chapitre 41 ◌ histoire

Ophelia n'avait aucune preuve que les pro-Jaeger se tourneraient contre elle si elle se montrait, il y avait même une grande possibilité qu'ils l'invitent à les rejoindre, mais elle préféra demeurer discrète durant les vingt-quatre heures qui suivirent le début du Grand Terrassement. Durant ce lapse de temps, elle ne fit qu'observer l'évolution de la situation à Shiganshina sans jamais se montrer, à nouveau réduite à son statut d'espionne.

Floch affirmait parler pour Eren, prêt à exécuter de sang-froid tous les mercenaires Mahr qui le regarderaient de travers. Alors qu'Armin et Conny étaient encore à Ragako, Jean et Mikasa durent regarder les pro-Jaeger agir sans vraiment savoir quoi faire. Le lendemain, pourtant, Jean se tint dignement devant la foule aux côtés de Floch. Ce fut ce détail qui mit Ophelia sur la piste d'une potentielle stratégie mise en place par les amis d'Eren.

Quand la dernière ligne de Titans Colossaux dépassa Shiganshina, les soldats furent déçus de ne plus entendre ce qu'ils jugeaient être le son de leur liberté. Capuche rabattue sur la tête, Ophelia dut se retenir de leur faire sentir le mépris qu'ils lui inspiraient en passant à côté d'un groupe des leurs occupés à nettoyer les rues des dégâts de la bataille. L'affreux grondement du Grand Terrassement laissa alors place aux acclamations et à une ambiance festive qui menaça de rendre malade la jeune femme. Tous les habitants se rassemblèrent dans les rues autour de longues tables, comme s'il s'agissait d'un jour de marché totalement banal.

— On est libres !

— Vive les pro-Jaeger !

— Offrez votre cœur !

— Je trinque à Eren !

Ils étaient tous bien trop concentrés sur leur propre bêtise pour remarquer la silhouette encapuchonnée d'Ophelia traversant l'allée principale en direction d'une table particulière. Elle ne prit pas la peine de s'y asseoir lorsqu'elle la trouva et prit uniquement une part de tarte dans l'un des plats qui y étaient disposés.

— Hawk ? s'étonna Conny.

— Vous êtes revenus, commenta-t-elle. Ravie de te voir en vie, Falco.

Le gamin eut l'air gêné qu'elle lui adresse la parole. Il baissa les yeux vers la table, visiblement empli d'une certaine culpabilité.

— Vraiment désolé pour m'sieur Galliard.

— Ne t'excuse pas, coupa Ophelia avec sérieux. Il s'est sacrifié pour toi, c'était son choix. Tu n'as plus qu'à donner un sens à ce sacrifice, et je sais que tu le feras.

Falco acquiesça sans un mot, soucieux à l'idée de décevoir ses attentes mais aussi prêt à tout pour les atteindre. La jeune femme, apparemment imperturbable, avala une nouvelle part de tarte en dévisageant la personne assise à côté d'Armin - que lui-même n'avait pas remarquée. Son regard en croisa donc un autre, d'un bleu plus froid que le sien.

— Et bah, ça fait un bail, pas vrai ?

Confus, Armin tourna la tête en direction de la fille à sa droite et écarquilla les yeux tandis qu'elle se figeait, la bouche encore pleine de tarte.

— Annie ?!

— J'en déduis qu'Eren n'a pas détruit que les murs, reprit Ophelia.

— Et j'en déduis que t'as vraiment toujours été qu'une menteuse, ironisa la guerrière en essuyant les miettes qui entouraient ses lèvres d'un revers de manche. Mais ça m'étonne pas vraiment.

— Plus tard, les règlements de compte. Armin, vous avez quelque chose de prévu maintenant, pas vrai ?

Le blond leva vers elle un regard si hésitant qu'Ophelia décida de ne pas perdre son temps à essayer de les convaincre qu'elle n'était pas leur ennemie. Eux devaient craindre qu'elle fût en réalité avec les pro-Jaeger, et les pro-Jaeger l'accuseraient sans doute d'être contre eux sans chercher à réfléchir si elle se présentait à eux. Elle balaya donc sa propre question d'un vague geste de la main, loin d'avoir besoin d'entendre leur plan de la bouche de l'un des leurs pour être mise au courant.

— Non, ne dis rien, en fait. Je suis une grande fille qui peut se débrouiller et j'ai pas le temps de discuter. À tout à l'heure.

Peu d'humeur à essayer de la comprendre, Conny haussa les épaules quand son ami lui jeta un regard confus. Les deux enfants face à eux l'imitèrent et personne ne revit la soldate avant plusieurs heures, quand le plan secret qu'ils avaient bel et bien mis en place se concrétisa. Sur le toit du Q.G. militaire, à l'étonnement de Floch, Jean tira quatre coups de feu consécutifs à côté d'Onyankopon, qu'il était censé exécuter.

— C'est le signal, dit Mikasa depuis le recoin où le reste du groupe attendait de pouvoir partir.

— On a assez de nourriture et d'armes, affirma Conny depuis l'arrière d'une des deux carrioles.

— Si tout se passe comme prévu et que le Charrette a récupéré les autres, leur attention devrait être tournée de l'autre côté du bâtiment maintenant. On y va !

— C'est parti, ironisa une voix inattendue.

Stupéfaits, les soldats se retournèrent vivement pour voir Ophelia prendre appui sur le bord de l'un de leurs véhicules et monter à bord sans difficulté. Elle remit seulement en place sa capuche et haussa un sourcil dans leur direction, désinvolte.

— Bah alors, on y va ou pas ?

Mikasa échangea un regard avec son meilleur ami, qui se contenta de hocher la tête. Ophelia ne pouvait pas être du côté des pro-Jaeger, même s'ils n'avaient pas non plus la confirmation qu'elle serait plus en accord avec leurs motivations. Actuellement, deviner ses intentions se révélait impossible. Alors les deux carrioles partirent vite pour ne pas rater leur seule occasion de fuir la ville, et Armin se dit que c'était un problème à garder pour un peu plus tard.

Pour l'instant, ils devaient avant tout se mettre à l'abri.

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Il fallut récupérer Reiner sur le passage, alors endormi dans un bâtiment abandonné depuis la fin de la bataille. Gabi indiqua aux autres où elle avait laissé son cousin, puis ils purent repartir pour de bon et rejoindre le reste de leur alliance improbable. Si Ophelia se doutait bien que les soldats et les guerriers peinaient à lui faire confiance, elle ne tenta même pas de se défendre face à leurs supérieurs. À la lisière de la forêt où tout le monde se rejoignit, elle adressa donc seulement un salut ironique au général Magath et au major Hanji - sans s'étonner que cette dernière fût encore en vie. Levi, lui, était de toute manière trop en mauvais état pour lui en tenir rigueur, souffrant encore des conséquences de sa dernière altercation avec Sieg.

— Contente de te revoir vivante, Pieck, dit-elle en tapotant la grande joue du Titan Charrette lorsqu'elle le dépassa. Faites pas attention à moi, au fait ! Je devais juste prendre l'air, mais je vous serai utile en temps voulu donc pas la peine de s'inquiéter !

Perplexes, les différents membres de ce groupe inédit l'observèrent s'éloigner en direction de la forêt. Armin eut le réflexe de retenir sa meilleure amie par le bras en la voyant suivre la même direction.

— Qu'est-ce que tu fais ?

— Je veux juste lui parler, répondit Mikasa. Savoir ce qu'elle fait là.

Et Ophelia ne s'étonna pas de sa venue. Une flasque trouvée sur le marché en main, elle se trouvait déjà assise près d'un arbre et eut un rictus amusé face au visage impassible de la jeune Ackerman.

— Tu veux pas t'asseoir ? Je vais me faire mal au cou si je dois te parler comme ça.

— De quel côté tu es ?

L'ancienne espionne soupira avec lassitude. Imperturbable, Mikasa attendit sa réponse sans un mot de plus.

— Je sais pas ce que je suis censée répondre, plaisanta Ophelia après avoir avalé une nouvelle gorgée d'alcool. Je suis de mon côté à moi, alors ne t'attends pas à une réponse plus développée.

— Tu es pour le Grand Terrassement.

— Et d'où est-ce que tu sors cette information, puisque c'est pas une question ?

— Je me trompe ?

— Pourquoi je voudrais que le monde extérieur soit détruit ?

Les regards glaciaux des deux jeunes femmes se croisèrent. Mikasa n'apprécia que très peu le surplus de confiance dans celui de sa camarade. Malgré sa position physique inférieure à la sienne, elle dominait la conversation sans aucune difficulté.

— Parce que tu soutiens Eren.

Ophelia fit mine de réfléchir tout en buvant une nouvelle fois, ce qui agaça un peu plus l'asiatique. Pourtant, quand elle abaissa sa flasque, sa confiance en elle naturellement provocante laissa place à une expression sceptique.

— Justement. Tu crois vraiment qu'il aime ce qu'il fait ? rétorqua-t-elle. Tu le connais mieux que ça.

— Avant, peut-être.

Ce fut la parole de trop pour Ophelia. Elle se fit brièvement la réflexion que boire ne réussissait pas à ses talents pour le mensonge parce qu'elle se retrouvait toujours incapable de garder le contrôle sur ses émotions, mais elle se releva sur ses deux pieds pour faire face à Mikasa sans une once d'hésitation, le regard noir.

— Écoute, je me fiche de ce qu'il a pu te dire pour tu en viennes à parler autant avec ta fierté, mais il serait temps de faire preuve de plus de maturité. Tu connais Eren, au moins aussi bien que moi. Peut-être qu'il a changé, oui, exactement comme nous tous, mais tu sais ce qui n'a jamais changé ? Le fait qu'on compte pour lui, plus que tout le reste. Si une solution pour nous mettre à l'abri se proposait à lui, il se jetterait dessus sans hésiter et sans se soucier de ce que ça lui coûterait à lui, tu le sais !

Frustrée par sa propre incapacité à demeurer impassible, Ophelia serra les dents et ferma les yeux une seconde. Face à elle, la soldate laissait ses mots l'atteindre sans vraiment savoir ce qu'elle voulait en penser.

— Je t'interdis de croire qu'il aurait pu en arriver à de tels extrêmes par simple envie, par plaisir ou pour une quelconque autre raison que le manque d'alternative. C'est pas un autre Eren que celui que tu as toujours connu, affirma-t-elle durement. J'espère que tu le comprendras à temps.

— Donc tu veux l'arrêter.

— Oui, Ackerman, je veux l'arrêter. Pourquoi est-ce que je le laisserais se détruire sans bouger le petit doigt ? Je suis pas une pro-Jaeger, moi. Maintenant, si tu permets, j'aimerais être un peu seule avant que tout le monde se réunisse pour le dîner et qu'on passe tous aux règlements de compte.

Retrouvant son attitude insolente, Ophelia força un sourire et déboucha sa flasque sous le nez de Mikasa. Cette dernière n'en fit aucune remarque, secouée par cette conversation mais bien trop fière pour le montrer. Elle observa donc la jeune femme s'enfoncer un peu plus dans la forêt, sans même sentir rouler sur sa propre joue la larme qui lui avait échappé.

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Tout le monde était déjà rassemblé autour du feu de camp lorsqu'Ophelia se montra enfin de son plein gré.

— Quel joli groupe bien sage vous formez là, ricana-t-elle. Alors, qu'est-ce que j'ai raté ?

— Que des discussions palpitantes, rit nerveusement Hanji. Tu arrives pile à temps, le ragoût est prêt ! Qui en veut ?

Pieck, présente à côté du rassemblement sous sa forme de Titan, ne fut pas surprise de voir Ophelia s'installer près d'elle une fois servie. La jeune femme s'était aussi munie d'une bouteille de vin récupérée dans l'une des carioles - et Magath et Reiner se firent eux aussi la réflexion qu'elle redevenait la même Ophelia que celle qu'elle avait été après la mort de sa sœur. Aussi imprévisible qu'une grenade déjà dégoupillée, elle n'avait pas l'air ouverte aux plaisanteries ou à une quelconque conversation qu'elle ne jugerait pas nécessaire. Pieck trouvait son comportement compréhensible et ne parvenait pas à lui en vouloir malgré ses trahisons. La détester semblait plus inutile que jamais, de toute façon. Ophelia n'était plus qu'une soldate en qui personne n'avait confiance et qui avait tout perdu.

— Quel est le plan, alors ?

— En quoi le savoir te serait utile, Hawk ? lança le général Magath. Si t'es même pas fichue de rester sobre...

— Je suis très concentrée, ne vous en faites pas, sourit la jeune femme. Mais j'aimerais connaître votre plan pour déterminer à quel moment et de quelle manière je pourrai me rendre utile.

— Utile pour les pro-Jaeger, ou pour nous ? lança froidement Annie. Même de ma position, j'ai cru comprendre que t'avais un peu de mal à te décider.

— J'ai déjà eu cette conversation avec Mikasa, alors si vous pouviez vous concerter pour éviter de tous poser les mêmes questions, ça m'arrangerait. Et puis, entre nous, pas la peine de continuer à te faire passer pour une fille sans cœur, Leonhart. De notre unité, t'es sûrement la plus sensible et la plus apte à comprendre la part de faiblesse des autres. Tu t'en rendrais compte si on t'avait appris ce que qu'est une émotion, j'imagine.

Malgré cette provocation évidente, la blonde ne cilla pas face à son regard insolent et ne prit pas la peine de répondre. Magath, lui, haussa les sourcils en avalant silencieusement une gorgée de son ragoût, ravi de retrouver le caractère explosif de son élève.

— Si tu veux te rendre utile, pourquoi pas commencer par être agréable avec les autres ? intervint Armin d'un ton ferme qui étonna Ophelia.

— C'est vrai, on n'a pas besoin de s'affronter plus qu'on ne l'a déjà fait, dit Hanji. Pour répondre à ta question, Ophelia... On partira demain à l'aube. Le chemin jusqu'au port nous prendra au moins cinq heures, et ensuite, tout dépendra des Azumabito. D'après les dires de madame Kiyomi, un hydravion nous attend là-bas, amené spécialement pour observer le Grand Terrassement. On devrait pouvoir approcher l'Originel grâce à cet engin.

Le ragoût - pourtant délicieux - paru soudainement bien moins appétissant aux yeux de la jeune femme. L'Originel. Ils ne parlaient même plus d'Eren en utilisant son prénom, comme s'il n'avait toujours été que cette immense créature que beaucoup d'entre eux avaient apperçue, comme s'il n'avait plus rien d'humain. Peut-être était-ce le cas, mais elle ne le réduirait jamais à l'appellation d'un Titan de cette manière.

Loin de vouloir se mêler à la conversation plus que nécessaire, Ophelia laissa Magath tenter de soutirer des informations à Yelena. Elle ne s'étonna pas du fait que la grande blonde connaissait l'itinéraire d'Eren, puisqu'il avait passé des mois à gagner - et tromper - sa confiance. De tous ici présents, Yelena devait être celle qui digérait le moins cette situation qu'elle avait indirectement causée. Quand on finit par se tourner vers Ophelia en se demandant si elle ne saurait pas elle-même ce qu'Eren avait de prévu, elle ne prit pas la peine de se défendre et leva seulement les yeux au ciel.

— J'estime être plutôt douée pour bien gérer les informations que j'ai en ma possession, et je vois pas quel intérêt j'aurais à cacher celle-ci. Mais je dois avouer que je suis sceptique, Yelena, reprit-t-elle ensuite d'un ton inquisiteur. Si tu le sais, alors pourquoi ne pas le dire ? Toi qui t'es tant battue pour défendre ton pays d'origine des Mahr, tu veux vraiment qu'il soit rayé de la carte aujourd'hui ?

— Je t'épargne l'étape de la réflexion, Hawk, répondit Magath. Voyez-vous... Elle est tout autant Mahr que moi.

— Hein..?

Provoquant plusieurs sursauts dans l'assemblée, le Titan Charrette se redressa s'avança jusqu'à pouvoir se coucher près de Yelena. Ophelia haussa les sourcils tandis que Pieck débutait le récit de ses recherches. Elle n'avait pas digéré le piège de Yelena à Revelio, lorsqu'elle s'était déguisée en soldat lambda pour les conduire, elle et Porco, jusqu'à une trappe qui les avait bloqués durant une bonne partie de la bataille. Alors, après cela, Pieck avait décidé de mener son enquête, et élucider le mystère tournant autour de la blonde n'avait pas été si compliqué que cela.

— On a découvert que tu étais née dans une famille Mahr tout ce qu'il y a d'ordinaire, mais qu'à compter de ta première rencontre avec Sieg... Tu t'es subitement faite passer pour une ressortissante d'un petit pays annexé. Tu étais déçue de Mahr, alors tu t'es forgée une histoire. Tu t'es imaginé que ton prince et toi alliez sauver le monde... Tu t'es enfoncée dans le mensonge et tu espérais inscrire comme ça ton nom dans l'Histoire. Tant d'ambition force le respect.

Contre toute attente, Yelena esquissa un sourire et se retourna pour poser une main contre la joue du Titan. Tous les regards perplexes étaient encore braqués sur elle, mais cela semblait lui convenir. Même le ricanement amusé d'Ophelia la satisfit.

— On dirait presque que tu prétends être différente de moi. Dites-moi, quelle différence y a-t-il entre vous tous, et moi ? Sauver le monde... Existe-t-il des mots plus charmeurs que ceux-là ? Vous donner au noble enthousiasme de sauver des millions de vie, vous débarrasser de toutes les mauvaises intentions que vous gardiez en travers de la gorge comme si elles n'avaient jamais existé... C'est à ça que vous ressemblez à mes yeux, maintenant. Vous permettez qu'on se rafraîchisse un peu la mémoire ?

Personne ne prit la peine de répondre. Tous les bols de ragoûts avaient été temporairement délaissés pour écouter la Mahr, qui se lança sur la pente dangereuse du passé en contant tous les actes des personnes présentes autour d'elle, satisfaite de les voir baisser les yeux à chaque crime qu'elle citait. De la destruction du mur Maria et des immenses dégâts causés par les guerriers au massacre que les soldats de Paradis avait orchestré sur Revelio, elle ne laissa de répit à aucun des membres de leur alliance, pas même à Gabi, à qui elle rappela sans pitié le meurtre de Sasha.

Quand le regard de Yelena se posa enfin sur Ophelia, cette dernière engloutit une longue gorgée d'alcool et se remit à sourire.

— Quoi, tu sais pas par où commencer ? ironisa-t-elle. Tu sais, je comprends ton intention mais ta prise de parole reste vaine. J'ai tué des gens, comme tout le monde ici. J'ai tué des Mahr, des Eldiens, qu'est-ce que ça change de toute manière ? Je suis un monstre, si c'est ce que tu veux nous faire comprendre. On est tous des monstres, d'accord, soit. Mais tu vois, moi, j'ai passé ma vie à essayer de comprendre pourquoi on devient des monstres.

Étonnamment, personne n'interrompit la jeune femme dont le regard froid se tourna vers Magath.

— Vous avez eu une vie plutôt sympa, général, pas vrai ? Vous êtes né dans une famille Mahr, vous vous êtes engagés dans l'armée, et vous avez beau vouloir lutter contre les Eldiens, vous n'avez jamais connu une quelconque discrimination de leur part. Je me trompe ? J'ai pas fini, trancha-t-elle quand le militaire ouvrit la bouche. Je sais ce que vous allez dire. Vous allez parler de vos fameux deux mille ans d'Histoire qu'il ne faut absolument pas oublier, de l'Empire Eldien et blah, blah, blah.

Ophelia dut porter le goulot de sa bouteille de vin à ses lèvres une nouvelle fois pour réprimer un rire des plus faux.

— Mais dites-moi, général, qui ici a connu l'Empire Eldien ? Ces soldats de l'île du Paradis que vous avez face à vous, qui ne se souvenaient même plus de votre existence il y a encore quatre ans et qui n'en seraient jamais arrivés là si vous n'aviez pas vous-même relancé les hostilités, est-ce qu'ils représentaient tant un danger que cela ? Est-ce que ces enfants, continua-t-elle en désignant les guerriers d'un simple coup d'œil, méritaient vraiment d'être utilisés comme des simples armes ? Vous étiez vraiment obligé de les monter les uns contre les autres, de manipuler des gamins naïfs jusqu'à leur faire croire que tuer était leur devoir ? Et ma petite sœur, est-ce qu'elle aussi, elle devait payer pour des crimes qu'on raconte uniquement dans des livres ?

Les têtes se relevèrent lorsqu'elle prononça cette dernière phrase. Les soldats du Bataillon échangèrent des retards surpris, peu habitués à entendre parler de la vie d'Ophelia de cette manière.

— Vous voyez le mal dans les actions d'Eren et je le comprends, mais n'essayez pas de vous faire passer pour meilleur que lui. C'est pareil pour toi, Yelena. Vous êtes tous pour un génocide jusqu'à ce qu'il s'agisse de votre peuple. C'était à qui jouait le mieux la partie pour massacrer l'autre en premier, et Eren a gagné. Mais s'il ne l'avait pas fait, Paradis et tous les camps sur le continent Mahr seraient actuellement vides, ou plutôt remplis de cadavres eldiens. Alors, pourquoi on devient des monstres, tous autant que nous sommes, et pourquoi on se tue, on se ment, on se trahit ? Parce que le passé n'a jamais réellement été le passé. Ces injustes et atroces deux mille ans d'Histoire, on les écrit encore et on les écrira tant que personne ne se décidera à abattre cette barrière entre Mahr et Eldia, d'une manière où d'une autre.

Concentrée sur son propre monologue, la soldate n'ajouta que deux phrases qui laissèrent place à un long silence lourd de sens. Peut-être ses mots changeraient-ils les choses, ou peut-être pas. Elle n'y portait plus vraiment d'importance et ne le saurait sûrement jamais.

— Citer tous nos crimes n'y changera rien, parce qu'on sait tous ici qu'on les commettrait encore une fois s'il le fallait. En tant qu'humains, on est tous prêts à être le monstre de quelqu'un si ça veut dire garder ce qui compte pour nous en sécurité, non ?

。・:*:・゚★,。・:*:・゚☆

yo
je hais ce chapitre

oubliez pas de boire de l'eau

bye

Zoé

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