chapitre 6 ◌ menace

Passer la journée sous le soleil tapant en plein été était une chose. L'occuper en travaillant d'arrache-pied pour construire un chemin de fer en était une autre d'autant plus éreintante.

Cela dit, les jeunes n'avaient pas grand chose d'autre à faire depuis le début de leur correspondance avec Heazul. Les Azumabito remplissaient bien leur rôle d'intermédiaires entre Paradis et le reste du monde, mais cela prenait du temps. Près d'un an s'était écoulé depuis leur première rencontre, et rien de concret n'avait été fait depuis, si l'on oubliait l'estimation des ressources de l'île qui intéressaient plus que tout Heazul.

Épuisée, Ophelia passa une main sur son front humide de transpiration tout en jetant un coup d'œil au reste de la bande. Armin courait après Sasha en tentant tant bien que mal de la convaincre de lui laisser un peu d'eau tandis que Conny et Jean s'autorisaient visiblement une petite pause pour discuter. La jeune femme écarquilla les yeux lorsque Mikasa passa à côté d'elle, quatre planches de bois sur chaque épaule et le visage neutre.

Quand son regard azur se posa sur le dernier, sa main trouva immédiatement la serviette abandonnée sur le rebord de la remorque qui contenait le bois.

— Jaeger, réflexes ! signala-t-elle avant de la lui jeter au visage.

Marteau encore en main, Eren grogna de mécontentement derrière le morceau de tissu qui lui avait bel et bien atterri sur le crâne. En l'abaissant, il vit le sourire amusé d'Ophelia.

— Qu'est-ce que t'as, encore ?

— Moi, rien. Toi par contre, tu sues à grosses gouttes. On dirait un chien mouillé.

Le jeune homme lui jeta un regard agacé, mais ne dit rien et s'essuya le visage et la nuque sans se départir de son air renfrogné. Tout en levant les yeux au ciel, Ophelia se retourna pour attraper une nouvelle planche. Lorsqu'elle fit volte face une nouvelle fois afin d'aller la placer, sa vue se retrouva vite bloquée par un bout de tissu trempé qui lui atterrit sur le visage. Dégoûtée, elle secoua la tête de toutes ses forces pour chasser la serviette sans lâcher sa planche, et la renvoya aux pieds de Jean qui bondit en arrière comme un chat effrayé, à deux doigts de pousser un hurlement qui - il le savait - serait le sujet principal des railleries de ses amis jusqu'à la fin de ses jours.

Le regard noir d'Ophelia laissa place à une expression surprise au moment où elle reporta son attention sur Eren. Ce dernier semblait fier de son coup, et elle eut le temps de voir ce qui ressemblait à un sourire avant qu'il ne détourne le regard en faisant mine de se remettre au travail. Heureusement pour lui, deux cavaliers interpelèrent le groupe au même instant et attirèrent l'attention générale sur eux.

— Quelle chaleur, hein ? s'enquit Hanji une fois descendue de sa monture. Pas trop exténués ?

Remis de sa frayeur, Jean souleva son chapeau de paille pour passer une main dans ses cheveux longs tout en lançant un regard peu amène à Eren qui l'ignora royalement.

— Ben, on serait mieux au frais, mais vu qu'il faut veiller sur l'autre ahuri...

— Qu'est-ce qui vous amène ? questionna le Jaeger tandis que Levi marmonnait sa frustration de voir tous ces jeunes grandir jour après jour.

— Nous venons de recevoir une réponse des Azumabito.

Les jeunes se regroupèrent derrière Eren, tout autant intéressés par l'avancée qu'aurait pu connaître Paradis.

— C'est raté, avoua Hanji sans préambule. Heazul n'a trouvé aucun soutien. Donc c'est clair. Ce qu'ils veulent, c'est l'exclusivité des ressources naturelles de notre île. Ils n'ont jamais eu l'intention de nous aider à commercer avec d'autres pays. Il existe bien des groupes qui militent pour les droits des Eldiens... Mais c'est un tel ramassis d'hurluberlus que personne ne leur accorde le moindre crédit. De toute manière, ça arrange tout le monde que l'île du Paradis continue à être considérée comme la pire des menaces. L'existence d'un ennemi commun oblige les grandes puissances à rester Unies. Ça évite que l'équilibre des forces soit rompu.

Reposant sa planche dans la remorque, Ophelia tourna la tête vers Eren et le vit fermer les yeux un instant.

— Si je comprends bien, on reste tributaires du Grand Terrassement pour notre défense, et le sacrifice d'Historia est inévitable, c'est ça ?

— J'en ai bien peur, répondit Levi. D'ailleurs, Heazul a fait stipuler le Grand Terrassement comme condition pour notre alliance militaire.

— Plutôt logique, intervint Ophelia. Ils sont pas du genre à s'engager avec un pays qui risque d'être décimé du jour au lendemain. Pour exploiter les ressources de l'île, il faut être certain que ladite île ait de quoi se défendre en cas de besoin.

— Bon sang, souffla Armin. Le monde réclame donc de nous que nous réitérions les mêmes erreurs que nos ancêtres, il y a cent ans ? Ils décrètent unilatéralement que nous sommes des démons sans même essayer de discuter. C'est tellement absurde... Pourquoi ne pas plutôt essayer de faire la paix ?

Son meilleur ami l'observa silencieusement du coin d'œil, encore frustré de l'entendre parler ainsi, comme si tout était si simple. Aux côtés du blond, Mikasa posa une main contre sa hanche, l'air de réfléchir.

— Le problème, c'est l'ignorance. Ils ont peur de nous pour la simple raison qu'ils ignorent qui nous sommes vraiment.

— Exactement, confirma Hanji. Ça ne servirait à rien de continuer à se reposer sur les Azumabito pour sonder le monde extérieur à notre place. Nous n'obtiendrons jamais la confiance d'autrui sans aller nous-mêmes à leur rencontre. Alors... On y va !

Sous le choc, Ophelia ouvrit la bouche avant de la refermer, incapable de prendre la parole face à l'enthousiasme du major.

— Partons à la découverte de l'inconnu, et tentons d'élucider les choses ! C'est la vocation du Bataillon d'Exploration, non ?

⋇⋆✦⋆⋇ 

— Établir une base chez les Mahr, c'est audacieux ! Hanji a bien mûri le truc en cachette, on dirait !

— En tout cas, excellent plan pour déguster sur place la cuisine du terroir ! sourit Sasha.

— C'est pas le but ! L'objectif, c'est de voir le monde nos propres yeux pour mieux l'appréhender. Ce qu'il y a, c'est que ça pourra pas se faire sans l'aide de Jelena, ou celle de Madame Kiyomi.

À l'avant du wagon improvisé, aux côtés d'Armin, Ophelia garda les bras croisés devant elle. Jean, Sasha et Conny se mirent vite à débattre concernant ce qu'il serait nécessaire d'emporter pour le voyage ou non, sous le regard ennuyé de Mikasa.

— Tu veux pas y retourner ?

Surprise, Ophelia tourna la tête vers Armin. Elle haussa les épaules, peu à l'aise à l'idée de rejoindre à nouveau l'autre côté de la mer. Elle s'était promis que son retour ne se ferait que lorsqu'elle aurait l'occasion de raconter ses découvertes à sa sœur. Or, ce voyage ne lui en laisserait pas l'occasion et elle n'avait même aucune idée concernant le moyen qu'elle emploierait pour retrouver un jour sa cadette qui devait la croire morte.

— C'est déjà étonnant qu'on me laisse venir, fit-elle remarquer.

— Pas vraiment, rétorqua calmement Armin en reportant son attention sur la voie ferrée devant leur véhicule. Ça peut être pratique d'avoir quelqu'un qui connaît déjà le continent.

— J'imagine.

— Heureusement, l'Eldien est la langue officielle. On devrait pas avoir de mal à communiquer. Il faudra juste faire attention à notre accent et à notre écriture. Si nous parvenons à convaincre le reste du monde que nous sommes pacifiques... Peut-être bien que comme Hanji le suggère, les choses changeront.

En entendant ces mots, les jeunes se laissèrent envelopper par un silence plein d'espoir et de confiance en ce futur qu'ils pensaient possible. Ophelia se retourna vers eux et vit Eren baisser la tête, une lueur indescriptible dans le regard.

— Si seulement on avait un peu plus de temps, finit-il par prononcer. Sieg n'a même plus deux ans devant lui. Et moi, à peine plus de cinq. Il va être temps de décider... qui prendra la succession de mon Titan.

Ophelia garda le silence et fronça les sourcils alors que le débat commençait. Mikasa fut évidemment la première à se porter volontaire, vite rappelée à l'ordre par Jean qui lui fit remarquer qu'il y avait trop de facteurs inconnus dans ses gènes pour la laisser devenir un Titan. Mi-Ackerman, mi-asiatique, il y avait de quoi avoir des doutes. Silencieux et visiblement dépassé par ce qui était en train de se passer, Eren observa ses amis se proposer un à un. Tous étaient prêts à se sacrifier, à réduire leur espérance de vie à treize pauvres années. C'en était irritant.

— Il n'est pas question que ce soit l'un de vous, coupa-t-il alors.

Surpris, les jeunes soldats reportèrent leur attention sur lui. À nouveau, il baissa les yeux et n'osa plus les relever.

— Pourquoi ? demanda Jean.

— Parce que je tiens à vous... plus qu'à quiconque. Je veux que votre existence soit la plus longue possible.

Loin de se sentir concernée par ces belles paroles, Ophelia se contenta d'observer tous les visages qui l'entouraient prendre une teinte écarlate. Un sourire à peine discernable étira ses lèvres à cette vue.

— Rah, c'est malin ! T'as foutu tout le monde mal à l'aise, t'es content ?! s'écria Jean. Et arrête de rougir comme une tomate !

— Désolé, fit Eren.

Et, alors qu'Ophelia s'apprêtait à se retourner vers le paysage, sans pour autant cesser d'écouter Sasha et Conny débattre à propos de qui avait la peau plus rouge que l'autre ou Armin qui tentait de faire croire à Jean que cela n'était qu'une conséquence du soleil couchant, elle s'arrêta et laissa, l'espace d'un instant, son regard se perdre dans celui qu'il croisa sans le vouloir. Les joues encore roses mais l'air différent, Eren la dévisagea quelques minces secondes qui la rendirent nerveuse pour une raison inconnue.

Expliquer une telle chose aurait été difficile.

Mais ce fut à cet instant qu'elle commença à se demander... si tout n'était pas déjà écrit.

⋇⋆✦⋆⋇ 

L'inauguration officielle de la voie ferrée eut lieu quelques semaines plus tard. Le peuple de Paradis appréciait voir son île évoluer, tout semblait aller pour le mieux. Mais, ce soir-là, la concentration d'Ophelia fut loin de se focaliser sur la célébration de ce gros changement. Jelena attira son attention sans même le vouloir et l'eut pour le reste la soirée, même lorsque tout le monde rentra chez soi.

Discrète et habituée à devoir suivre des personnes suspectes sans se faire repérer, la jeune femme n'eut aucun mal à suivre la grande blonde jusqu'à un bâtiment aléatoire et inhabité. Dissimulée dans l'ombre, elle sut qu'elle avait eu raison de s'en mêler lorsqu'Eren entra à son tour. Il n'y resta pas longtemps, juste assez pour avoir une conversation confidentielle et problématique. Une fois à l'extérieur, il s'arrêta un instant et leva la tête vers le ciel, tenant l'une de ses propres mains dans l'autre. Puisqu'il lui tournait le dos, Ophelia n'avait aucun moyen de deviner ce à quoi il pouvait penser, mais de toute évidence, ce que lui avait dit Jelena ne l'avait pas laissé indifférent.

Il s'éloigna tout juste quelques secondes plus tard, la démarche déterminée. Laissant tomber son air convivial qu'elle réservait à ceux de qui elle voulait se faire accepter, Ophelia laissa ses doigts s'enrouler autour de l'arme discrète qu'elle gardait dans sa poche. En quittant le bâtiment à son tour, Jelena n'eut pas le temps de la voir surgir de l'obscurité mais ne parut pas surprise lorsque son dos cogna le mur le plus proche et qu'une lame se présenta devant sa gorge. Elle pouvait voir les yeux bleus de la jeune femme la menacer, même dans la pénombre.

— Ophelia, la salua-t-elle comme s'il s'agissait d'une conversation banale. C'est surprenant de te voir ici.

— Laisse tomber la comédie, Jelena. Tu as parlé du plan de Sieg à Eren, pas vrai ? J'étais pourtant censée être mise au courant avant. Je suis vexée.

— L'occasion s'est présentée, c'est tout. Ne sois pas en colère, on ne t'a pas oubliée.

Irritée par l'air amusé de la mercenaire, Ophelia la toisa longuement avant de se résigner à baisser son arme. Elle replia son canif et le rangea dans sa poche sans cesser d'observer Jelena qui, elle, suivait chacun de ses mouvements avec attention.

— Je t'écoute, alors. Fais-moi rêver. Je pourrais pas aider Sieg tant que je saurai pas ce qu'il veut.

La blonde se redressa dignement, souriante et le regard brillant du même éclat imprévisible qui l'illuminait dès que l'on venait à mentionner l'aîné Jaeger et tout ce qu'il pouvait bien faire de sa vie.

— Tu admettras que discuter de cela au milieu de la rue ne serait pas prudent. Allons dans un endroit plus discret.

。・:*:・゚★,。・:*:・゚☆

obadidon ophelia rigole plus là 😳
et ça va être l'heure pour elle de retourner sur le continent mahr 😳

ça promet héhé

j'espère que ce chapitre vous a plu même s'il ne s'y passe pas grand chose :)
je fais au plus vite pour la suite, comme d'hab'

à bientôt chez les azumabito 👉😎👉

Zoé

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