— S A N S M A N I E R E S —
負けるが勝ち
L’AMBIANCE A RADICALEMENT changé. Les néons violets ont laissé place à des rouges et bleus. La musique de fond est à présent éteinte et un dense brouhaha a envahi les lieux. Plus de sourires enivrés. Que des moues gênées.
Assise de l’autre côté du comptoir, là où les clients ont pour habitude de siéger et en face de mon poste, je fais de mon mieux pour ne pas me tourner vers le fond de la salle. Le cadavre du professeur a beau avoir été retiré il y a une dizaine de minutes avec l’arrivée des policiers, je ne suis pas sûre que mon estomac supporterait la vue de ces bandes jaunes, ces câbles pendant et la présence encore vive du corps.
Alors, à la gauche de Sieg Jäger, je me tiens. Mes yeux sont tournés vers le visage travaillé en face du nôtre, celui d’un garçon, la façon dont de doux traits enfantins tombent sur une mâchoire carrée et des yeux bruns. Des cheveux blonds couvrent la partie supérieure de son crâne, le reste ayant été coupés à rat.
Cette coiffure doit être à la mode, j’ai vu la même sur le médiateur Livai Ackerman et le professeur Erwin Smith.
Mais je n’ai pas vraiment la tête aux tendances, de toute façon. Mes yeux analysant la posture confiante du blondinet, je le laisse saisir un carnet ainsi qu’un stylo dans sa poche. Puis, toujours sans bouger, j’écoute ses paroles.
— Je suis Colt Grice, policier, commence-t-il.
Je dois faire mon possible pour ne pas hausser un sourcil. Un calepin dans les mains, un stylo glissant à cause de la moiteur de celles-ci, des épaules légèrement voutées et une crispation apparente… Ce gars-là est nouveau. Ou, plutôt, il n’est pas encore bien habitué aux interrogatoires.
La conclusion est simple. Il n’est pas en charge de l’affaire.
— Je voulais vous demandez si vous connais…, commence-t-il en se préparant à noter nos paroles à toute vitesse.
— Et moi je préfèrerais demander ce que font un professeur et son élève dans un club de striptease, retentit une voix dans mon dos.
A l’inverse de Sieg qui se retourne brutalement, je ne me fige pas, ne me raidis pas ni même ne cherche à connaitre le visage du nouveau venu.
Son ton suffisant et son air sentencieux m’ont suffi. C’est ce mec-là, l’homme en charge de l’affaire. Cela se devine à sa façon de penser qu’il est maitre des lieux. Mais aussi à mon instinct de prédateur qui s’est éveillé en sa présence.
C’est précisément ce genre de personnes que j’adore faire tomber de leur piédestal.
— Ce n’est pas très poli de ne pas me regarder quand je vous parle, mademoiselle (T/N), reprit la voix.
— Ça ne l’est pas non plus de ne pas me faire face, me cacher son nom et faire des présomptions foireuses mais est-ce que vous m’avez vu chialer ? je rétorque.
Inutile de jouer mon petit numéro de pauvre innocente.
Il connait mon nom de famille alors que je ne l’utilise pas ici, sait que Jäger est professeur et que je suis son élève. Pas besoin d’être érudit pour savoir qu’il est allé fouiller. Et, s’il a épluché ne serait-ce qu’un dossier, il est au fait de mes tactiques de manipulation.
Comme pour corroborer mes pensées, il déclare soudain.
— Je suis ravi que vous n’essayiez pas de m’embobiner comme vos autres pigeons.
Je ne réponds pas. En face de moi, le dénommé Colt Grice demeure en suspens, attendant une action de son supérieur.
Et quand celui-ci vient se glisser derrière le bar aux côtés de son cadet, dévoilant une touffe de cheveux châtains lisses sur un visage pâle et serti de yeux bleus, je ne laisse rien voir de mon étonnement. Il est jeune pour être en charge de l’affaire.
Mais les simples paroles que nous avons échangées me laissent deviner qu’il sait parfaitement comment s’y prendre.
— Capitaine Farlan Church, annonce-t-il.
Je ne rétorque pas. Jäger non plus.
A quoi bon prétendre commencer une entente cordiale alors qu’il a entamé la conversation de façon si brutale ?
Et il revient d’ailleurs sur le sujet à la hâte.
— Je reprends donc, pourquoi êtes-vous tous les deux ici ?
— J’écris un article pour lequel je m’immerge dans le quotidien de trois personnes, mademoiselle (T/N) en fait partie. Etant donné qu’elle n’est pas danseuse mais barman, j’ai poursuivi l’expérience jusque dans son lieu de travail, comme avec les deux autres, annonce-t-il.
Les yeux glacés du châtain se posent sur moi, cherchant sans doute une trace de mensonge. Mais, lorsque je hausse un sourcil insolent avant de le regarder avec tout le mépris possible, de haut en bas, il comprend relativement rapidement que je ne crains rien.
Je vais lui apprendre à lancer des accusations pareilles.
— Sur les caméras, vous verrez que je suis resté tourné vers mademoiselle tout le long et que je n’ai pas regardé les danseuses, poursuit-il.
Je fais de mon mieux pour ne pas éclater de rire, bluffée.
Il l’avait anticipé.
Malgré la quantité astronomique de façons dont aurait pu se terminer cette soirée, il a pris en compte le fait qu’il pourrait être découvert en ces lieux et a préparé en amont une preuve de son innocence. A savoir une vidéo des caméras de surveillance le dépeignant comme irréprochable. A bien des égards, il a agi de la même façon que moi au quotidien. Il me l’a reproché par le passé mais son action est similaire à mon mot d’ordre.
L’anticipation. Ou, dans la bouche des plus agacés, la manipulation.
— Et donc cela n’a rien à voir avec le fait que vous ayez renvoyé la victime, Esther Andews, hier ? demande Farlan Church, ne se laissant pas démonter.
Là, il m’est un peu plus délicat de dissimuler ma surprise. Car je suis réellement étonnée.
Comment ça, il a renvoyé la professeure hier ?
— J’ai interrompu notre collaboration mais ne l’ai pas renvoyée, nuance, le corrige Jäger.
Je ne lui accorde aucun regard. Mais je le sens se tendre, à ma droite.
Le châtain, un rictus en coin, glisse ses mains dans les poches de sa veste en similicuir avant de se balancer légèrement sur ses pieds. Il apprécie ce moment. Il s’en délecte. Il a la sensation de nous avoir choppés la main dans le sac.
Et je suis même sûre que ses doigts le démangent déjà à l’idée de dégainer ses menottes.
— Sauf qu’après que vous ayez arrêté votre relation… professionnelle, dit-il en marquant un temps d’arrêt intentionnellement, elle a perdu ses subventions une à une.
Je sens le professeur se raidir, à ma droite. Il n’était visiblement pas au courant de cela.
— Hé oui, insiste le capitaine, appréciant visiblement la surprise de l’homme. Votre chère élève n’avait pas de quoi financer sa thèse…
Je ne prends pas la peine de glisser les yeux vers le blond. Je sais pertinemment le visage traversé d’effroi qu’il doit maintenant afficher.
Car jamais il n’a eu l’intention de faire du mal à Andrews, seulement de la calmer.
— Esther Andrews avait littéralement plus de carrière depuis vingt-quatre heure, professeur, ceci à cause de vous. Et maintenant, elle est morte.
Je n’ouvre pas les lèvres. Déclarer qu’il semble évident qu’il s’agit d’un suicide attirerait l’attention sur moi.
Surtout que, étant donné la nature des questions qui nous sont présentement posées, il est facile d’imaginer que cette mort est tout, sauf accidentelle. Et mes soupçons se voient confirmés quand le châtain reprend la parole.
— Où étiez-vous entre dix-neuf heures et vingt heures ?
— Ici, au bar, je réponds immédiatement. Les caméras peuvent le prouver.
La capitaine hausse les sourcils, semblant surpris de voir la rapidité de ma réponse. Mais, aussitôt, un sourire joueur prend place sur ses lèvres et, se penchant légèrement vers moi, il me lance :
— Si seulement tous les suspects étaient aussi prévenants que vous.
— Si seulement tous les capitaines n’étaient pas aussi grossiers que vous, je rétorque.
Pour toutes réponses, il m’offre un rire faussement amusé. Mais je coupe court à la conversation. La plaisanterie a assez duré.
— Avez-vous d’autres questions, capitaine ?
— Non ma chère, vous et votre professeur-bien-sous-tous-rapports pouvez y aller, rétorque-t-il avec un rictus charmeur que j’ignore sciemment.
Là-dessus et sans lui laisser le temps de me retenir, je me lève et quitte les lieux. Je ne me retourne pas pour savoir si Jäger me suit. A vrai dire, je m’en fiche. Bon sang, mais comment a-t-il pu se montrer aussi stupide ?
Lui, le grand professeur acclamé par les foules, met soudainement fin à une fructueuse collaboration. S’imaginait-il sincèrement que les donateurs d’Andrews ne le suivraient pas, surtout en fouillant un peu et découvrant que cette rupture était liée à la violence dont elle avait fait preuve envers une élève ? Il aurait dû se douter qu’elle perdrait ses subventions et sa carrière avec !
Même moi, j’en ai toujours été consciente. C’est d’ailleurs pour cette raison que je l’ai poussée à bout, lorsqu’elle est allée trop loin.
Pour lui faire payer son comportement.
Le froid me glace le sang quand je pousse la porte du bar. Je soupire, mes yeux se posent sur la rue assombrie par la nuit noire. Et, sans surprise, je vois quelques personnes amassées autour des barrières posées par les policiers, tentant de savoir ce qu’il se passe.
Mes muscles se figent tout de même. Car, si, à l’instant où je vois les journalistes, je me dis que leur présence en ces lieux est logique, je ne l’ai tout de même pas du tout anticipée.
Je me fige, baissant la tête par réflexe pour ne pas avoir à affronter les flashs et espérant ne pas être prise en photo.
Je n’ai sûrement pas envie de voir ma tête dans des articles au petit matin.
Mon pied se meut, prêt à me mener de nouveau jusqu’à l’intérieur du bar. Mais, à ce moment-là, je sais que le sourire carnassier de Farlan m’y attendra. Et je ne veux sûrement pas lui faire la joie de battre en retraite.
Que faire ? Ravaler ma fierté et retourner dans le bar ? Ou continuer ma route et risquer de voir demain mon visage sur internet ?
Avant d’avoir le temps de songer à quoi que ce soit, je sens soudain une masse chaude et confortable sur mon dos. Légère, souple, il me faut quelques instants, quand je vois la visière au-dessus de mes yeux, pour réaliser que quelqu’un vient de poser sur moi une veste à capuche.
Tournant légèrement la tête sur la droite, j’aperçois le professeur Jäger, un sweat grossier habillant aussi son habituel costar et dissimulant son visage. Malgré ma colère envers lui, je sens mes entrailles se tordre lorsque, me regardant par-dessus son épaule, il m’adresse un rapide clin d’œil.
— Je vous raccompagne.
Aussitôt et sans poser plus de questions, je le suis. Mes jambes se meuvent d’elles-mêmes, poursuivant sa silhouette tandis que, grâce aux policiers créant une brèche dans la foule, nous fendons celle-ci, la tête baissée pour mieux se cacher.
En dépit de la tension liée à cette situation — nous sommes envahis de flashs après qu’un corps ait été découvert — je ne me peux m’empêcher de sentir une certaine euphorie alors que je fuis, dépassant les caméras tournées dans ma direction, me détournant des éclats de lumières tentant de m’aveugler, ignorant les voix m’interpellant en espérant voir mon visage, suivant le large dos de Jäger me montrant la voie.
Quelques secondes s’écoulent, nos pas se hâtent, nous franchissons ce trottoir et, avant même que quiconque ne parvienne à se défaire des policiers et nous rejoindre, le blond m’ouvre la portière juste devant nous. Et, posant une main chaude dans mon dos, me pousse à l’intérieur du véhicule.
Un sourire étire mes lèvres malgré moi. La porte se referme. Le silence se fait. La chaleur revient. Je me sens en sécurité.
Un claquement. J’ai à peine le temps de réaliser que le professeur est entré dans la voiture, de l’autre côté. Nous sommes à présent seuls. Ses mains se posent sur le volant, je ne fais pas attention aux quelques actions qu’il fait mais le bruit du moteur suivit d’une secousse me fait savoir que nous allons bientôt quitter les lieux.
Je pousse un soupir de soulagement. La voiture se met en route. Nous nous éloignons doucement du club. En silence d’abord, au cœur de ce véhicule. Les flashs se muent en des ténèbres réconfortantes. Les cris des journalistes s’évanouissent.
Je réalise à peine qu’il est juste à côté de moi. Là, à quelques centimètres seulement.
Il brise le silence au bout d’un moment.
— Où habitez-vous ?
Je ne réponds pas tout de suite. Je n’ai pas envie de rentrer chez moi. C’est assez étrange, comme sensation. Mais, contrairement aux autres soirs, mes pieds ne me pressent pas en direction de ma maison.
Je ne l’admettrai jamais. Mais je crois que je ne suis pas prête à me retrouver de nouveau seule avec la vision du professeur Andrews en tête, pendant au bout de ces câbles.
— J’ai faim, je rétorque donc.
Mes yeux demeurent fixés sur la route s’étendant devant nous. Les immeubles plongés dans le noir, les quelques néons des enseignes illuminant les passants allant et venant. Je ne veux pas observer sa réaction.
Il m’agace.
Je devine son air suffisant, son sourire amusé face à la crainte que l’on peut deviner chez moi. Et ce qui m’énerve encore plus est que, malgré cela, je n’ai pas la moindre envie de quitter ce véhicule ni de rentrer chez moi.
Je ne veux pas être seule avec ce souvenir.
— Faites un détour dans un fastfood, s’il-vous-plaît, j’aimerai m’acheter quelque chose.
Ce ne sera qu’une dizaine de minutes de plus mais déjà cela de pris. Même si, l’estomac noué par le dégoût, je ne parviendrais pas à engloutir quoi que ce soit mais m’y contraindrais pour ne pas avoir inutilement dépensé mon argent, j’aurais au moins repoussé l’échéance.
Le professeur ne répond pas tout de suite. Je ne risque aucun regard en sa direction. Il prend finalement la parole après quelques secondes.
— J’ai aussi faim que vous mais je préférerais manger sur place, répond-t-il.
Je sens mes entrailles se soulever. Je ne sais pas s’il a deviné ma détresse ou s’il souhaite simplement réellement s’attabler. Mais une dense chaleur se répand en moi.
Je ne vais pas passer la soirée seule. J’en suis rassurée.
Je me raidis. Sa paume, chaude, vient de se poser sur la mienne. Ma gorge se serre et mes cuisses manquent de faire de même, nos mains à présent liées étant posées sur mes genoux.
Naturellement, je me tourne vers lui, surprise. Ses yeux se posent sur mes traits, mon cœur rate un battement.
— Qu’en dites-vous, mademoiselle (T/N) ?
Je maudis présentement ce professeur pour la façon qu’il a eu de me couper le sifflet si facilement.
Je suis raide, mon organe vital est éreinté à force de battre rapidement.
— Voulez-moi diner avec moi, ce soir ?
負けるが勝ち
2488 mots.
chapitre plutôt court
et pas très intéressant,
c'est plutôt une
transition hehe
j'espère que ça vous a
quand même plu et
désolée de publier aussi
tard mdrrr
j'avais totalment zappé
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