-il d’une voix ferme.

             Son ton sérieux me surprend. Je n’arrive à faire autrement que me tourner vers lui, le regardant. Son regard est calme derrière ses lunettes dorées. Et je devine à sa position qu’il ne compte pas lâcher le morceau.

             A l’instant où il ouvre les lèvres, je le comprends. Ce qu’il s’apprête à dire ne va pas me faire plaisir.

             Je me tends. Il parle.

— Pourquoi as-tu pisté cet homme, à l’origine ? Pourquoi avoir mené une enquête sur lui ?

             Je tressaille. De toutes les questions qu’il pouvait poser, celle-ci est la pire.

— Et pourquoi pas ? je réponds simplement, sur la défensive.

— (T/P)…, soupire Sieg.

             Il ne semble pas agacé, juste fatigué. Peut-être est-il las de s’inquiéter pour moi ? Je ne sais pas ce que cela peut bien faire, de s’attacher à quelqu’un qui ne va pas bien. Je crois que je serais exténuée, moi aussi. Et désireuse de mettre terme à tout cela.

             Je m’arrête un instant. Le prix à payer sera conséquent, je vais devoir me préparer à sentir son regard sur moi pendant que je débiterai mon monologue. Vais-je le supporter ? Revenir au commencement de cette histoire ?

             Accepter mes échecs ?

             Son regard se fait doux et non pressant. Je sais que si je refuse de parler, il ne ‘sen formalisera pas. Car il est comme ça, profondément humain. Tant et si bien que, le temps d’un instant, je songe sérieusement à me taire.

             Mais les mots sortent d’eux-mêmes de ma bouche, sans doute fatigués d’y avoir été retenus si longtemps.

— J’ai une amie, Ymir, qui s’était trouvé une copine du nom de Marie, je lance. C’était une vraie salope, je le haïssais de toute mon âme. Et je manquais pas de le lui faire savoir d’ailleurs à cette sale pute.

             Son simple nom écorche ma langue.

— Ymir allait bien avant de rencontrer Marie. En fait, tout le monde va bien avant de rencontrer Marie, je lâche tandis que ma gorge se serre. Mais cette meuf c’est un poison, une pompe à vitalité, un putain de chewing-gum de merde collé à ta semelle qui refuse de s’en aller.

             Sieg ne dit rien face à mon vocabulaire ordurier.

— Alors quand elle est morte, ça m’a fait ni chaud ni froid.

             Je fixe le bois craquant sous le feu de la cheminée, me rappelant de son visage défait et parcouru de tâches diverses ainsi que ses cheveux chutant constamment de son crâne. Elle avait de grands trous dans sa chevelure rousse et des dents manquantes qu’elle avait fait remplacée par des fausses.

             Tant de jolis mots pour dire que c’était une droguée.

— J’en avais rien à foutre qu’elle se défonce à l’héroïne. Mais qu’elle entraine Ymir dans cette merde, par contre, c’était différent.

             Mes yeux s’humidifient.

— Ymir allait bien avant de rencontrer cette salope. Elle avait un emploi dans une boite de luxe en parallèle de ses études et se promettait à une putain de carrière de styliste. Aujourd’hui elle tourne autour d’une barre sans même avoir conscience de le faire parce qu’elle est défoncée sans arrêt.

— J’avais cru comprendre que les travailleuses du sexe ne te dérangeaient pas, souligne Sieg.

— Bien sûr qu’elles me dérangent pas. Je m’en tamponne sérieusement, en fait. Ce qui me dérange c’est qu’Ymir avait un putain de rêve et qu’elle a été virée de son école prestigieuse après un dépistage et que maintenant elle fait un truc qui lui plait pas.

             Je ne regarde même pas le professeur, encore plongée dans mes souvenirs douloureux.

— Y’a des nanas qui kiffent avoir les regards des hommes sur elles, qu’ils soient à leur merci et ce métier est génial pour ça. Mais Ymir supporte pas d’être le centre de l’attention, elle fait pas ça par amour de ce métier mais parce qu’elle a besoin de beaucoup de liquide pour se payer sa dose.

             Je ferme les paupières pour empêcher des larmes de couler.

— Elle voulait pas, au départ. Mais Marie a pas arrêter de lui fourrer le crâne avec des conneries, lui disant qu’elles auraient une vraie expérience de couple en se défonçant ensemble. Sauf que ce que cette salope voulait c’était pas quelques joints et une partie de jambe en l’air…

             La voix meurt dans ma gorge. Si seulement j’avais été là, ce jour-là. Si j’avais pu intervenir quand cette pute l’a convaincue de faire ce qu’elle a fait.

— Tu sais combien de dose d’héroïne il faut pour rendre dépendant ? je lâche, le bout du nez humide.

— Une seule.

             J’acquiesce.

— Marie n’a eu qu’à la convaincre une seule foi de se piquer. Elle n’a plus jamais été la même depuis.

             Mon poing se serre.

— Alors non seulement j’en avais rien à secouer quand elle est morte, mais en plus quand on m’a annoncé qu’elle avait été butée, je me suis énervée de pas avoir été celle qui l’avait battue à mort, cette grosse salope, je crache entre mes dents serrées.

             Je n’ose regarder Sieg, me rendre compte du regard qu’il pose sur moi en entendant de telles paroles. Mais Marie a ruiné la vie de mon amie. Ymir a fait deux cures de désintoxe depuis et ne s’en est toujours pas remise.

             Elle assure être clean, aujourd’hui. Et je fais simplement semblant de la croire. Parce que je suis épuisée par tout cela.

— Marie a été butée par Han. Elle devait revendre sa drogue tout comme Connie sauf qu’elle, elle a préféré la consommer. C’est le genre de truc qui pardonne pas. Elle était incapable de payer ce qu’elle avait pris.

             Je me racle la gorge, tentant d’ignorer ma gorge se serrant et mon irrépressible envie de pleurer en mentionnant cet épisode de ma vie.

— J’ai discuté avec Ymir. Et elle a accepté de rester clean qui si l’ordure derrière sa mort disparaissait… Vous connaissez la suite.

             Un silence se fait suite à ma phrase. Le blond me fixe un moment, visiblement soucieux. Je ne le regarde pas, n’ose pas le faire.

             Au bout d’un certain silence, il prend enfin la parole.

— Alors tu as fait tout ça pour elle ?

— Alors j’ai fait tout ça pour elle.

— Et tu penses toujours que tu n’as pas d’amie ? demande-t-il.

             Enfin, je me tourne vers lui. Une larme coule sur ma joue mais je sourie tout de même. Un rictus triste. Il le regarde avec incompréhension, visiblement surpris par ma réaction. Et je m’empresse de l’éclairer, sentant mon cœur se fissurer quand je déclare la vérité.

— Professeur, c’était peut-être pas visible quand tu l’as rencontrée, au bar….

             Un rire sans joie me prend.
















— …Mais Ymir me hait de tout son cœur.























負けるが勝ち























2298 mots

voici un autre chapitre

avec pas mal de révélations

j'espère que ça vous aura plu

:)

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