— Pieck, qu'est-ce que tu racontes ?
— Tu n'es pas la seule à être consciente de l'injustice du monde, Ophelia. Tu es juste la seule à avoir ouvertement agi contre elle.
Sceptique, l'ancienne aspirante croisa les bras sous sa poitrine et attendit des arguments plus convaincants que celui-ci. Si une personne de leur unité avait réussi à s'approprier l'affection des Mahr, c'était bien Pieck. Elle s'était toujours montrée loyale envers eux. Qu'elle veuille désormais retourner sa veste était improbable.
— Tu ne te serais pas mis le monde entier à dos sans un plan solide pour te mener à la victoire, reprit la guerrière en relevant les yeux vers Eren. Mais je suppose que tout ne repose pas uniquement sur le pouvoir de l'Originel. Tu as un autre atout, pas vrai ?
— Mais, intervint la gamine toujours présente entre les adultes s'observant en chiens de faïence. Pieck...
— Gabi. Pose ce fusil, maintenant.
— Peut-être, et alors ? répondit Eren. Qu'est-ce que tu veux ?
— La libération de tous les Eldiens opprimés par Mahr et le reste du monde. Et en priorité, celle de mon père qui vit toujours dans le camp. Il est la seule famille que j'ai. C'est pour qu'il puisse recevoir des soins médicaux que j'ai décidé d'intégrer l'unité des guerriers. Maintenant qu'il est guéri, ce sont mes jours qui sont comptés, et ça l'afflige terriblement. Alors, avant de le quitter et de le laisser poursuivre seul le restant de son existence, je voudrais m'assurer que l'avenir soit radieux pour les Eldiens. Pour ça, il faut anéantir Mahr. J'aimerais vous y aider. Je suis prête à tout pour exterminer leur peuple.
Le Jaeger demeura silencieux et bien conscient que, peu importe ce qu'elle manigançait, elle espérait bel et bien pouvoir offrir à son père un avenir digne de ce nom. Comme il voulait mourir avec l'idée que Paradis était à l'abri. C'était tout ce qu'ils pouvaient faire, eux qui étaient destinés à s'éteindre de manière précoce.
Scandalisée, Gabi ne put retenir ses larmes face à cet énième retournement de situation. Serrant son fusil de ses mains tremblantes, le mot « traîtresse » lui échappa avec une facilité déconcertante. Depuis toujours, on lui avait appris que les Eldiens vivant sur le continent Mahr devaient prouver leur loyauté pour être acceptés, et voilà que l'une des personnes qui lui avait servi de modèle durant ses années d'entrainement avouait elle-même que ce système était anormal. Qui devait-elle croire ? En qui pouvait-elle avoir confiance ?
Ophelia observa la scène avec attention, certaine que Pieck pensait au moins quelques mots qu'elle prononçait. Elle était intelligente. Penser qu'elle ne voyait aucun problème à la manière dont les Eldiens étaient traités partout dans le monde reviendrait à la prendre pour une ignorante.
Elle était douée pour mélanger la vérité à ce que ses interlocuteurs voulaient entendre. Ophelia s'en rendit compte lorsque son regard croisa celui d'Eren tandis que la guerrière répétait à Gabi qu'elles devaient se battre et non se laisser opprimer. Il l'interrogea silencieusement, persuadé qu'elle était capable de savoir à quel point Pieck était sincère puisqu'elles avaient grandi ensemble. D'un mouvement presque imperceptible, la jeune femme secoua alors la tête.
— Jouer les loyaux Eldiens ne nous mènera absolument nulle part. Le seul moyen d'acquérir nos droits, c'est en luttant.
— Prouve-le, coupa Eren.
Les regards des deux Eldiennes venues de Mahr se posèrent instantanément sur lui. Gabi ne put retenir un hoquet de surprise en remarquant la goutte de sang qui s'échappait déjà du bout de son doigt. Elle pouvait encore voir l'Assaillant détruire cet immeuble, derrière la scène des Teyber, et se jeter sur la foule. Le débri qui avait écrasé Sophia au passage. Les spectateurs en panique qui avaient piétiné Udo. L'idée d'avoir à être témoin d'un tel massacre à nouveau lui donnait la nausée.
— Si tu veux vraiment aider, alors prouve-le.
— Je peux te montrer où se cachent mes alliés.
Ces mots firent tiquer Ophelia. Trahir les Mahr était une chose, trahir ses camarades guerriers en était une autre. Jamais Pieck n'irait jusqu'à mettre Porco en danger, elle en était certaine.
— Comment ? demanda Eren, attentif aux expressions de sa partenaire qui témoignaient des mensonges de Pieck.
— On a juste à aller sur le toit et je te montrerai.
Le jeune homme la dévisagea un moment, loin d'être dupe. Quand sa plaie se referma d'elle-même, Gabi se remit à respirer et Ophelia lui lança un regard interrogateur. Il semblait plutôt serein, pour quelqu'un qui se dirigeait sûrement droit dans un piège.
— Ophelia, va prévenir tout le monde. Qu'ils se tiennent prêts.
Confuse quant à ses intentions, elle eut besoin d'une seconde avant d'enregistrer la directive.
— À vos ordres, chef, je suppose, ironisa-t-elle alors.
La plaisanterie ne fit rire personne, mais elle n'y prêta aucune attention et se hâta de quitter la pièce. S'il s'agissait vraiment d'une embuscade, il fallait effectivement que tous les soldats soient prévenus et prêts à intervenir. Tous ces pro-Jaeger allaient enfin servir à quelque chose, finalement.
Arrivée dans le grand hall du bâtiment, là où se trouvait l'escalier menant au toit, Ophelia siffla pour être certaine d'attirer toute l'attention sur elle. Elle tapa bruyamment dans ses mains et afficha un grand sourire en voyant les regards se tourner vers elle.
— L'heure de la pause est finie ! Il y a quelqu'un qui est responsable de votre petit groupe - quoique plus si petit que ça - ou vous manquez tant d'organisation que ça ?
— Qu'est-ce que tu fous ici ?
Surprise, la jeune femme se retourna et ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel en voyant celui qui approchait.
— Évidemment, marmonna-t-elle.
— T'es censée être en cellule, continua Floch, une main déjà posée sur son arme qu'il ne quittait plus. Tu viens d'où comme ça ?
— J'étais avec Eren, figure-toi ! On parlait stratégie, tout ça, sourit Ophelia. Et tu t'es un peu engagé à lui obéir, non ? Parce que là, il veut que tout le monde se tienne prêt pour intervenir si les espions venus de Mahr décident d'attaquer. L'une d'entre eux a retourné sa veste, apparemment.
— Pourquoi je croirais un ordre qui vient de toi ? De mon point de vue, j'ai déjà une espionne venue de Mahr sous les yeux.
Un soupir ennuyé échappa à la soldate. Provocatrice, elle leva une main pour tapoter du bout de son doigt la tempe de son interlocuteur.
— Tu réfléchis pas beaucoup, rouquin. Si j'étais contre vous, pourquoi j'attirerais volontairement votre attention sur moi ? Arrête d'être stupide une seconde et laisse tout le monde se mettre en place comme Eren l'a ordonné, d'accord ?
Autour, les fameux pro-Jaeger ne purent que s'activer lorsque ses yeux perçants se posèrent sur eux. Floch ne les en empêcha pas, bien que frustré de devoir donner raison à Ophelia. Qu'il y ait urgence ou non, rester en position était plutôt une bonne idée. Néanmoins, la condescendance de la jeune femme commençait à lui taper sérieusement sur les nerfs.
— Tu comptes te servir de ton arme ou juste la tripoter en me regardant pendant encore dix minutes ? ironisa-t-elle.
— Tu t'es forcément échappée, à un moment ou un autre. Je doute que tu aies pu te débarrasser de plusieurs gardes toute seule, sans aucune arme.
— Tu me sous-estimes peut-être.
— Ou bien je réfléchis plus que tu ne le penses.
— Admettons que j'ai été aidée par l'ennemi, sourit Ophelia tout en avançant d'un pas dans sa direction. Si Eren ne dit pas que c'est un problème, pourquoi c'en serait un à tes yeux ? Tu as certainement plus important à gérer, non ? Pas que tu sois moins un mouton que les autres, mais c'est toi qui as le pouvoir sur ces troupes donc ça doit certainement te donner l'impression d'être plus important que la moyenne.
Rassemblés dans l'escalier et partout dans le hall, les soldats retinrent leur souffle quand le cliquetis de l'arme de Floch résonna à travers la salle.
Un sourcil haussé, Ophelia leva les yeux vers le revolver pointé sur son front et adopta une expression presque attendrie.
— Ça sert à quoi, ça, exactement ? Pas à me faire peur, j'espère. On sait tous les deux que tu ne tireras pas.
— Ça reste tentant, dit Floch avant d'esquisser un sourire arrogant. Tu disais quoi, à propos des moutons ?
— Tu mourras pour des convictions qui ne sont pas les tiennes, tu sais ? Tu penses certainement qu'elles le sont, mais tu es juste fatigue et en colère contre le monde, alors tu choisis la facilité.
— La facilité ? répéta-t-il en avançant d'un pas supplémentaire, son arme désormais collé au front de sa cible. On fait ce qu'il faut pour notre peuple, celui qu'on a toujours connu. Peu importe ce que ça nous coûte. Ça t'échappe certainement, puisque tu préfères retourner ta veste à volonté et ne pas t'affilier à un côté ou un autre, mais certains d'entre nous apportent de l'importance à la loyauté.
Ophelia prit le temps de réfléchir à ces mots, à son point de vue. Il était persuadé de faire le bon choix, elle pouvait le voir dans ses yeux. Malgré la fatigue, malgré le fait que ces idées extrêmes le mèneraient à sa perte exactement comme elles le feraient avec Eren, il ne reculerait pas. Un mince élan de compassion s'empara d'elle mais la jeune femme n'eut pas le temps de l'exprimer, coupée dans son élan par la main qui saisit fermement le canon de l'arme braquée sur elle.
Pris sur le fait comme des enfants en train de se chamailler, les deux éléments perturbateurs que les pro-Jaeger observaient avec attention depuis quelques minutes se tournèrent vers Eren avec surprise. Derrière lui, Pieck et Gabi se partageaient une paire de menottes afin que la guerrière ne puisse pas se transformer sans sacrifier sa jeune camarade et d'autres gardes s'amassaient, armes bien en main.
— Arrête ça, lança-t-il froidement à Floch. Ophelia, tu nous suis.
Il s'engagea dans les escaliers sans perdre plus de temps, laissant son arme à Floch une fois qu'il l'eût abaissée. Eren n'eut pas l'occasion de voir l'expression colérique du rouquin quand la soldate lui tira discrètement la langue mais, conscient qu'il était bien son genre de faire quelque chose de cette trempe dans son dos, il l'imaginea sans difficulté.
Quand l'attention générale fut redirigée sur les deux intruses, quelques commentaires se firent entendre. Beaucoup avaient vu le Titan Charrette à l'action, mais peu connaissaient la forme humaine de Pieck. Indifférente aux remarques murmurées sur son passage, elle pouvait même comprendre leur surprise. En dehors de son Titan, elle n'était qu'une petite femme maigrichonne aux yeux fatigués.
Suivant silencieusement le cortège, Ophelia écouta la guerrière tenter de soutirer des informations à Eren. Puisqu'il avait bien voulu avouer à Gabi ce qu'il était arrivé à Falco, elle devait penser qu'il était ouvert à la conversation. Pieck voulait avant tout connaître les mystères de Sieg, savoir ce qu'il avait en tête, ce que son sang cachait pour expliquer sa relation naturelle avec l'Originel et sa faculté à pouvoir transformer des Eldiens grâce à son liquide cérébro-spinal, mais surtout la raison pour laquelle il choisissait un demi-frère inconnu plutôt que les camarades qui avaient grandi avec lui. Déjà quatre ans auparavant, elle avait prédit que Sieg n'était pas tant contre Eren que cela, lorsqu'il avait affirmé qu'ils étaient tous les deux des victimes de leur géniteur et qu'il l'aiderait à se sortir de là.
Seulement, pour quiconque savait observer les choses d'un œil objectif, il était évident que l'attachement de Sieg pour son demi-frère n'était pas aussi réciproque qu'il l'imaginait.
Arrivés au bout des escaliers, les grandes portes menant au toit s'ouvrirent et Pieck fut surprise d'apercevoir Yelena. Cette dernière la laissa rejoindre l'extérieur et intima à Eren de se méfier d'elle, plus que consciente de sa dangereuse intelligence. Loin d'être naïf au point de faire confiance à une ennemie du jour au lendemain, le jeune homme acquiesça et se retourna seulement pour faire signe à Ophelia de rester en retrait. Elle se plaça à côté de la grande blonde sans un mot tandis qu'Eren se remettait en marche.
— Nerveuse ? tenta Yelena.
— J'ai grandi en me préparant à devenir une arme militaire, répondit Ophelia d'un ton léger. Tu t'es retrouvée là-dedans parce qu'un singe de dix-sept mètres t'a sauvé la vie et a réveillé en toi des délires bizarres. Qui est la mieux préparée pour une guerre, à ton avis ?
Un léger sourire étira les lèvres de la mercenaire.
— Contente de te revoir, avoua-t-elle.
— Peu réciproque.
La conversation des deux soldates se termina à l'instant même. À quelques mètres de là, au milieu de la grande esplanade qui formait le toit du bâtiment militaire, Eren positionna une main dans son dos que tout le monde vit. Il s'arrangea pour trancher à nouveau le bout de son doigt et Ophelia se redressa, le regard rivé à cette scène alors qu'un silence pesant tombait sur eux tous. Yelena intima à ses hommes de redresser leurs armes d'un seul poing levé.
— Je t'écoute, fit Eren. Où est l'ennemi ?
Déboussolée, Gabi releva un regard nerveux vers Pieck lorsque sa main attrapa la sienne dans un geste rassurant. La guerrière lui adressa un de ces doux sourires dont elle avait le secret et se retourna pour faire face au Jaeger avec résignation. Tous suivirent le bras qu'elle leva et le doigt qu'elle pointa droit vers lui.
— Juste là.
Gabi eut tout juste le temps de sentir la première secousse du sol avant que sa camarade ne l'entoure de ses bras pour la protéger des débris. Bouche bée, Ophelia vit Eren disparaître un instant dans un amas de briques tandis que l'énorme tête du Mâchoire émergeait du sol. Le Jaeger parvint à se décaler à temps bien qu'il dû y laisser ses deux jambes et croisa le regard du Titan qui prit trop tard conscience de son erreur. Quand l'Assaillant se matérialisa, Ophelia laissa échapper un soupir de soulagement sans pouvoir s'en empêcher. De l'autre côté du toit, Porco se dépêcha de placer l'une de ses mains parée de griffes solides devant Pieck et Gabi, les protégeant de la nouvelle pluie de débris qui menaçait de les atteindre.
— Ne sois pas si vite soulagée, dit Yelena.
L'ancienne aspirante leva la tête par instinct et découvrit avec horreur les dirigeables qui survolaient déjà Shiganshina, sûrement blindés de soldats et d'armes Mahr. Reiner devait forcément se trouver dans l'un d'eux, plus que prêt à venger sa ville natale et à mettre un terme aux agissements d'Eren pour de bon.
— Toujours aussi préparée pour la guerre ?
Ophelia serra les dents, loin d'être d'humeur à supporter son ironie. Quand elle se tourna dans sa direction, la jeune femme ne s'adressa pas à la grande blonde mais à Onyankopon qui sursauta tant son regard perçant le suprit.
— Je vais avoir besoin des clefs de la cellule où l'élite du Bataillon d'Exploration a injustement été enfermée, déclara Ophelia. Tout de suite.
。・:*:・゚★,。・:*:・゚☆
ce chapitre a l'air bâclé mais trql
les prochains seront principalement l'action et dieu sait que je ✨galère✨ avec l'action mais bOn
à bientôt quand même huhu
Zoé
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