→ 𝐃𝐫𝐚𝐫𝐫𝐲 𝟒 - L'ᴇғғᴇᴛ ᴅᴇ ɢʀᴏᴜᴘᴇ - [OS pour les 200 abonnés !] - 𝓤𝓐
Harry marchait dans la neige, accompagné de ses amis Ronald, Hermione, Ginny et Luna. Neville avait préféré rester au château, frileux comme il était.
Nous étions en 8ème année. Harry, Ron et Hermione avaient préféré retourner à Poudlard après la Guerre, pour rattraper l'année qu'ils avaient perdu. Le début d'année s'était relativement bien passé, et les élèves avaient vite compris, après la mort du Seigneur des Ténèbres, que la vie de leurs proches ne tenait qu'à un bout de fil. C'est donc pour cela que depuis la rentrée, nombre étaient les couples qui s'étaient formés.
Ron et Hermione s'étaient embrassés durant la Bataille.
Ginny et Luna avaient annoncé à leurs amis et leur famille qu'elles sortaient ensemble.
Neville avait enfin avoué à Hannah les sentiments qu'il éprouvait à son égard.
Et Harry avait aperçu Dean et Seamus s'embrassant au détour d'un couloir.
Lui, en revanche, il restait seul. Il devait bien avouer qu'il était jaloux de ses amis d'avoir quelqu'un avec qui partager leur vie, mais il ne souhaitait pas non plus sortir avec n'importe qui. Après avoir tué Lord Voldemort, sa célébrité avait connu un important pic. Il ne pouvait plus faire quelques pas dans le château qu'un groupe d'admiratrices venaient lui demander des autographes ou bien s'il voulait bien accepter de sortir avec l'une d'entre elles, tout en minaudant, gloussant et en le fixant avec des yeux admiratifs. Cela l'énervait, mais il s'était toujours gardé de faire des commentaires.
D'autant plus que souvent, un groupe de Serpentard passait en le foudroyant du regard.
Même s'il désapprouvait, il comprenait : les Serpentard avaient toujours connu une admiration sans limites. Les élèves les adulaient, les considéraient comme des exemples, des idoles inaccessibles. Mais maintenant que Voldemort avait perdu, ils étaient victimes de moqueries incessantes et de regards venimeux de la part des autres élèves.
Double peine : leurs parents, pour la plupart farouches Mangemorts, avaient été incarcérés, et leur statut haut placé dans la classe sociale avait chuté pour s'écraser à six pieds sous terre.
Les professeurs étaient très durs avec eux et la plupart se faisaient harceler. Il n'était pas rare de croiser un Serpentard en pleurs lorsqu'on marchait dans les couloirs. Comme il n'était pas rare de voir un groupe d'élèves en encercler un autre pour le frapper et lui lancer des Sortilèges. À chaque fois qu'il était victime d'un tel spectacle, Harry dispersait les tyrans et aidait l'élève victime de ces coups.
Les élèves n'avaient jamais compris pourquoi il réagissait comme cela. Un des élèves lui avait même crié, une fois :
⸺ Mais pourquoi l'aides-tu ? C'est un Serpentard, un sale Mangemort, il a aidé Tu-Sais-Qui ! On ne fait que lui rendre la monnaie de sa pièce.
Harry, d'abord étonné, s'était alors vivement mis en colère :
⸺ Cela s'appelle une vengeance. Et où cela mène-t-il ? À une autre vengeance de l'autre côté. Puis une nouvelle de l'autre. C'est sans fin. Il serait temps de comprendre que la violence ne sert à rien.
L'élève s'était bien gardé de répondre. Harry avait continué :
⸺ Tu es un Gryffondor. Tu es sensé être courageux. Or, ce que tu fais est lâche. Quand j'ai tué Voldemort, j'ai mis fin à son règne de tyrannie. Pour que le monde soit en paix, meilleur. Pas pour qu'on devienne à notre tour les tyrans. Pour faire comprendre qu'on devrait tous s'allier au lieu de se faire la guerre. Cela ne mènera à rien. Maintenant excuse-toi auprès de lui.
Le Gryffondor avait tourné les talons sans ajouter un mot, et Harry avait mené le Serpentard de quatrième année jusqu'à l'infirmerie. Où Mme Pomfresh l'avait accueilli avec une froideur impressionnante dans le regard.
Pourquoi donc même après cette Guerre, après tous ces efforts sans fin, les gens ne comprenaient donc pas ? À croire que toutes leurs actions avaient été vaines !
Harry était bien préoccupé par cela. Mais malgré tout, il ne se décourageait pas. À chaque fois qu'il voyait un élève de Serpentard victime de mauvaises blagues, il l'aidait. Il espérait qu'en le voyant si altruiste, les autres élèves en prendraient de la graine.
Son combat était sans doute voué à l'échec mais Harry s'était fait la promesse de ne jamais abandonner. Quitte à y laisser sa peau. Quitte à essuyer le mépris de ses congénères. Quitte à être critiqué par le monde entier. Il suivait ses valeurs, et tant pis si cela ne plaisait pas aux autres sorciers.
⸺ Hé, Harry. Harry ! s'écria une voix en secouant l'Élu par l'épaule d'une manière courroucée.
⸺ Hein ? Oui, quoi ? réagit-il en sortant de sa rêverie.
Hermione lâcha son épaule et lui lança un regard amusé :
⸺ Tu étais parti dans tes pensées. Et comme je sais ô combien il est difficile pour toi d'en sortir, j'ai préféré te rappeler sur Terre pour que ton cerveau surchargé enregistre ce que j'étais en train de te dire avant que tu ne partes dans les contrées lointaines de ton imagination, sourit-elle.
⸺ Désolé, répondit Harry, désolé de n'avoir pas été plus attentif. Que disais-tu ?
Elle entrouvrit les lèvres comme pour ajouter quelque chose mais se ravisa et répondit à la question de son ami :
⸺ Ron et moi aimerions passer le week-end en amoureux. Cela ne t'ennuie pas ? Désolée, notre intention n'est pas de te laisser seul. Si tu es contre, on peut changer et le passer en couple une autre fois.
⸺ Oh non, allez-y. Vous êtes ensemble après tout, ce n'est pas à moi de vous dire quoi faire, répondit-il.
⸺ Merci, dans ce cas, Harry ! s'écria Hermione et lui donnant une petite tape sur le bras du plat de la main. Je vais chercher Ronald pour qu'on puisse discuter tous les trois. Pourquoi pas aller à la bibliothèque !
Harry se retint de lever les yeux au ciel en souriant. Même depuis la fin de la Guerre, même depuis qu'elle vivait une idylle parfaite avec son âme sœur, Hermione restait la même : une mordue de livres ne pouvant guère vivre éloignée d'une bibliothèque plus d'une journée.
⸺ Oui, d'accord. J'y vais ; rejoignez-moi avec Ron.
La belle Gryffondor tournoya sur elle-même puis partit en courant dans les couloirs pour retrouver son cher et tendre. De son côté, Harry resta encore quelques secondes puis partit retrouver son havre de paix qu'était son bordel de pensées, tout en laissant ses jambes couvertes de cicatrices héritées de la Guerre le porter jusqu'à la porte de la bibliothèque du château.
Après quelques pas, il s'apprêta à tourner à droite pour rejoindre le havre de Mme Pince, quand il fut violemment ramené à la réalité par un cri. Dans le couloir derrière lui, quelqu'un venait de hurler.
Il s'arrêta.
Le cri recommença, suivi d'un féroce :
⸺ Silence !
Il n'y eut plus de bruit, puis une ovation commença à s'élever : plusieurs élèves crièrent en chœur :
⸺ Un Furunculus ! Un Furunculus !
Harry grimaça, songea à Ron et Hermione qui ne tarderaient pas à arriver. Il fit encore un pas en avant, mais s'immobilisa lorsqu'il entendit un nouveau cri.
Alors il fit demi-tour et courut le plus rapidement possible vers la source du bruit. Quand il vit un cercle d'une trentaine d'élèves rassemblées autour d'un nouveau Serpentard, il resta pétrifié un instant. Puis se décida à avancer discrètement. Il ne vit d'abord rien, certains élèves lui bouchant la vue. Il soupira et finit par reculer de quelques pas, jusqu'à ce qu'il entende :
⸺ Arrêtez !
Un cri. Une plainte.
Cette voix.
Il resta quelques secondes comme pétrifié, cloué sur place, et il cligna des yeux. Tous les cris semblaient parvenir à ses tympans comme étouffés, au ralenti, tandis que les bruits des battements de son cœur lui battaient aux oreilles.
Poum.
Poum.
Poum.
POUM !
Le dernier battement semblait avoir résonné avec beaucoup plus de volume que tous les autres. Mais le bruit ne venait pas seulement de son cœur : le pauvre Serpentard venait de tomber, s'étalant par terre de tout son long.
En temps normal Harry n'aurait pas hésité : Il aurait fendu la foule, dispersé les élèves, aidé le Serpentard à se relever et l'aurait accompagné à l'infirmerie ou dans le bureau de la directrice McGonagall.
Seulement, il s'agissait de lui... et avec lui, c'était différent.
Son cœur, au plus profond de lui, le poussait à l'aider. Il était attiré par cette solution, et n'aurait sans doute pas hésité une seule seconde à la suivre si sa raison ne lui hurlait pas dans tout son être « pars ! ». Cet appel était tout aussi irrémédiablement attirant. Et pourtant... Harry hésitait.
Il ne savait que faire.
Oh, et puis zut !
Il fit un pas en avant pour repartir, mais quand un énième hurlement lui déchira les oreilles en même temps que le cœur, il se retourna, et fit alors face à la scène qui le débectait.
Il n'entendait plus rien, seulement l'ovation des élèves qui reprenait de plus belle, de plus en plus fort :
⸺ Un Crache-Limaces ! Un Furunculus !
Quand il vit l'élève lever sa baguette vers le Serpentard recroquevillé au sol, cela lui fit l'effet d'une décharge électrique dans la poitrine. Il se précipita vers l'oppresseur et lui agrippa violemment le poignet, avant de le faire tomber au sol.
Plusieurs cris indignés retentirent, mais Harry ne les écouta pas. Il se précipita vers le Serpentard et l'aida à se relever. Il n'osait pas le regarder, alors il passa son bras autour de ses épaules et fit face à la trentaine d'élèves furieux qui lui faisait face. Il respirait de plus en plus vite, résistant contre l'envie démente de cribler la foule de Sortilèges tous les plus cruellement créatifs les uns que les autres. Après quelques secondes, l'élève au sol qui s'était relevé à l'aide de deux de ses amis s'avança d'un pas furieux, et se planta devant Harry.
⸺ Pourquoi l'aides-tu ? fulmina-t-il en pointant le Serpentard d'un doigt accusateur.
Une partie des élèves foudroyait Harry du regard, une autre ne savait pas vraiment quoi dire et avaient le regard fuyant, et plusieurs enfants de première et seconde année s'éclipsaient discrètement pour ne pas avoir à faire avec toute cette histoire. Le principal agresseur recommença :
⸺ Pourquoi l'aides-tu ? C'est un Serpentard ! C'est un Mangemort ! Il a tué de nombreuses personnes dont les familles de certains d'entre nous ! Il mérite bien plus que tous les autres de payer pour cela.
Un murmure s'éleva. Un murmure d'approbation. Plusieurs élèves commençaient à élever la voix, et Harry sentit le Serpentard appuyer sur ses épaules baisser la tête. Quand une autre élève s'avança, s'immobilisant aux côtés du garçon devant l'Élu, plusieurs élèves se mirent à chuchoter de manière inquiète, et Harry perçut la mention du mot « fou ». Sans doute la manière dont les élèves le voyaient. La fille devait avoir quinze ans tout au plus. Elle paraissait bien plus, avec ses courbes très prononcées qu'on pouvait apercevoir à travers son uniforme scintillant, mais son visage trop maquillé aux joues rebondies faisait sans peine deviner son âge. Quatorze ou quinze ans. Pas plus. Mais l'étincelle brillante de ses iris bleutées si impitoyable avait de quoi effrayer. Comment se faisait-il qu'à cet âge-là cette jeune fille soit si dure ? Sans pitié ? La Guerre avait transformé les petits enfants en machines de guerre aveugles. Et même s'il savait que son combat contre ceci allait être difficile, presque impossible, Harry ne perdrait pas espoir. Il s'en était fait le serment.
⸺ Alexander a raison. C'est un Serpentard, soit un lâche fourbe et ambitieux, dans le mauvais sens du terme. Il a fait ses preuves durant la Guerre : il ne peut pas tomber plus bas. À part s'il fait le bon choix et décide de sauter du haut de la Tour d'Astronomie. C'est un Mangemort. Il a aidé Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom et a sacrifié les vies d'un grand nombre de personnes innocentes. Il aurait pu tout faire changer. Il était proche de l'ennemi, il aurait pu tout saboter. Au lieu de cela, qu'a-t-il fait ? Il a préféré détourner le regard sur tout ce qui se passait par sa faute ! Par sa faute ! Pourquoi donc a-t-il été gracié lors de son procès ? Il mériterait l'incarcération à vie ! Ce n'est qu'une ordure, un fumier malodorant qui n'a rien à faire dans le cycle de la vie !
La fille avait une voix aiguë et désagréable. Elle parlait en lançant des regards hautains et ses lèvres épaisses et parfaitement peintes de rouge à lèvres délicatement rosé formaient une moue amusée du spectacle de la souffrance des autres. Ses yeux impitoyables comportaient de longs cils bien trop maquillés et le trait d'eye-liner au-dessus de l'ombre à paupières marron pailleté lui donnaient un air intense. Et ses grands gestes superficiels qu'elle effectuait en déblatérant ce discours cruel semblaient effrayer les élèves. D'ailleurs, plusieurs propos tels qu'« impressionnante », « criante de vérité » et « intense » parvinrent aux oreilles de Harry. Mais quand la fille termina sa phrase, il sortit de ses gonds.
⸺ Il ne mérite même pas de vivre.
Harry sentit le Serpentard s'affaisser un peu plus sur ses épaules, ses respiration étouffées et rauques s'espaçaient de plus en plus... Il grimaça puis cria d'une voix aigre et forte :
⸺ Comment peux-tu dire une chose pareille ?
Les murmures spéculateurs reprirent de plus belle. Mais Harry les ignora. La fille rejeta sa longue chevelure châtain parsemée de reflets dorés parfaitement bouclée derrière ses épaules dans un geste grandiloquent.
⸺ Tu ne connais donc pas la réponse à cette question ? C'est très facile, pourtant. Je dis simplement la vérité.
La foule commença à s'agiter fortement. Harry sentit son cœur battre à ses oreilles et sa colère prendre le dessus sur sa raison. Alors il serra les poings et hurla à la fille dont l'uniforme rouge était agrémenté d'un blason Gryffondor qu'elle arborait fièrement sur sa poitrine opulente :
⸺ Non, ce n'est pas la vérité. Peut-être que c'est ta vérité, mais cela dépend du point de vue. Tu souhaites penser ceci ? Très bien ! Pense-le ! Mais ne fais pas payer ta haine aux autres. Tout est une question de point de vue. Je considère au contraire qu'il a fait preuve d'un courage qu'aucun de vous ne saurait même imaginer. Surtout toi, jeune fille.
Le garçon renifla avec mépris et passa un bras autour de la taille de sa camarade pour l'attirer près de lui.
⸺ Respecte-la, Potter. Ne lui parle pas comme cela. Mais je t'en prie, sort-nous un discours larmoyant sur le sort de ce pauvre imbécile selon ta vision.
Harry prit une grande inspiration et rougit de fureur. Il hésita à partir directement avant de réellement sortir de ses gonds, mais quand le Serpentard lâcha un faible gémissement en s'affaissant un peu plus, signe qu'il allait bientôt s'évanouir, Harry décida de continuer :
⸺ Il a grandi avec un père violent et manipulateur. Une mère effacée et froide par crainte de son mari qu'on l'avait forcé à épouser. Une tante folle, cruelle et meurtrière. Une autre tante non connue car plus courageuse que sa famille aux airs faux. Il a grandi enfermé dans un manoir, recroquevillé sur lui-même à pleurer car enfermé et sans aucune solution pour sortir de sa grande chambre impersonnelle. Quand il est arrivé à Poudlard, trop longtemps persécuté, trop longtemps silencieux face à ses cicatrices, il a voulu goûter au pouvoir, voir ce que pouvait ressentir son père quand il le battait. Seulement, ce sentiment, malsain, est devenu une chose à laquelle il ne pouvait plus se défaire. C'est comme s'il déversait tout son mal-être sur les autres. Mais il n'en était que plus mal. Ses parents, l'un par cruauté et l'autre par crainte, l'ont poussé à rejoindre les rangs de Voldemort. Le Lord s'est servi de sa faiblesse psychologique pour le faire se refermer encore plus dans les abîmes ténébreux de sa dépression. Non seulement il était au plus mal, et ce n'est pas peu dire, mais en plus il subissait l'abus de pouvoir de son Maître. C'était différent d'avec son père. Avec son père, il pouvait pleurer, supplier. Même si rien n'y faisait, il s'exprimait face à la douleur. Là, il ne pouvait pas. Et en plus il devait démontrer qu'il allait bien et qu'il était heureux. Sinon, un châtiment bien pire que la mort l'attendait... Peux-tu en dire autant de toi ? Non ! Après la Guerre, en vue de son état psychologique et de l'aide de sa mère, le Tribunal Magique l'a gracié. Heureusement ! Et alors qu'il retourne à Poulard pour recommencer sa vie de zéro, pour tenter de panser toutes ses cicatrices, voilà que vous vous amusez à rouvrir ses plaies et à verser des tonnes de sel dessus en le faisant culpabiliser ! Et il est encore là, vivant, sur ses deux pieds. Si j'étais lui, je serais fier. Et vous, qu'est-ce que vous faites ? Vous essayez de pulvériser en encore plus petit tous les petits morceaux d'une vie brisée qui se reforme lentement ? Il ne mérite pas cela. C'est trop compliqué de laisser une chance aux autres ?
Il referma la bouche pour reprendre sa respiration avoir vociféré contre cette bande de pestiférés l'avait fait se sentir mieux. Malheureusement, la fille commença à ricaner en applaudissant de manière ironique.
⸺ Vraiment... très beau discours. Je suis très touchée.
Elle fit semblant d'essuyer une larme au coin de son œil moqueur, puis continua d'une voix méchante :
⸺ En attendant, ça, c'est ta vision des choses. Et tu n'as pas à nous l'imposer. Oui, cela marche dans les deux sens Potter. Moi, j'ai perdu mes parents pendant la Guerre. J'estime que c'est à ceux qui ont causé les dommages de faire un pas pour réparer les dégâts.
⸺ Mais il y a une différence entre réparer les dégâts et payer quelque chose qu'on a déjà largement payé ! C'est donc si difficile à comprendre ? s'emporta Harry.
⸺ Il y a une différence entre protéger les plus faibles et s'allier contre son propre camp ! rugit la jeune fille en serrant les poings.
Son petit ami la serra un peu plus en lui murmurant un discours d'encouragement à l'oreille en lançant des regards meurtriers à Harry.
La foule des élèves – il ne devait en rester plus d'une vingtaine – s'agitait fortement, essayant de prévoir la suite des choses, comment tout ceci allait se dérouler, se finir.
⸺ Tu n'es pas dans mon camp, la défia Harry. Je ne te ferai pas de discours sur les « gentils » et les « méchants », tout simplement parce que c'est stupide. Aucun de nous n'est tout blanc ou tout noir à l'intérieur de lui. Il y a des nuances. Et qui donc définit ce qui est « bien » ou ce qui est « mal » ? Notre conscience. Seulement, nous n'avons pas tous la même, ni les mêmes limites de jugement. Nous n'avons pas tous les mêmes croyances, les mêmes intérêts, les mêmes valeurs, cela ne sert à rien d'essayer d'imposer les nôtres aux autres ! Tu n'es pas dans mon camp, pas parce que nous pensons différemment, mais parce que tes actions sont simplement déraisonnées et aveugles. Tu es si aveugle face à ce qu'il se passe autour de toi ! Tu n'essaies même pas de comprendre, de réfléchir, de raisonner. Non ! Ce qui se passe autour de toi, ça te passe au-dessus de la tête, car tu es trop importante pour la réalité ? Mais redescends sur Terre, un peu ! Tu n'es pas le centre du monde !
Après son laïus, Harry fendit la foule, le Serpentard toujours accroché à ses épaules, pour se diriger vers l'infirmerie. Il avait dit ce qu'il avait à dire, et il n'attendait aucune réponse. Pour le moment, cette fille idiote était bien trop bornée pour qu'on puisse lui dire quoique ce soit. Mais peut être que ce qu'il lui avait dit ce jour-là ferait le chemin jusqu'à son cerveau et qu'enfin, elle réfléchirait. Vraiment. De manière raisonnable. Il l'espérait.
Pour Harry, c'était cela, avoir de l'espoir. Se heurter à un mur, échouer à le défoncer, puis recommencer. Ne pas savoir si ce mur s'écroulera un jour, mais continuer quand même.
Il faisait la même chose avec les barrières dures comme fer érigées autour de la logique des uns et des autres qui emprisonnaient leur conscience. Pour les libérer de toute cette haine injustifiée – ou justifiée, quoique motivée par de mauvaises raisons.
Il arriverait à faire changer le monde, il le savait. Peut-être pas tout de suite, peut-être pas demain non plus. Mais pourquoi baisser les bras face à un échec ? Il fallait continuer, et alors, à force de persévérance, on pouvait arriver à tout faire.
⸺ J'espère que je ne regretterai pas le fait de t'être venu en aide, souffla-t-il au Serpentard qui grognait, proche de l'évanouissement.
Il traversa encore une bonne multitude de couloirs, bousculant quelques élèves hébétés, jusqu'à trouver l'infirmerie. Il poussa doucement la porte et demanda :
⸺ Il y a quelqu'un ? Mme Pomfresh ? Il y a un élève qui a besoin de vos soins, tout de suite.
⸺ J'arrive ! s'écria une voix féminine, avant que l'infirmière de Poudlard n'accoure, l'air paniqué.
Elle fondit sur Harry et l'aida à allonger le Serpentard sur un des petits lits de la pièce. Aussitôt, elle alla chercher plusieurs fioles de différents élixirs aux couleurs plus que douteuses dans une de ses armoires.
⸺ Que s'est-il passé, mon cher ? Pourquoi est-il dans cet état ?
Harry s'empressa de lui raconter toute l'histoire, le plus brièvement possible, mais essayant d'entrer un minimum dans les détails. Il se sentait de plus en plus stressé en voyant le pli d'inquiétude se former entre les deux sourcils de Mme Pomfresh.
⸺ Il va devoir rester à l'infirmerie une bonne semaine. Quand il sera réveillé, je compte sur vous pour lui demander de raconter toute l'histoire.
Harry hocha la tête puis alla s'asseoir au chevet du garçon. Il passa une main sur son font pour enlever les mèches qui tombaient devant les yeux du convalescent.
⸺ Malefoy, réveille-toi...
Pour toute réponse, Drago grogna.
⸺ Malefoy, je sais que nous sommes ennemis. Je sais que tu ne m'aimes pas. Je sais que tu dois te demander pourquoi je t'ai aidé. Je sais que tu es inconscient en ce moment même, mais je sais aussi que tu m'entends. Je te le dis : je t'ai aidé car je ne supporte pas de voir la souffrance des autres.
Les traits du visage tendu du blessé se détendirent légèrement, et il s'agita un peu. Harry soupira de soulagement et continua de lui parler. Malefoy se détendait peu à peu, comme rassuré inconsciemment par cette proximité, cette gentillesse, ce concept tout nouveau qu'il n'avait jamais connu.
Mme Pomfresh s'affairait à lui faire ingurgiter toutes sortes de potions et d'élixirs à l'odeur forte et piquante. Drago grimaçait, mais entendre Harry lui parler l'aider apparemment un peu à supporter ces traitements.
Après une bonne heure à répéter ce manège, l'infirmière congédia Harry en lui promettant de lui faire envoyer un hibou au réveil du convalescent. L'Élu accepta et sortit de l'infirmerie, le cœur serré.
Il marchait, sans trop savoir jusqu'où ses jambes allaient pouvoir le porter. Et quand il s'aperçut qu'il se trouvait devant la bibliothèque, sa conversation avec Hermione lui revint en tête. Merlin ! Qu'allait-il bien pouvoir trouver comme excuse pour justifier son retard ?
Mais il n'eut pas le temps de réfléchir que la porte s'ouvrit à la volée sur une Hermione furieuse.
⸺ Oh, il exagère ! Que fait-i... Oh, Harry !
Elle s'immobilisa puis le foudroya du regard.
⸺ Cela fait une heure que nous t'attendons avec Ron ! Que s'est-il encore passé ?
Le Gryffondor rentra dans la bibliothèque, son amie sur ses talons.
⸺ En voulant me rendre à notre lieu de rendez-vous, j'ai croisé un groupe d'élèves qui martyrisaient un Serpentard. Je l'ai donc aidé, en gratifiant la foule d'un long sermon au passage. Malheureusement, une petite peste m'a retardé. J'ai ensuite emmené le Serpentard à l'infirmerie, et j'ai aidé Mme Pomfresh à le soigner.
⸺ Qui était ce Serpentard pour que tu l'aides de manière aussi généreuse ? demanda Hermione, un sourcil levé.
Harry rougit et finit par avouer en s'asseyant à table :
⸺ C'était Malefoy. Mais le fait que je l'aie défendu ardemment n'a absolument rien à voir avec son identité !
Ron leva les yeux au ciel.
⸺ Merlin ! Quand lui avoueras-tu enfin tes sentiments à son égard ?
L'Élu rougit de plus belle.
⸺ Je ne vois pas de quoi tu parles.
⸺ Oh, n'essaies pas de me faire gober cela, Harry, sourit son ami. Dès que son nom est évoqué ton visage vire au rouge tomate, et passer à côté de lui te fait dire n'importe quoi ! Si ce n'est pas de l'amour, je ne sais pas ce que c'est.
⸺ Malefoy et moi sommes ennemis depuis la première fois où nos regards se sont croisés, lui rappela Harry, grognon.
⸺ Peut être bien. En attendant, il s'est passé huit ans depuis la première fois où vos regards se sont croisés, renchérit Hermione. Et je sais comment les sentiments à l'égard d'une personne peuvent changer. Rappelez-vous de notre première rencontre, à tous les trois : vous me détestiez et vous m'insultiez.
⸺ N'exagère pas non plus, sourit Ron en prenant sa copine par la taille avant de lui déposer un baiser sur la joue.
⸺ Oh, tu vois ce que je veux dire ! Tout ça pour dire, Harry, que nous avons bien vu que tes sentiments à l'égard de Drago ont changé. Après tout, comme on dit, de la haine à l'amour il n'y a qu'un pas.
Harry leva un sourcil.
⸺ Drago, hein ? Depuis quand « Malefoy » est-il devenu « Drago » ?
Hermione lui adressa un sourire à peine voilé.
⸺ Depuis que Ron et moi savons que tu ne tarderas pas à lui avouer tes sentiments. Ton amour pour lui crève les yeux !
⸺ Pourquoi ferais-je cela ? grimaça Harry, priant pour ne pas virer au cramoisi en moins de temps qu'il ne faut pour le dire.
Ron soupira.
⸺ Parce que tu viens d'avouer que tu avais des sentiments envers lui ! Harry, te connaissant, je parie que tu ne résisteras pas deux jours avant de tout lui dire. Ou alors... je vais te proposer quelque chose, d'accord ? Tu as deux jours pour lui dire avant que je ne le fasse.
⸺ N'importe quoi ! s'emporta Harry. Je ne l'aime pas ! Je ne suis pas amoureux de lui !
⸺ Deux jours, lui sourit le jeune Weasley avec un clin d'œil appuyé, avant de sortir de la bibliothèque, sur les pas d'Hermione, laissant Harry assis à la table, complètement abasourdi. Mais il n'eut pas le temps de souffler que Mme Pince se jeta sur lui en hurlant d'une voix désagréable :
⸺ Si vous ne lisez pas de livre, sortez ! Allez, dehors !
Harry ne se fit pas prier et se dépêcha de sortir de ce lieu poussiéreux gardé par cette vieille Harpie complètement folle.
Je ferais bien d'aller voir comment se porte Malefoy...
Il se dirigea vers l'infirmerie, tandis que les propos de son ami Ronald tournaient en boucle dans sa tête.
Deux jours...
Deux jours...
Deux jours...
Oh, et puis mince ! Ses amis étaient complètement à côté de la plaque s'ils pensaient qu'il était amoureux de son ennemi juré !
Et pourtant... Harry se sentait étrangement mal. Il mit son mal de gorge sur le compte du stress de voir les blessures de Malefoy avant de pousser la porte de l'infirmerie.
⸺ Pardon... Mme Pomfresh ? se hasarda-t-il en passant la tête dans l'embrasure.
⸺ Oh, mon garçon, j'étais sur le point de vous envoyer un hibou ! s'écria-t-elle en se dirigeant vers lui d'un pas précipité. Venez, il vient de se réveiller.
L'infirmière agrippa le poignet du Gryffondor et le mena jusqu'à lit où Malefoy était allongé, les yeux mi-clos. Un demi-sourire se peignait sur son visage pâle, et il avait l'air détendu. Harry resta encore quelques secondes à admirer son expression soulagée, mais il fut ramené à la réalité par la voix narquoise du Serpentard.
⸺ Potter.
Il y eut un silence gêné puis Mme Polfresh se retourna en déclarant qu'elle allait soigner les autres malades. Drago soupira.
⸺ À ce qu'il paraît c'est toi qui m'as emmené ici. Pourquoi donc ?
⸺ Y a-t-il vraiment besoin d'une raison pour aider ceux qui en ont besoin ?
Malefoy fronça les sourcils puis réfléchit.
⸺ Viens, Potter.
D'un geste, il lui enjoignit de s'asseoir à ses côtés, sur le lit où lui était allongé. D'abord hésitant, Harry finit par y aller.
⸺ Ta réponse ne me satisfait pas. Donne-moi la vraie raison.
⸺ Je te l'ai dit, Malefoy : je t'ai défendu contre leur cruauté. Ce qu'ils te faisaient... je... je ne suporte l'effet de groupe et la loi du plus fort.
⸺ Je suis plus fort qu'eux, argua Drago, soudain très sérieux, posant une main sur la paume de l'Élu, que l'intéressé retira aussitôt.
⸺ Que fais-tu ?
⸺ Si tu m'as aidé, c'est que tu veux que l'on devienne amis, non ? grogna Malefoy. Ça me paraîtrait assez logique, après tout ce qu'il s'est passé pendant la Guerre.
Harry secoua la tête.
⸺ Quoi ? Bien sûr que non !
⸺ Dans ce cas pourquoi es-tu ici ? grimaça-t-il en agrippant le poignet d'Harry d'une de ses mains pour l'empêcher de partir.
⸺ Je...
Harry se mit à rougir de cette proximité. Mais à quoi jouait donc Malefoy ?
Peut-être que Ron avait raison, finalement...
Oh non, non, non. Il devait faire sortir cette pensée de sa tête. Immédiatemment.
⸺ Tu sais quoi, Malefoy ? Je pense que la tonne d'élixirs que Mme Pomfresh vient de t'administrer te rend un peu fou, alors je reviendrai quand tu auras toute ta tête !
Le jeune Gryffondor se leva et commença à partir, furieux, quand Drago le retint en tirant sur son poignet. Harry tira un coup sec, une fois, deux fois, trois fois, pour partir, mais Drago tenait bon. Pire que cela même... on aurait dit qu'il le suppliait du regard. Pour qu'il reste.
⸺ Harry, je suis parfaitement sain d'esprit.
⸺ Laisse-moi, Malefoy ! cria Harry sans parvenir à se libérer de sa poigne.
⸺ Pas avant que tu ne m'aies répondu. Alors ?
Avec un grognement sourd, Harry se rassit sur le lit avec colère, essayant d'ignorer les battements de son cœur qui résonnaient à ses oreilles.
⸺ Je ne vois pas ce que tu voudrais que je te réponde. Je viens de te dire la vérité.
⸺ Potter, Potter, Potter. Tu mens très mal. Je sens ton pouls s'affoler.
⸺ Mais c'est parce que tu me stresses ! répliqua Harry en essayant une nouvelle fois de s'en sortir, sans grand succès. Je t'ai déjà dit la vérité !
⸺ Et bien, je vois que la mémoire a du mal à te revenir.
Il se releva avec difficulté et se cala sur son coude en regardant Harry avec agacement.
⸺ Tu veux que je te fasse recouvrer la mémoire ?
⸺ Tu m'emmer... Oh !
Harry n'eut pas le temps de finir sa phrase que Drago l'avait étouffé dans une étreinte protectrice avant de poser ses lèvres sur les siennes. Harry resta quelques secondes pétrifié avant de répondre timidement au baiser du blond. Ce n'était rien qu'un baiser chaste ; les lèvres de Drago sur celles d'Harry, et pourtant cela signifiait déjà tant. Au bout de nombreuses secondes, Drago lâcha le poignet de sa Némésis pour poser ses deux mains sur ses joues.
Ils s'embrassaient, là, en plein milieu de l'infirmerie, à la vue de tout le monde. N'importe qui pouvait les voir, commencer à lancer des rumeurs. Et pourtant, ils s'en fichaient.
Tant pis si le jugement des autres voulait les consumer à petit feu. Harry se jetterai volontiers dans ces flammes si cela lui permettait de pouvoir vivre pleinement son amour avec le petit blond arrogant qu'il aimait tant.
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